Fais pas la tronche, on dirait un cul qui pète.
ft. JAXSON &&. SUTTON
2012, SQUIRREL POINT LIGHT.

« BIP BIP BIP ». La sonnerie du téléphone sortit Sutton de ses pensées. Assise sur le haut du phare, les jambes dans le vide, clope au bec et le regard perdu sur les vagues, elle du se résoudre à poser ses yeux sur le petit objet à ses côtés. C'était loin d'être un Iphone-nouvelle-génération-qui-pisse-des-fleurs-par-les-hauts-parleurs mais elle s'en contentait. Son espèce de cabine téléphonique miniature ne pouvait qu'appeler et envoyer/recevoir des messages. Et vu l'usage qu'elle faisait de son téléphone, c'était amplement suffisant. D'autant plus qu'étant la maladresse personnifiée, elle passait son temps à le faire tomber. Ce roc était donc l'objet parfait. Elle le prit dans les mains et le fixa intensément. « Jaxson, 1 nv. msg. » Elle roula les yeux vers le ciel, qu'est-ce qu'il lui voulait encore celui-là ? Elle hésita un quart de seconde avant de l'ouvrir. « Yo Sutton la cochonne, qu'est ce que tu fous ? T'es où ? Je m'ennuie. » Elle ne réfléchit pas une seconde avant de tapoter sur les fines touches une réponse. « Je bosse là. » Mensonge. La vérité, c'était qu'elle ne voulait pas être dérangée là. Elle était posée depuis seulement une dizaine de minutes au calme. Elle avait vraiment besoin d'être seule avec elle-même (ah ah). Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas posée dans un endroit perdu, sans personne. Et ça lui faisait un bien fou. Alors être dérangée, à moins d'une situation d'urgence, c'était hors de question. Et puis, elle connaissait bien Jaxson, il lui suffisait d'un rien pour papoter pendant des heures, alors qu'elle n'avait qu'une envie : le silence absolu.
Elle activa le mode vibreur de son téléphone avant de le reposer à sa place initiale. Elle sortit le briquet de sa poche, mais elle fut coupée avant d'avoir eu le temps de rallumer sa cigarette. « Vzzz Vzzz ». Elle plissa les yeux, signe d'agacement. Elle aurait vraiment du l'éteindre, tout simplement. « Menteuse, t'aurais pas répondu aussi vite ! Allez, dis moi. Ça me manque de te faire chier là ! » N'avait-il donc rien d'autre à faire que de la harceler avec des textos ? Fallait croire que non. Elle émit tout de même un petit sourire en tapant la réponse. « T'y arrives plutôt bien là... » Jaxson était une plaie. Un maux. Il avait du sortir de la boite de Pandore, plutôt que du ventre d'une mère comme tout un chacun. Il était insupportable. Agaçant. Contraignant. Éreintant. Mais Sue l'aimait bien. Seulement ça, il ne devait pas, mais alors absolument jamais le savoir. Ça lui ferait trop plaisir au petit. Il manquerait plus que ça. D'ailleurs, en parlant du loup, le vibreur se remit à faire des siennes. Heureusement pour elle, Sutton avait prévu le coup. C'était qu'elle le connaissait plutôt bien le gamin. Elle avait donc gardé le téléphone entre ses mains. « allezzzz, fais pas ta rabat-joie ! t'es oùùùù steupléé ? :D » Incorrigible ? Tenace ? Il l'était aussi. C'était aussi ça qu'elle appréciait chez lui. Il la faisait rire. Vraiment bien rire. A la lecture du message, elle en laissa échapper d'ailleurs un petit avant de reposer pour la dernière fois le portable. Ce coup-ci, elle ne répondrait pas. Elle n'avait envie de voir personne. Vraiment personne. Elle le contacterait sûrement plus tard dans la soirée, pour lui proposer d'aller boire un verre ou quelque chose, mais pour l'instant elle se posa lentement sur le sol, yeux parcourant le ciel. Et puis, elle les ferma.
Elle fut réveillée dieu sait combien de temps plus tard par le vibreur. Again. Incroyable, elle ne savait si ça faisait dix secondes, cinq minutes ou trois quart d'heure qu'elle avait baissé les paupières, mais il ne lâchait pas le morceau le Jaxson. Fatiguée par le fait qu'il ne la laissait pas au calme bien longtemps, elle attrapa le téléphone férocement. Fronçant les sourcils, dos toujours accolé au sol, elle fut étonnée de voir que le numéro lui était inconnu cette fois-ci. « Sue, c'est Jazz (je t'expliquerai). Faut que je te parle, tu peux me retrouver dans dix minutes au jack's lounge ? » Était-ce une blague de mauvais goût de la part de Jaxson ? Elle ne pouvait en être certaine. Était-ce vraiment Siméon qui avait emprunté un téléphone ? Dans le doute, elle préféra le croire. Et puis, même si Jax savait se montrer puéril, jamais, ô grand jamais, il ne ferait une plaisanterie de la sorte. Quoi que. Elle hésitait sur ce dernier point. Toutefois, elle préféra répondre. « Dix minutes, c'est hard. Je suis au phare Squirrel là. Laisse moi le temps d'arriver et okay. » Le message transmis, elle commença à se lever et à récupérer ses affaires pour se mettre en chemin. Lorsque ceci fut fait, son cellulaire se remit à vibrer. Décidément, être pépère était trop demandé aujourd'hui. « T'en fais pas, bouge pas, je me ramène. » Toujours ce numéro inconnu, mais peu importe, Jazz se bougeait lui-même, c'était l'essentiel. Elle avait donc encore une petite demi heure de solitude à exploiter. Elle sourit, reposa l'objet et se remit dans sa position d'arrivée. Pieds dans le vide, fesses sur le bord et commença à se rouler un joint. Tranquille, ce coup-ci, elle l'était. Du moins pour un temps.
Encore une fois, perdue dans ses pensées et l'horizon qui se profilait devant elle, Sutton ne vit pas le temps défiler. Il fallut attendre des pas et une voix masculine l'interpellant pour la sortir de ses songes. Devinant Siméon, sans ayant fait attention à la voix, elle se retourna, sourire aux lèvres. Qu'elle perdit aussitôt lorsqu'elle vit à qui elle avait à faire. Non qu'elle était déçue de voir sa bouille, même si elle devrait prétendre le contraire peu après ; elle était surtout surprise et intriguée à la fois. « Hé. Comment t'as su que j'étais là toi ? » Ses sourcils étaient arqués, elle attendait une réponse claire et pas de mensonge. Elle se doutait qu'il lui sortirait une excuse bidon, avec des licornes et des pandas roses, mais peu importait. Elle était beaucoup trop perturbée par le fait qu'il ait pu la retrouver comme ça, aussi facilement apparemment. A moins que... Oh non ! Il n'avait pas osé. Il ne s'était pas fait passé pour Siméon en utilisant un téléphone pour savoir l'endroit où elle se trouvait. Impossible, il n'était pas si... fou ! En élaborant cette théorie dans sa tête, elle était choquée et amusée en même temps. Et surtout complètement déboussolée. Quelle journée riche en émotions s'annonçait là...

