Cette journée avait très mal commencé. Il est des jours comme ça, où on ferait mieux de rester couché. C'était précisément ce que Mattia Jarvis aurait du faire ce matin. Se lever en quatrième vitesse en voyant l'horaire affichée sur son radio-réveil, tout en ne se rendant pas compte qu'Ella dormait encore paisiblement à ses côtés, ne faisait pas partie des meilleurs réveils qu'il ait eu. Encore moins quand moins de cinq minutes plus tard, alors même qu'il était en train de déjeuner avec bizarrement aucune envie de manger, il se rendit compte en jetant machinalement un regard vers l'horloge au mur qu'il n'était en réalité que 5:31 du matin.. Il n'avait pas tardé à comprendre que son radio-réveil était tombé en panne, que le 9:02 indiqué n'était pas la bonne heure, que si Lleyton ne disait encore rien c'est parce qu'il dormait paisiblement, et que si Ella, Ashton et Eesha ne s'étaient pas levés encore, c'était précisément pour cette même raison. Complètement dégoûté, il était remonté se coucher, après avoir laissé trainer les céréales trainer dans la cuisine -il n'avait pas eu le courage de tout ranger-.
Quand enfin, il avait pu se lever, l'ancien tennisman avait été de très mauvaise humeur. Il n'avait pas cessé d'avoir deux mains gauches, et n'avait pas non plus cessé de ne pas supporter correctement toutes les remarques qu'on lui faisait. Bref, c'était un jour sans. Et pour couronner le tout, son genou récemment blessé était encore très douloureux, rendant chaque pas difficile à effectuer. D'ailleurs, ça, ça l'inquiétait particulièrement. Il n'avait plus souffert comme ça depuis un petit moment, et se demandant pourquoi aujourd'hui justement, il avait de nouveau cette douleur lancinante. Même les quelques comprimés qu'il avait pris -après avoir, par réflexe regarder si il ne risquait pas un contrôler positif en les prenant- ne suffisaient pas à calmer ce mal. Toujours est-il que Mattia avait passé la journée à courir partout, quelque peu exténué de sa journée si particulière. Il avait gardé avec lui, pour la première fois depuis deux semaines, ses béquilles afin de pouvoir courir. Il allait rentrer chez lui, retrouver sa famille, et voir son fils Lleyton. En repensant à son gamin, en songeant qu'il avait eu la veille un an, Mattia ne put s'empêcher de retrouver durant quelques secondes. Il n'en revenait toujours pas qu'il avait un an. Un an. Il y avait un an, quand il avait appris qu'Ella avait accouché, et qu'il était alors séparé d'elle, il s'était senti super mal. Mal parce qu'elle avait accouché seule. Mal parce qu'elle allait mal. Mal parce que Lleyton luttait pour vivre. Son fils n'avait été qu'une crevette, et grâce à la mèdecine, grâce à sa lutte, il avait repris du poil de la bête, et vivait. Il souriait quand on l'appelait. Il aimait quand on lui faisait des petits chatouilles sur le ventre. Il était à deux doigts de dire papa et maman. Il était tout simplement magnifique.
Marchant avec ses béquilles, les yeux de Mattia se posèrent sur une maison. Il eut alors un petit pincement au coeur. Vu ce qu'Ella lui avait dit, et vu ce qu'ils avaient fait la veille, Ella et lui, il pouvait maintenant jurer que sa petite amie n'avait d'yeux sur personne d'autres que sur lui-même. Il avait injustement accusé Felix, et pire, il l'avait frappé. En soufflant un coup, il détourna son chemin, et s'en alla vers la porte d'entrée de cette maison. Il espérait bien que Felix vive chez Neela, qu'il tombe directement sur lui, et que tout se passe bien comme ça. Il sonna, et attendit, les deux mains bien appuyées sur ses béquilles, afin de soulager son genou qui devenait de plus en plus douloureux.
La porte d'entrée ne tarda pas à s'ouvrir, et malheureusement pour lui, c'était Neela qui était là. Suivie derrière par Carlie. Un peu gêné de la voir, il hocha la tête pour dire bonjour. Aussitôt, Neela demanda à sa fille de finir de mettre la table. La petite ronchonna un instant, avant d'écouter sa mère et de s'en aller. Enfin, quand ils furent seuls, Neela se retourna vers lui. Elle ne semblait pas ravie de le voir, vu la façon qu'elle avait de froncer les sourcils. Bon, il est vrai que la dernière fois qu'il l'avait vu, il n'avait pas été très très sympa avec elle. Mais disons surtout, qu'elle n'avait pas non plus été très compréhensive avec. « Mattia … qu'est-ce qui se passe ? » Comprenant alors qu'elle avait peur que quelque chose soit arrivé à Ella et Lleyton, Mattia répondit presque aussitôt. « Rien rien! Ne t'inquiète pas, tout le monde va bien.. » Il eut alors un petit sourire, et ne put s'empêcher de lui dire alors. « Lleyton a même fêté ces un an hier. » En repensant à son fils, Mattia se mit à sourire. Il entendit encore le rire de Lleyton, et revit les yeux brillants d'Ella. Il repensa alors à Neela, et perdit aussitôt son sourire. Les un an de son fiston n'était pas le sujet du jour. Il appuya de nouveau sur ses béquilles, sentant alors la douleur se réveiller. Puis, il releva la tête vers Neela, et demanda alors. « En fait, je voulais voir Felix. Il est là? »

