my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

J’avais encore passé la nuit devant la télévision, oubliant que le lendemain était le premier jour de cours et que j’avais un gros devoir. Je m’étais réveillé une heure en retard, et le devoir avait sûrement déjà commencé. C’est vrai que mon absence ne choquait personne, de toute façon on était tellement habitué à me voir ne rien faire. Cependant, mon père était rentré ce week-end-là, me forçant à aller à ce foutu examen. J’étais dans l’impasse. Il ne venait presque jamais à la maison, alors je voulais le rendre fier de moi. Je ne voulais pas le décevoir ni lui désobéir, déjà qu’il en demandait peu… Après tout, il était la seule famille qui me restait. J’avais donc passé mon samedi à réviser pour un examen qui m’importait peu. Et puis il n’y avait pas que mon père que je voulais rendre fier. Il y avait Valentyne aussi. Mine de rien, elle comptait pour moi. Elle avait dépensé tellement de temps pour moi qu’échouer m’aurait fait mal. Cet examen était donc quelque chose d’important finalement, c’est pourquoi je me dépêchais dans les rues d’Arrowsic, café dans la main, car je n’avais pas eu le temps de manger quelque chose.

Je ne faisais attention à personne. Seul but : se rendre au lycée le plus vite possible. Malheureusement, mon père était parti très tôt ce matin, et il avait donc amené la voiture. Il ne rentrerait que tard le soir, m’avait-il dit. Il ne me restait donc que mes deux pattes d’hommes, qui n’étaient pas très en forme vu la nuit que j’avais passé. Elles étaient encore engourdies. A vrai dire, tout mon corps dormait encore, alors qu’il fallait que je sois au meilleur de ma forme. Visiblement, j’étais un bon à rien. Jamais je ne pourrais faire quelque chose de bien. Jamais. A ce moment-là, je regrettais d’avoir arrêté les cours d’athlétisme au collège. De toute façon, j’avais toujours arrêté tout ce que j’avais entrepris, ce que, aujourd’hui, je regrettais amèrement. J’aurais pu être un joueur de football exceptionnel, un champion de rollers ou de motocross, mais non, moi, Jay Walker était fait pour être un bon à rien.

Alors que je marchais dans les rues d’Arrowsic à une allure folle, envahi de pensées, je fus arrêté par un brusque choc. Oh non, ce n’était vraiment pas le moment. Je mis quelques minutes que j’avais percuté quelqu’un, et que ce quelqu’un avait fait renversé mon starbuck sur mon nouveau pull. Je ne pus m’empêcher de grogner un « Putain ! » Cependant, je n’avais toujours pas oublié mon objectif qui était l’examen de mathématiques, et donc pour une fois, je voulus me retenir de crier ses quatre vérités à celui qui m’avait bousculé. Je m’apprêtais donc à reprendre mon chemin sans rien dire, quand une voix familière et exaspérante se fit entendre. Pas lui. Non. Ma tête faillit exploser. Il ne manquait plus que lui pour gâcher cette journée qui avait si mal débutée. Je ne pouvais pas ignorer ces dires, surtout qu’il avait pris un ton assez agressif, que je n’appréciais pas du tout. Non mais pour qui il se prenait celui-là ? Avec un air assez hautain, je lui dis : « Figure-toi que je n’ai pas que ça à faire de te foncer dessus, tu vois. Moi, j’ai autre chose à faire. » Rien que le voir m’exaspérait. J’avais envie de prendre sa tête et la compresser comme on compresse un citron. Enfin bon, je voulais perdre le moins de temps de possible. Il fallait qu’il comprenne que j’avais raison et qu’il avait tort. Je n’allais pas me laisser avoir par cet abruti. A ce moment-là, je ne pensais même plus à ce fichu examen. « Mais t’as vu ce que t’as fait ! Et après tu dis que c’est de ma faute ! Je ne vais pas me ramener comme ça au lycée ! » Ah j’en avais vraiment marre. Pourquoi le sort s’acharnait-il sur moi ? Pourquoi ça n’arrivait qu’à moi ? A croire que j’étais maudit. « Putain ! T’as pas un truc pour essuyer cette merde là ? » Ah, c’est fou à quel point j’avais envie de lui mettre mon poing dans sa tête.

