« ‘Lani, bouge un peu ! » J’étais posée tranquillement devant la télévision à regarder une émission de télé-réalité racontant les péripéties d’une bande de coiffeurs du New-Jersey. Je n’avais jamais vu, et on peut penser que ça m’intéresse vraiment, que je suis passionnée mais pas du tout. « Pourquoi faire ? » Ma cousine, Sofia, se poste entre la télévision et moi, les mains sur les hanches. Quand elle est énervée, elle n’est pas crédible, mais là, je vois bien que je l’exaspère. « Sors, rencontre des gens, arrête de rester devant la télé ! » Et si j’ai envie de rester là, on fait comment ? Je n’ai pas envie de rencontrer de nouvelles personnes. Si c’est pour me faire jeter après, je n’en vois pas l’intérêt. J’hausse les épaules pour montrer à Sofia que j’ai entendu ce qu’elle a dit mais que je n’ai pas du tout l’intention d’appliquer ses conseils. Elle ne peut pas comprendre, elle ne s’est pas fait jetée, elle. « Bon, si tu veux pas sortir, tu m’fais du ménage ? » Elle sait à quel point je déteste faire du ménage, à quel point je suis bordélique, je crois qu’elle s’imagine qu’en me lançant cet ultimatum, ça va me pousser à sortir. Peine perdue. « Non. » Elle soupire et j’ai l’impression d’être une sale gosse. Mais franchement, je m’en fiche, je n’ai pas envie de faire des efforts aujourd’hui. Peut-être demain.

Voilà, elle est partie, je peux végéter tranquillement. Je me reconcentre dans cette émission et Olivia se bat avec Tracy. D’après les commentaires des autres, ça a l’air habituel. Sauf que là, le mec d’Olivia dont j’ai oublié le nom rentre dans la bagarre et se bat avec le mec de Tracy qui n’a pas de nom non plus. Mais c’est génial. Ironie. Mon portable vibre sur la table basse. Doucement, lentement, tranquillement, je me penche et l’attrape. « Tu fais quoi ? » Message de Sofia. « Je suis aux toilettes. » Réponse d’Aelani. « T’es même pas drôle. » Message de Sofia. « Tu m’aimes comme ça. Bon, tu me déconcentres. » Réponse d’Aelani. Ne pas se méprendre, j’aime Sofia. Ce que je n’aime pas, c’est qu’elle essaye de me faire sortir alors que j’ai juste envie de déprimer.

Après quelques petites heures, je crois, j’entends la sonnette. Bon, déjà, c’est pas Sofia, elle a ses clés. Qui d’autres ? J’espère que c’est pas le voisin. Comment il s’appelle déjà ? Ronaldo, je crois. AH NON ! Fernando. C’est tout aussi moche. Non, parce que j’vous explique. Ce mec me déteste. Il trouve que je fais trop de bruit, mais pas du tout. C’est juste que parfois, je suis un peu énervée donc je mets la musique à fond, histoire de me calmer. Et je vois pas en quoi ça le dérange, c’est bon, c’est pas un vieux, il peut bien endurer quelques minutes de musique de temps en temps ! De toute façon, je peux arrêter de parler de lui, ce n’est pas lui qui vient de sonner. Ouais, j’ai ouvert la porte et je me suis retrouvée en face de Mattia. Mon cousin. Je l’aime bien, je suis contente de le voir mais je suis quand même étonnée de le voir là. « Mattia ?! » Je reste hébétée quelques secondes avant de réagir et le prendre dans mes bras. Enfin, c’est un peu compliqué étant donné qu’il fait au moins deux têtes de plus que moi. C’est fou comme il a grandi depuis les dernières grandes vacances où j’étais venue. Quand, je pense qu’il a cinq ans de moins que moi et que j’ai l’air d’une gamine à côté de lui… « C’est Sofia qui t’envoie ? » Ça ne m’étonnerait carrément pas, c’est bien son genre.

Ce matin-là, en se levant, Mattia avait espéré passer, pour une fois, une journée tranquille. Sa journée tranquille, il l'avait eu. Bien heureusement. Il était sur le point de rentrer chez lui, à contre-coeur, lorsqu'il avait reçu un message. Comme à chaque fois que son téléphone vibrait, son coeur faisait de même. Mais raté. Ce n'était pas Ella. Il espérait encore, malgré tout ce qu'il lui avait fait, et dit, qu'elle prenne le téléphone, et qu'elle lui envoie un petit signe de vie. C'était idiot.. Surtout que lui-même n'était pas capable de faire le moindre petit geste envers elle. Mais c'était comme ça.

Il fut donc déçu de constater que ce message ne venait pas d'Ella, mais de Sofia. Qu'est-ce qu'elle avait donc à lui dire? Il était rare qu'ils se parlent. Non pas qu'ils ne s'entendaient pas, mais entre un gamin de dix-sept ans, et une jeune de vingt-trois ans, bien qu'ils soient cousins, il y avait un monde les séparant. S'il te plaît, va voir Aelani, et essaye de la sortir. Elle déprime devant une télé-réalité là.. Mattia relut une deuxième fois le message. Aelani? En déprime? C'était presque aussi impossible que si on lui associait Mattia avec les mots 'arrêt de tennis'. Sa cousine, c'était la joie de vivre incarnée. Quoique ces derniers temps, ce n'était pas vraiment ça.. Elle aussi avait essuyé un revers amoureux. Pas parce qu'un bébé s'était logé dans son ventre. Mais parce son futur mari avait décrété deux jours avant leur mariage qu'il n'allait pas se marier avec. Cette histoire avait fait le tour de toute la famille. Même la mère de Mattia, d'habitude perdue dans ses propres pensées, incapable de réagir au bruit extérieur, avait dit en l'apprenant « pauvre Aelani ». C'était tout. Mais ces deux mots, bien que profondément triste pour sa cousine, avait remplie de joie Mattia. Au moins, sa mère avait parlé.. Pour pas dire grand chose, mais pendant au moins cinq secondes, elle était sortie de son état.