« Rien rien! Ne t'inquiète pas, tout le monde va bien.. » Inconsciemment, mon visage s'était soudain détendu. Si toute la petite famille se portait bien, c'était déjà un souci en moins pour moi. Ils avaient tellement d'importance à mes yeux que je me préoccupais d'eux comme s'ils étaient des membres de ma propre famille, alors apprendre qu'il ne leur était rien arrivé était un réel soulagement. « Lleyton a même fêté ces un an hier. » Malgré son sourire, il n'arrivait même pas à m'attendrir, j'avais l'impression que derrière cette phrase se cachait un reproche, et je restais toujours sur la défensive, sourcils et bras croisés. C'était peut-être mal, mais depuis notre dernier face-à-face, j'avais tendance à voir tout noir chez lui, chacun de ses mots, chacun de ses gestes positifs me laissait perplexe, comme si j'avais du mal à croire à leur sincérité. Là, je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'indirectement, il me reprochait de ne pas être passée voir le petit Lleyton à l'occasion de son anniversaire, et cherchait à me faire culpabiliser. « Oui  ... mais hier je travaillais, j'ai prévu de passer les voir demain. » J'avais énormément de mal à être aimable et accueillante, et ce n'était sûrement pas son air mielleux ni sa référence aux un an de Lleyton qui allaient me faire changer. Rester froide était ma seule défense pour ne pas me faire piéger, Mattia était tellement imprévisible que je préférais me méfier, et d'ailleurs je guettais le moindre signe de violence de sa part. Même avec des béquilles, il m'avait très bien prouvé qu'il était toujours en mesure de blesser, aussi bien physiquement que moralement d'ailleurs. Je savais très bien que leur bébé avait fêté ses un an hier, pour avoir assisté à l'accouchement d'Ella... d'ailleurs, j'aurais bien voulu fêter cet anniversaire avec eux, constater avec émerveillement à quel point leur petit bout de chou avait encore grandi, mais malheureusement, mes obligations professionnelles me l'y avait empêchée. « En fait, je voulais voir Felix. Il est là? » Je haussai les sourcils, étonnée par cette question. J'avais bien envisagé cette hypothèse, mais l'entendre prononcer son prénom me surprenait un peu. Felix ? Pourquoi voulait-il voir Felix ? Et pourquoi à cette heure ci ? Je pensais qu'ils étaient en froid tous les deux, qu'ils l'avaient même toujours été finalement. Les rares fois où il m'avait parlé de Mattia, c'était toujours de façon négative, surtout que nous étions tous les deux d'accord sur le fait qu'il délaissait complètement sa jolie petite famille. Puis je me souvins de ma conversation avec Ella, où j'avais compris que Mattia en voulait terriblement à Felix, mais elle n'avait pas réussi à savoir pourquoi. C'était donc resté un mystère pour nous, même si je cherchais encore à savoir ce qui pouvait pousser Mattia à en vouloir à ce point à Felix. Cela dit, je ne me torturais pas trop avec cette question, parce qu'en sachant que c'était moi qui était sa petite-amie et qu'il me détestait, c'était déjà une raison suffisante pour en vouloir à Felix, et puis de toute façon, j'avais comme l'impression qu'il en voulait à tout le monde ces temps-ci. « Euh … non, il est encore au journal, mais il ne devrait plus tarder normalement. » Normalement il était censé être en route, et dans quelques minutes, il serait là. Je restais à le regarder un instant sur le pas de la porte, laissant un silence s'installer entre nous, puis, voyant qu'il commençait à avoir du mal à rester dans cette position sur ses béquilles, décroisai les bras tout en lui ouvrant davantage la porte. Malgré cela, ce n'était pas pour autant que je daignais lui accorder un sourire.  « Entre, tu vas pas l'attendre dehors. » En fait, c'était plus de la pitié que de la gentillesse de ma part, et puis j'avais peut-être l'occasion de savoir ce qui se passait exactement entre lui et Felix. M'apercevant que Carlie était finalement montée dans sa chambre et que la voie était donc libre, je me dirigeai avec Mattia jusqu'au salon. C'était peut-être indiscret de ma part, mais tant pis, cela concernait Felix, alors j'étais forcément un minimum concernée par leur histoire. « Je peux savoir ce qui se passe ? Il y a un problème avec Felix ? » Autrement dit : fais attention, si j'apprends que tu as touché à un cheveu de l'amour de ma vie, tu vas sérieusement regretter d'être venu ici.

