Cette journée de congé faisait le plus grand bien à Rebekah. Pour la première fois depuis son retour à Arrowsic, elle n'avait pas besoin de courir à travers la ville pour des démarches administratives, ou pour se trouver un appartement. Elle avait quasiment tout ce dont elle avait besoin désormais, et elle avait donc décidé de profiter pleinement de sa journée de repos pour une fois. Elle n'aurait à emménager que dans un mois et n'avait aucune envie de commencer ses premiers achats. Elle ne passerait de toute façon pas énormément de temps chez elle avec les gardes qu'elle enchaînait à l'hôpital, et Keith qui ne manquait jamais une occasion d'insister pour qu'elle reste dormir. D'ici là qu'elle trouve le temps de tout acheter, elle aurait de quoi survivre de manière relativement civilisée. Pour l'heure, elle avait intérêt à filer sous la douche si elle voulait être à l'heure à son rendez-vous avec Lukas. Son ami était un policier qu'elle avait rencontré à l'hôpital. A la base, elle n'avait pas particulièrement prêté attention à ce dernier, le saluant simplement au détour d'un couloir. Mais un jour, au lieu d'amener un délinquant, c'était lui qui avait été amené à l'hôpital dans un piteux état. Rien de gravissime, en soi, mais il s'était fait sacrément amoché par un délinquant un peu trop rageux. Rebekah s'était occupée de lui personnellement, comme devait le faire le chef d'urgences quand il s'agissait d'une personnalité locale, et avait donc sympathisé avec lui au fil des moments passés avec lui. On ne pouvait pas dire qu'ils étaient particulièrement proches, mais ils s'entendaient plutôt bien et la jeune femme était ravie de fréquenter des gens qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam avant son retour dans le Maine. Cela lui donnait une impression de re-nouveau, de découverte, et c'était le mieux pour elle. Elle n'arrivait pas à se détacher de l'Afrique, à se dire qu'elle n'y retournait plus et que sa vie dans le Maine n'était pas qu'une parenthèse dans sa vie. Car elle avait beau faire des efforts, et appréciait les moments qu'elle passait ici, elle ne se sentait pas chez elle. Ce n'était pas à cette ville qu'elle appartenait, ni même à ses habitants mais bel et bien à ce continent abandonné, délaissé. Ils avaient besoin d'elle. Vraiment. Peut être pas d'elle en particulier, certes, mais il avait besoin de quelqu'un. Et elle était prête à leur consacrer sa vie. Pas seulement parce qu'elle aimait répandre le bien autour d'elle, mais aussi parce qu'elle aimait qu'on ait besoin d'elle, elle en avait besoin. Elle soupira profondément alors que l'eau ruisselait sur son corps nu, et se décida à bouger, se concentrant sur le petit déjeuner qui l'attendait. Elle n'avait pas eu le temps de manger la vieille pendant sa garde et n'en avait pas eu le courage en rentrant. Son estomac commençait à crier famine, et elle se dépêcha donc d'enfiler un pull et un pantalon avant d'attraper ses clés de voiture. Elle zappa la touche maquillage, n'en ayant jamais été particulièrement fan et se dirigea vers le centre ville.
Elle arriva près d'un quart d'heure plus tard sur le parking de l'un des établissements se trouvant en bord de mer. Affublée de sa grosse laine, Rebekah commanda à la serveuse un petit déjeuner continental, et s'installa à une table à l'extérieur attendant son ami. Elle adorait sentir le vent caresser ses joues – en cette journée en tout cas, d'autre fois, on pouvait carrément parler de « giffler ses joues » -, et sentir la douce odeur de l'écume. Elle n'était pas certaine que Lukas pensait pareil, mais rien ne les empêcherait de rentrer si jamais il le préférait. Prenant sa tasse de café entre ses mains, la jeune femme se laissa aller dans ses pensées, appréciant la chaleur sur ses paumes. Rapidement, cependant, ce fut une forme de nostalgie qui l'envahit. Elle se rappelait de son adolescence quand être ici était la seule chose envisageable. Lorsqu'elle était partie travailler pour MSF, elle s'était imaginée rester un an tout au plus, et voilà qu'elle avait multiplié ce temps par huit sans même s'en rendre compte. Le même sort arriverait-il ici ? Elle qui s'était donnée un délai de six mois pour se faire à cette vie finirait elle par y rester pour une décennie, voire plus, ou repartirait elle pour cette terre qu'elle considère désormais comme chez elle ?
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