Au lieu de rentrer chez lui après son entrainement de tennis, Mattia s'était donc retrouvé devant chez sa cousine. Là où habitaient Sofia et Aelani. Portant toujours son sac de sport sur son épaule, il sonna un premier coup. Puis un deuxième. Histoire qu'elle bouge ses fesses de déprimée, et vienne lui ouvrir la porte. « Mattia ?! » Sa cousine venait d'ouvrir la porte, et apparemment, semblait surprise de le voir. Il lui fit un grand sourire. « He oui! ». Ils se serrèrent dans les bras; Mattia fut surprit de voir à quel point sa cousine, pourtant plus âgée, était à ce point si petite.. « Tu devrais penser à manger de la soupe.. » dit-il, un sourire en coin, se moquant ainsi de sa petite taille.

Il ne voulait pas l'ennuyer. Il voulait juste lui faire passer un peu de bon temps. A elle. Et à lui. S'il pouvait oublier pendant un certain temps, Ella, ce serait bien; Et si en prime, si elle oubliait, elle aussi, son histoire d'amour déchirante, ce serait parfait. « C’est Sofia qui t’envoie ? » Là, Mattia sourit. « Raté! Je venais juste comme ça, après l'entrainement, voir comment tu allais. » Il mentait. Mais il connaissait sa cousine; garder sa source secrète était ce qu'il pouvait faire de mieux pour Sofia. Sinon, la pauvre en entendrait parler pendant plusieurs jours.. Ne voulant pas trop rester sur ce sujet -se sachant quelque peu mauvais menteur quand les gens en face de lui insistaient-, Mattia fit un pas en avant, et se retrouva dans le hall de la maison. « En réalité, je rentrais chez moi, et je mourrais de faim.. j'ai pensé que t'aurais peut-être quelque chose à me proposer.. » Son sourire sur les lèvres, il scruta la jeune fille. Apparemment, elle n'était pas sortie de chez elle aujourd'hui.. Il eut mal au coeur pour elle. S'il avait en face de lui ce type qu'elle avait faillit épouser, nul doute que, malgré ces dix-sept ans, il en viendrait aux mains.

« He oui ! » Le sourire de Mattia me réconfortait un peu. J’étais contente de le voir, même si je criais sur tous les toits que je n’ai envie de voir personne. Finalement, Sofia n’avait peut-être pas tort, il faut que je vois du monde. N’empêche, je n’ai quand même pas envie de sortir. Voir Mattia, un membre de la famille, ce n’est pas du tout la même chose que de voir des inconnus. Et puis, je ne pourrais jamais mettre Mattia dehors. Parce qu’il est trop mignon, mais surtout, parce qu’il est beaucoup plus grand que moi et qu’il ne se laissera pas faire. « Tu devrais penser à manger de la soupe. » Je lui fais un petit sourire de circonstance. Parce qu’il est drôle, mais que je n’ai pas envie de rire. J’ai pas vraiment la tête à ça, en fait. « Et toi, tu devrais penser à arrêter d’en manger… » Je ne suis pas susceptible et carrément pas du genre à me vexer. Encore moins pour une petite moquerie sur ma taille. Ça fait longtemps que je suis petite, j’ai l’habitude de ces petites remarques et à force, ça me fait même rire. Enfin, j’aurais rigolé si je n’avais pas la tête de ce connard de Keona incrusté dans mon esprit.