A peine Mattia avait-il dit, d'un ton fier que son fils avait eu un an, qu'il comprit alors que c'était peine perdue. Neela ne souriait même pas. Elle avait gardé ses bras croisés devant elle, et ne pipait aucun mot. Rien. A croire qu'importe ce que Mattia pouvait raconter, elle allait le prendre. Dans son regard, le jeune homme avait l'impression d'être un jeune incapable de faire du bien. Il avait l'impression d'être le mal incarné. Il en eut même la certitude dès que Neela ait décidé de reprendre la parole. « Oui ... mais hier je travaillais, j'ai prévu de passer les voir demain. » Ce fut à son tour de froncer doucement les sourcils. Que croyait-elle? Qu'il regrettait qu'elle ne soit pas passée les voir la veille, alors que Lleyton venait tout pile d'avoir un an? Elle était folle. Complètement folle. Lui, il s'était contenté de dire cette bonne nouvelle car il était fier d'avoir un gamin, gamin qui avait aujourd'hui un an. Il était juste fier de l'annoncer. En aucun cas il ne l'avait dit pour que la jeune femme culpabilise de quoi que ce soit. D'ailleurs, si elle était venue la veille lui souhaiter un bon anniversaire, il l'aurait peut-être mal pris. Il avait besoin de passer un moment seul avec Ella, son fils et lui. Sans personne d'autres, hormis Ashton et sa nouvelle copine. Voir Neela débarquer ne lui aurait sans doute pas plus longtemps. Même si elle le faisait pour Lleyton, ou pour Ella.. De toute façon, elle n'aurait sûrement pas apprécié sa présence non plus.
C'était étrange mais ils étaient quand même incapables de s'entendre tout les deux. Leur dernière rencontre n'ayant pas finit sous les meilleures auspices, Neela devait le voir comme celui qui l'avait insulté. Bon, ok, il l'avait insulté. Mais et alors? Il était en colère ce jour-là. Il allait super mal. On lui reprochait de s'éloigner d'Ella, on lui reprochait de la rendre malheureuse, alors que les gens ne savaient pas ce qui s'était réellement passé. Les gens ne savaient pas que Mattia avait poussé Ella, qu'il s'en voulait tellement qu'il n'osait plus s'approcher d'elle à ce moment-là, de peur de lui faire du mal. Le même mal que lui avait subit plus jeune.
Alors, oui, il en voulait au monde entier. Il en voulait à tous ces gens qui voulaient essayer de le pousser de nouveau dans les bras d'Ella, sans qu'ils sachent réellement qui il était. Neela le savait. Il lui avait dit. Et apparemment maintenant elle le voyait plus comme un tyran que comme un jeune homme. Mais qu'importe. De toute façon, ce n'était pas elle qu'il était venu voir; c'était Felix.
Il demanda donc si son compagnon était là. Elle haussa alors les sourcils, plus que surprise par cette question. « Euh … non, il est encore au journal, mais il ne devrait plus tarder normalement. » Bien. Donc d'ici peu, il devrait traverser cette porte et venir dans cette maison, rejoindre sa petite amie, et sa petite fille. Un léger silence s'installa entre eux. Mattia faillit le rompre, en lui disant tout simplement au revoir, quand Neela prit la parole. « Entre, tu vas pas l'attendre dehors. » Les yeux du jeune homme se posèrent sur elle. Elle ne souriait même pas. Elle restait toujours aussi peu expressive. Alors, Mattia hésita. Devait-il rentrer et attendre son retour avec Neela? Ou devait-il tout simplement rester dehors, debout à souffrir car aujourd'hui il avait mal? Et parce que justement, il avait mal, Mattia décida de rentrer. Il claudiqua avec ses béquilles, faisant juste un petit sourire à Neela au passage comme pour la remercier.
Une fois dans le salon, Mattia remarqua que la petite s'en était allée dans sa chambre. Il resta là, debout, sur ses béquilles, et attendit. Il n'avait rien à dire à Neela. Entre eux, mis à part se chamailler, il avait l'impression qu'aucun son ne voudrait sortir. « Je peux savoir ce qui se passe ? Il y a un problème avec Felix ? » Ses yeux étaient posés sur une photo d'eux trois lorsque Neela pris la parole. Il reporta son attention sur elle. Elle voyait vraiment le mal partout.. Bon, elle n'avait pas vraiment tord. Mais justement, Mattia n'allait pas venir pour poser un problème à Felix. Bien au contraire. Il voulait juste s'excuser. Il prit alors la parole. « Rien de grave. Je viens juste pour m'excuser. » Il s'arrêta alors, et observa la jeune femme. Visiblement ses propos ne disaient toujours rien; Elle restait toujours aussi peu expressive, aussi peu charmante, et aussi peu souriante. Elle était vraiment antipathique.. Il secoua la tête et reprit alors la parole. « Ecoute Neela, tu peux arrêter de voir le mal partout? Tout à l'heure, je ne voulais pas te culpabiliser en disant que Lleyton avait eu un an. J'étais juste fier de le dire. C'est tout. Et là, c'est bon, je ne vais pas sauter à la gorge de ton copain, on ne va se battre encore, ni rien d'autres, ok? Je veux juste lui dire un truc... » Il s'arrêta alors. Il espérait au moins que Neela ne dirait rien de bien méchant. Et qu'elle comprendrait. Mais vu qu'elle ne comprenait jamais rien, ce n'était pas gagné d'avance.