Fais pas la tronche, on dirait un cul qui pète.
ft. JAXSON &&. SUTTON
2012, SQUIRREL POINT LIGHT.

Sutton avait vraiment besoin de se retrouver seule en ce moment. Elle avait la curieuse et désagréable impression que toute sa vie partait en sucette. Elle n'avait aucun projet professionnel, peu de gens sur qui compter et... Et elle se rendait compte, enfin, qu'elle devait arrêter de vivre au jour le jour comme elle l'avait toujours fait. Depuis son plus jeune âge, elle avait pris l'habitude de ne penser qu'à la journée présente, sans se soucier du lendemain. Et là, tout lui revenait en pleine face. C'était parce qu'elle ne s'était jamais investie dans ses études qu'elle se retrouvait à récurer des chiottes. C'était parce qu'elle ne pensait pas aux conséquences que tout le monde lui tournait le dos petit à petit... Son cousin l'avait quittée sans un mot parce qu'elle était incapable de vivre seule, sans lui. C'était certain. Il l'avait plaquée pour qu'elle apprenne à se débrouiller seule. Mais c'était trop dur. Beaucoup trop dur. Et Jazz... Oh Siméon était distant en ce moment, il avait sûrement ses propres problèmes à régler. Elle était donc seule. Seule dans sa merde. Et elle coulait, inévitablement. Elle avait vraiment besoin d'une bouée, mais elle était bien trop fière pour demander de l'aide à qui que ce soit. Putain d'égo...