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

Il y a des journées comme ça, où on a envie de crier et de taper tout ce qui se trouve devant nous. J’étais dans cet état-là ce jour-là, or la seule chose qui se trouvait devant moi était Felix. Mon poing était tellement serré que j’avais peur que ma main explose. Je n’avais qu’une envie : lui en coller une en pleine face. Cela me ferait tellement du bien, et puis au moins, mon précieux temps ne serait pas perdu. Oh oui, j’en avais envie. Mais bon, il fallait que je me contrôle, je ne tenais pas vraiment me retrouver au commissariat juste pour une dispute. De plus, je voulais tout faire pour qu’il arrête de me parler et me laisse tranquille. Après tout, j’étais en retard, et j’avais un examen. La raison allait l’emporter : mes pieds se tournaient déjà vers une autre direction, quand le son de sa voix retentit dans mes oreilles. C’était plus fort que moi, je ne pouvais pas fuir tel un chat à l’approche d’une voiture. « Bon écoute, tu n’avais qu’à pas être sur mon chemin, c’est tout. Alors maintenant, aurais-tu l’obligeance de dégager de mon chemin ? » Je lui adressai un sourire hautain et prétentieux, plein d’arrogance. Etre détestable me manquait. Me confronter à quelqu’un était si bon, si plaisant, et j’avoue que cela m’avait beaucoup manqué depuis quelques jours. Et pour ça, Felix était le parfait cobaye. Il était têtu comme une mule, et moi aussi. Bizarrement, me « battre » avec quelqu’un ne me déplaisait pas, au contraire. Le monde semblait trop gentil à Arrowsic, et il fallait que ça change. Heureusement, j’étais là pour régler ce problème.

La tâche de café transperçait mon t-shirt et commençait à me chauffer le torse. Ce n’était pas vraiment agréable. Cependant, ce Felix ne semblait pas le remarquer : il avait même l’air de complètement s’en ficher. Ah, il m’exaspérait à un point. Il faut dire que je n’étais pas de très bonne humeur ce jour-là, alors cela n’arrangeait rien. Tant mieux, je n’avais aucun scrupule à être exécrable, surtout avec lui. N’empêche que ce café devait être brûlant, car le liquide continuait à me chauffer le corps. Un coup de vent passa, et cela me congela littéralement. Passer du brûlant au froid, ce n’était vraiment pas agréable. Et j’étais là, tel un pion, à subir ce changement de climat dans tout mon corps. J’avais l’air idiot mais bon, ce n’était pas de ma faute. Décidément, Felix semblait être de bonne humeur pour m’embêter. Et moi, je ne l’étais pas. Visiblement, on avait tout pour ne pas s’entendre. Ça tombait bien : je n’en avais aucune envie. « S’il te plait cher Felix, pourrais-je avoir un mouchoir ? » Je lui arquais un sourire tellement gai que la fausseté de ce geste se voyait comme le nez sur la figure. Je n’aimais pas être gentil, je n’aimais pas être poli, alors autant être gentil tout en étant arrogant. Seulement, je ne pouvais pas rester gentil plus de deux secondes. Alors mon sourire disparut tout d’un coup, et je dis : « Ça te va là ? » Ah il m’énervait, il m’énervait. Et cette foutue tâche qui continuait à me chauffer !