Bien que j’étais contente de voir Mattia, j’étais persuadée qu’il n’était pas venu là de lui-même, que quelqu’un lui aurait soufflé l’idée. Et par quelqu’un, je voulais évidemment parler de Sofia. C’est juste la fille la plus têtue qu’il m’ait été donné de voir et elle se donne tous les moyens d’obtenir ce qu’elle voulait. En l’occurrence, là, elle veut que je me bouge. Elle a donc appeler Mattia a sa rescousse. D’ailleurs, je le lui demandais. C’était une façon d’obtenir confirmation, déjà sûre de sa réponse. « Raté! Je venais juste comme ça, après l'entrainement, voir comment tu allais. » A vrai dire, je pensais qu’il allait me dire que j’avais raison. Je plissais les yeux, le regardant attentivement pour essayer de déceler la moindre petite trace de mensonge, mais je ne voyais rien. Soit il ne ment pas, soit je dois arrêter de me prendre pour Cal Lightman, le mec de la série Lie to me. Mais si ! Vous savez, c’est le mec qui arrive à voir si les gens mentent en à peine trente secondes. Je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir plus longtemps puisque Mattia s’avança dans l’entrée et je refermais la porte derrière lui. Je me donnais une claque mentalement pour ne pas avoir pensé à le faire rentrer plus tôt, au lieu de le laisser poireauter sur le palier. « Et bien… Je vais bien… » Ceci est un pur mensonge. Je ne vais pas bien et même quelqu’un qui vient de me rencontrer pour la première fois de sa vie le remarquera. Franchement, j’ai juste envie de pleurer. Je repense sans cesse à ce mariage qui aurait dû avoir lieu. Je m’enfonçais un peu plus vers l’intérieur de l’appartement et nous étions maintenant dans le salon. « En réalité, je rentrais chez moi, et je mourrais de faim.. j'ai pensé que t'aurais peut-être quelque chose à me proposer... » Je fis une petite moue gênée avant de passer ma main dans mes cheveux. Je ne suis pas sûre d’avoir quelque chose à lui proposer, en fait. Pour dire la vérité, je n’en sais strictement rien. Je passe mes journées devant la télévision, puis je me lève pour aller aux toilettes parfois, et je fais aussi le trajet du salon à ma chambre. Et deux jours dans la semaine, je vais travailler, parce qu’il le faut bien. Du coup, je mange quand Sofia me ramène quelque chose ou quand je suis au travail. Du coup, je ne sais pas si Sofia a fait les courses ou pas et je sais encore moins s’il y a quelque chose qui va lui plaire. « Je sais pas… T’es sûr que t’as faim ? » Du coup, je me dirige tranquillement vers la cuisine pour voir s’il y a quelque chose d’intéressant à proposer. Je regarde dans un premier placard et je vois un tas d’assiettes. Ah oui, j’avais oublié. Je regarde dans le placard d’à côté et je vois plusieurs boîtes de biscuits. Je décide immédiatement de mettre de côté ceux qui sont devant. Ce sont les biscuits au blé de Sofia, et je sais qu’il ne faut pas les manger. Derrière, je vois une boîte de petits gâteaux au chocolat. Parfait. Je tends le bras, je me hisse sur la pointe des pieds et encore quelques petits centimètres… Je vais y arriver. Une main passe devant mes yeux et attrape la boîte avec facilité. Je ne savais même pas que Mattia m’avait suivie dans la cuisine. Je me remets correctement sur mes deux pieds et me tourne vers mon cousin. « Bon appétit ! » dis-je en souriant et en montrant du doigt le paquet de biscuits qu’il tenait à la main. Il pouvait tout manger, je n’en veux pas.

En venant ici, Mattia pensait que Sofia avait quelque peu exagéré.Peut-être oui, sa cousine Aelani n'allait pas bien. Il y avait de quoi, non? Elle avait tout prévu. La salle était peut-être même déjà prête, décorée. Le traiteur était commandé, sa robe achetée. Et voilà que monsieur décrétait, quarante-huit heures avant de dire « oui », qu'il n'avait plus envie de se marier. Il y avait de quoi avoir le bourdon. De quoi vouloir rester caché au fin fond de son lit le reste de son existence. Et apparemment, c'était l'option qu'Aelani avait prise.

Pourtant, Mattia fut heureux de constater qu'elle n'avait pas perdu son sens de l'humour. Elle ne riait pas, certes. Mais au moins, elle souriait. Son cas n'était peut-être pas si désespérant que ça..« Et toi, tu devrais penser à arrêter d’en manger… » Bien dit. Mais pour attraper les balles, être grand, c'était utile. Surtout qu'au moins, quand il fallait cinq enjambés pour sa cousine, lui, il n'en avait besoin que de trois. La conclusion était facile à faire; être grand, c'était moins se fatiguer..

Après quoi, la jeune fille lui demanda s'il était venu à cause de Sofia. Non, désolé, là, il se tut, préférant dire qu'il était venu tout seul. D'un, c'était mieux pour Sofia. De deux, c'était plus glorieux pour lui.. Lui, Mattia, le bon cousin qui vient voir sa cousine. Apparemment, c'était peu crédible. Sa cousine le fixa, en plissant les yeux, comme si elle essayait de savoir s'il mentait ou non. Mattia resta stoïque tout du long, essayant de ne pas rire en la voyant ainsi faire. Finalement, elle dût décréter qu'il ne mentait pas, et ouvrit la bouche pour lui répondre.« Et bien… Je vais bien… » Mais bien sûr. Mattia leva les yeux vers sa cousine, et la regarda. Croyait-elle vraiment qu'elle allait lui faire croire ça? Elle n'allait pas, ça se voyait. Elle n'était pas dans son état de d'habitude; elle restait en plus dans sa maison, sans oser mettre le nez dehors.

Plutôt que de rester sur ça, Mattia préféra ajouter qu'il avait faim. Là, surprise, la jeune fille lui annonça « Je sais pas… T’es sûr que t’as faim ? » Heu. Oui, il était sûr. Un peu perdue, elle se dirigea alors, tranquillement, vers la cuisine. Mattia fit de même, se demandant comment essayer de rendre le sourire sur le visage de sa cousine. Il la vit ouvrir un premier placard, regarder à l'intérieur, le refermer et en ouvrir un deuxième. Moqueur, il eut un léger rire; nouvelle venue ici, sa cousine n'était pas encore à l'aise dans la cuisine.. Il l'observa alors, dans le deuxième placard, essayer d'attraper quelque chose. Elle se hissa sur la pointe des pieds, tendant le bras. Amusé de la voir tant galérer, il la laissa faire pendant quelques secondes, avant d'avoir pitié d'elle. S'approchant doucement, il attrapa le paquet sans aucun effort. Des biscuits au chocolat. Parfait !! Il les adorait ceux-là. « Bon appétit ! » lui dit-elle alors en montrant le paquet.