« Rien de grave. Je viens juste pour m'excuser. » Gardant les bras croisés, je ne lâchai pas Mattia des yeux, mais fronçai davantage les sourcils en entendant le mot 'excuser', tout simplement parce que je comprenais pas du tout où il voulait en venir. « T'excuser ? » répétais-je en l'interrogeant du regard. Il voulait s'excuser de m'avoir virée de chez lui et traitée de salope ? Déjà, c'était un peu trop tard pour faire ce genre de démarche, et puis surtout, quel était le rapport avec Felix ? Avec ma posture et l'expression de mon visage on ne peut plus tendues, je ne me rendais pas vraiment compte que j'avais plus l'air d'un chien de garde que d'une mère de famille, et Mattia commençait à être exaspéré de me voir autant sur la défensive avec lui. « Ecoute Neela, tu peux arrêter de voir le mal partout? Tout à l'heure, je ne voulais pas te culpabiliser en disant que Lleyton avait eu un an. J'étais juste fier de le dire. C'est tout. Et là, c'est bon, je ne vais pas sauter à la gorge de ton copain, on ne va se battre encore, ni rien d'autres, ok? Je veux juste lui dire un truc... » Je haussai les sourcils, n'en revenant pas de l'entendre me parler comme ça. Si je voyais le mal partout dès qu'il se trouvait à moins de trois mètres de moi, c'est que j'avais quand même de bonnes raisons. S'il ne m'avait pas balancé ses béquilles dessus pour me virer de chez lui ni traitée de salope lors de notre dernière rencontre, je ne verrais pas autant le mal partout. Si je n'étais pas au courant qu'il avait un jour froidement poussé Ella au sol sans avoir le courage de l'aider par la suite, je ne verrais pas le mal partout. Et là, il se trouvait dans ma maison, de nuit, alors que j'étais seule avec ma fille. Quelle femme à ma place ne verrait pas le mal partout ? Certes, à présent, je savais pourquoi Mattia pouvait être aussi violent parfois, le jeune homme avait même osé se confier à moi en m'expliquant la vraie source de ses problèmes avec Ella, mais ce n'est pas pour autant que je l'excusais. Ce n'est pas pour autant que cela effaçait toutes les blessures invisibles d'Ella, et si elle avait réussi à le lui pardonner, moi, j'avais beaucoup de mal à prendre pitié de lui et à faire abstraction de cette histoire. Ella était bien plus qu'une amie, je la considérais comme un membre de ma famille, autant que Carlie, autant que ma mère ou Felix, et pour moi, ce que Mattia lui avait fait était inacceptable. Je savais que si un jour Felix se mettait à me pousser de colère comme lui l'avait fait avec Ella, et me regardait pleurer par terre sans prendre la peine de m'aider à me redresser, je ne chercherais pas à comprendre. Au moins pour le bien de Carlie, je ne pourrais pas rester avec lui, et je crois que j'avais beau l'aimer de tout mon cœur, il m'avait déjà trop fait souffrir par le passé pour que j'accepte un faux-pas de plus, et surtout un faux-pas comme celui-là. C'était beaucoup trop dangereux, d'autant plus que si cela avait le malheur de remonter aux oreilles de mon père ou de mon frère, je crois que Felix ne resterait pas vivant très longtemps. Je m'apprêtai à répliquer que c'était quand même légitime de voir le mal partout quand il franchissait le seuil de ma maison, mais quelque chose retint mon attention et me coupa dans mon élan. Battre. Encore.  Avec Felix ? « Attends attends … quoi ? Comment ça encore ? Vous vous êtes battus ? » Automatiquement, je défronçai les sourcils en prenant un air plus grave. J'étais en train de réaliser que oui, ils avaient dû se battre. Rien que de voir la tête de mon interlocuteur, je devinais toute seule la réponse. Mattia avait frappé Felix. Non, là, c'était trop. Beaucoup trop. Il avait déjà fait du mal à Ella, et il s'en était pris à Felix ? Parce que s'il venait s'excuser, c'est qu'il avait forcément quelque chose à se reprocher, donc que c'était lui qui avait porté le premier coup. Mais venant de Mattia, cela ne m'étonnait même pas. Felix n'était pas du tout le genre de garçon bagarreur et violent. Je n'avais même pas besoin de le questionner sur les conditions de ce conflit, j'en savais déjà trop et chercher le pourquoi du comment ils en étaient arrivés là tous les deux aurait été une perte de temps. C'était officiel. Je haïssais Mattia. Prenant doucement moi-même conscience de la situation, je me mis à secouer la tête en le fixant d'un air de dégoût. « Mais Mattia mais … mais t'es vraiment qu'un monstre ! » Cette fois je ne pouvais pas regretter d'avoir prononcé ce mot que je savais si douloureux à entendre pour lui. Il avait fait souffrir trop de personnes chères à mon cœur, alors il pouvait rêver pour que j'éprouve un minimum de compassion pour lui ! Dire que j'avais fait rentrer cet homme chez moi, j'étais vraiment dingue ! Et en imaginant Felix se faire ruer de coups par lui, je sentais une colère terrible monter en moi, prête à exploser. J'avais besoin de l'extérioriser, et d'ailleurs, sans que je ne la contrôle vraiment, ma main droite vint brutalement claquer la joue de Mattia. Un petit silence s'installa alors, durant lequel je prenais conscience de ce que j'avais fait, et lui aussi apparemment tout en me dévisageant. Commençant à regretter mon geste, je ne laissais pourtant rien paraître. Le gifler m'avait soulagée, quelque part, c'était quelque chose que j'avais toujours voulu faire. « Sors … J'arrive déjà plus à te supporter, sors ! » Je haussai le ton pour le pousser à s'en aller, le bras et l'index tendus en direction de la porte d'entrée.