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

Je n’avais rien à lui dire. D’ailleurs, je me demandais bien pourquoi je persistais à rester, alors que je n’aurais même pas dû avoir faire à lui. Il faut croire que le destin en avait destiné autrement. Mais pourquoi se foutu destin rassemblait les personnes qui n’étaient pas faites pour être ensemble ? Je veux dire : Felix et moi, on se déteste, c’est une évidence, et pourtant, je le croise plus que mon propre chat. C’était dingue ça. De toute façon, je ne comprendrais jamais rien à cette foutue vue, à ce foutu destin, et surtout à ce foutu hasard. Allez savoir, peut-être que j’étais un ignorant, que sais-je de toute façon ? Je levais les yeux au ciel. Lui aussi persistait à rester. En fait, nous n’avions pas bougés d’un pas. Nos regards se fixaient avec une haine grandissante, une haine venue de rien d’ailleurs. Mais en même temps, je devais avouer que j’adorais provoquer les gens pour rien. Et Felix était une très bonne victime, car elle ne se laissait pas faire. C’était beaucoup plus divertissant ainsi. En fait, nous étions deux têtes de mules, qui adoraient s’insulter pour un rien. Mais il fallait avouer qu’insulter comme ça, dans la rue, sans cause bien sérieuse, défoulait vachement. Et juste pour ça, je remerciais ce cher Felix d’être mon punching-ball.

Il est vrai que j’adorais avoir raison. Il est vrai aussi que j’avais un regard méprisant. Il est vrai que je me sentais supérieur. Mais ce qui était plus que vrai, c’était que Felix était un enquiquineur à plein temps. Un mec qui n’avait rien d’autres à faire que de bousculer les gens. Quelqu’un qui cherchait la petite bête noire. Enfin bref, inutile de préciser que Felix Moorgate m’exaspérait plus que tout. La colère me montait jusqu’à la tête. Tout mon corps était irrité à la vue de cet homme. Oui, je peux tout à fait affirmer que Felix est quelqu’un de très énervant à mes yeux, et que non, jamais je ne serai son ami. Plutôt mourir. « Sache que tu vas regretter amèrement ce que tu viens de dire. Personne n’ose me contredire. Sauf toi. Tu dois vraiment être un imbécile pour ne pas comprendre ça. Enfin bon, je ne t’en veux pas. T’y peux rien si t’es ignorant. » Et toc. Qu’est ce que j’aimais être méchant et insultant ! Ces derniers temps, je l’avais moins été, surtout grâce à la présence de Lucy qui m’apaisait, mais là, j’avoue que cela me relaxait, et beaucoup même. J’en avais même oublié mon examen.

D’ailleurs, j’avais envie de l’embêter un peu. Jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Jusqu’à ce qu’il soit à bout. Et je comptait bien m’y mettre. « Bon tu m’excuseras hein, j’aime beaucoup ta présence mais là j’ai rendez-vous avec une super fille. D’ailleurs tu dois la connaître, elle s’appelle Charlie, enfin bon je ne t’apprend rien, n’est-ce-pas ? » Je m’amusais à lui tendre des sourires plus que faux, et je voyais bien que cela l'énervait, c’est pourquoi je continuais, juste pour qu’il commence bien la journée. D’ailleurs, la mienne avait plutôt mal commencée : j’avais une tâche de café en plein milieu de mon t-shirt. « Bon bah passe-moi ton t-shirt, ça fera office de torchon. » Mon dieu, qu’est ce que c’était bon d’être exécrable !