« Merci!! » Posant son grand sac de tennis sur le sol, Mattia ouvrit alors le paquet. Il en prit un qu'il croqua à pleines dents. Bon sang ce que ça faisait du bien ! Il sourit à sa cousine, et lui en proposa un. « Tiens, accompagne-moi » Ne voulant pas lui laisser le choix que de manger, il attrapa sa main, et mit le gâteau dedans. « Je suis sûr que t'as rien mangé depuis ce matin au moins. » Il allait veiller à ce que ce gâteau descende dans l'œsophage de la jeune fille, d'une façon ou d'une autre. Ne demandant pas son reste, Mattia attrapa une chaise, et posa ses fesses dessus. Il posa alors ses deux coudes sur la table, et croqua une nouvelle fois dans son gâteau, tout en déclarant alors. « demain, j'ai un match. Ce n'est pas loin, je joue à 10kilomètres d'ici. Tu viens? Ca me ferait plaisir! » Et puis, comme ça, au moins, elle sortirait un peu. Ca lui ferait du bien. Parce que là, pour une hawaienne, elle avait plutôt la tête d'une canadienne. Blanche. Comme si elle n'avait pas vu le soleil depuis un bon moment déjà.. « et puis, tu prendras un peu le soleil comme ça tout en admirant ton magnifique cousin jouer, et maitriser son adversaire !! » Le regard rieur, il sourit à sa cousine. Bon sang, si elle pouvait un peu sourire. Ok, ce type l'avait largué, mais il fallait qu'elle passe à autre chose; Et puis, l'avantage d'être ici, à Arrowsic, très très très loin d'Hawaii, c'était que seulement quelques personnes étaient au courant de ce qui lui était arrivée..

« Merci!! » Je fis un sourire en voyant à quel vitesse mon cousin avait engloutit le premier gâteau. Il n’avait menti, il avait l’air de crever de faim. En même temps, ce n’est pas étonnant. Mattia est jeune et je me souviens que quand j’avais son âge, tous mes amis mangeaient autant. Il paraît que pendant l’adolescence on mange beaucoup plus, parce qu’on grandit et tout. Et puis, il faut dire que Mattia est un sportif en plus de ça, et il lui faut de la nourriture pour bien faire fonctionner ses muscles. Enfin, je crois, parce qu’à part un footing de temps en temps et du surf, je ne m’y connais pas en sport. Je vis un gâteau apparaître devant mes yeux et je lançais un regard perplexe à Mattia. « Tiens, accompagne-moi » Je fis un petit sourire gêné et je passais ma main gauche dans mes cheveux, prête à refuser. Je n’avais pas du tout faim et je savais que ça n’allait pas spécialement plaire à Mattia que je lui refuse ça. Il a anticipé ma réaction puisqu’il attrape ma main droite et déposa le gâteau dedans. Okay, il ne me laisse pas réellement le choix. Je referme la main autour du gâteau, me disant que si je me fais très petite, il va oublier. « Je suis sûr que t'as rien mangé depuis ce matin au moins. » Je levais les yeux au ciel quelques secondes, signe que je réfléchissais. Je rebaissais mes yeux, m’apprêtant à lui dire que si, j’ai mangé ce matin, ma cousine ne m’ayant pas vraiment laissé le choix. J’ai mangé un bol de céréales et une pomme. Pas grand-chose, certes, mais ça m’avait largement suffit et je n’ai vraiment pas faim. Je vis alors que Mattia s’était assis et j’adoptais la même posture que lui, déposant le gâteau devant moi sur la table. J’en croquais un petit bout, histoire de dire que j’ai mangé et pour ne pas énerver Mattia. Je me suis déjà assez disputée avec des membres de la famille pour la journée, je n’ai pas envie d’en faire de même avec Mattia, juste pour de la nourriture. « Demain, j'ai un match. Ce n'est pas loin, je joue à 10kilomètres d'ici. Tu viens? Ca me ferait plaisir! » Mattia fait du tennis et bien que je n’y comprenne absolument rien, je l’avais toujours soutenu depuis Hawaï et j’étais persuadée qu’il pourrait aller très loin si c’était ce qu’il souhaitait. J’avais confiance en lui. Par contre, l’accompagner, c’est une toute autre histoire. « T’as pas besoin de moi pour gagner, Mattia. » Et je le pensais. Je n’allais être qu’une source d’ennuis pour lui. Il se sentirait obligé de veiller sur moi comme il était justement en train de le faire, comme s’il s’occupait d’une gosse de six ans, et ça allait le déconcentrer. Je refuse qu’il perde à cause de moi. Alors, autant que je ne vienne pas. « et puis, tu prendras un peu le soleil comme ça tout en admirant ton magnifique cousin jouer, et maitriser son adversaire !! » Il avait l’air tellement enthousiaste que ça me faisait un peu de peine de lui faire comprendre que je n’avais pas envie de venir. En fait, ce n’est pas que je ne veux pas le voir jouer, c’est juste que je n’ai pas envie de sortir. Si seulement son match était retransmis à la télévision, je le regarderais avec plaisir. J’haussais les épaules légèrement, signe que j’hésitais. « Bon… D’accord… Mais j’te promets rien. » Je soufflais légèrement en poussant discrètement le gâteau que je n’avais plus l’intention de manger. Je passais encore une fois ma main dans mes cheveux. C’est quelque chose que je fais beaucoup, parfois, je ne m’en rends même pas compte. Keona aimait quand je faisais ça. Il m’a toujours dit que je faisais une « moue trop mignonne » à chaque fois que je passais ma main dans mes cheveux. Et parfois, il s’amusait à le faire à ma place. Ce qui me faisait toujours sourire comme une pauvre fille niaise. En pensant à ça, je retirais brutalement ma main de mes cheveux. Il faut que j’arrête de penser à ce connard, j’en ai marre. Je soufflais une nouvelle fois, essayant de ne pas pleurer –encore. Je me fais pitié. « Quand je sors… J’ai l’impression que tout le monde observe le moindre de mes faits et gestes pour savoir comment se comporte une fille qui s’est fait jeter comme une gueuse deux jours avant son mariage. » Je posais mon coude sur la table, puis posait ma tête dans ma main, observant Mattia. Ce qui est bien avec les membres de la famille, c’est qu’on peut parler de tout et de rien sans avoir peur d’être jugée. « Mais le pire, c’est mon propre regard. J’suis une moins que rien. » C’est vrai, si j’étais quelqu’un de bien, il ne m’aurait pas quittée, n’est-ce pas ?