Elle avait donc choisit le phare, parce qu'il était abandonné depuis des années. Et qu'il était assez éloigné du centre ville pour ne pas attirer tous les jeunes ados pré-pubères en mal d'amour et les mamans à poussette. Elle ne savait depuis combien de temps elle trainait là, les pieds dans le vide, quand elle reçut les messages de Jaxson. Peu lui importait, en fait. Quelques messages plus tard, elle réussit à se débarrasser de lui. Non qu'elle ne voulait le voir, mais elle avait vraiment besoin de se retrouver seule. Elle cherchait le calme et le jeune homme, bien que gentil, était un vrai moulin à paroles. Dieu seul savait à quel point elle adorait ce mec, mais il ne devait jamais, ô grand jamais, savoir cela, elle s'en était fait une priorité. A chaque fois qu'elle s'attachait, on la quittait. Et puis, c'était beaucoup trop drôle selon elle de le taquiner de la sorte.
Et puis, il s'était pointé. Comme ça, tel un ninja chinois. Le Bruce Lee du Maine s'était pointé dans un silence le plus total. Si elle n'avait pas ouvert les yeux à ce moment là, surement qu'il lui aurait foutu la trouille de sa vie. Ou pas. En fait, on ne saura probablement jamais, étant donné que ce n'est pas ce qui s'est passé. Bref, peu importe. Elle ne s'attendait pas, mais alors pas du tout, à voir Jax débarquer ici. A vrai dire, elle attendait Siméon. Il lui avait envoyé un message un peu plus tôt pour lui dire qu'il avait besoin de parler, qu'il la rejoignait ici, et bla-bla-bla. Alors, elle arqua un sourcil et lui demanda, certainement de la façon la moins aimable possible, ce qui l'amenait dans le coin. Et alors qu'il commençait à bouder tel un gosse de cinq ans, lui disant que ce n'était rien qu'une fille méchante et une menteuse, elle eut un éclair. Un petit doute qui lui trottait dans la tête et qui fut conforté par les deux répliques boudeuses du jeune homme. S'était-il fait passer par Jazz en lui envoyant un texto pour savoir où elle était? Non, il n'avait pas osé. Bien que le connaissant, il en était entièrement capable. Mais, c'était... c'était... il n'y avait même pas de mot pour décrire cela. Alors, la face décomposée, à la fois choquée et outragée, elle lui répondit. « Moi ? Une fille méchante ? Et toi alors ? T'es qu'un sale petit rat sournois et vicieux ! Me dis pas que c'était toi les messages... » Sans un mot de plus, il se laissa tomber à ses côtés, semblant épuisé. Vingt minutes de marche l'avaient tué à ce point là ? Quelle blague. Faudrait qu'elle l'emmène courir un de ces jours. Un peu de sport lui ferait apparemment le plus grand bien. Et il recommença ses bouderies. Il parla... parla... parla... Il ne s'arrêtait plus. Si bien qu'elle se demandait si il respirait ou si il débitait tout ça en apnée. Elle ne l'écoutait qu'à moitié, s'inquiétant pour sa vie. Il ne respirait pas le bougre ! Pire qu'une machine, il enchainait les mots comme des grains de riz. Wow. Elle était abasourdie. Un vrai moulin à paroles, en voici la preuve. Et puis, sans prévenir, il s'arrêta en plein milieu d'une phrase. Perdu. Il avait vraiment l'air désorienté. Sutton savait qu'il désemparait à peu près 99% des gens dès qu'il ouvrait la bouche, mais là... Elle était sur le cul, il arrivait à se désaxer lui même ? C'était la meilleure. « On parlait de rien du tout mon pote. Tu parlais, je t'écoutais. Tu t'es perdu quelque part entre les rats biogéniques et les ordinateurs à air compulsé. » Elle éclata de rire. Malgré tout, il avait peut être bien fait de se pointer. Après tout, il avait réussit à lui changer les idées, et à la faire se marrer en plus de ça.

Fais pas la tronche, on dirait un cul qui pète.
ft. JAXSON &&. SUTTON
2012, SQUIRREL POINT LIGHT.

En écoutant Jaxson débiter ces mots à la vitesse de l'éclair, Sutton en oublia tout. Elle ne retenait même pas ce qu'il lui disait, bien trop occupée à tenter de savoir si il respirait entre deux phrases ou non, puisqu'il semblait dire tout ça d'un trait. Elle était abasourdie. Comment faisait-il un truc pareil ? Elle en avait ouvert grand la bouche et écarquillé les yeux comme jamais, si bien que lorsque le jeune homme la regarda, il se perdit lui même dans ses paroles. Alors, elle inventa un truc, comme quoi il s'était perdu entre telle et telle information. En réalité, elle n'en savait rien. Mais elle se mit à rire aux éclats. Elle était complètement vidée. Une coquille qui se marrait, sans penser à pourquoi elle était là, ce qu'elle foutait avec sa clope sur ce phare, et surtout, oui surtout, elle en avait éludé le fait qu'elle voulait être seule. Il ne le saura jamais, elle ne se l'avouera à elle même jamais, mais dans son for intérieur, elle était vraiment contente de voir le jeune homme. Il l'avait fait rire, il arrivait toujours à faire se dessiner sur son visage un sourire, peu importe les circonstances. Jaxson, il était un peu magique en quelque sorte.

