Je toque à la porte de mon voisin et ami Shiloh. C'est samedi après-midi, il doit surement être chez lui, devant sa console ou à faire je ne sais quoi. Il fait beau et j'ai envie de lui faire profiter de mon tout nouvel engin. Je commence à m'impatienter alors je toque encore. Quel escargot celui-là... J'entends des pas. Enfin. On ouvre la porte et je tombe sur sa tante. C'est d'ailleurs le premier point commun que je nous ai trouvé à Shiloh et moi, nous ne vivons pas chez nos parents, mais chez leur soeur. « Est-ce que Shi est là ? » Je me plais à m'appeler comme ça. C'est à la fois étrange et original, bref tout ce que j'aime.

Après quelques minutes à parler du beau temps avec la tante de Shiloh, des pas se font entendre dans les escaliers. Beaucoup plus lourds que les précédents, ça ne trompe pas, ceux-là sont de mon pote. Il arrive à la hauteur de la porte, avec un sourire et une énergie qui lui font rarement défaut - du moins à mes yeux. « J'ai un truc à te montrer, tu vas kiffer. » Ni une, ni deux, je l'embarque dans ma Bentley décapotable toute neuve offerte par mon paternel pour la réussite de mon année à la fac. C'est rare qu'il me fasse des cadeaux. En général, il se contente de m'envoyer un chèque ou de créditer mon compte de plusieurs milliers de dollars. Mais cette fois ci il a fait un effort tout particulier sans que je n'en comprenne réellement la raison. Je l'apprécie en tout cas, ce cadeau. Il me manquait une voiture pour me déplacer dans cet état microscopique aux bus aussi rares que les bonnes gens distingués.

J'enclenche le contact et la voiture ronronne alors que je fais ma marche arrière. Je peux lire un certain sourire sur le visage de mon ami. J'en affiche d'ailleurs un similaire. Cheveux aux vents et petites routes nationales, la journée est à nous. Je peux apercevoir après trois ou quatre kilomètres parcourus une petite coccinelle se déposer sur le haut de mon volant. Je l'observe un instant, puis mon attention se reporte sur la route. Tout à coup, je me retrouve derrière un camion qui transporte visiblement des légumes verts. Le battant qui retient la cargaison semble légèrement cassé. Je peux le voir claquer de manière répétitive. Ce truc n'a pas intérêt à lâcher alors que je me trouve derrière.

Nous arrivons à l'entrée du petit village voisin d'Arrowsic. Cet endroit est bourré de feu rouge. Ça ne manque pas, on s'en prend un dans la tronche. Le camion qui nous précède marque un arrêt brutal. Tellement brutal que le battant déjà à peine fermé s'ouvre et lâche tout son contenu. Des centaines et des centaines de concombres nous tombent dessus. Certains explosent au passage et répandent un liquide verdâtre sur l'ensemble de ma voiture toute neuve. Je plante les freins et je dérape sur le côté à cause de la multitude de légumes présente sur la route. « Putain, mais c'est pas possible » je hurle fou de rage.