Le gâteau qu'il avait fourré dans la main de sa cousine quelques temps avant, finit par se retrouver entre ses lèvres. Un petit bout du moins, mais c'était un débit. Ne dit-on pas qu'on fait des longues marches par un petit pas d'abord? Alors, même si sa cousine, assise en face de lui, boudait la nourriture, la voir manger ne serai-ce qu'une petite bouchée lui faisait plaisir. Lui, en tout cas, il dévorait ses gâteaux. L'adolescence, le sport, et sa grande taille, facilitaient l'ingestion de tout un tas de nutriment.

Lorsqu'il évoqua l'idée d'amener Aelani voir un de ses matchs de tennis, à dix kilomètres d'ici, celle-ci ne sembla pas conquise. « T’as pas besoin de moi pour gagner, Mattia. » Certes. Il gagnait déjà quand elle était à des milliers de kilomètres d'ici, mais n'empêche que l'avoir à ses côtés, ça ne pouvait lui faire que plaisir. Mais loin de se décourager, Mattia inventa une autre excuse, tout aussi plausible. Ainsi, elle pourrait prendre un peu le soleil, tout en admirant son cousin jouer. Peut-être ce fut la meilleure de toutes ces idées, mais en tout cas, Aelani haussa légèrement les épaules, et lui dit. « Bon… D’accord… Mais j’te promets rien. » Ces mots firent plaisir à Mattia. Il lui accorda un large sourire avant de croquer à pleine un deuxième gâteau. Bon sang, ça faisait du bien par où ça passait.

Le regard rivé sur la divine chose qu'était ce gâteau au chocolat, Mattia aperçut du coin de l'oeil la main de sa cousine bouger. Il n'y prêta pas attention sur le coup. Mais il fut surprit de constater un geste plus violent. Il releva les yeux vers elle, sans réellement comprendre pourquoi d'un coup, elle avait baissé sa main. Elle souffla un coup, encore une fois. Mattia l'observa, sans rien dire. Elle lui expliqua assez rapidement son souci. « Quand je sors… J’ai l’impression que tout le monde observe le moindre de mes faits et gestes pour savoir comment se comporte une fille qui s’est fait jeter comme une gueuse deux jours avant son mariage. » Posant sa tête dans une de ses mains, elle l'observa. Mattia avala sa dernière bouchée, à contre-coeur. Le gâteau avait perdu de sa saveur. « Mais le pire, c’est mon propre regard. J’suis une moins que rien. » Ces paroles lui faisaient mal au coeur.
La main de Mattia se leva et il attrapa celle de sa cousine. « He, Ae', dis pas de conneries comme ça. » Son regard s'était fait plus strict; un regard qu'il ne faisait que très rarement. Il avala sa salive, avec difficulté, cherchant les bons mots pour ne pas faire de mal à Aelani. « Je sais bien que c'est pas facile. Les gens ici sont débiles, ils n'ont rien d'autres à faire que de se raconter des potins. Mais ce n'est pas pour ça que tu dois rester enfermée. Un jour, tu es au centre de leur conversation, et le lendemain, quelqu'un t'a remplacé. » Il lui fit un petit sourire, et ajouta. « Je suis sûre que d'ici peu, ils vont avoir une autre grosse histoire à se raconter, et là, tu seras tranquille. Ils t'auront oublié. Complètement. » Cette fois, son sourire avait disparu de son visage. Il avait presque envie d'ajouter La prochaine rumeur, ce sera moi qui serait au centre. Avec Ella. Les gens apprendront qu'Ella est enceinte, et comme tout le monde sait que j'étais son petit ami, on me prendra pour le père; et je serai dans une merde improbable. Cette idée l'effrayait. Tout comme à l'heure actuelle, sa cousine était effrayée.

Il lâcha sa main et vint caresser son visage. « t'es pas une moins que rien! T'es magnifique, et un jour, tu vas le trouver ton prince charmant! » Le prince charmant, ou le rêve de toutes les petites filles. Si lui même ne fantasmait pas sur le jour de son mariage, il avait très vite pris conscience que ça, c'était propre au sexe masculin. Les filles, elles, avaient dans leur gêne quelque chose qui leur faisait rêver du jour de leur mariage. Déjà petites, quand lui élaborait une stratégie pour mettre à mal son adversaire lors de la guerre d'Arrowsic, les filles prenaient une feuille et inscrivaient dessus le nom des invités pour leur plus grande cérémonie. Avec un sourire, il ajouta. « C'était simplement pas le bon, celui-là! » Et il avait bien fait d'habiter si loin..