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

Je ne comptais pas croiser Felix tous les jours, loin de là. D’ailleurs, l’éviter aurait été la meilleure chose, mais il fallait voir les choses en face : il était impossible d’éviter quelqu’un à Arrowsic. Impossible. Cette ville était tellement petite, que je ne savais même plus si c’était une petite ville ou un village. Et j’avoue que cela m’énervait. On ne pouvait rien garder de secret ici, les commérages circulant à la vitesse d’une fusée. Tout le monde se connaissait, tout le monde était au courant de qui avait quoi, et c’était exaspérant. Je ne pouvais pas vivre dans ce monde de commérages et de préjugés. J’avais déjà une étiquette : celui d’emmerdeur du quartier, et cela m’énervait. Les gens s’attardaient sur ce qu’on leur disait tout le temps, sans prendre la peine de comprendre. Je n’avais pas d’intimité ici, pas de vie privée. Je ne pouvais pas non plus me cacher quelque part et m’isoler, puisque tout le monde connaissait les moindres recoins de cette ville. C’était lassant. Je n’en pouvais plus de vivre ainsi. J’en avais marre de croiser les mêmes gens tous les jours, surtout Felix en fait. Si on s’était rencontrés à New York ou à Los Angeles, il est quasiment certain qu’on ne se serait pas revus ensuite. Or, ici, c’était le cas. C’était peut-être la deuxième fois, mais c’était la deuxième fois de trop. Je ne voulais plus voir sa tête d’abruti fini et entendre ses paroles agaçantes. Il m’énervait tellement quand il parlait. Il se prenait pour celui qui savait tout. En tout cas, j’en avais l’impression. Il pensait tout savoir sur moi, or, ce n’était pas le cas, et je ne supportais pas ça. Si ça n’en tenait qu’à moi, je l’aurais déjà cogné un bon coup mais bon. Je le regardai avec le plus d’arrogance possible, comme je savais très bien le faire, tout en disant : « Et bah arrange-toi pour que ça n’arrive plus jamais. Peut-être que t’aimes bien me voir, mais pas moi. Ta tête de schrek me donne envie de vomir, tu vois ? » Pourquoi était-il autant certain de me revoir ? En même temps, c’était la vérité, mais pourquoi autant d’acharnement ? Je ne trouvais rien de bien chez ce Felix. Je ne pouvais pas l’apprécier. De toute façon, il était rare que j’apprécie quelqu’un, et ce cher Felix n’échappait pas à la règle. Il était idiot. Je savais qu’il avait compris. Peut-être voulait-il être certain que je parlais de sa Charlie. Oui, car j’étais au courant pour lui et elle. Je les avais déjà vus ensemble en fait. Je ne savais pas ce qui se passait entre eux, mais il semblait intéressé par cette fille. Et je n’allais pas me gêner pour me vanter de l’avoir mise dans mon lit. Oh que non. Je souris alors, plein de vanité et d’orgueil, avant de dire : « Parker. » Rien qu’en voyant sa tête, ça me faisait rire. J’adorais l’énerver, je devais l’avouer. La tâche de café me chauffait encore, mais elle se refroidissait et cela n’était pas une sensation très agréable à vrai dire. Et il ne faisait rien pour arranger tout ça. Il s’en fichait royalement. J’avais tellement vie de le faire disparaitre, mais ce n’était pas possible malheureusement. « T’es pas drôle, tu sais. » J’étais vraiment exaspéré de la situation, mais je m’amusais quand même à lui lancer des pics. « Quoi que, t’était peut-être sérieux ? Oh je suis désolé, j’ignorais que tu avais des goûts vestimentaires exécrables ! Enfin bon si tu veux je te le passe mon t-shirt hein, comme ça ce sera toi le lanceur de mode ! » Je marquai une pose, avant de dire : « T’es vraiment con comme mec. » C’était plus fort que moi, et puis ça faisait tellement de bien de l’insulter.