Comme prévu, le regard de Neela se fit beaucoup plus grave. Comme prévu, elle n'allait rien comprendre. Elle restait bloquée sur ses positions. Elle le détestait. Ca, il pouvait bien le concevoir. Il avait fait souffrir Ella, il avait faillit ne pas reconnaître son fils, et il l'avait insulté. Il pouvait donc bien concevoir que la jeune femme ne le porte pas dans son coeur. Mais jusqu'à présent, il ne lui avait rien fait à elle. Elle pouvait du coup cesser de la regarder comme le mal incarné, voire même la diable en personne. « T'excuser ? » Quoi? Elle était sourde maintenant? Elle avait visiblement bien entendu le mot. Que désirait-elle de plus? L'entendre dans une autre langue? Avait-elle un problème de connexion entre ses oreilles et son cerveau? Peut-être qu'elle n'avait pas de cerveau. Ca expliquerait au moins pourquoi elle était comme ça. Si peu compréhensible. Si peu sympa.
Parce qu'il n'avait pas envie de lui répondre, parce qu'après tout, il était persuadé qu'elle avait bien compris, Mattia avait continué de parler, omettant exprès de répondre à sa question. Lui, ce qu'il voulait après tout, c'était juste parler à Felix, et oublier le reste. Neela ne l'interessait pas. Elle ne l'intéresserait sans doute jamais. Elle restait trop fixée sur le mal qu'il avait fait à Ella pour qu'ils puissent un jour se parler. Elle ne voyait en lui que le jeune homme qui l'avait balancé sans rien dire, qui n'avait pas voulu de cet enfant, qui avait abandonné Ella. Elle ne voyait pas qu'il avait été partager entre deux mondes; celui de son beau-père et celui d'Ella, et qu'il n'avait pas pu se défaire comme ça. Elle ne voyait pas non plus qu'il y avait de quoi être effrayé à l'idée de devenir père si jeune, alors qu'il n'avait eu aucun vrai modèle parental. Elle ne voyait pas non plus que si il avait délaissé un peu Ella ces derniers temps, c'était parce qu'il souffrait de ne plus avoir d'avenir tout tracé dans le tennis. Elle ne voyait rien de tout ça. Elle n'avait qu'une vision féministe et sans autre chose. Mattia se demandait même si elle en voulait encore à Felix de ne pas être intervenu plus tôt dans l'éducation de sa fille. Parce que vu comme elle semblait rancunière, elle devait ne pas tout lui avoir pardonné. « Attends attends … quoi ? Comment ça encore ? Vous vous êtes battus ? » Bizarrement, son visage se fit encore plus grave -bien que Mattia n'aurait jamais pu imaginer ça possible-. Ses sourcils n'étaient plus froncés, mais elle gardait cet air plus que sérieux. Elle venait de réaliser qu'ils s'étaient battus. Du moins, que Mattia l'avait frappé. Le jeune homme pensait qu'elle était au courant. Il avait eu la main enflée, il imaginait que Felix avait un petit bleu sur sa joue au moins. Apparemment, Neela venait de l'apprendre. Ca s'annonçait mauvais.
Crispé, s'appuyant sur ses béquilles, Mattia soupira. Il ne savait pas vraiment quoi lui dire. S'excuser? Surement pas auprès d'elle. Lui dire que ce n'était pas ses oignons? Elle risquait de tout autant mal le prendre. De toute façon, quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, Neela le prendrait très mal. C'était inscrit dans ses gènes.
Ses yeux étaient rivés sur la jeune femme. Si au moins il ne disait rien, son regard parlait pour lui. Il comprit que la docteur était plus qu'énervée lorsqu'il la vit secouer la tête de gauche à droite, puis de droite à gauche, et ainsi de suite. « Mais Mattia mais … mais t'es vraiment qu'un monstre ! » Cette phrase. Ce mot. Elle savait pertinemment qu'est-ce qui pouvait faire le plus de mal à Mattia. Le traiter de monstre. Lui rappeller qu'il était comme lui. Il secoua alors la tête, détournant un instant les yeux de la femme. Mauvaise idée. Une seconde plus tard, il sentit la main de Neela s'abattre sur sa joue. Il ferma aussitôt un instant les yeux, et eut un imperceptible mouvement de recul, comme pour se protéger, stigmate de son passé. Il ne savait ce qui faisait plus mal; cette gifle qui venait de lui chauffer la joue ou cette phrase qui venait de le poignarder en plein coeur? Il se crispa sur ses béquilles, et releva les yeux, quelque peu embués, vers elle. « Sors … J'arrive déjà plus à te supporter, sors ! » Elle parlait de plus en plus fort, et lui, il la regardait toujours autant. Essayant de comprendre. Essayant aussi de réaliser ce qui se passait.
C'était ironique cette situation. Elle comprenait qu'il avait frappé Felix, et en retour, elle le giflait. Belle façon de montrer son mécontentement. Elle avait beau dire tout ce qu'elle voulait, elle n'était pas mieux. Elle aussi suivait l'adage, Si tu frappes, je te frappe. Belle mentalité. Il avait bien envie de le lui dire, mais à quoi ça servait? Elle était trop butée, têtue, pour comprendre quoique ce soit.. Il haussa alors les épaules, et regarda la jeune femme en face. « Ca t'éclate de me sortir ça, hein? » La gifle, il s'en fichait. Même si sa joue était rouge, même si il sentait encore cette douleur sur sa peau, ce n'était pas ça ce qui l'avait le plus blessé. C'était la phrase. Cette phrase. Ce mot. « Ca va? Tu te sens mieux? » lui demanda-t-il alors, tout en faisant un pas vers elle. Il revoyait Lui. Il revoyait sa tête de monstre, ce regard de monstre, cette expression de son visage qui lui montrait qu'il n'allait pas s'en tirer comme ça. Ces visions le hantaient. Il avait ses mains qui s'étaient maintenant crispées sur les petites barres de ses béquilles. Il n'avait qu'une envie; se sauver de cette endroit, et de cette folle. Oublier la bonne action qu'il avait décider de faire, et s'en aller de là. Mais pas avant de lui avoir dis deux trois trucs. « T'es vraiment bornée, tu sais ça? » Il l'observait toujours. « Je venais justement pour voir Felix, et lui dire que je m'excusais. C'était tout. Peut-être que parfois je suis un salaud, mais pas aujourd'hui, tu vois. » Il s'arrêta alors, respira un petit coup. Il avait les yeux toujours embués. En bougeant ses béquilles, il dit en élevant la voix. « T'es pas mieux que moi Neela.. Bravo, t'as trouvé les bons mots pour me blesser. Mais ne recommence plus! Plus jamais! » Et c'est là, alors qu'il était à un mètre d'elle, et alors qu'il faisait un geste pour se tenir correctement avec ses béquilles, que ça se passa.

Malgré mes menaces, malgré le fait que la joue de Mattia était devenue rouge pivoine sous l'effet de ma gifle, ce n'était pas pour autant qu'il avait l'air d'avoir envie de partir. Au contraire même, il cherchait à rester apparemment en se rapprochant de moi avec ses béquilles. « T'es vraiment bornée, tu sais ça? Je venais justement pour voir Felix, et lui dire que je m'excusais. C'était tout. Peut-être que parfois je suis un salaud, mais pas aujourd'hui, tu vois. » Oui j'étais extrêmement bornée, mais j'assumais, et puis lui aussi dans le genre borné, il n'était pas mal non plus. Pas aujourd'hui non, il n'était pas salaud aujourd'hui, mais il l'avait été en tout cas. Il l'avait été encore une fois envers quelqu'un qui m'était cher, plus que ça même, envers l'homme de ma vie et le père de ma fille. Felix était absolument tout pour moi, et il le savait. A croire qu'il l'avait fait exprès pour se venger de ma visite houleuse de la dernière fois, je pouvais tout imaginer, et j'étais en train d'imaginer n'importe quoi, puisque je n'en savais encore rien. Toujours est-il que Mattia pouvait s'excuser autant de fois qu'il le voulait, il pouvait se rouler par terre, me supplier, je crois que je ne pourrais jamais lui pardonner ça. Je n'avais rien remarqué ces derniers temps chez Felix, aucune blessure nulle part, rien, et pourtant Dieu sait que je le regardais... Malheureusement, le connaissant, je crois qu'il n'avait pas voulu me tracasser davantage avec cette histoire et avait du s'efforcer de camoufler sa ou ses blessures pour que je ne remarque rien et ne m'affole pas. D'un côté, je pouvais le comprendre, j'avais déjà le problème de ma grossesse involontaire, alors apprendre que Mattia s'était défoulé sur lui m'aurait encore plus contrariée, et puis, c'était un homme, il avait du penser que sa virilité, sa fierté en aurait pris un coup s'il me racontait ça. Pourtant, peu importe, je m'en fichais complètement, je l'aimais, et ne pouvais pas tolérer que quelqu'un lui fasse du mal, ça ne changeait rien, je devais le protéger moi aussi, même si j'étais sa petite amie. D'ailleurs, je n'en voulais pas à Felix, il n'y était sûrement pour rien là-dedans, et Mattia avait fait une très grosse erreur en frappant le premier. « Je m'en fous ! Qu'est-ce qui t'as pris de le frapper ?! T'es malade Mattia ! » Je continuais de parler fort, tant pis si Carlie m'écoutait. Elle devait sûrement m'entendre de sa chambre, si elle n'était pas déjà assise dans l'escalier pour écouter notre conversation...