« He, Ae', dis pas de conneries comme ça. » qu’il me dit en me prenant la main. Il avait l’air clair là-dessus, ne me laissant pas le choix de le contredire. Pourtant, je n’avais pas l’impression de dire des conneries. Je pense réellement être une moins que rien. Franchement, je ne vois pas d’autres raisons pour lesquelles il m’aurait lâchée à ce moment précis. Je me contentais donc de regarder mon cousin, attendant qu’il reprenne la parole, parce que ça se voit sur son visage qu’il n’a pas terminé. « Je sais bien que c'est pas facile. Les gens ici sont débiles, ils n'ont rien d'autres à faire que de se raconter des potins. Mais ce n'est pas pour ça que tu dois rester enfermée. Un jour, tu es au centre de leur conversation, et le lendemain, quelqu'un t'a remplacé. » Ouais, certes, il n’a pas tort, mais quand même. J’me sens mal de voir tous les regards posés sur moi. Sybil m’a dit que s’ils me regardent tous, c’est parce que je suis nouvelle en ville et pas pour ce que je pense. Mais quand même. « Je suis sûre que d'ici peu, ils vont avoir une autre grosse histoire à se raconter, et là, tu seras tranquille. Ils t'auront oublié. Complètement. » Je fronce un peu les sourcils en penchant ma tête légèrement sur la droite. Il souriait avant de dire ça, et tout d’un coup, plus rien. Y’avait-il des rumeurs qui couraient sur lui ? Avait-il des problèmes ? Je me sens comme une cousine ingrate égoïste qui ne pense qu’à ses problèmes au lieu de prendre réellement des nouvelles de sa famille. Je l’observais tranquillement et il m’a l’air… effrayé ? Mais qu’est-ce qu’il a ? Cependant, je préférais ne pas lui demander quoique soit, j’ai peur qu’il se braque ou qu’il me dise que je me mêle de ce que ne me regarde pas.

J’étais dans mes pensées, le regard toujours vissé sur Mattia lorsque je sentis sa main sur visage, ce qui m’arracha un sourire. « T'es pas une moins que rien! T'es magnifique, et un jour, tu vas le trouver ton prince charmant! » Il me fait encore plus sourire. Il est très convaincant, et ça me donne envie d’y croire. Mais, j’me dis que je ne retrouverais jamais personne comme Keona, que je trouvais parfait pour moi. D’un côté, ce n’est peut-être pas plus mal, je n’ai pas envie de revivre la même histoire, étant donné comment ça s’est terminé. Mais, est-ce que j’arriverais à aimer autant que je l’ai aimé ? Ou plutôt, autant que je l’aime, parce que mes sentiments ne se sont pas envolés comme ça, même si je l’aurais préféré. Et surtout, est-ce que j’arriverais à oublier celui que j’ai failli épouser ? « C’était simplement pas le bon, celui-là ! » Le bon. Comment on fait pour savoir que telle ou telle personne est « bonne » ? A quoi ça sert de vivre une histoire avec quelqu’un pour qu’au final, ça se termine mal ? Je souriais tout de même en voyant à quel point Mattia faisait des efforts pour me remonter le moral. Il est mignon. « Tu es gentil, Mattia. Est-ce que tu as trouvé « la bonne » toi ? » Je voulais absolument changer de sujet. Celui-ci me faisait un peu trop penser à Keona et je ne veux plus penser à lui. Et je n’arrive pas à me retirer de l’esprit le changement d’attitude de Mattia tout à l’heure. Il avait vraiment l’air d’avoir des problèmes. « Tu as des problèmes ? » On travaillera sur le manque de tact plus tard, voulez-vous ?

S'il y avait une chose pour laquelle Mattia serait capable de se lever en pleine nuit, pour aller aider quelqu'un, c'était bien pour aider quelqu'un de la famille. Parce que la famille, à ses yeux, c'est quelque chose de précieux. Les liens du sang étaient plus forts que tout, et si jamais, un jour, quelqu'un avait le malheur de critiquer sa mère, cette personne ferait la rencontre avec ses poings. Pour Aelani, c'était pareil. Comme pour Sybil. Elles étaient ses cousines, celles pour qui, malgré que desfois ils pouvaient s'engueuler, il ferait tout. Comme aujourd'hui. Il essayait par tout les moyens de remonter le moral d'Aelani, blessée par l'abandon presque devant l'autel de son futur mari. Il se pliait en quatre pour essayer de lui montrer, limite par a + b qu'elle n'était pas nulle, qu'elle n'avait pas trouver le « bon ». Sa réponse ne tarda pas. Avec un sourire de plus en plus grand sur son visage, elle finit par lui dire. « Tu es gentil, Mattia. Est-ce que tu as trouvé « la bonne » toi ? »

Est-ce que tu as trouvé « la bonne » toi? Ou la question qui tue.. Le visage de Mattia s'était quelque peu fermé. Tout ce qu'il lui avait dit, sur le fait qu'une autre rumeur allait occuper les bouches des vieux d'Arrowsic étaient vraies. Il avait peur d'être la prochaine cible. Peur que son nom avec celui d'Ella soient sur toutes les lèvres. Mattia n'eut pas vraiment le temps de répondre, qu'Aelani -aussi connue pour son manque de tact par moment- balança un « Tu as des problèmes ? ». Il ne savait pas pourquoi elle disait ça. Peut-être parce qu'au final, il avait perdu son sourire..
Grimaçant légèrement, Mattia lui avoua alors « non, je n'ai pas trouvé la bonne. » Non, Ella, n'était pas la bonne. Pire que tout, ils ne s'entendaient plus; tout ça à cause d'un petit truc dans son ventre. Et malgré que Mattia faisait tout pour la famille, il s'était juré de ne rien faire pour elle et ce petit truc. Ils n'étaient pas de la famille. Ce n'était pas des Jarvis. Croquant dans son gâteau, Mattia finit par reposer son regard sur la jeune fille. Aelani était capable de comprendre. Largement. Si il lui disait la vérité, elle serait capable de crier qu'ils sont inconscients, qu'ils n'avaient qu'à faire attention, mais au bout de quelques secondes, elle se calmerait sans doute, et l'écouterait. Ou alors, elle ne s'énerverait pas du tout. Sa cousine était bien trop gentille en tout cas pour ne pas l'aider et le laisser pour0rir là avec ses soucis.

