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 A vif — (Elizabeth)

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MessageSujet: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyMer 28 Mar - 14:41



L'envie de dormir se faisait de plus en plus insistant. Il était quoi, peut-être dix-huit heures, et il traînait toujours dans cette fac, à la bibliothèque, au milieu de personnages beaucoup trop studieux à son goût, qui avaient l'air passionnés par des équations difficiles à digérer. Bon dieu, s'il avait travaillé plus intensément auparavant, il n'aurait pas eu à rattraper son retard qui se faisait pressant. Mais entrer dormir dans la rue et réviser à l'arrêt de bus, et gagner son loyer en vendant des petites culottes, le choix s'imposait de lui-même. La prochaine il prendra son classeur de droit institutionnel et lira ses chapitres dans la cabine d'essayage.
Dix-huit heures dix. Il n'avançait pas, toujours à la même page de notes griffonnées. Avec un numéro de téléphone dont il ne souvenait plus du propriétaire, écrit avec indifférence en haut de la feuille.
Dix-huit heures quinze. L'envie d'un café se fait trop pressante. Finalement cinq minutes plus tard il plie bagage et quitte le campus, direction son appartement. A quoi bon se forcer, ça ne devient même plus productif. Alors il prend le bus et rentre chez lui, silencieux, pensif, le regard vide et de grosses cernes dessinées sous ses yeux mornes. Il sortait trop, c'était ça son problème. L'envie de se changer les idées, trop souvent. Peut-être qu'il fuyait juste la solitude inconsciemment, car cela lui rappelait sûrement ses instants de guerres entre Helena et lui. Il voulait l'oublier une bonne fois pour toute. La mettre au placard, tirer un trait sur cette histoire sans fin, et surtout sans lendemain. Il voulait que son souvenir s'efface. Et pourtant il espérait chaque matin, en se levant, qu'il la retrouverait dans la cuisine, en train de préparer son jus d'orange pressé. Foutue pensée. Et après ça il était persuadé que sortir, que faire la fête et boire à profusion l'aiderait dans sa quête de l'abandon. En continuant de la sorte, il allait tombé plus tard dans le stéréotype même du célibataire en pleine traversée du désert, poivrot de bar à trente ans, gras et sans aucun charme à draguer les serveuses qui lui apporteraient sa bière matinale. Triste tableau. A cause de son égoïsme il était convaincu que ce destin à moitié tracé ne prendrait jamais forme. Et pourtant, et pourtant... parfois son fond de réalisme prenait le dessus. Lui, ce fêtard et optimiste parfois dit inconditionnel. Triste paradoxe.

En poussant la porte de son appartement, l'odeur concentrée du cannabis lui envahit les narines. Puis un mot sur le frigo. Désolée, j'ai voulu aérer, mais la fenêtre était coincé. J'suis rentré. Tchou. Lenny, encore et toujours, à squatter ici quand son colocataire a le bon goût de ramener ses midinettes en pleine journée. Rudy jeta son sac en plein milieu de la pièce. Le bruit de sa besace heurtant le sol résonna. Il se souvint ensuite de son café. Filtre, arabica, cafetière, c'est parti. Puis Dix-huit heures trente sonna sur son horloge ornée de la sainte vierge, cadeau de la grand-mère catholique. Un tour aux toilettes. Café prêt. Il remplit sa tasse et se vautre dans son canapé troué par endroit. Entre les coussins, un morceau de tissu ressort. Il le saisit et découvre une écharpe grise, fine, encore parfumée d'une senteur féminine familière. Il la scrute, l'inspecte entre deux gorgées. Un nom en ressort. Elizabeth. La soirée du canapé datait déjà, ainsi que la dernière fois qu'il avait aperçu la jolie brune. Elizabeth. Le dédain dont elle faisait preuve depuis quelques temps avait le don de l'insupporter. Cette soudaine arrogance impitoyable qui les écartait de tout contact, sans raison. Alors qu'autrefois, ils se faisaient un « plaisir » de s'appeler sans raison pour venir défaire les draps de l'un ou de l'autre. D'autant plus que Rudy avait ce don immoral de rejeter cette façon dont elle avait commencé à le traiter, sans raison, comme une pure chaussette insignifiante. Non, il aimait avoir cette place importante, mener les choses comme lui le désirait. A la place Elizabeth avait pris le dessus, et il devait balancer ce déséquilibre en sa faveur.

Pas de voiture, mais ce kilomètre qu'il connaissait comme sa poche. Cet écharpe était son ticket d'entrée pour venir déloger Elizabeth chez elle, dans son intimité, sans son consentement. Pour venir éveiller ses nerfs, les déshabiller, les mettre à vif. Enlever toute pudeur à sa colère, qu'il allait se faire un malin plaisir à titiller. Plus que deux rues. L'excitation face à ce règlement de compte se faisait ressentir, et il avait déjà un petit rictus vicieux au coin des lèvres. Dans trois portes il y était. Ses pas se faisaient plus pressants. Le voilà entré. Il frappe contre la porte, ne prenant même pas la peine de chercher un quelconque sonnette. Le doux visage d'Elizabeth surgit dans l'encadrement de la porte. Il arbore alors un sourire malsain, les yeux légèrement plissés. Puis, voyant l'air surpris insistant de la petite brune, il défait son écharpe de son coup, et la lui met de force dans les mains. « T'as oublié ça chez moi. Je me suis dit que ça serait l'occasion de se voir, hein. » Puis, sans même être invité, il rentre dans le salon. Il connait les moindres recoins de cet appartement par cœur. La porte menant à la salle de bain, celle menant à la chambre, celle du placard à balais. Il connait l'utilité de chaque tirroir, de chaque armoire. Ça mute presque en une sorte de voyeurisme, sans qu'il soit pour autant obsédé par cette fille. Puis il se retourne vers elle, perdant une partie de son petit plissement de lèvres. « Bon, tu m'évites c'est ça ? Tu veux jouer les garces hautaines ? Je peux avoir des explications au moins ? » Au fur et à mesure qu'il parlait, il avait envie de hausser le ton. Mais il gardait ça pour plus tard. Pour lui montrer que lui aussi il pouvait mépriser les autres sans scrupules.


Dernière édition par Rudy Gavennham le Mer 28 Mar - 20:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyMer 28 Mar - 19:06

Avoir choisi de se lancer dans la voie médicale, s'engageant ainsi dans des études longues, très longues, ne laissait pas à une vie très dévergondée. Elle avait un peu de mal à s'organiser, alternant les journées à l'hôpital, et celles devant ces cours, ne laissant ainsi pas beaucoup de temps libre pour se lancer dans des projets follement artistiques. C'était en suivant cette même routine, qu'elle gara sa voiture, fis les quelques pas menant à la porte de son appartement, posa son sac au pied du canapé, s'en alla se laver les mains, le visage, jeta un coup d’œil presque mécanique à sur l'heure, avant de se demander si elle allait manger maintenant ou dans une vingtaine de minutes. Routine jusque là parfaite qui fut interrompue par quelques coups secs sur sa porte. L'idée que ce soit son frère lui traversa l'esprit : elle craignait que ce soit lui comme elle l'espérait. Mais ce fut la tête de Rudy, son espèce de demi-sourire collé aux lèvres qui apparut. Soulagement ou déception, il fallait voir. Elle releva les sourcils avant de les froncer, trouvant sa présence dérangeante et surtout indésirée. Elle croyait pourtant avoir été claire – enfin, disons assez désagréable pour qu'il comprenne qu'elle ne voulait pas de nouveau le revoir. Elle lâcha un léger rire cynique à sa première remarque, serrant entre ses doigts le bout de tissu, affichant son mécontentement sans la moindre gêne. Et c'était sans la moindre gêne qu'il pénétra à l'intérieur, se faufilant entre le chambranle et elle, acte qui était naturel il y avait quelques mois, mais qui se révéla affreusement irritant. « Mais vas-y, fais comme chez toi surtout. »

Rudy ne se faisait pas prier. Cette écharpe n'était qu'un vulgaire prétexte, et il serait sans doute venu avec ou sans, cela importait peu. A peine avait-il posé ses pieds sur son parquet, à peine avait-elle claqué la porte, qu'il démarrait dans ses questionnements. Imbécile, on aurait dit un pauvre adolescent qui souhaite régler ses comptes, tout perdu face à sa copine qui a soudainement changé de comportement, et qui réclame des explications. Elle ne put s'empêcher de sourire, exaspérée. Elle l'évitait, bien sûr, pour que sa comédie de couple grotesque ne vole pas en éclat. Arrowsic était un village où tout circulait à la vitesse de la lumière, et surtout un village où il valait mieux ne pas avoir de secrets. Il était préférable de ne pas avoir fait des années de prison au risque de constater ses histoires d'incarcération éparpillées dans les bouches de chaque adolescentes pré-pubères et des grand-mère outrées, il valait mieux être un habitant lambda qui achète son pain à une heure précise et rentre du travail à une autre heure précise. Il était aisé que de s'attirer l'attention de tous ses voisins, d'être la cible de tous les ragots du village, ceux qu'on se partage après la messe du dimanche. Et Elizabeth et Ethan en avaient un gros, gros mensonge qu'il valait mieux laisser dans le placard. Ainsi, l'espèce de relation, aussi dénuée de sentiments soit-elle, qu'elle entretenait avec Rudy n'était pas une fierté à hurler sur tous les toits ; Ethan risquerait d'apprendre très rapidement que sa tendre et chère femme a quelques problèmes de fidélité. Quoique des deux, il la battait à plat de couture. Rudy était juste un jeune homme qu'elle avait rencontré quelques temps après son arrivée à Arrowsic, lorsqu'elle rêvait encore à une nouvelle vie évidée de tout inceste. Il était adorable aux premiers abords, celui qui vous séduit par son charme naturel et son sourire, plutôt que par une vaine imitation de Don Juan. Charme suffisant pour vous déshabiller et vous faire hurler. Incapable de jouer les allumeuses au coin des bars avec un verre à la main, séduisant chaque soir un nouvel inconnu pour se réveiller le matin avec un autre inconnu, elle s'était laissée prendre par cette relation purement physique qui s'instaurait petit à petit avec Rudy, qu'elle apprenait à connaître entre trois caresses.
« Je pensais pas que mon absence allait te faire tant de mal. Qu'est-ce qu'il y a, t'es tombé amoureux Rudy ? » lui lança-t-elle en guise de réponse. Non, sincèrement, qu'est-ce qu'il en avait à faire ? Elle pouvait se permettre d'être amusée, la situation étant quelque peu risible. C'était quelque chose qu'elle ne pouvait pas faire avec son frère, les piques lancées étaient teintées d'un cynisme similaire, mais les sourires n'étaient pas une preuve d'amusement, juste une satisfaction malsaine d'avoir enfin , ou plutôt de nouveau, meurtri l'autre. Là, c'était presque léger. On aurait pu les prendre pour n'importe quels acteurs principaux d'un film américain idiot au synopsis bidon : on se rencontre dans une soirée quelconque, on se jette dessus comme des lions prêt à arracher les vêtements de l'autre, poussés par l'alcool en grande quantité dans le sang et également par le physique plaisant. On se réveille avec un marteau dans le crâne, et on se sépare, mais on se retrouve quand même. Car c'est là toute l'histoire de notre fameux film : le moment où les deux partenaires réalisent que leur relation pourrait devenir une histoire de cœur, et où ils luttent pour ne pas se laisser happer par les sentiments. Beau mélodrame vu et revu dont on connaît la fin dès le début.
Elle s'avança, se posta prêt de Rudy, son épaule au contact de la sienne : « Il faudrait que t'apprennes à te passer de moi hein, sentimentalement, sexuellement, n'importe comment. J'ai plus envie de ça. » Ce qui était en partie faux au final, car il était la seule personne à se loger entre ses reins depuis qu'elle était là, et que la coupure avec Rudy signifiait également la coupure de sa minable vie sexuelle. Elle lui adressa un bref sourire malicieux avant de continuer à avancer, pour aller s'asseoir sur le canapé. « Enfin bon, on a jamais été du genre à partager nos peines de cœur autour d'un repas, et c'est sans doute pas aujourd'hui que ça va commencer. Donc tu pourrais peut-être partir ? Tu connais si bien l'appartement, je pense que t'auras pas de mal à trouver la porte et te casser d'ici. » Un bref regard, qui se voulait insistant, et elle alluma la télévision. Pas spécialement intéressée par les programmes proposés, elle voulait juste faire comprendre à Rudy qu'elle ne voulait pas de lui ici.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyMer 28 Mar - 22:00