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

Je savais que notre discussion ne menait à rien. Je savais aussi qu’on avait l’air de deux idiots s’insultant pour un rien. Je savais tout ça, mais pourtant, je continuais à le provoquer, à le chercher, à l’insulter, alors que j’aurais très bien pu détourner mon chemin sans rien dire. Seulement, ce n’était pas mon genre de faire comme si rien ne s’était passé. Il fallait se rendre à l’évidence : j’avais un problème avec Felix, et il avait un problème avec moi. C’était comme ça. Nous n’étions pas faits pour nous entendre, et il fallait l’accepter. De toute façon, cela ne m’affectait pas du tout, je m’en fichais de le détester. « C'est moi qui doit m'arranger ? Fais un détour toi. » Que je fasse un détour ? Mais bien sûr ! Je n’avais pas que ça à faire, pour qui il me prenait celui-là ? Il était vraiment idiot, je ne le supportais pas du tout. Notre discussion se faisait de plus en plus puérile, mais je m’en fichais. Il me tapait tellement sur les nerfs que je ne voulais pas partir comme ça : je voulais absolument avoir le dernier mot, comme toujours d’ailleurs. Il est vrai que nous étions tous les deux têtus, et que cela ne menait à rien, mais qu’importe. C’était un désir de s’insulter librement, un désir de critiquer l’autre même s’il n’y a pas de raison bien pertinente. « C’est le seul chemin pour aller à mon lycée, pas de chance hein ? » A vrai dire, je n’étais nullement heureux de pouvoir le voir tous les jours, mais c’était une fatalité : nous ne pouvions pas nous éviter. C’était de l’ordre de l’impossible. Je soupirai. « Bon et bien, je suppose qu’on va devoir se croiser tous les jours. » Il ne répondit rien, je le regardai amèrement. « Ce qui ne m’enchante pas du tout, enfin je pense que tu le sais. » Je laissai un silence. « Donc la prochaine fois que tu me vois, est-ce que tu pourras éviter de me parler, s’il te plait ? » Mon air hautain se faisait sentir plus que tout, mais cela m’importait peu. Je voulais mettre fin à ces stupidités, et l’ignorer, pour toujours si possible.

Felix semblait être fortement intéressé par cette Charlie, ce qui m’intriguait assez, je l’avouais. Je ne connaissais pas Felix, en tout cas vraiment très peu, alors je l’ignorais complètement pourquoi il me posait tant de questions sur cette fille sans grande importance à mes yeux. Je ne savais rien, mais j’en jouais. J’adorais chercher les gens, les embêter, en tout cas, avec Felix, ça marchait parfaitement. Seulement, je n’allais pas lui faire le plaisir de tout lui avouer, comme un vulgaire enfant à qui on pose des questions. Oh non, ça serait bien trop facile. Et je déteste ce qui est facile. C’est pourquoi j’avais dans l’optique de le faire mariner, de ne pas lui répondre, histoire qu’il se pose plein de questions, même pendant son sommeil. Qu’est-ce que j’adorais ça ! Alors je le regardai, avant de lui dire : « C’est bientôt fini l’interrogatoire, inspecteur ? » Je n’avais aucune obligation à lui répondre, vraiment aucune. S’il croyait que j’allais lui dire quoi que ce soit, il se mettait le doigt dans l’œil.

Apparemment, lui aussi prenait un malin plaisir à m’embêter et à me critiquer. Tant mieux, c’était beaucoup plus drôle qu’une personne qui se laissait faire comme une pauvre bête. Je n’aimais pas Felix, mais il fallait se rendre compte d’une chose : ce n’était ni un dégonflé, ni un menteur. Au moins, il avait le cran de se mesurer à moi et de me dire ce qu’il pensait vraiment, ce que la plupart des gens ne faisaient pas. Pour ça, je dois bien reconnaitre que Felix est humble. Mais bon, cela ne m’empêche pas de le détester, au contraire. Quoiqu’il en soit, c’est assez agréable de parler avec quelqu’un qui a du culot. Et il en avait. « Je préfère que mes vêtements soient exécrables, plutôt que je le sois moi. Pas comme certains... Toi tu t'en fiches d'avoir les deux hein ? » J’arquai un sourcil, avant de lui répondre plein d’arrogance : « Tu te crois drôle ? » Ça devait être le cas, car il semblait vouloir me faire des blagues et me taquiner toute la matinée. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était, mais tout ce que je savais, c’est que j’avais pris un retard immense, et qu’il n’était plus possible de rattraper mon retard. Cela m’énervait évidemment, mais c’était plus fort que moi. J’allais décevoir mon père, encore une fois. Il devait sans doute avoir l’habitude. Ce bon vieux Felix me réveilla finalement de mes pensées. Je lui souris toujours avec autant de fausseté, avant de dire : « Mais je ne demande que ça, voyons. Si tu aurais l’amabilité de te pousser, peut-être alors ne me ferais-je pas gronder par le proviseur. »