Il avala sa salive, et prenant son courage à deux mains, il demanda d'abord. « Promets moi d'abord de ne rien dire à Maman.. Ni à Mike d'ailleurs. » Surtout à Mike. Sa mère, si elle savait, ne réagirait même pas, tellement shootée par ces médicaments. Mike, son beau-père, lui, c'était autre chose. Aelani n'irait sûrement rien dire, elle savait que Mattia et lui ne s'entendaient pas, et elle n'était pas du genre à aller cafter, un jour, en allant prendre un café chez eux au fait, Mattia a mis sa copine enceinte!. Non. Elle ne le ferait sûrement pas. Ou alors, ce jour-là, elle serait bourrée.. Mattia soupira un petit coup, et lâcha finalement le morceau. « Mon ex est en cloque. » Voilà, c'était dit. C'était toujours aussi difficile à dire. Mais ça le soulageait tout autant. Aelani était la deuxième à être au courant, après Teddybear. Teddy avait quelque peu réagit vivement, et là, Mattia guetta la réaction de sa cousine, priant pour qu'elle ne s'étouffe.

« Non, je n’ai pas trouvé la bonne. » Il grimace et je peine à le croire. Je ne dis pas qu’il a effectivement trouvé le personne avec qui il va passer le reste de sa vie, celle qui le rendra heureux jusqu’à sa mort et même après. A vrai dire, je ne sais même pas ce que ça veut dire « la bonne personne ». L’amour, le vrai, ce n’est qu’une illusion. Mais j’ai quand même l’impression que Mattia ne me dit pas tout. Comme s’il avait, lui aussi, des soucis au niveau sentimental. S’il ne veut pas m’en parler, je comprendrais. J’ai moi-même du mal à avouer ce qu’il m’est arrivé, bien que ce ne soit pas quelque chose de vraiment grave. Disons que j’ai honte. Peut-être que c’est la même chose que Mattia. En tout cas, plus je le regarde et plus je me pose des tas de questions. Il avait l’air de réfléchir, comme s’il hésitait à parler et moi, je me retiens énormément pour ne pas poser toutes les questions qui me trottent dans la tête. Pourtant, je reste silencieuse et je me félicitais intérieurement de ne pas ouvrir ma grande bouche. « Promets-moi d’abord de ne rien dire à Maman… Ni à Mike d’ailleurs. » Je fronçais les sourcils, intriguée. S’il ne veut pas que j’en parle à sa mère ou à son beau-père, c’est qu’il se passe quelque chose de vraiment pas banal. Enfin, dans tous les cas, je ne leur en aurais jamais parlé. Je ne suis pas vraiment proche de la mère de Mattia. C’est ma tante, je l’aime bien, comme toutes les personnes de ma famille, mais je n’ai jamais réussi à la comprendre. En fait, je suis plutôt désolée pour elle. Parce que je connais son addiction, et parce qu’elle vit avec un homme que je n’apprécie pas du tout. Mike. Mattia le déteste et je ne l’aime pas vraiment non plus. Alors c’est clair, quoiqu’il m’avoue, jamais je n’irais en parler à qui que ce soit. Je ne lui réponds pas, me disant qu’il est tellement évident que je n’irais pas cafter, qu’il continuerait à tout me raconter. Il soupira, me tenant en haleine. J’ai l’impression d’être devant un film à suspense mais là, ce n’est pas comme devant les films. A la fin, je ne vais pas faire un critique positive ou non de ce que je viens de voir. Pas du tout ! J’attends avec impatience ce qu’il va me dire. « Mon ex est en cloque. »

Merde. Merde merde merde merde ! Je m’attendais à beaucoup de choses, mais pas à ça. Genre, il sort avec une dame âgée –une cougar-, il est gay, il a trompé sa petite-amie ou au contraire, elle l’a trompé. J’aurais même pu penser qu’il se droguait (bien que ça me paraisse vachement peu crédible, ça, quand même). Mais jamais, jamais, je ne me serais doutée qu’il y aurait une histoire de bébé là-dessous. Je ne sais même pas quoi dire, je suis là à le regarder comme une débile, la bouche ouverte. Okay, Aelani, trouve quelque chose à dire. « Attends ! Elle est tombée enceinte après que vous ayez rompu ou vous avez rompu parce qu’elle est enceinte ? » Certains ne verront sans doute pas la différence, mais pour moi, ça change beaucoup. Soit Mattia est triste parce que son ex, qu’il aime, est tombée enceinte d’un autre. Soit, au contraire, elle est tombée enceinte de lui et il a décidé de ne pas rester auprès d’elle pour cette raison. Si c’est la dernière situation, je trouverais Mattia particulièrement lâche. Mais il est mon cousin et quoiqu’il arrive, je le soutiendrais. Et quand je vois la tête qu’il tire, je comprends qu’il a choisi la lâcheté. Je soupire pour essayer de contenir ma colère. Parce que ouais, mine de rien, j’suis en colère. « Mais vous êtes inconscients ou quoi ? Vous avez dix-sept ans, merde ! Tu crois que les capotes ont été inventées juste pour faire des bombes à eau ?! » Je pose brutalement mes deux mains à plat sur la table, je n’ai pas envie de m’énerver contre Mattia. Il n’a pas besoin de ça. Il faut que je vous explique pourquoi ça m’énerve autant. En fait, quand je comprends que Mattia a choisi d’abandonner sa petite-amie (ou son ex, comme il dit) et son futur bébé, ça me rappelle la lâcheté dont Keona fait preuve. Ils ont tous les deux fuit devant leurs responsabilités. En plus, faire des comparaisons entre Mattia et Keona m’énerve davantage. Personne ne devrait être comparé à ce connard d’hawaïen. « Tu lui en veux ? » Ouais, là, vous devez me prendre pour une folle à changer d’attitude toutes les trente secondes, mais à chaque fois que j’apprends une grosse nouvelle (qu’elle soit bonne ou mauvaise), je réagis comme ça.