Sensuelle impertinence. Il sentait son agacement. Il sentait que cette petite brune n'allait pas tarder à avoir les joues assez brûlantes pour y faire cuir un œuf. La tension montait, et c'en était affreusement jouissif. Un malin plaisir pervers à voir la fureur dans les yeux d'autrui. Il n'allait pas tarder à allumer la flamme de rage dans le regard d'Elizabeth. Il voulait l'enfoncer, il voulait se venger d'être si mal traité. Bon dieu qu'il détestait ça, descendre au rang inférieur et quitter son piédestal. Il était inutile de préciser qu'il s'agissait là d'un comportement purement immature et loin d'être digne d'un jeune adulte. Mais il s'en fichait. Il n'en avait pas conscience. Pour lui, tout ce qui pouvait sortir de sa bouche était digne des mémoires de César. Il avait raison, point. Il était inutile de le contredire, les autres avaient tort, et lui détenait toute la sagesse du monde. Un peu plus, et il aurait été naturel pour lui de parler en son nom à la troisième personne. De l'impudence malhonnête, une modestie trop défectueuse, une estime de soi trop assurée. Rudy, tu es un de ces prétentieux imbéciles, qui bien qu'inoffensif, éveille l'accablement.
Elizabeth était très forte à ce jeu. Objectivement plus intelligente, il fallait l'avouer –il était cependant inespéré pour Rudy de le reconnaître, et ne l'avait de toute façon que peu vu à l'action dans cet acte de rentre-dedans impétueux. Et cela se fit très bien sentir quand ses mots résonnèrent dans la tête de Rudy. « Je pensais pas que mon absence allait te faire tant de mal. Qu'est-ce qu'il y a, t'es tombé amoureux Rudy ? » Il était face à son point faible, et inconsciemment ou non, elle venait de toucher à ce qu'il ne fallait pas titiller. Il avait beau être arrogant, avec tous les défauts complémentaires à ce trait pourtant suffisant à lui seul, il avait cette faiblesse en lui. Celle de s'accrocher avec trop d'intensité, et de sentiments abjects à ces filles qui partageaient son lit, quand ce n'était pas ses pensées. Avec Elizabeth, il ne s'était jamais posé la question. Parce que c'était physique. Donc par conséquent, nul besoin de réfléchir. On s'appelait, on se saluait brièvement, on souillait le lit, puis on se disait au revoir. C'était simple, ce n'était pas une prise de tête constante sur le pourquoi du comment on couche avec cette fille. La définition même d'un plan cul, étiquette que Rudy n'aimait pas. Cette fille, il était difficile de lui trouver un quelconque défaut physique. Chose non négligeable dans ce genre de relation. Il ne pouvait pas donc pas nier sa beauté, atout majeur chez une femme pour tout homme moral. Et même si il avait un goût particulier pour les fortes têtes, il ne se considérerait pas comme -attention, mot tragique à connotation mélodramatique ayant à plusieurs reprises perdu son sens premier chez la pauvre personne de Rudy- amoureux d'Elizabeth. Il doutait fortement d'ailleurs qu'ils puissent un jour être de simples amis. Mais bon, elle était attirante, sans hésitations béantes. Il fallait alors protéger son terrain, protéger sa dignité et ne pas plisser des yeux. « Ça t'emmerderait, hein. De toute façon ça risque pas d'être de toi, je pense pas que ce soit possible un jour pour n'importe quel homme. » Bon dieu que c'était puéril. Mais au fond, il adorait ça, les piques mauvaises et futiles. Et elle se prenait au jeu. Au jeu infatigable. Si bien qu'elle s'approcha, lui faisant face, alors qu'après avoir perdu son sourire il la dévisageait avec un mélange de haine et de perversité, sans baisser le regard. Et elle renchérit, avec conviction, le heurtant à chaque mot, sans pour autant qu'il sombre. Se passer d'elle. Chose facile à dire, mais moins à mettre en application. C'était bien le manque de vie sentimentale qu'il devait affronter. N'ayant pas le caractère adéquat, après les témoignages assurés de ses ex partenaires de cœur, il avait compris que garder auprès de lui une gente demoiselle n'était pas aussi simple que de la séduire. Et c'était en pensant à cela qu'il faisait un très beau rapprochement entre Helena et Elizabeth. Cette abominable superbe et cette charnelle animosité qui émanaient d'elles.

« Je comprends, je suis trop bon pour toi, c'est ça ? Tu t'es rendue compte que tu me méritais pas ? “Plus envie de ça”, c'est pas une réponse. En plus quelque chose me dit que t'es pas du genre à te taper tous les mâles de la fac, donc tirer un trait sur tes activités sexuelles serait, en mon sens, une chose très mauvaise pour ton épanouissement personnel de femme active. » Il omit volontairement, bien sûr, le fait que sans Elizabeth, sa propre vit sexuelle serait également proche du néant. Mais ne tendons pas la perche à l'ennemi. Il se contenta de la regarder s'asseoir -non sans jeter un rapide coup d'œil sur son fessier déambulant- sur son canapé, au passage beaucoup plus gracieux que le sien. Il se demandait, de plus, combien de fois ils avaient pu entretenir leur relation sexuelle au milieu de ce même divan, et cette pensée ne fut étrangement pas repoussante. Allumant la télé, elle reprit de plus belle dans son plaidoyer en faveur de leur séparation brutale, sans avoir cependant émis de motif valable, et même de motif tout court. Peines de cœur. Effectivement, ce n'était pas la première personne à qui il s'adresserait pour ça. Et elle n'en était pas ailleurs pas une. « Quoi, t'as tes règles, t'es enceinte, t'as trouvé le prince charmant au détour du service chirurgie ? Moi je pense que partir sans avoir célébrer ton émancipation vis à vis de mon corps de rêve, ce serait comme... je sais pas... faire une ablation du rein sans recoudre derrière. » Triste âge bête. Il envahissant le secteur plaqué “Miss Calaan”, et s'adonnait à ce malin plaisir. Non, il allait rester bien sagement dans cette présente pièce, à la pousser à bout, jusqu'à ce qu'elle craque, qu'importe s'il s'agissait de la dernière fois ou non. Il alla même jusqu'à s'installer à côté de ses jambes gracieuses sur le canapé, étirant son bras droit de sorte à le placer derrière sa nuque, comme une vieille scène où John Travolta tenterait de draguer sa belle au cinéma plein air. Sauf que dans le cas présent, nul intention de conquérir un cœur, mais plutôt une incitation au pêché bestial. Pitoyable. Rudy, t'as l'esprit obscène d'un ado de treize ans devant sa première revue porno. « Allez, de toute façon si je pars, tu vas te mater Bridget Jones, en gueulant All By Myself, avec ton plaid sur les genoux, et ton thé de grand-mère le tout orné d'un assortiment de chocolats, en regrettant d'avoir mis à la porte un type qui vaut bien mieux que Hugh Grant. » Après cette réplique qu'il qualifiait de cinglante, il se demandait comment faisait-elle pour ne pas braquer un flingue sur sa tempe.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyVen 30 Mar - 16:38

Elizabeth devait sans doute avoir une espèce d'attirance pour les hommes têtus comme des mules, qui s'acharnent et excellent dans l'art de manier le cynisme. Elle devait sans doute fuir la facilité, recherchant follement la petite bête, la dévoilant au grand jour pour enfin savourer le plaisir des disputes et des prises de têtes perpétuelles. C'en était presque maladif, cette manie, ce besoin presque, de remuer le couteau dans la plaie. Le malheur semblait être un nid bien douillet qu'elle refusait de quitter. Rudy n'était pas une exception apparemment, il n'attendit pas la fonte des glaces pour renchérir, même si ce n'était pas de la façon la plus mature et diplomatique qui soit – quoique Elizabeth ne l'était pas non plus. Réplique digne d'un enfant qui tire la langue dans la cour de la maternelle et qui rejette toutes les accusations qui lui ont été faites sur l'autre, agrémentant le tout d'un ''c'est celui qui dit qui l'est''. La comparaison pouvait sembler exagérée, mais à quelques détails près, on y était. « C'est dommage, les hommes amoureux sont tellement plus séduisants. »