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

Je ne savais pas pourquoi je persistais à m’acharner avec Felix, à l’écouter, à lui répondre, tout en sachant que cela ne servait à rien. Une chose était sûre : je perdais mon temps, et cela commençait sérieusement à m’énerver, mais je restais planté là. Il faut croire que mon envie d’insulter quelqu’un était tellement forte, au point d’en oublier mes obligations. De toute façon, je ne respectais jamais rien donc cela ne me changeait pas de mes bonnes habitudes. D’ailleurs, j’avais l’impression que cela faisait une éternité que je lui parlais. C’est fou comment le temps passait vite, quand on insultait quelqu’un ! Pour une fois que j’aimais bien avoir une « discussion » avec quelqu’un, je voulais en profiter. Mon examen était définitivement tombé à l’eau. « Attends... T'as dis "s'il te plaît" là ? Alors il se pourrait vraiment que parfois tu arrives à être à peu près poli ? Wow. » Ah, il m'insupportait. Chaque mot, chaque syllabe, chaque son qui sortait de sa bouche me donnait envie de le mettre à terre. Cependant, je parvins à me contenir et garder mon calme, comme je le faisais toujours, d’ailleurs. J’avais un self-control impressionnant, et pourtant, l’envie de le frapper me démangeait à un point indéfinissable. Je m’étonnais moi-même, c’était pour dire. « Mais dis donc, c’est que ta remarque est constructive ! Ouais ça m’arrive d’être poli, ça te choque tant que ça ? Et bah, si t’es choqué pour ça, j’aimerais bien savoir ta réaction quand tu sauras que j’ai couché avec Charlie ! » Je savais que je dépassais les limites, je savais que je m’initiais dans sa vie privée, mais je m’en fichais complètement. Je n’allais pas me gêner, surtout avec Felix. Je ne pus m’empêcher de lâcher un « Oups ! » J’étais le roi des emmerdeurs, je le savais, et j’aimais ça.

Évidemment que j’aurais pu lui répondre. Cela ne m’aurait rien coûté. Seulement, j’aimais bien l’embêter, et puis je n’étais à ses ordres, alors je faisais ce qui me plaisait. Et si ça me plaisait de ne pas lui répondre, et bien soit. Il n’avait rien à dire là-dessus. Visiblement, il semblait du même avis que moi, puisqu’il prétendait que cela ne l’importait pas. Oui j’avoue, sa réaction m’énerva assez : je n’avais pas réussi à le provoquer. Je m’étais sans doute trompé sur son compte, peut-être qu’il ne tenait pas tellement, à cette Charlie. Je me sentais un peu défaitiste, mais bon, j’allais bien pouvoir le provoquer autrement. De toute façon, je regorgeais d’idées, ce n’était pas ce qui me manquait. « En fait, je m'en fiche. Le seul truc que t'as pas intérêt à faire, c'est de t'approcher de sa fille. » Ah, j’adorais Felix parce qu’il me donnait toujours le moyen de pouvoir le provoquer, et c’était si plaisant. Alors, avec un air plus supérieur et hautain que jamais, je m’approchais doucement de lui, avant de le fixer. Nous faisions un peu prêt la même taille, ce qui était plutôt étonnant mais bon. Cela ne m’empêcha pas de me sentir supérieur, au contraire. Alors, je lui lançais avec un regard défiant : « Sinon quoi ? » Oui, je savais que je commençais sérieusement à l’énerver, et qu’il n’allait sans doute pas tarder à exploser, mais le faire tourner en bourrique me rendait tellement heureux ! En tout cas, je n’avais pas peur de lui, je n’avais pas peur de mal lui parler, je n’avais pas peur de ce qu’il pourrait me faire, ni de ce qu’il pourrait me dire.