Dès l'instant où il lui demanda de se taire vis-à-vis de sa famille, Mattia remarqua que sa cousine avait froncé les sourcils. Soucieuse, elle n'était pas dupe. Elle avait bien compris que quelque chose clochait, qu'il allait lui dire quelque chose d'important, voire d'assez grave. Et finalement, il lâcha le morceau, coupant l'impatience de la jeune femme. Mon ex est en cloque. Ces mots, ces cinq mots, eurent l'effet d'une bombe sur elle.
Les traits de son visage se déformèrent, et Mattia ne sut même pas dire ce qu'elle ressentait. De la colère, de la tristesse, de l'incompréhension.. Il ne pouvait pas savoir lequel de ces sentiments passait en elle. En tout cas, lui, il avait le tord-boyaux. Littéralement. Ca lui prenait aux tripes, et il se demandait même si finalement, ne rien lui dire aurait été plus cool. Mais maintenant, c'était trop tard. « Attends ! Elle est tombée enceinte après que vous ayez rompu ou vous avez rompu parce qu’elle est enceinte ? » Mattia grimaça légèrement, et préféra éviter de dire haut et fort « je l'ai laissé tomber! ». D'un, parce que là, il se disait que finalement, sa cousine allait le comparer avec son salaud d'ex futur mari. Elle allait croire que Mattia était le même, qu'au fond tout les hommes étaient pareils, incapables de rester tranquillement à leur place, et d'assumer les conséquences de leurs actes.

Et à cet instant précis, Mattia sut que sa cousine était énervée. « Mais vous êtes inconscients ou quoi ? Vous avez dix-sept ans, merde ! Tu crois que les capotes ont été inventées juste pour faire des bombes à eau ?! » Elle posa brutalement ses mains sur la table, et Mattia ne put s'empêcher de soupirer un coup. Bon sang, dans quel pétrin il s'était mis.. N'empêche que, elle n'avait pas tord sur un point. Pour tout les gamins, les préservatifs servaient d'avantage à faire des bombes à eau qu'à éviter la conception d'un gosse. Mais même là, il était incapable de se dire si oui ou non, c'était le préservatif qui avait lâché ou si c'était du à autre chose.. « Tu lui en veux ? » Le tennisman releva la tête vers sa cousine, quelque peu surprit. Un coup, elle était encore en colère. Un coup, elle demandait presque comment ça allait.

Hochant la tête positivement, il lâcha un « ouais » Ouais, il lui en voulait. Parce qu'en fait, Mattia ne se considérait pas comme responsable; après tout, ce n'était pas lui qui portait ce bébé dans son ventre en ce moment-même. Incapable de se tenir en place, il se releva, et commença à faire quelques pas dans la cuisine. Il posa ses yeux sur sa cousine, et, après avoir avalé sa salive déclara alors. « Ecoute, je sais que ça t'emmerde, qu'à cette heure-ci tu dois limite me comparer à Keo.. keno.. » Il s'interrompit, cherchant le prénom de l'ex de sa cousine. Merde. Pourquoi les hawaïens avaient des noms si difficiles? Il passa sa main dans ses cheveux -comme il le faisait si bien dès qu'il avait un soucis-, et continua alors « bref.. Ton ex. Mais c'est pas la même chose. J'ai 17 ans, je me vois mal passer ma vie avec une femme et avoir un gosse dans les pattes.. » et puis, il y avait le tennis. Sa passion. Son dada. Il avait remporté un tournoi Future. Il voulait absolument s'atteler pour en gagner d'autre. Un, et encore un. Avant de rentrer dans la cour de grands..

Il s'arrêta, et cette fois, posa ses deux mains sur la table, regardant sa cousine dans les yeux. Essayant d'être un brin rieur, il ajouta, avec un petit sourire « Et je sais que les préservatifs ne servent pas qu'à faire des bombes à eau.. Et je sais aussi comment les mettre; je peux te montrer avec une banane si tu veux. » Petite phrase juste pour détendre l'atmosphère qui était loin d'être beau. Mattia était comme ça; il était incapable de rester en place dans ces moments-là. De même qu'il était incapable de rester sérieux très longtemps. Même si le sujet était plus que grave. Comme celui-là. Comme l'histoire de ce gosse. « Mais je ne sais pas comment c'est arrivé » lâcha-t-il en dernier. Parce que oui, il se demandait encore comment un bébé pouvait grandir dans le ventre d'Ella.