Ce soir le vent frais se lève. Je peux sentir les poils sur mes bras se dresser quand j'ouvre la fenêtre de la cuisine. C'est légèrement grillé. Ce cake est tout simplement le plus immonde que la terre ait connu. Encore fumant, je le jette à la poubelle. J'ai du avoir la tête ailleurs, je n'ai pas entendu le four sonner. Je pensais à quoi au juste ? Ca serait donner le coup toute seule que de me replonger dans ces pensées. Il ne mérite pas toute cette attention. Quand j'avance vers lui, il se donne un malin plaisir à reculer. Alors je baisse les bras, et c'est là que ce vicieux revient à la charge. Ce jeu me fatigue. Ce jeu m'attire. Quel genre de magie il utilise merde alors !

Cela fait maintenant quelques semaines que je ne compte plus les points. De toute façon, j'ai eu ce que je voulais : l'avoir, ne serait-ce qu'une nuit. Je ne sais même pas dans quoi je me suis embarquée, je sais que si j'avance encore, ce voyage sera sans retour. Je connais ce genre de mauvaise passe, c'est ce qui s'est passé en Autriche. A Viennes, dans la ville où je suis née. C'est là que j'y ai rencontré le grand méchant loup. Le premier. Alors je connais cette boule au ventre que j'ai depuis maintenant quelques jours. Rien de bon s'annonce, surtout avec un gars comme Louis.

Boule au ventre ? Merde ! J'active le pas vers mon calendrier accroché sur le mur de la cuisine. Mon doigt descend à travers les jours jusqu'à aujourd'hui, je compte dans ma tête. Trente et un. Trois jours de retard ? Je n'aime pas tellement ce chiffre, et ce mot "retard". Pour une fois que je suis impatiente d'accueillir les anglais. Qu'est ce qui s'est passé ?

Louis. D'un coup son nom me met en colère. C'est bon je me souviens. La nuit qu'on a passé ensemble. La seule nuit qu'on a passé dans ma chambre aussi, après ça il n'a plus voulu y entrer, désordre ? Monsieur est maniaque ? Le ventre serré, je cours vers ma chambre pour fouiller ma table de chevet, bon j'avoue, rien n'est réellement bien rangé. Je la retrouve malheureusement, cette protection. Et tout s'explique. Merde.

Deux heures et quelques minutes après, je me retrouve assise sur la banquette du Muffy's, banquette sur laquelle j'ai mes habitudes maintenant. C'est un peu ma place, tout le monde a la sienne en fait. Dans une petite ville comme Arrowsic, tout le monde se connait un peu, et les étrangers qui passent par ici sentent le malaise et ne cotoient que le comptoir dans ce cas.

Ce soir, le vent frais m'avait poussé à enfiler un haut assez ample en coton clair. Mais l'alcool me réchauffait lentement le corps alors que je papote avec quelques personnes par ci, par là. Des banalités. Le temps qu'il fait, les rumeurs de la journée, la politique, et cet étranger qui vient d'entrer dans le bar. Charlie le reconnait alors rapidement, il se lève de mes pieds pour aller l'accueillir comme un bon toutou. Moi, je mets quelques temps pour reconnaitre ce gars.

Bastian. Ce nom m'explose la tête, me tord le ventre et me claque pince le coeur. Une nausée me monte à la gorge, la surprise et l'alcool. C'était quoi ce mauvais rêve ? Il se fout de la gueule de qui à venir ici ? Ne me parlait pas de hasard !

Je me lève vivement en faisant glisser mon verre de la table, il se brise au sol. Faisant tourner tous les regards vers moi. Celui de mon ex se pose enfin sur moi. Nos regards se croisent. Je suis terrifiée. Je secoue la tête en cherchant les mots, mais rien ne vient à sortir de mes lèvres entrouvertes.

Je fuis. Je suis dehors. J'ai préféré l'issu à la confrontation. Devant le bar il n'y a personne. Mais la porte s'ouvre derrière moi. Ne me suis pas pitié.