Puis il se mit à enchaîner bêtises sur bêtises, quel crétin décidément. Les hommes et leur ego surdimensionné, fierté qui semble affreusement sensible aux réponses négatives. Elle s'y attendait, cette fameuse réplique où il lui disait être trop bien pour elle, cette réplique vue et revue où il tenterait de la dénigrer, pour mieux faire son propre éloge. La suite se révéla bien risible ; quelle douce attention que de s'intéresser à son bien-être personnel. Elle n'en demandait pas tant d'un simple jeune homme qui partageait ses gémissements. Si on enlevait le bout de sarcasme, sa réplique serait presque touchante. « C'est pas parce que tu sais comment je jouis ou l'inclinaison des jambes que je préfère pour atteindre l'orgasme que tu sais tout de moi. Et je te remercie d'être si attentif à mon épanouissement de femme active comme tu dis, ça me touche très sincèrement. Pour t'épargner toute inquiétude, je tiens à te préciser que je suis très épanouie, merci. » Le mensonge dans toute sa splendeur, arme ou plutôt bouclier qu'elle avait appris à utiliser avec le temps, si bien qu'il devenait une partie intégrante de son quotidien. Quotidien où la vérité et le mensonge baignaient en osmose totalement, à un tel point qu'il devenait parfois difficile de faire la différence. L'illusion devenait la réalité, elle se perdait entre ses rêves et ses devoirs, frappée par la morale et entraînée par les fantasmes. Et Rudy continuait, allait même jusqu'à lui balancer une comparaison avec une ablation de rein. C'était sans doute plus parlant pour Elizabeth, de parler de rein et d'ablation, peut-être que ça aurait suffit à la convaincre. Elle avait beau le trouver terriblement irritant, ne désirant que le mettre à la porte et la lui claquer bien fort au nez, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir ce sourire presque déplacé sur les lèvres. C'était comme une partie de jeu, ping-pong de sarcasmes qui arrivait à échauffer ses nerfs sans pour autant la pousser à bout. Ça restait dans la mesure du supportable, mais surtout, elle savait qu'elle n'allait pas y perdre grand chose : Rudy avait beau être agréable, plaisant à voir, à embrasser et tout ce que vous voudrez, qui plus est forte tête ; s'il venait à déguerpir de sa vie, et bien elle n'irait pas le supplier à genoux. Elle le laissa continuer, s'installer auprès d'elle, glissant son bras derrière sa nuque. Pauvre incitation au péché bestial à laquelle elle allait répondre, non pas en lui donnant satisfaction, mais plutôt en éveillant sa frustration. Posant sa main sur son genoux, puis la remonter lentement le long de sa cuisse, elle rapprocha ses lèvres de son oreille, lui susurrant : « C'est vrai que Bridget Jones et le thé... ça m'emballe pas trop ce soir. J'ai cette soudaine envie de quelque chose de plus... sensuel, de plus violent. » Léger mordillement de lèvres, avant de reprendre, de façon plus dure, plus brève, plus claire. Délaissant son minable intonation séductrice pour une voix dure : « Dégage. » Elle s'éloigna alors de lui, reprenant sa position initiale sur son canapé. « Dégage de là je t'ai dit, va te trouver quelqu'un, je sais pas, dans ta boutique par exemple, entre deux culottes et un soutif. » Ni l'un ni l'autre volait très haut. En soi, elle se fichait pas mal de ce que faisait Rudy pour vivre, c'était un métier comme les autres, et contrairement à la moitié idiote de la population d'Arrowsic, elle ne le pensait pas gay. Disons qu'elle était assez bien placée pour affirmer le contraire.

La vérité était qu'Elizabeth n'était pas si irritée que ça, par la présence de Rudy. Si ça avait été le cas, elle l'aurait déjà foutu dehors, claqué la porte au nez en faisant bien attention de la refermer au moment moment, histoire d'y coincer un doigt ou de casser un menton. La seule chose qui la dérangeait réellement au final, était qu'elle refusait de se rabaisser au même rang que toutes ces filles qu'elle qualifiait généreusement de putes, ou de petites connes – elle était très spontanées pour trouver un qualificatif à toutes celles qui s'offraient à son frère. Elle refusait de faire ce qu'elle reprochait à Ethan, anticipant déjà l'éventuelle crise de jalousie, ou alors le retour du boomerang dans la gueule. Et une infime partie d'elle refusait également de briser cette promesse de fidélité faite à son pseudo-mari. « En fait, depuis tout à l'heure, t'essaies de me convaincre du mal que je me fais... Oh, je ne serais pas épanouie, puis une soirée ennuyeuse, puis la comparaison du rein et de l'ablation... Géniale. Mais on parle pas de toi, qui pourtant adore être le centre d'intérêt de toutes les conversations. T'as juste l'air d'être un mec frustré, terriblement en manque qui me quémande quelques étreintes. »
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptySam 31 Mar - 15:56

Il commençait à savourer pleinement cette visite de courtoisie. Les piques enfantines, l'âge bête, la confrontation. Tout ça pimentait un peu la scène qui allait tourner au désastre dans peu de temps. S'ils continuaient de la sorte, l'option 'carnage mortuaire' allait finir par prendre forme. Rudy sentait la tension monter, et le plus drôle était qu'il n'en devenait même pas colérique. C'était juste un badinage du côté obscur de la force. Le plaisir de la dispute. Cette frivolité sado-masochiste. Il laissa alors sortir de ses lèvres entrouvertes un rire entre strident et étouffé. Puis laissa s'installer sur le coin de sa bouche un petit rictus à l'écoute de ses paroles emplies de démagogie. Il était facile de s'inventer une opinion en sa faveur. Les hommes amoureux, plus séduisants. C'était bien le propre de Rudy. L'attache trop intense, qui s'écroule quand ses pauvres défauts lui reviennent en pleine face. Scène atroce qui défilait dans son esprit, en boucle, quand il s'agissait de parler de sentiment. L'histoire d'un bordel émotionnel. « Je dois en conclure que t'as rencontré l'amour de ta vie pour que tu puisses comparer les deux. C'est donc ça ton motif pour me dédaigner avec tant d'entrain ? L'amour ? » Intérieurement il cracha sur ce dernier mot, qu'il s'appliqua à prononcer en écorchant chacune de ces lettres. Il avait beau y croire, il le reniait. Car il faisait mal, car c'était ce qui créait une incohérence en lui. L'orgueil et l'attente de l'amour, deux notions distinctes qui s'accordaient pourtant à merveille dans son caryotype psychologique. Sa plus grosse faiblesse, loin devant le fait qu'il partageait son corps avec un égo plus gorgé en arrogance que la moyenne nationale. Et Elizabeth la pointait du doigt aveuglément.

Ce qui était bien avec elle, c'était qu'elle ne baissait pas les bras. Elle faisait durer l'euphorie de leur dispute. C'était touchant. Et Rudy la remerciait spirituellement pour cela. L'altercation était un domaine où il était plutôt bon. Surtout avec les femmes -il fallait dire qu'il avait de l'entraînement. Ce qui le faisait apprécier les moments où Elizabeth lui répondait avec ferveur. Et effectivement, il n'échangeait pas des masses avec elle sur le propre de leur vie respective. C'est-à-dire qu'ils préféraient s'arracher leurs vêtements et les jeter sur le parquet grinçant, s'arrachant des baisers sous les effets d'un amour psycho-somatique. La définition même de leur relation après tout. Ils n'étaient pas là pour échanger des discours oratoires sur l'existence de l'un et de l'autre, ni pour se confier sur les douleurs comme les joies de leur vie. Non. Et de toute façon, ils ne se seraient pas entendus comme des meilleurs amis, loin de là. C'était d'ailleurs ça qui devait plaire à Rudy; le fait de pouvoir entretenir une relation avec une personne qui n'aurait eut, dans une vie parallèle, aucun lien avec lui, tous deux poussés par des intérêts communs. A ses yeux, Elizabeth n'était qu'une fille banale, assidue et attachée à ses études, qui fuyait, bien qu'elle s'y rendait parfois, les grosses fêtes étudiantes, qui se terminaient souvent par un bain d'épaves alcoolisées à en faire pousser un arbre à Gin. Pour lui c'était une midinette commune aux airs hautains, sans grand aspect singulier. « Y'a pas de quoi, c'est un plaisir d'être la banque de renseignements des orgasmes de miss Calaan. D'ailleurs je pourrais faire fortune, c'est rare les nanas qui jouissent si fort de nos jours, j't'ai pas dit que j'enregistrais tout ? » Le comportement adulte de Rudy était loin d'être présent dans ces propos récurrents depuis qu'il avait fait irruption dans la pièce. Mais il arbora ce petit sourire vainqueur. Ce petit rire cinglant qui incitait Elizabeth à renchérir, pour faire perdurer cette folie enfantine. Et elle ne se priva pas, quand elle alla balader ses mains le long de sa jambe en susurrant de sa voix suave des mots doux. Encore fallait-il qu'ils soient réels. Et quand elle le repoussa violemment, cette soudaine agitation qui avait enflammé Rudy s'éteignit sèchement. Il lui lança un regard noir, alors qu'elle avait filé à l'autre bout du canapé. Il la scruta avec mépris, dévoilant alors son irritation et laissant à Elizabeth cette petite victoire. Jouer avec ses désirs, c'était facile. Et oui, il désirait en cette soirée de printemps son corps frêle et attrayant, et lui écorchait les lèvres, au détour d'une caresse. Il était sûr pouvoir obtenir cela d'elle, ce soir-même, bien que son objectif premier était -ne l'oublions pas- la recherche de justification à cette prise de distance si soudaine. Encore fallait-il la persuader. « Tu veux jouer à ça ? Je vais te faciliter la tâche alors. » Puis il se leva et marcha jusqu'à l'encadrement de la porte d'entrée. Il la laissa béante, les pieds postés dans le couloir. C'était un jeu qu'il voulait, et il l'entretenait avec enthousiasme. Maintenant il se trouvait littéralement en dehors de son chez soi sacré. « Très bien, je suis dehors. Maintenant tu peux peut-être m'expliquer pourquoi le mois dernier tu m'appelais avec ardeur pour les parties de jambes en l'air de la semaine et qu'aujourd'hui je peux aller me faire cuire un âne ? Si je comprenais un temps soit peu la situation, je viendrai pas t'emmerder dans ton samedi soir très occupé par l'entretient d'une vie sociale qui m'a l'air débordante ! » Inconsciemment il avait haussé le ton jusqu'à se retrouver en train de presque crier sur la pas de la porte d'Elizabeth, sûrement en attisant le mécontentement de quelques voisins. Il était toujours amusé au fond de lui, bien que la forme ne prenait pas ce ton aussi légèrement. La couche supérieure de son égo était en effet très affectée. D'autant plus qu'Elizabeth évoqua le mot maudit: frustration. Frissons dans le dos. Frustration. Il n'assimilait pas son comportement lourd au sentiment qu'était la frustration. Pour lui c'était une image qu'il donnait, à laquelle il ne croyait même pas. « Frustré ? Vraiment ? T'as rien de mieux à dire ? Parce que si moi, je suis frustré, je pense que t'es pas loin. Ça c'est la définition même du plan cul, ma jolie. Pas capable de te trouver un mec que ta frustration, comme tu dis, te rattrape pour accepter l'échange de bons intérêts avec un autre type sorti de nul part ! » Il s'appuya sur le mur qui bordait la porte en se demandant s'il ne voulait finalement pas partir, maintenant qu'il était dehors.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptySam 31 Mar - 17:54