Et puis, il prononça la réplique qui tue. Il fit l'erreur de lui faire remarquer qu'il avait réussit à la faire rire. Ce qu'il y avait d'agaçant chez Sutton, d'après ses proches (ils sont peu, certes, mais ça n'enlève en aucun cas la valeur de leurs douces paroles), c'était qu'il ne fallait jamais, ô grand jamais, lui noter qu'elle venait de perdre une couche de son énorme carapace. Cela avait pour effet de la braquer, instantanément. Alors là, elle ne répondit rien à Jaxson, mais se contenta de reporter ses yeux dans le vide avant de tirer une bouffée de cigarette. Et puis, un léger silence s'installa. Il ne dura que quelques secondes, puisque son ami avait du mal à se taire plus de dix secondes d'affilée. Mais elle eut le temps de jeter un rapide coup d'oeil vers lui, subtilement, et nota qu'il jouait avec l'élastique qui entourait son poignet. Il faisait souvent ça, et ça amusait la jeune fille. Elle aimait ce côté presque enfantin qui se dégageait du jeune Osbourne. Tout du moins, lorsqu'il ne lui faisait pas de pseudos compliments comme il continua à lui en faire. Alors, à la Sutton, elle tenta d'ironiser la situation. « Normal que mon sourire soit si éblouissant, c'est l'effet brossage de dents chéri ! » Elle lui fit un clin d'oeil. Elle voulait tourner tout ceci en blague, retirer le sérieux de tout ça, mais décidément, lui n'était pas d'accord.
Ainsi, il continua à parler sérieusement. Ça la gênait au moins autant que ça l'agaçait. Il lui fit une sorte de reproche mélangé à un certain compliment. Et lorsqu'elle l'entendit prononcer le nom de Nick, cela rendit la sensation de gêne un peu plus pesante. Qu'importe, elle n'allait pas se laisser faire. Elle ne se laisserait pas faire, plus jamais. Mais alors qu'elle allait répliquer un truc débile, il reprit en soupirant. Il devait s'imaginer qu'elle allait lui demander de partir, ou pire, qu'elle le frapperait. Mais elle n'en aurait rien fait. Juste, elle aurait tenté une diversion, pour modifier le sujet de la conversation. Sutton ne se serait pas vue lui demander de quitter les lieux là, parce que, contrairement à ce qu'elle pensait jusqu'à lors, elle était bien à ses côtés. Dieu qu'il était bon que Jaxson soit là, maintenant. Personne d'autre n'aurait été mieux, contrairement aux apparences. Il rouvrit la bouche, une dernière fois. Et elle but ses paroles, touchée, émue et complètement désorientée. Ces quelques mots avaient eut un effet plus important sur la jeune femme que ces deux là ne pourront jamais l'imaginer. Elle ne répondit rien, laissant une faible brise lui caresser le visage.

Et elle leva les yeux vers le ciel. Elle regardait les nuages, les dévisageait, essayait de deviner ce à quoi ils ressemblaient. C'était idiot. Mais c'était un de ces tics d'enfance qu'elle avait gardé, et qu'elle aimait à faire. Alors, sans lâcher sa cigarette mais toutefois sans la porter à ses lèvres, elle s'adressa, calmement et pensivement, à son ami. « Tu sais, parfois, j'aimerai être comme toi. Sourire à la vie, rire pour pas grand chose. Faire de ta vie une blague, tu vois. Rire, toujours et constamment... T'en as de la chance petit, tu ne sais même pas à quel point... » Elle laissa ces derniers mots se perdre lentement dans le vide.
A la fois très sérieuse et très rêveuse, elle enchaina. « Dis, tu m'apprendrais ? » Elle avait tourné la tête dans sa direction en prononçant ces mots. Elle avait utilisé un ton enfantin, sans s'en rendre compte, et la tête un peu penchée sur le côté et le regard illuminé, elle avait vraiment l'air de la petite fille de cinq ans qu'elle fut jadis. Enfin, elle tira une toute dernière fois sur sa cigarette, avant de la laisser tomber dans le vide. Sutton ne lâcha pas du regard le mégot qui chutait dans le vide, comme si elle le suivait et l'accompagnerait jusqu'au bout. Elle aimait cette sensation de vertige et de... elle n'aurait même pas su le qualifier. Une fois que l'objet eut atteint son point de non retour, elle émit un faible sourire et reposa son regard sur Jaxson, attendant ou non, elle ne savait trop, une réponse à sa question posée auparavant.