« T'es pas mieux que moi Neela.. Bravo, t'as trouvé les bons mots pour me blesser. Mais ne recommence plus! Plus jamais! » Mais je savais très bien que j'avais trouvé les mots exacts pour le toucher en plein cœur, le but étant bien sûr de lui faire du mal tout autant qu'il en faisait aux autres, et particulièrement à Felix. Il avait blessé Felix physiquement, je n'allais certainement pas me retenir de lui rendre l'appareil. Mais Mattia semblait allait plus loin que les mots lui aussi, et bien plus loin qu'une simple gifle comme celle que je lui avais donné il y a quelques secondes. Je crus alors le voir attraper l'une de ses béquilles pour me la jeter dessus, comme la dernière fois, mais de plus près. Par réflexe, j'avais reculé pour me protéger, mais une poupée barbie appartenant à Carlie se trouvait par malheur juste derrière mon pied, et en marchant dessus, ou plus exactement en glissant dessus, je fus violemment projetée sur le carrelage. Le bas de mon dos avait touché le sol en premier, mais je n'avais pas pu retenir ma tête qui elle aussi avait fortement frappé par terre. Le choc avait été si brutal que je sentis immédiatement une douleur lancinante au niveau du ventre, qui à mon avis, ne devait pas être bon signe. Je posai instinctivement ma main sur mon ventre en fronçant les sourcils tellement j'avais mal. Mattia devait encore être là non loin de moi, mais je ne le voyais plus, je ne faisais même plus attention à lui de toute façon, j'étais trop torturée par la douleur pour me préoccuper d'autre chose. Évidemment, je pensais au futur bébé, qui ne devait être qu'un fœtus, mais qui avait pourtant bien dû ressentir le choc lui aussi. « Maman !! » la petite voix de Carlie résonna dans les escaliers, et j'entendis très vite ses pas descendre les marches. Je ne voulais pas qu'elle me voit dans cet état, aussi mal, et surtout, je voulais éviter qu'elle se fasse des films par rapport à Mattia... Mais alors que je m'apprêtai à me redresser pour écarter tout soupçon, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir.

Ce week-end, c'était le grand week-end ! Celui où j'allais m'installer chez Neela, pour enfin passer mes journées, ou au moins mes matinées et mes soirées, avec elle et Carlie. Si j'avais mis deux bons mois à me décider, préférant d'abord mieux les connaître et être sûr et certain que tous ces changements allaient durer, j'avais maintenant hâte d'habiter là-bas. Je m'étais d'ailleurs bien fait à cette idée ces derniers jours, me rendant souvent chez Neela juste pour passer du temps avec elle, pour manger ou parfois pour dormir. Ce soir d'ailleurs, je devais aller dîner avec Neela et Carlie. J'avais prévu de rentrer plus tôt... mais mon patron et son humeur exécrable du jour en avait décidé autrement et m'avait refilé un article à faire à la dernière minute, ce qui avait retardé mon arrivée. J'étais donc parti du journal avec un peu de retard, mais Neela n'habitant pas très loin, j'étais rapidement arrivé à la maison. N'ayant pas encore la clé, je tentai d'appuyer sur la poignée, espérant que Neela ait laissé la porte ouverte en sachant que je devais arriver. Effectivement, cette dernière était ouverte. J'entrai dans la maison et entendis déjà les pas de Carlie dévaler l'escalier. Pourtant, en bas des marches, ma fille me jeta un petit regard apeuré et s'en alla en courant vers le salon. Je fronçai les sourcils, tentant de voir ce qui se passait dans la pièce voisine. Pour que Carlie ne me saute pas dans les bras comme à son habitude, il devait se passer quelque chose... En arrivant dans le salon, je vis Mattia perché sur ses béquilles... mais je n'eus même pas le temps de me dire que c'était la dernière personne que j'avais envie de voir que mon regard se posa sur Neela, allongée par terre, et apparemment très mal en point, se tenant le ventre. Mon sang ne fit qu'un tour : j'avais à peine eu le temps de dire un « Neela ! » que je me mis à moitié à courir à travers la pièce jusqu'à elle, ignorant royalement Mattia, et la tenant comme possible, vu qu'apparemment elle voulait se redresser.

« Non mais qu'est-ce que... »

Je fus attiré par Carlie, qui soudainement s'était arrêtée de bouger, et fixait Mattia depuis quelques secondes. Je posai mon regard sur lui et fis automatiquement ce que je pensais être le lien. Dites-moi que je rêves ! Je sentis soudain la colère monter en moi tandis que je continuai de regarder Mattia. Il l'avait poussée ? Il avait osé la pousser ? Sur le moment, j'avais envie de lui enfoncer sa béquille dans le ventre, mais je me rendis compte qu'il y avait Carlie, et que je devais me maîtriser. D'une voix anormalement grave sous le coup de l'énervement, je lui jetai un regard assassin.