Plus ou moins consciemment, chacun arrivait à mettre un doigt sur le point faible de l'autre. D'ailleurs, c'était sans doute des piques qui se voulaient assassines et qui répondaient à de la spontanéité, appuyant sur les failles qui se présentaient. Car il était de toute manière évident que ni Rudy ni Elizabeth pouvait préparer un plan machiavélique dans lequel apparaîtrait les pires douleurs de l'autre, puisqu'ils n'avaient pas eu de conversation assez profonde pour atteindre ce niveau là. Et pourtant, sans même le vouloir ils arrivaient à enfoncer le couteau dans la plaie, remuer pour agrandir les blessures. D'ailleurs, il était préférable que tout cela réponde du hasard, car si l'un ou l'autre – voire les deux, arrivaient à prendre conscience de la faiblesse de l'autre, la soirée finirait sans doute dans les faits divers, meurtre aussi sanglant que passionnel, et cette histoire se collerait aux bouches de chaque habitant de ce village. « T'en conclues ce que tu veux. Si je peux me débarrasser de toi en te disant que j'ai rencontré l'amour de ma vie, alors oui je l'ai rencontré. Au détour du service de chirurgie, il est beau, il est intelligent, il est plein d'humour, bref c'est le mec de Grey's Anatomy. On file le parfait amour, c'est merveilleux, il comble ma vie, ce qui fait que je n'ai plus besoin de toi. » Sans réellement savoir pourquoi, Elizabeth s'acharnait à persévérer dans le mensonge, ou le suspense, au choix. Refusant d'abdiquer, refusant de lui souffler une excuse un minimum crédible. Elle prenait un malin plaisir à entretenir la machine, à y ajouter de l'huile, alors que le bouton d'arrêt se trouvait juste sous son nez. « Mais tu dois pas connaître ça. Ou peut-être que si, tu t'es peut-être fait plaquer comme une chaussette, si bien que t'arrives même plus à prononcer le mot amour sans donner l'impression de t'étouffer. »

Mais aussi peu logique soit-elle, Rudy rivalisait avec entrain. Ils entretenaient ensemble une relation qu'ils pourraient respectivement entretenir avec n'importe qui. Relation sans attaches, dont les postulants devaient juste répondre à quelques critères physiques, et éventuellement quelques critères psychologiques ou intellectuels, mais dans le cas échéant, il suffirait de les faire taire. Il n'était pas la perle rare, celle qu'on cherche toute notre vie, celle pour qui on creuse à mains nues, celle pour qui on se bat jusqu'au dernier souffle. Voilà, s'il fallait résumer en peu de mots, Rudy n'était rien – insulte suprême à sa personne s'il l'entendait, tout comme elle n'était rien à ses yeux. Et pourtant, il s'entêtait à chercher des explications là où il devrait juste abandonner. Il voulait ses putains d'explications qu'Elizabeth taisait avec application. Qu'allait-il en faire de toute façon ? « Ah, et tu te repasses ça les nuits où je suis pas à tes côtés sur ton canapé à moitié troué ? C'est presque touchant. »

Un légère mine d'incompréhension se dessina lorsque Rudy se releva, et s'en alla tourner la poignée. Incompréhension, et non pas soulagement ou joie de le voir enfin déguerpir, car cela était trop facile : il était trop têtu pour partir. Le voyant se retourner une fois la porte traversée, elle eut un bref sourire. Malin, c'était malin. Certes, ce n'était pas non plus un acte extraordinaire qui était le fruit d'une réflexion poussée, mais au stade où ils étaient arrivés... ces actes extraordinaires relevaient du rêve. Non, eux c'était le comportement d'un enfant de cinq ans – ou sept, soyons généreux. En entendant Rudy hausser encore et encore la voix jusqu'au point de crier dans son couloir rempli de voisins charmants et adorables qui étaient trop bavards et qui n'hésitaient pas à demander des nouvelles régulières de son beau mari, Elizabeth se redressa dans la précipitation, les yeux écarquillés. Mais qu'il se fasse plaisir, qu'il hurle à tout l'étage la nature même de leur relation, que ces voisins avides de ragots se nourrissent des paroles de cet imbécile effronté. Elle la sentait cette rage monter en elle, cette colère qui rugissait violemment, mais aussi cette soudaine sensation de peur. La peur de voir son quotidien basculer à cause d'un crétin pareil. C'était déjà un quotidien précoce, dont chaque action pouvait provoquer l'effondrement total. Rapidement, elle rejoignit la porte, attrapa entre ses doigts le t-shirt de Rudy et le tira à l'intérieur, alors que lui n'arrêtait plus son affreuse diarrhée verbale. Finalement, elle claqua la porte, repoussant le jeune homme contre cette dernière. « Putain mais ta gueule. » grinça-t-elle entre ses dents, dents prêtes à exploser sous la pression subie. « Ta gueule mais ta gueule ! » répéta-t-elle, se lançant alors dans le concours de celui qui criera le plus fort. L'un tentant de couvrir la voix de l'autre. Au final, qu'il soit dans le couloir ou à l'intérieur, cela ne changeait rien, ils devaient casser avec la même intensité la petite grand-mère d'à côté. D'ailleurs, il semblerait qu'elle frappe avec sa canne pour montrer son mécontentement. La pauvre, elle était exposée à toutes prises de bec de sa voisine, qui en apparence avait l'air d'être une fille correcte et sage avec ses bouquins d'anatomie et de biochimie sous les bras. « Mais qu'est-ce que t'en as à foutre hein ? Sérieusement, je suis la seule fille qui arrive à satisfaire tes fantasmes à deux balles ? T'as qu'à retourner chez Thomas, tu pourras peut-être me trouver une remplaçante ! » Elle lui lâcha un regard noir, avant de reprendre : « Et je vais t'en donner une de définition du plan cul : relation qui vise à satisfaire des pulsions primaires, en épargnant tout le tralala émotif. Pas de mélodrames, pas de soudains élans de passions. J'en ai rien à foutre de tes exigences, je suis pas ta copine, je suis pas là pour te rassurer quand t'en as besoin, ni pour te donner des explications. Si j'ai pas envie de toi, c'est comme ça, c'est pas révélateur d'un certain problème d'osmose dans notre couple. » Et pourtant, à les entendre, on pourrait presque les confondre avec un couple souffrant de problèmes de libido. Elle recula de quelques pas, soupira avec exaspération. Alors qu'il y a quelques minutes encore, elle trouvait l'échange relativement plaisant – même si ça n'en avait pas l'air en apparence, là elle était juste en train de sentir l'envie d'arracher les yeux de Rudy et les lui faire avaler monter en elle. Parce qu'à hurler comme de bons idiots, tout allait se briser. Parce que des conséquences pouvaient avoir lieu. Et ça la terrorisait, cette menace pointée tout droit sur son quotidien aussi morose que fragile. « Alors prends-moi pour une fille frustrée sans aucune vie sociale, en attendant c'est toi qui viens frapper à ma porte un samedi soir pour... pour quoi déjà ? A part me faire chier et éprouver de la pitié pour toi, je sais pas pourquoi t'es venu. »
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyDim 1 Avr - 16:20

Le plaisir de cet instant se perdait. Rudy perdait son sourire malsain pour laisser place à un visage irrité et à bout, presque vaincu, bien qu'il ne veuille être le premier à baisser les bras. Elizabeth touchait juste, et il lui était difficile de parer ses attaques bourrées de vérités. Elle se montrait plus forte que lui à ce jeu, qui n'en était même plus un, mais plutôt les préliminaires d'un affrontement sanglant. Il allait devoir contenir sa fureur qui émanait au fur et à mesure qu'Elizabeth ouvrait la bouche. Et le pire, c'était qu'elle n'en était pas moins séduisante, au contraire. La colère lisible dans son regard lui donnait une fougue mystérieuse et attirante. Mais pas question d'y toucher. Il n'était pas question d'une dispute de vieux couple sur qui était censé faire les courses le dimanche, ou ranger le lave-vaisselle le mardi midi. Non. Il était question d'un caprice de plan cul à plan cul d'où ressortaient quelques évocations du mot 'sentiment' au sens large du terme. Et plus particulièrement du plus meurtrier: l'amour. Ahah. « Très heureux pour vous. En espérant que vous donnerez vie à une ribambelle de mini-chirurgiens, champions internationaux et incontestés de Docteur Maboul. Et j'espère être invité au mariage, histoire de lui apprendre tes positions préférées pour pas qu'il t'ennuie pendant la nuit de noces. » Les paroles d'Elizabeth lui semblaient fausses et mensongères. Mais dans le doute, il prit ça sur le ton de l'humour, histoire de calmer son sang bouillonnant, qui, en entendant ses paroles suivantes, se remit à chauffer ses veines. Son égo venait de se prendre une baffe en pleine tronche, suivie d'une lance venue lui transpercer la cage thoracique. Plaqué. Hummm, cela relevait surtoût d'un consentement mutuel, mais dans un sens, elle entretenait l'hémorragie interne en tirant un peu plus sur les parois de ce trou béant. « Je pense que t'en sais pas assez sur moi pour parler de ça. Ouais, je me suis fait plaqué, et alors ? Dans un sens ça prouve que j'avais un certain respect pour cette nana, pour ne pas jouer les salauds et la larguer avant qu'elle ne le fasse, comme aurait fait tout homme arrogant sentant que ça tangue vers la rupture. Pourquoi ? T'as toujours vécu des relations idylliques en harmonie totale pour pouvoir cracher sur les autres comme moi, c'est ça ? »