Visiblement, il avait l’air d’apprécier ma présence : il ne voulait vraiment pas que je parte, ce que je trouvais ça amusant. J’avoue que cette discussion me divertissait grandement moi aussi, mais je ne l’aurais pas continuée toute la journée. Au moins, je ratais des cours, et cela était plutôt plaisant. Je séchais souvent, c’est vrai, mais depuis peu, mon père surveillait toutes mes absences, même étant loin de moi, ce qui expliquait ma présence au lycée quotidienne. Cependant, ce jour-là, j’avais une bonne excuse à donner à mon père : Felix. Il serait tout à fait d’accord, en me disant que je ne devais pas me laisser faire. Je ne m’inquiétais donc pas pour mon absence, mais la présence de Felix commençait à m’irriter fortement, et je n’étais pas certain de pouvoir m’empêcher de le frapper encore longtemps… « Tu te prends pour mon père ou quoi ? Je fais ce que je veux, il me semble, non ? » Non mais après tout, pour qui il se prenait celui-là ? « C’est bon, tu peux le dire hein que tu adores parler avec moi ! » Encore de l’ironie bien sûr. Toujours de l’ironie. Mais c’était tellement amusant.

my lonliness ain’t killing me no more I’m stronger.

« Tu as quoi ? » Visiblement, je l’avais choqué, le petit Felix. Il avait sans doute été surpris qu’une femme aussi belle et sensuelle que Charlie s’intéresse à moi, plus qu’à lui. Oui, c’était sans doute ça. En tout cas, j’étais vachement satisfait de mon coup, et je n’arrivais pas vraiment à cacher mon enthousiasme. En effet, j’affichais un petit sourire en coin, qui exaspérait sans doute Felix, vu le regard qu’il me lançait. « Sinon je t'explose. C'est simple non ? Autant Charlie est adulte et elle fait ce qu'elle veut, si elle a envie de coucher avec des abrutis, c'est son problème. Mais sur Carlie, j'ai mon mot à dire. » Il me menaçait alors que je n’avais aucune idée de qui était cette Carlie, enfin bon. Je feignais de faire comme si, parce que cela l’exaspérait encore plus, je le savais. Alors qu’il parlait, je jetais un œil à montre –imaginaire- en signe de lassitude et d’ennui. J’adorais faire ça, vraiment. Une fois qu’il eut fini de parler, je lui dis : « T’as fini ? Non mais c’est parce que je n’ai pas le temps d’écouter ton discours de menace à la noix, tu vois. » J’arquais un sourcil, avant de le regarder de haut en bas, sans prononcer un seul mot. Bon, ce n’est pas qu’il commençait à m’énerver le petit Felix, mais un petit peu quand même. En plus il m’énervait avec ses menaces, que je ne croyais pas, soi-disant passant. Je voyais qu’il commençait à être en colère, et je me dis que le rouge n’allait pas tarder aux oreilles. Alors, comme je ne voulais pas qu’il s’énerve pour si peu, surtout pour quelque chose qui m’importait peu, je lui dis, en le rassurant : « C’est bon je lui ferais rien à cette Carlie. » Non mais c’est vrai quoi ? Pourquoi je m’embêterais avec cette fille que je ne connais même pas ? C’est vrai que je détestais Felix, mais pas au point de vouloir le blesser tous les jours en me rapprochant de quiconque qui serait proche de lui. Ce ne serait que perte de temps, de toute façon. « Oui j'adore parler avec toi... tout comme j'adorerais te mettre mon poing dans la figure. Mais tu vois, je me retiens. Je voudrais pas abîmer le joli petit visage du fils à sa maman. » Je ne pus m’empêcher d’avoir un rire amusé. Oui, cette situation m’amusait. Felix m’amusait. « T’as tout compris. » Voyant que nous n’avions plus rien à nous dire, et voyant que nous voulions tous les deux passer à autre chose, je lui dis : « Ah, en tout cas c’est vraiment sympa de parler avec toi Felix, tu sais. » Oui, je ne pouvais pas m’empêcher d’être hypocrite, cela m’amusait tellement. « Il serait peut-être temps qu’on se quitte, maintenant ? » Là pour le coup, j’étais sérieux. Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé, beaucoup trop peut-être, mais bon, je devais tout de même aller au lycée.