« Dégage ! Dégage avant que je t'en colles une ! »

Je reportai mes yeux sur Neela. Elle se tordait encore de douleur et gardait toujours les yeux plus ou moins fermés. Ce n'était même pas la peine de lui poser la question, elle ne pouvait pas se lever, c'était certain.

Les yeux rivés sur Neela, les mains serrées sur ses béquilles, Mattia Jarvis restait figé sur place. Devant lui, Neela venait de s'écrouler. En une seconde, elle était tombée. Sans qu'il ne fasse quelque chose. Sans qu'il n'y comprenne quelque chose. Une seconde plus tôt, elle était là, face à lui, le visage crispé par sa colère, mais elle était debout. Et une seconde plus tard, elle avait atterrit au sol. Et Mattia restait incroyablement stoique. Il ne comprenait rien. Du moins, il imaginait le pire. Il avait bien vu le bref pas en arrière que la jeune femme avait fait, mais il ne voyait pas pourquoi elle avait reculé. Qu'avait-il fait lui? Etait-il responsable? Il n'avait rien fait. Rien de rien. Il avait juste élevé un peu la voix.
Il fut coupé net dans ses pensées lorsqu'une petite voix hurla un « Maman !! ». Il tourna la tête. Carlie était là. Elle venait de débarquer. Elle avait les yeux grands ouverts, rivés sur sa mère. Elle semblait apeurée, et choquée. Elle devait surtout le hair. Elle devait croire que si sa mère était au sol, c'était de sa faute à lui. A qui d'autre de toute façon? Ils étaient seuls dans cette maison.
« Neela ! » Sans bouger, le regard toujours sur Neela, Mattia apperçut du coin de l'oeil Felix arriver. Il avait foncé sur sa chérie, au sol. Il était passé à côté de Mattia sans se soucier de lui. Il semblait plus qu'inquiet, et il pouvait bien le comprendre. Il ne devait rien comprendre. Lui non plus de toute façon ne comprenait pas. Et puis, sans crier gare, Felix s'exclama « Non mais qu'est-ce que... » avant de se retourner vers Carlie, puis vers Mattia. Là si il avait eu un pistolet à la place des yeux, nul doute que le jeune papa aurait été tué sur place. Mais qu'est-ce qu'il avait? Ils le regardaient tous comme si c'était lui le responsable. Mais il n'avait rien fait. Rien!!« Dégage ! Dégage avant que je t'en colles une ! » Jamais Mattia ne l'avait vu comme ça. Aussi énervé, aussi en colère, et avec cette voix qui faisait peur. L'ancien tennisman hocha la tête négativement. « Non » murmura-t-il. Son murmure était tellement faible, qu'il n'était même pas sûr que Felix ou même Neela ne l'ait entendu. Ce non n'était pas un non parce qu'il ne voulait pas dégager -même si honnêtement, il n'allait pas dégager pour autant-. C'était simplement un mot pour dire qu'il n'y était pour rien. Et comme il était bien conscient qu'ils n'avaient peut-être rien entendu, il réitéra. « Non » Cette fois, sa voix était plus forte. Il hochait toujours la tête négativement. Il espérait ainsi leur faire comprendre que non, il n'y était pour rien. Que c'était juste un malheureux malentendu. Il ne l'avait pas touché, il ne l'avait pas poussé. Il avait juste.. bouger ses béquilles. Et c'était ça? C'était à cause de ça qu'elle avait reculé? Avait-elle eu peur? Avait-elle flippé à l'idée qu'il la frappe avec une béquille? C'était ça? C'était pour ça qu'elle était tombée?
Comprenant alors que oui, peut-être qu'il était à moitié responsable de cette chute, Mattia reporta son attention sur elle. Neela était toujours au sol, et semblait souffrir du ventre. Il ne comprenait toujours pas. Est-ce qu'il était si effrayant? Il lui avait raconté qu'il avait poussé Ella, et qu'il n'avait pas bougé. Cette histoire, il lui avait dit alors même qu'il ne voulait pas se rapprocher d'elle, et qu'Ella souffrait. Elle avait du croire qu'il allait lui faire la même chose. Mais jamais, jamais il n'aurait fait ça. Il avait craqué ce jour-là. Il n'en pouvait plus. Il n'avait pas dormi de la nuit. Il était rongé par son passé qu'il détestait tant, et hanté par son futur qui restait flou. Il avait pété un câble. Il s'en voulait encore énormément. Mais là, là, c'était totalement différent. Il n'avait rien fait. « Neela.. » Sa voix était encore toute faible. Il fit deux pas en avant se rapprochant d'elle, et de Felix. La joue rouge suite à la baffe qu'elle lui avait mis lui faisait encore mal. Mais il avait encore plus mal au ventre. De se dire qu'elle avait cru qu'il allait la frapper, ou la pousser, ou n'importe quoi d'autres de méchant. Se rapprochant en claudiquant avec ses béquilles, Mattia s'arrêta à une dizaine de centimètres d'eux. Il hochait encore la tête. « Neela, je.. je ne voulais pas.. » non. Il ne voulait pas lui faire peur. Il n'avait jamais voulu lui faire ça. Il avait juste voulu tenir un peu mieux sur ses béquilles, comme là. C'était tout.