Rudy haïssait ces conversations, où son interlocuteur ne savait pas de quoi il parlait, où il balançait des arguments à n'en plus finir, sans connaître le réel sens, le réel impact que cela avait sur sa propre vie. Et par conséquent il haïssait Elizabeth à cet instant précis, pour avoir prononcé ces mots. Ce n'était plus drôle du tout. C'était de la torture incessante, insupportable. Ils étaient tombés dans un cercle vicieux où s'en échapper serait une chose compliquée. L'envie âpre de satisfaire le répondant de son égo respectif, à la fois sur la défensive et sur la ligne de front. Les obus assourdissants ne cessaient de s'écraser parmi le flot de paroles déversées. Au fond de lui Rudy se doutait qu'il était en train de perdre la bataille, trop faible pour faire face à sa colère. Mais il tentait de survivre encore quelques instants avant de se laisser posséder par la rage et de hausser dangereusement la voix. « T'inquiètes pas, je les file volontiers à mon petit cousin de quatorze ans, au cas où il aurait perdu ses magazines. »

Et pourtant, bien qu'il soit sur le point de craquer, Elizabeth hurla au secours. Elle n'apprécia guère le coup du pas de la porte et regretta de l'avoir laisser crier ses paroles dans le couloir. Avait-elle quelque chose à cacher ? Ou se souciait-elle simplement du bien-être de ses voisins en cette tendre soirée ? Rudy comprit simplement qu'il lui fallait arrêter quand elle lui aboya de se taire avant de le tirer à l'intérieur de l'appartement. L'interrogation prit place dans son esprit. Peut-être qu'il se faisait juste un film, et qu'Elizabeth ne voulait pas avoir certains retours sur cette dispute acharnée, au petit matin. Puis entre ses regards noirs qu'elle ne cessait de lui lancer depuis qu'elle l'avait ramené au milieu du salon, elle cria plus fort que lui. Elle cria sa propre définition du plan cul. Et finit sa tirade par un mot alors jamais prononcé jusqu'ici. Couple. C'était un mot qui sonnait affreusement faux. Un mot qui ne collait pas à leur relation. Un couple. Un couple pour copuler, oui. Mais certainement pas un couple ressentant une quelconque harmonie, une quelconque osmose, comme disait si bien Elizabeth, entre eux. Non. Ils formaient une paire, un binôme de pêcheurs au sens religieux du terme. L'orgueil, la colère, la luxure... « Je vois que t'as lu le petit Robert édition spécial érotisme ! C'est bien, tu rayonnes de savoir. Et excuse-moi de chercher des explications à ça. J'essayais juste de comprendre pourquoi tu devenais si froide du jour au lendemain. Ça s'appelle demander du respect. Ouais, ce que je demande c'est du respect. Ça n'a rien d'une question de couple ou je ne sais quoi. Donc la prochaine fois préviens-moi si tu décides de “ne plus avoir envie de moi”, ça m'évitera de m'en prendre plein la tronche. Merci d'avance, hein ! » Il aurait bien pris un couteau de cuisine pour l'enfoncer dans l'estomac d'Elizabeth, histoire que toutes ses tripes quittent son corps avec dégoût et répugnance. Une exécution sommaire dans un appartement qui puait le bouquin et le dur labeur. Il ne cachait d'ailleurs plus son énervement. Il soupirait explicitement et faisait grincer ses dents haut et fort. Et au milieu de cette tension qui semblait à son apogée, elle prononça une dernière phrase. A laquelle il répondit d'abord par une question, estimant que le jeu n'était pas terminé, en fin de compte. « Et toi ? Pourquoi tu t'énerves ? Je pensais que t'étais la plus adulte de nous deux, mais tu renchéris pas mal. Et après tu te plains quand je crie trop fort. Pfff. Et t'inquiètes pas, si je veux partir, je partirai, j'ai mille endroits où aller ce soir. C'est juste que c'est si facile d'emmerder les gens comme toi et les regarder se ronger les ongles jusqu'au sang seulement pour me voir partir. Et franchement, si tu voulais me mettre à la porte, tu m'aurais poussé dehors depuis longtemps, t'aurais balancer une chaise, n'importe quoi. T'aurais tout mis en œuvre pour que je quitte cette pièce. Au fond ça te fait aussi plaisir de me regarder t'énerver. Tu savoures cette dispute et t'y réponds avec envie, parce que tu sais que je partirai pas sans avoir répliqué. Je suis pas le seul à être tombé bien bas, t'es tombée avec moi. » Énoncer ces paroles l'avait étrangement calmé. Ce qui ne l'empêcha cependant pas de marcher jusqu'à la salle de bain et de claquer la porte derrière lui, histoire de s'isoler trente secondes, le temps de passer un filet d'eau sur le visage pour rafraîchir ses pommettes brûlantes à force de sentir la colère monter. Au moins il serait prêt à repartir, aussi frais qu'en arrivant.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyMar 3 Avr - 14:05

Il avait renchéri dans le cliché, dépeint le quotidien parfait de monsieur et madame médecins-blouse-blanche-crocs-aux-pieds, à qui tout réussissait : couple qui s'est connu jeune et marié une fois leur doctorat obtenu, qui a donné ensuite naissance à quelques enfants dont le destin est déjà prévu alors qu'ils ne prononcent même pas des syllabes claires et distinctes. Oui, car les médecins parfaits réussissent à combiner la vie de couple et le travail. Il n'y a pas de désir de réussite professionnelle qui prend le dessus, tout est harmonieux, dans les bonnes proportions. Et tout ce que Rudy avait décrit était impossible. Pas de grandes familles heureuses, pas de mariage, ni à la mairie et encore moins à l'église, pas de belle nuit de noces. « T'es adorable de te préoccuper de mon plaisir, mais crois-moi... ça va très bien sans toi. »
Sa réplique suivante la calma ; l'humour n'y était plus, il n'y avait plus l'ironie qui teintait toutes leurs paroles jusque là. Touché, sans doute. Touché pour qu'il délaisse ses petites piques infantiles pour l'attaquer de front. Elle avait beau entretenir le plaisir de la dispute, savourer chacune des frappes, elle restait néanmoins humaine, et possédait le nécessaire le bon sens. Elle savait où étaient les limites du raisonnable – lorsque la personne devant elle n'était pas son frère, et elle savait lorsqu'il fallait l'écraser. Le soudain changement de ton de Rudy l'avait en quelque sorte touchée. Surprise de découvrir une nouvelle facette de sa personne, étonnée de découvrir quelque chose sur lui tout court. Mais il fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus, elle n'était pas prête à se jeter à ses pieds pour les embrasser et lui demander de l'excuser.

Respect ? C'était ça, sa raison ? Voulait-il du respect ou voulait-il être ménagé ? Elle lui avait bien dit d'arrêter de venir, elle lui avait dit qu'elle n'en voulait plus, de façon relativement calme, avant de commencer à aboyer à chaque fois qu'elle le croisait. Elle avait essayé de lui faire comprendre de façon diplomatique qu'il devrait aller se trouver d'autres cuisses entre lesquelles se loger. Mais il n'avait pas compris, entre l'obstination et la taquinerie, et il revenait, encore et encore, inlassablement. Alors il y avait une limite au respect, et il l'avait atteinte. Elle n'allait pas lui réciter un poème en alexandrins pour lui dire que ce plan cul était fini – surtout que l'appellation était bien loin d'avoir des sonorités très mélodieuses à l'oreille. « Mais tu te fous de moi ? Combien de fois je t'ai dit que c'était fini tout ça ? Mais tu reviens, tu reviens et tu me dis que tu voudrais que je te prévienne ? Mais t'es bouché mon pauvre Rudy. » Les tirades s'enchaînaient les unes après les autres, véritables moulins à paroles ces deux-là. En y réfléchissant, ils auraient pu s'entendre dans une autre vie parallèle, ou simplement si les circonstances avaient été différentes. Pas du genre à se retrouver un dimanche soir sous un plaid à carreaux bleus et rouges pour regarder un vieux film et se raconter ses joies et ses peines, certes, mais ils auraient pu s'apprécier.

C'était quoi, cette horrible manie de la croire plus mature, plus responsable que les autres ? Le fait d'être adulte était proportionnel à la longueur des cheveux ? C'était peut-être une raison pour laquelle elle les gardait si longs, pour duper chaque personne qu'elle croisait, pour qu'ils ne fouillent pas plus loin et se butent à la chevelure. Pour qu'ils ne trouvent pas sous son crâne la puérilité qui était enfouie. Puérilité qui la poussait à répliquer à Rudy, à l'encourager dans sa lancée ; il avait en effet vu juste. Elle ouvrit la bouche, mais lui s'en allait déjà vers le couloir, vers la salle de bain. Irritée de voir qu'il se permettait d'une, lui tourner le dos alors qu'elle allait lui énoncer une belle et longue tirade, et de deux parce qu'il était chez elle quand même. Mais c'était surtout la première raison qui la dérangeait, la deuxième n'était là qu'en tant que pot de fleur. Il avait passé assez de temps chez elle, dans ses pièces, dans son canapé, dans sa cuisine, dans sa baignoire et où vous voudrez pour qu'il se sente comme chez lui ici. Suivant ses pas, elle rouvrit la porte qu'il venait de claquer sèchement, afin de se glisser à l'intérieur, s'adossant au mur à côté. Elle le laissa faire, silencieuse, avant de souffler, comme dans un dernier soupir, comme si cela lui coûtait de le lui avouer : « Tu veux savoir pourquoi j'ai arrêté de t'appeler avec ardeur comme tu dis ? Pourquoi j e veux plus te voir ici, pourquoi j'ai plus envie que tu viennes me proposer de façon très subtile de nous envoyer en l'air ? Parce que je suis mariée. » Et elle s'attendait à une éventuelle leçon de morale, la fidélité, le respect, notion qu'il venait de lui rabâcher à la gueule. Elle s'attendait à ce qu'il la traite de tous les noms, offusqué de savoir qu'il couchait avec une femme trompant son mari. Ou alors, il ne la croirait pas, car rien, absolument rien, ne pouvait laisser à penser que cette fille-là était mariée. Elle était là, la principale faille de leur comédie de couple : ils ne vivaient pas ensemble. Et Elizabeth serait sans doute incapable de trouver une explication un tant soit peu plausible. Couple de jeunes mariés qui se déteste trop pour supporter la présence de l'autre en rentrant, mais dont le mari parcourt des milliers de kilomètres juste pour retrouver son épouse dans un village perdu ? Peu logique, peu crédible. Puis de toute façon, elle ne s'attendait pas à ce qu'Ethan vienne, lorsqu'elle avait connu Rudy. A ce moment-là, elle était juste une jeune femme un peu étourdie qui venait d'arriver dans un village dont elle ignorait tout. Jeune femme sans attaches qui refusait les grandes élancées lyriques relatant de son passé génial au Canada. Vingt-quatre ans, pas d'enfants, pas d'amant, encore moins de mari. « Je t'oblige pas à me croire hein. T'aurais sans doute préféré une autre raison, du genre je me suis rendue compte que j'étais lesbienne et batifoler avec un homme ne m'intéresse plus ? »
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyMer 4 Avr - 21:01

Elle avait la tête de l'emploi. Il était facile d'associer à ce visage une vie rangée, baignée dans l'amour et le travail, le bonheur et la richesse. Mais lui attribuer un sourire malsain n'aurait surpris personne. Du moins c'était la vision que Rudy avait d'Elizabeth. Et l'apparence ne faisait pas tout. Elle avait beau être jeune et joli, apte au travail acharné et au dévouement familial, elle avait surtout un orgueil et une arrogance qui faussaient tous les espoirs. Alors qu'on s'attendait avec excitation à l'entendre annoncer une grossesse totalement désirée et tant attendue, il n'y avait d'yeux que pour ses airs hautains et son regard sombre. Et sa réplique souligna cette pensée dans l'esprit de Rudy, qui d'ailleurs ne désirait plus répondre. Il avait compris sa défaite imminente et se fatiguait à lutter sans cesse. Il pensait avoir à faire avec aussi ingrat que soi, mais se retrouvait devant un spécimen d'un niveau supérieur. Il avait beau être malin de temps en temps, la seule ruse qu'il trouva en cet instant fut le silence. Un silence où l'on pouvait entendre la cloche de la victoire depuis le pays d'Elizabeth. Et, fidèle à sa maturité égale au néant, Rudy commença à faire la gueule, la colère étant redescendue et ses muscles du visage décontractés.

Cependant, face au dialogue qui suivit, il ne voulut pas rester muet éternellement. Elizabeth avait perdu le peu d'indulgence qui lui restait et n'avait pas fini d'attaquer. Rudy tenta alors de se rappeler les fois où elle lui avait fait comprendre que leur relation était bel et bien terminée. Il était vrai qu'elle avait énoncé plusieurs fois ces paroles. Mais l'égo de Rudy lui avait bouché les oreilles à chacun de ces instants, faisant mine de ne rien entendre, ignorant totalement ces dires à caractère dégradant. Car, interprétées par ce même égo, elles auraient pu signifier qu'il n'était pas bon au lit, qu'il était lourd, qu'il n'était en fin de compte pas aussi beau qu'il se prétendait être, qu'il n'arrivait même pas à satisfaire des besoins primaires... Bref, que c'était un déchet de la société. Et tourné comme ça, ça ne donnait pas envie de se rendre compte de la chose. Il avait donc fermé les yeux toutes ces fois où Elizabeth lui avait clairement fait passer le message, et s'était retrouvé ici même, en cette soirée sanglante, à s'en prendre encore plus dans la face que s'il s'était contenté de hocher la tête quelques temps plus tôt, en acceptant son sort de célibataire sexuel. Alors il revint à sa mascarade initiale, et refit allusion au prologue de cette visite. « Oui bah... je voulais te rendre ton écharpe, hein. » Le génie s'appauvrissait. L'écharpe. En plus de se ridiculiser, il se contredisait. Le besoin d'explications avait fait place à l'histoire de l'écharpe. Fallait vraiment le faire exprès pour être aussi con. Elizabeth allait sûrement exploser de rire, ou le méprisait de plus belle. Il était prêt à tout encaisser, maintenant que sa connerie n'opérait plus, et s'apprêtait à se retourner contre lui. Parfois elle était maniable, et certains, si ce n'est certaines, tombaient régulièrement dans ce piège stupide, mais en cet instant, elle était pitoyable et incitait presque à la violence, tant il s'agissait d'une bêtise purement médiocre.

Et à peine avait-il fuit lâchement qu'Elizabeth se coupa dans son élan et s'élança sur ses pas, visiblement agacée par ce dénigrement dont il faisait preuve. Alors elle rouvrit la porte claquée quelques secondes plus tôt et se posta devant lui. Il n'arrivait pas à savoir si elle était irritée à cause de son impertinence -oui, il se pourrait qu'il se permettait beaucoup de choses dans cette maison qui ne lui était pas sienne- ou de son dédain. Mais cela le fit sourire. Un petit rictus narquois naquit sur le coin de sa bouche, et la tension se dissipa doucement de son côté. Tout compte fait c'était dans le domaine du comportement enfantin qu'il était le plus fort. Quant à elle, elle gagnait dans la discipline du répondant. Et alors qu'elle soupirait, elle lâcha lasse les paroles maudites. Rudy s'arrêta net, ne bougeant plus d'un poil. La serviette qu'il tenait lui glissa des mains et alla s'échouer sur le carrelage. Son petit mouvement de lèvres sournois disparut à son tour, pour laisser place à une expression de surprise, de terreur, d'incompréhension et de gêne, et l'on cogita dans son esprit. Mariée. Même si Elizabeth avait le profil pour, en apparence, il eut du mal à l'imaginer comme tel, après la relation qu'ils entretenaient -à mettre au passé révolu, depuis quelques minutes. Non pas à cause de son infidélité, non. Il peinait à se la représenter en robe blanche, devant l'autel, à prêter serment aux côtés d'un homme qui n'était pas devenu son seul partenaire sexuel comme l'auraient voulu les conventions sociales de toute bonne femme respectable, avec un sourire arrogant. Il cligna alors des yeux, comme pour se réveiller d'un mauvais rêve, d'une mauvaise pensée surgit pendant trois minutes d'inattention, en espérant qu'Elizabeth allait réapparaître, ouvrant la porte, et l'assenant d'injures, et autres paroles qui ne contiendraient pas le mot « mariée ». Puis il la scruta, tentant de déceler un mouvement de regard, ou n'importe quel gestuel pouvant prouver son mensonge. La seule chose qu'il retint fut l'absence de bague, signe d'une crédibilité moindre. Ou alors elle voulait le dissimuler à tous, ou alors rien qu'à lui, ce qui prouvait dans un sens qu'il n'était pas si répugnant que ça, étant donné qu'elle acceptait les caresses d'un autre que son mari -on aperçut alors l'ombre de l'égo de Rudy sautillant de joie. Mais l'infidélité n'attisait pas forcément l'excitation chez lui. Ça le gênait, comme ça touchait son moi vaniteux. Ou alors encore, elle venait d'inventer le plus gros bobard de l'Histoire. « Je sais pas si je dois te croire et me sentir gêné de coucher avec une nana mariée, ou si je dois te considérer ridicule de m'avoir trouvé ça comme excuse. Dans le premier cas, t'as pas envie que ça se sache à ce que je vois. » Il montra alors d'un signe de menton son annulaire dénudé de tout anneau. Puis il saisit son visage dans sa main droite avant de la passer dans ses cheveux, encore sous l'effet de surprise. « C'est sûr que niveau crédibilité, tu t'es un peu loupée. Et tu vis même pas avec lui. Enfin en tout cas je vois qu'une brosse à dent sur le bord de l'évier et j'ai pas vu une seule fringue de mec depuis que je viens chez toi. Donc j'apprécie pas trop le côté foutage de gueule. »

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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyVen 6 Avr - 20:39

« Dans le premier cas, t'as pas envie que ça se sache à ce que je vois. » Pourtant, si elle en avait une, si elle était légitimement mariée à Ethan, elle ne le cacherait sans doute pas. Elle irait le crier sur les toits et se pavaner dans la rue en arborant avec fierté l'alliance qui décorait son doigt. Si c'était le cas, elle n'aurait même pas rencontré Rudy, même pas quitté son pays natal, et ne serait sans doute pas là en train de se justifier. Aucune envie d'aller voir ailleurs alors qu'il y a chez elle tout ce qu'elle a toujours voulu. Mais tout cela n'était qu'une belle chimère, celle qu'on entretient avec un plaisir masochiste. Là, elle passait juste pour une femme mariée et frustrée, qui n'arrive pas à trouver satisfaction et plénitude après de son époux. Une femme infidèle qui ne se souvient même plus des belles promesses faites le jour de son mariage, mais qui refuse d'y mettre fin. Pour des raisons quelconques, que ce soit la peur de se retrouver seule, ou le confort monétaire que monsieur apporte. Ils s'étaient tous les deux enfournés dans un quotidien qui ne leur correspondait pas : la routine ennuyeuse des couples de quarante-cinq ans qui n'ont pas profité de leur jeunesse et qui sont désormais effrayés de la vieillesse paralysante qui s'approche à grand pas.

Elle baissa les yeux sur sa main lorsqu'il la montra du bout de son menton, avant de les relever, visiblement mal à l'aise. « Tu veux peut-être que je le présente ? Il aura sans doute envie de te casser la gueule, mais après quelques points de suture, je pense que vous vous entendrez très bien. » Elle avait presque l'air d'en rire, mais elle se disait que la sentence serait terrible si Ethan l'apprenait : Rudy passerait sans doute une semaine à l'hôpital – et Ethan profiterait éventuellement de son poste de médecin pour le malmener un peu plus. Elizabeth, elle... elle aurait le nez toujours en place car jusqu'à preuve contraire, il n'était pas des habitudes de son frère de lui démonter la face. Mais il trouverait une façon de la torturer, matin et soir, pour rendre ses journées misérables et la rendre misérable tout court. Sanction qu'il trouverait justifiée alors que lui passe ses nuits à enlacer des enjôleuses prétentieuses et idiotes. « Je me fous pas de toi Rudy, même si en général j'aime beaucoup le faire. Si c'était un mensonge, j'aurais choisi quelque chose de moins banal, tu vois. Je peux te montrer ma carte d'identité, et sa carte à lui, pour que tu constates que j'ai eu la joie de prendre son nom de famille ? » L'avis de Rudy ne comptait pas réellement à ses yeux ; qu'il la croie ou non ne l'atteignait pas tant que ça , son avis avait autant d'importance que celui du boucher ou de la marchande de légumes. Et pourtant, elle voulait se justifier, à tout prix. Qu'il la trouve convaincante, qu'il se laisse berner. C'était un besoin viscéral, il fallait qu'il se laisse prendre par toute cette comédie. Elle avait besoin de voir que son plus gros péché était à l'abri grâce à ses airs de manipulatrice, car l'idée qu'il puisse être en danger, à cause d'un éventuel manque de talent d'acteur la terrorisait. « Je sais pas quoi te dire pour que tu comprennes que je suis pas en train de te mentir. Mais prends-ça comme un compliment, Rudy. Une femme mariée qui préfère t'avoir dans son lit plutôt qu'être dans celui de son mari, c'est assez gratifiant non ? Surtout que c'est pas un centenaire qui est en train de croupir dans son lit de mort. » Elle s'entendait parler et elle s'enfonçait dans le minable avec un entrain hallucinant. La bêtise de ses mots était affolante, elle ne sentait, elle le savait, mais elle ne s'arrêtait pas pour autant, persévérant et dévoilent les points sombre de ce théâtre pathétique, tout en tenant d'y trouver une réponse logique. « Et je te vois venir, tu vas me dire que si je suis réellement mariée, alors la robe blanche, les fleurs dans les cheveux et la traîne de trois kilomètres doit remonter à quelques temps déjà, parce que je viens d'arriver ici, et que jusqu'à preuve du contraire, tu n'as pas vu de magazines débiles pour les mariages ou je ne sais quelles factures de fleuriste... Et puis tu me diras aussi, pourquoi maintenant ? Parce qu'il vient d'arriver à Arrowsic. »

Elle réussit finalement à endiguer le flot de paroles et à se taire. Silence, une beauté qu'il fallait préserver en ces temps difficiles, savourer le moment car il n'allait sans doute pas durer longtemps, les connaissant tous les deux, ayant chacun cette capacité à la briser en de vulgaires éclats. Elle ne supportait pas cet espèce de face à face, lui adossé au lavabo et elle contre le mur opposé. Elle voulait se tenir avec fierté devant lui, mais elle avait trop peur de se trahir – même si de toute façon, personne n'aurait l'esprit assez tordu pour envisager la réalité qui se tapissait sous les carapaces. C'était peut-être ça aussi, qui les protégeait : la vérité était trop cruelle, trop immorale, trop impensable pour qu'un individu lambda bien équilibré, c'est-à-dire qui n'a lui-même pas éprouvé de sentiments envers un membre de sa famille, qui n'est pas un psychopathe ; puisse imaginer une telle horreur. Ne tenant pas en place, elle préféra se redresser, aller à droite pour enfoncer les quelques vêtements qui débordaient dans le coffre à linge sale, avant de revenir près de Rudy, le dégageant sur le côté grâce à un léger coup de bassin, afin d'essuyer les éventuelles éclaboussures qu'il avait pu faire. Aucune tendance maniaque, elle supportait relativement bien le désordre, sans pour autant adorer y vivre. C'était juste une tentative désespérée pour décoller de son mur, pour que la discussion ne prenne pas un tournant trop sérieux. Car elle n'avait pas envie de ça avec Rudy, car la simplicité était censée être la base même de leur relation. Là, ils allaient virer dans le mièvre, le mielleux, l'insupportable, se regardant dans le blanc des yeux en énonçant les raisons pour lesquelles ils devaient absolument se séparer maintenant.

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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyLun 9 Avr - 15:36

Il avait encore du mal à croire les paroles d'Elizabeth. Cette révélation, en plus d'être tardive, qu'il devait accepter sans trop chercher la vérité dans ces paroles lâchées avec détachement. C'était dur de s'imaginer marié à vingt-quatre ans, même si ce rôle lui allait bien. Mais il se laissa prendre au jeu et décida de la croire. Elle n'était pas du genre à se moquer de lui avec un sujet si sérieux. Parler de mariage, et surtout d'adultère, dans une ville si petite qu'Arrowsic où un mot de trop pouvait détruire n'importe qui, était très risqué, et Elizabeth n'irait jamais crier cela pour rire, juste pour se débarrasser de Rudy. Non, il fallait bel et bien la croire, même si les preuves autre que sa bonne volonté, et le nom de famille commun -preuve peu négligeable au final, sauf si Elizabeth était en fait une agent de la CIA et qu'elle se trouvait sous couverture- manquaient. De toute façon il n'avait pas trop le choix. Elle insistait éternellement, appuyait cette affirmation en justifiant chacun de ses mots, et s'imbibait d'un flot de paroles effréné, avec un désir insatiable de se faire entendre, mais sans arborer de grimace suppliante, non. Elle restait appuyée contre le mur et seules ses lèvres bougeaient, mais l'on devinait le souhait d'être écoutée et comprise. Et comme elle le disait si bien, il devait se sentir flatté. Du moins son égo, renfloué pour les dix années à venir. Enfin en place de maître. Quant à lui, il ne savait pas trop où se mettre. Participer à un adultère, sans même le savoir, c'était à la limite du terrifiant. La peur de se faire prendre rythmait soudainement son angoisse. Ça n'avait en soi rien d'excitant, même si certains déclaraient le contraire. Et d'un autre côté, il prenait le parti de son second moi, son arrogance prenant le dessus. « Je vais te croire, même si j'arrive pas à m'y faire. Mais je veux pas d'emmerdes, hein. »

Il aurait bien aimé poser mille autres questions autour de cette déclaration brutale. Quand se sont-ils mariés, d'où viennent-ils, pourquoi si jeunes, pourquoi viennent-ils d'arriver en ville seulement maintenant, pourquoi le cacher, pourquoi le tromper... Tout était flou et confus. Rien de précis, une esquisse négligée d'un tableau du couple Calaan, aux traits grossiers. Mais Rudy allait devoir faire avec ces maigres indications, car à moins de vouloir enfoncer plus densément la gêne de cette scène de révélation, il ne comptait pas sortir un mot de plus sur le sujet. Entre eux, les sentiments étaient bannis. Pas de mélodrame romantiques, ni l'évocation d'une quelque émotion. Et à voir leur tête respective, enfermée dans cette salle de bain exiguë, ils auraient pu jouer dans un épisode d'Amour, Gloire et Beauté, comme protagonistes d'une scène de quiproquos sentimentaux. Elizabeth aurait rajouter un je suis enceinte et la scène aurait fait exploser les chiffres d'audience. Au fond c'était plus comique que dramatique, avec leur gueule de merlan frit, à se regarder dans le blanc des yeux à attendre que l'un propose un monopoly pour calmer les esprits... Futile relation qu'ils entretenaient par la tension, avant de passer à l'inconfortable silence de la salle de bain. Rudy laissa s'échapper un soupir pour rompre ce calme plat, mais le manque de dialogue ne se comblait pas par une expiration forcée. Si bien qu'Elizabeth prit les devants, et commença à remuer dans la petite pièce, vers la bac à linge, puis sur le contour de l'évier, entretenant par la même occasion un des seuls contacts de la soirée qu'ils avaient, pour le moment; un coup de bassin. Ça traduisait plus une certaine complicité plutôt qu'un geste poli pour lui demander courtoisement et de façon distinguée de se décaler de l'évier. De plus, se retourner pour attraper un chiffon en dévoilant inconsciemment un postérieur moulé avec élégance dans un jean serré pouvait être très très très mal interprété par l'esprit envieux de Rudy. Surtout que, soyons francs, il n'avait pas inondé sa salle de bain avec son robinet. Ce fut donc au moment où elle pivota qu'il décida de déferler toute cette tension embarrassante sur ses lèvres. Il se donna bonne conscience en se disant qu'il fallait bien clore cette relation par une dernière étreinte, histoire qu'ils ne gardent pas un souvenir fade et pâteux d'une dispute pesante. Et ils étaient arrivés à un point où les paroles étaient imprononçables. Où les seuls gestes possibles étaient l'immobilité -s'il l'on pouvait appeler ça un geste- ou le départ, qui aurait laissé finir cet instant sur un note désagréable. Il n'y avait donc plus que cette option, laquelle était leur jeu préféré, mais encore fallait-il qu'Elizabeth consente à ce qui s'annonçait comme un adieu. Un adieu à une anthologie charnelle, écrite autour d'un mensonge.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyLun 16 Avr - 16:46

Pas d'emmerdes disait-il. Ce n'était pas son intention, pas de plan machiavélique tordu pour faire plonger Rudy dans une phase de dépression interminable. Pas de plan digne de la mafia ou de conneries de ce genre là. A priori, il n'allait pas avoir d'emmerdes. A priori. Car si ses merveilleux voisins avaient la merveilleuse idée de parler avec trop peu de retenue à Ethan lors de ses rares visites, ce n'était pas que de simples complications que Rudy allait subir. Elle se contenta de lui adresser un regard gêné, incapable de lui donner une réponse. Elle aurait aimé lui assurer que ça irait, qu'il ne risquait rien, mais ce ne serait qu'un mensonge de plus à une liste déjà bien longue. Elle avait découvert cette dernière année et ces derniers mois surtout, la redoutable malchance que son frère et elle avaient, cette faculté à être au mauvais endroit au mauvais moment.

Et il posa ses lèvres sur les siennes, comme si c'était approprié, comme s'il s'agissait là d'une après-midi/soirée/nuit/petit matin ordinaire où ils s'amusaient à défaire et refaire les draps de l'un et de l'autre. Comme si ce baiser était comme tous les autres, le premier qui ouvrait la porte aux milliers qui allaient suivre. Malgré la surprise, ce fut le vide qui régnait dans sa tête. Pendant quelques secondes, elle se laissait presque faire complètement, délaissant de côté les belles paroles explicatives qu'elle avait hurlé deux minutes plus tôt. La fidélité, le mariage, cette promesse sacrée qui était déjà bafouée et qui ne pouvait plus l'être... Toutes ces belles vertus, ces belles idées proliférées comme un hypocrite religieux réciterait sa Bible. Ces mots qui sonnent tellement juste, tellement doux à l'oreille, qu'on ne met cependant jamais en pratique. Elle posa légèrement ses mains sur les mâchoires de Rudy, presque spontanément, avant d'être frappée par la réalité. La décision de mettre fin à tout ce manège volait en éclat avec une facilité déconcertante. Si peu de volonté de sa part était désolant. Elle savait ce qu'il fallait faire pour avoir une vie qui ressemble un peu moins à une boucherie le lendemain d'un cambriolage, mais elle semblait se plaire dans ce bordel sanglant. Elle recula un peu, braquant ses yeux sur lui : « Je te dis que je suis mariée, que j'ai un mari qui vient de débarquer à Arrowsic, et la seule chose que tu trouves à faire, c'est m'embrasser ? Mais Rudy mais... » La situation était tellement ridicule. Elle se la jouait pauvre femme outrée par le comportement du jeune homme, alors qu'elle avait passé des mois entiers dans ses bras sans éprouver le moindre remord. Et en parallèle, Rudy était loin d'être l'incarnation de la Logique. Il appréciait ces disputes sans queue ni tête autant qu'elle, il appréciait venir sans raison valable – non, l'écharpe à rendre n'était pas une raison suffisante à ses yeux, il appréciait lui rappeler à quel point elle pouvait être misérable parfois, et entre deux remarques acerbes, il prenait plaisir à plaquer ses lèvres contre les siennes, en ayant bien évidemment précisé quelques secondes plus tôt qu'il ne savait pas s'il fallait la croire, et que si c'était bien vrai, il ne voulait pas d'ennuis. Non, sérieusement, il manque un fil conducteur là-dedans.

« Je vais vraiment finir par croire que tu peux pas te passer de moi. »
C'était faux, car si jamais ils ne se voyaient plus, elle savait bien Rudy n'allait pas passer ses journées dans le noir à pleurer la perte de son Elizabeth, à se goinfrer de glace et à regarder des vieilles comédies romantiques. Mais elle doutait quand même un peu ; et si il était réellement tombé amoureux ? Car cela expliquerait bien des choses au final. Mais non, ce n'était pas possible. Il était trop borné et trop orgueilleux pour tomber amoureux d'elle. Et de toute façon, il était insupportable, qui plus est trop fier. Oui, il manquait cruellement de modestie, et il avait cette affreuse tendance à chauffer ses nerfs. Puis il portait des t-shirt quelque peu immonde parfois. Et des chaussettes dépareillées les mauvais jours. Il devait sans doute se croire charismatique, et beau comme un dieu ; penser qu'il méritait des offrandes et des prières à son nom. Mais ce n'était qu'un pauvre gamin qui avait le même âge qu'elle, qui pouvait aisément se faire passer pour un adolescent de dix-sept ans lorsqu'il va au cinéma, afin de ne pas payer ses places plus chères. C'était un véritable gamin, puéril de la tête au pied – même si avouons-le, il n'était pas désagréable à l’œil. Ils formeraient vraiment un couple horrible ensemble. Ce n'était pas envisageable, hors de question, de toute façon, il n'était pas amoureux. Elizabeth chassa très rapidement cette idée de sa tête tant elle lui paraissait sordide.

Mais une nouvelle autre lui vint à l'esprit : pourquoi se comportait-elle comme une femme mariée qui se sent coupable d'avoir trompé son mari, alors qu'elle n'était rien de ça ? Pourquoi est-ce qu'elle voulait à tout prix mettre un terme à cette relation avec Rudy, alors qu'elle ne faisait de mal à personne ? Au contraire, ils arrivaient à trouver leur compte tous les deux, tous les deux satisfaits, sans être encombrés par les problèmes de couples mielleux. Pourquoi est-ce qu'elle tenait à assumer le rôle de l'épouse digne, alors qu'à côté, Ethan sautait sur tout et n'importe quoi ? Qu'il ne se gênait pas pour ramener ses putes aussi blondes que grandes, aussi belles que naïves, dans son espèce de grotte miteuse ? Elle avait tellement intériorisé leur doux mensonge, c'était presque le rôle de sa vie. Elle s'était glissée dans la peau de son personnage à un tel point qu'il était désormais impossible pour elle de faire la part des choses. Elle se surprenait à inventer des histoires loufoques concernant Ethan, se demandant où est-ce qu'il a été dernièrement et combien de filles il a pu se faire, quelle était sa technique de séduction. Elle était devenue une de ces filles soumises et incapables, dépendantes de leur pauvre mari sans qui elles ne pourraient vivre, ces femmes trop faibles, trop amoureuses. Ces femmes qui savent que leur mari n'est qu'un salaud, et un salaud qui ne s'en cache pas, mais qui restent malgré tout. Elle était devenue ce qu'elle avait toujours méprisé. Car Elizabeth, elle, se voyait comme une femme indépendante qui ne céderait pas aux caprices de l'amour. Refusant renoncer à beaucoup de choses pour les beaux yeux d'un homme. Elle trouvait débiles les femmes qui étaient prêtes à se donner corps et âme pour leur mari, prêtes à mettre de côté leurs rêves pour réaliser ceux de l'autre. Mais là, elle était devenue l'une des leurs. Alors qu'il aille au Diable Ethan, lui et autant de putes qu'il voudra. Qu'il les emporte toutes.
Après quelques instants de silence, elle ajouta : « En fait... Ça m'est égal. » Puis elle brisa la frêle distance qu'elle avait instauré entre eux, glissant ses phalanges dans sa nuque, remontant ses doigts dans ses cheveux. Sensuelle étreinte, lèvres accrochées et jambes entremêlées. Tant pis pour ces belles paroles, ces promesses à deux balles qu'elle s'imposait elle-même. Le bout de ses doigts se décollèrent de son cou, allant se faufiler sur ses hanches, puis effleurer la chaleur de son dos. Caresses qu'elle connaissait si bien, le creux de ses reins, les os de son bassin. L'odeur de sa nuque, le goût de ses clavicules. Relevant la tête, elle lui adressa un sourire qui disait que c'était fini, cette tension là. Que la tension qui régnait entre eux allait servir à autre chose plutôt qu'à se briser les voix et brûler les nerfs.
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MessageSujet: Re: A vif — (Elizabeth)   A vif — (Elizabeth) EmptyVen 20 Avr - 14:54

Après lui avoir fait part de ses angoisses vis à vis des emmerdes qu'il risquait, elle lui répondit par un sourire gêné. Le genre de sourire qui se voulait apaisant, en toute connaissance de conséquences. Soit, il allait se laisser convaincre par cette révélation, dont il avait encore du mal à se remettre. Et qui, de plus, détériorait l'image qu'il avait d'Elizabeth; l'image d'une fille, ayant trop peur de finir délaissée, emprisonnée par consentement dans ses bouquins et ses cours de médecine. Pour lui, elle n'avait rien d'intéressant en soi, à part un physique gracieux et attractif, accompagné de connaissances sur l'anatomie humaine et la façon de recoudre le bide d'une nana après une césarienne. Au fond, c'était une fille comme les autres, et il était très fort probable qu'il trouve un jour meilleur parti qu'elle. Mais voilà, ils s'étaient retrouvés dans le même lit à un instant t et le destin avait joué son rôle en les gardant liés, corps contre corps, quelques mois de plus. Pour les réunir dans cette salle de bain, au moment des révélations. Comment appelait-on ça déjà ? Ah oui, la fatalité.

Puis inlassablement, il l'avait embrassé, comme s'il n'avait pas eu assez d'action aujourd'hui, entre cette soirée agrémentée de dispute, avec une pointe de surprise. S'attendant à une réaction ardente, il ne fut pas étonné en entendant ses douces paroles rébarbatives siffler quelques secondes après. Il ne faisait qu'un avec la spontanéité, et n'arrivait pas toujours à expliquer ses crises d'impulsivité. Mais à vrai dire il en avait marre de lutter contre tout ce qui se complotait dans son esprit. Il était venu pour Elizabeth et ses doux baisers, il repartirait avec Elizabeth et ses doux baisers. Ça devrait être aussi simple que ça. Peut importe si son histoire personnelle, composée de tiraillements entre son devoir d'épouse et son indépendance menant à l'infidélité, se trouvait devant sa route. Il suffisait d'y faire abstraction. Et puis il n'avait pas à regretter quoi que ce soit. C'était elle et elle seule qui les avait mis dans cette situation. Si elle n'avait pas eut le bon goût d'aller batifoler, à coups de jambes en l'air ailleurs que dans le lit conjugale, ils n'en seraient pas là. Et même si elle n'avait pas eut l'idée de lui avouer son statut civil non plus. Au final il avait l'âme sereine, dénuée de culpabilité, et n'allait certainement pas s'excuser pour l'avoir embrassée. C'était là-dessus qu'était basée leur relation, de toute façon. Sans ces actes, ils n'avaient plus aucune raison de se parler. C'est donc en levant les yeux au ciel qu'il l'écouta se plaindre, soupirant. Les femmes, ô ces grands êtres compliqués, mystérieux, incompréhensible. Encore plus impétueux, dotés de superbe et d'enchantement, menant à l'illusion et à l'effondrement. Il eut ensuite droit à un nouveau coup de « tu peux pas te passer de moi. » Ça devenait presque lourd, d'entendre cette phrase encore et encore, à longueur de soirée. Elle devenait pire que lui niveau égoïsme. Ils s'attelaient à une compétition du surmoi le plus renfloué. Et les petits airs de peste d'Elizabeth étaient de très bons concurrents. Le regard dédaigneux, le podium de la meilleure réplique cinglante sans cesse sous la plante de ses pieds et les soupirs méprisants. Un peu d'esprit, des os, de la peau, et une bonne dose de dédain faisait l'affaire pour constituer cette petite personne. « J'vais finir par vraiment penser que c'est vrai, je l'entends tellement, cette phrase. T'as pas des crampes aux lèvres d'ailleurs ? A force de répéter les mêmes mots ? Après c'est peut-être juste l'adultère qui m'excite. » Et c'est par son petit rictus habituel qu'il lui fit comprendre que ces mots sonnaient purement enfantins, et non pas comme une énième source de conflit.

Puis, Elizabeth se montra inexplicable, mêlant ainsi soudainement ses lèvres aux siennes. Ces mêmes lèvres qui avaient crié au scandale quelques minutes plus tôt. Appelez cela comme vous le voudrez; paradoxe, contradiction, manque totale de raison... Rudy appelait ça une victoire. C'est donc avec satisfaction qu'il accueillit ses caresses et son affable souffle dans le creux de son cou. Ainsi la même chanson recommença, pour la énième fois. Ces paroles qu'ils connaissaient par cœur. Cette mélodie redondante qui sifflait au sein de leurs étreintes charnelles, qui brûlait sur leur peau respective, au toucher de leurs paumes épousant parfaitement les courbes de ces deux corps accoutumés. Rudy eut alors la confirmation du consentement d'Elizabeth, elle qui effleurait déjà ses reins, chemin connu avant tant d'assiduité par ses tendres mains. Il remonta alors ses doigts sur le haut de sa cuisse, collant ainsi ce bel organe à la chaleur de son corps, en s'attelant de son autre pouce à faire glisser la bretelle de son tee-shirt et à la faire glisser le long de son épaule, avec sensualité. Et ainsi commença le cœur même de leur symphonie. Les souffles mêlés qui s'accélèrent, les mains habiles qui arrachent chez l'autre un surplus de vêtements, obstacle à la route de l'extase, pendant qu'ils s'extirpent dans leur union malhonnête de cette pièce exiguë, courant corps et âme froisser de nouveaux draps blancs. Suspendu à ses lèvres, il se demandait si cette énième fusion de leur être serait la dernière. Car sceller si brusquement leur routine inlassable avait une once d'angoisse inconfortable. Le mot d'ordre de cette soirée était donc de savourer. Savourer le goût de sa peau, comme si c'était la dernière fois qu'il embrasserait sa chute de reins.


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