J'entendis la porte d'entrée s'ouvrir, et vis Felix me regarder d'un air inquiet puis se précipiter vers moi. « Neela ! » Très vite, il se retrouva près de moi. Mon Felix. Rien que le voir me donnait du baume au cœur, si bien qu'un petit sourire se dessina sur mon visage. Il avait l'air tellement inquiet, je m'en voulais de lui faire subir tout ça, d'autant plus que j'étais en partie responsable de ma chute. Je ne devais pas être très belle à voir, d'ailleurs, j'aurais préféré que Felix ne me voit pas dans cet état, mais je me disais aussi qu'il était arrivé au bon moment. Au bon moment pour moi, mais au mauvais moment pour Mattia, mais ça, je n'y pensais même plus tant j'avais mal. Je savais que j'avais besoin d'aller à l'hôpital assez rapidement, j'étais peut-être en train de faire une hémorragie interne. En tout cas, Felix était arrivé à temps, Mattia n'aurait rien pu faire pour moi avec son genou plâtré, car je crois que j'avais besoin d'aller à l'hôpital non seulement pour des soins, mais aussi pour faire quelques examens. Je grimaçai en sentant la douleur revenir au niveau de mon bas ventre. « Dégage ! Dégage avant que je t'en colles une ! » A vrai dire, étant allongée et très mal en point, j'avais beaucoup de mal à analyser ce qui était en train de se passer autour de moi, mais j'avais bien deviné que Felix était en train de s'en prendre à Mattia. « Non. Non non. » Je secouai négativement la tête en regardant Felix pour lui faire comprendre qu'il se trompait de a à z, mais il continuait de dévisager Mattia sans faire attention à ce que je lui disais. Jamais je ne l'avais vu ni entendu se mettre autant en colère contre quelqu'un. Le lien semblait évident entre Mattia et le fait que je sois par terre, ça ne pouvait pas être Carlie, et pourtant, le jeune homme ne m'avait rien fait de mal. Absolument rien, malheureusement seuls lui et moi le savions. Je l'entendis se rapprocher doucement de moi avec ses béquilles, puis le vis se pencher vers moi pour me regarder. « Neela, je.. je ne voulais pas.. » Il avait l'air de s'en vouloir horriblement, mais je ne comprenais pas bien pourquoi puisqu'il savait tout comme moi qu'il ne m'avait absolument pas poussée. J'étais tombée toute seule, à cause de cette fichue poupée mal rangée, et aussi parce qu'il m'avait fait peur, mais si cette barbie n'aurait pas traîné, je n'aurais pas glissé. Je hochai doucement la tête en me tenant le ventre, ne parvenant pas à afficher une autre expression sur mon visage que celle de la souffrance. « Je sais je … » Je suis tombée toute seule, c'est ce que j'allais dire, mais j'avais tellement mal que terminer ma phrase avait été impossible. En tombant, j'avais eu la sensation de recevoir un énorme coup de poing dans le ventre, et cette sensation revenait maintenant à plusieurs reprises sans prévenir. La seule chose à laquelle je pensais, c'était le bébé. Il était ma préoccupation première. J'avais besoin de m'assurer que tout allait bien pour lui, parce que la douleur que je ressentais au ventre n'était pas anodine, loin de là. D'ailleurs, je me préparais déjà à ce que l'on m'annonce le pire … Rien que de penser à cette éventualité me déchirait le cœur. Il fallait que je sache, le doute m'était insupportable, et pour savoir, il fallait que j'aille à l'hôpital, donc que je me lève. Doucement, j'essayai de me redresser pour me commencer à me relever, mais rien à faire, j'avais trop mal à la tête et au ventre pour trouver la force de me lever seule. Je me tournai finalement vers Felix avec une mine attristée et prenant une toute petite voix. « Felix … Il … il faudrait que j'aille à l'hôpital. J'ai un mauvais pressentiment pour... le bébé. » En disant ces mots, les larmes se mirent à couler. Trop d'émotions me secouaient d'un coup. Je prenais tout à coup conscience que je risquais de perdre ce petit, et cette idée me terrorisait. J'étais aussi en train de réaliser à quel point j'avais envie de l'avoir, de mener cette grossesse à terme et de tenir cet enfant dans mes bras avec Felix. Il n'était pas prévu, mais maintenant que je savais qu'il allait être là, que je m'étais préparée à son arrivée depuis deux mois, je n'avais en aucun cas envie que tout s'arrête, surtout de cette façon là.

« Non » Quoi ? Comment ça non ? Il pousse Neela, et quand je lui demandes de partir de cette maison avant que je m'en prenne à lui, il refuse ? Il veut vraiment que je lui fasse manger sa béquille ! « Non. Non non. » J'avais à peine entendu Neela, tant mon regard restait porté sur Mattia. Ce gamin m'énervait de plus en plus à chaque fois que je le voyais... « Neela, je.. je ne voulais pas.. » « Je sais je … » Aucun d'eux ne terminait ses phrases, et moi je ne comprenais strictement rien à la situation. J'avais l'impression qu'ils parlaient en langage codé pour m'empêcher de comprendre. Je sentis que Neela essayait de se relever, mais elle ne paraissait pas en avoir la force. Je détournai finalement mon regard de Mattia, à qui j'en voulais encore plus que d'habitude, en entendant Neela dire mon prénom. « Felix … Il … il faudrait que j'aille à l'hôpital. J'ai un mauvais pressentiment pour... le bébé. » Je hochai simplement la tête, passant un bras sous ses genoux et l'autre dans son dos pour la prendre mes bras, espérant ne pas lui faire plus mal. J'avais à peine fais un pas que je croisai les yeux de Carlie. Je ne crois pas que c'était vraiment le bon moment pour faire l'essaie de “tu restes pour la première fois toute seule à la maison”, d'autant plus que, vu son air inquiet, elle avait surtout envie de venir avec nous pour savoir si sa maman allait bien.

« Viens Carlie. Tu pourras fermer la porte à clé ? »

Avec Neela dans les bras, c'était impossible. Elle hocha la tête et attendit que nous sortions tous de la maison pour refermer la porte derrière nous. Enfin elle avait surtout attendu Mattia, qui claudiquait sur ses béquilles et renforçait encore plus mon énervement. Je déposai Neela sur le siège passager de ma voiture et me dirigeai vers la place conducteur, voyant Carlie... et Mattia monter à l'arrière. Je bloquai un instant, ayant juste envie de l'envoyer bouler et de ne plus voir sa tête pendant des semaines entières... puis je finis simplement par lever les yeux au ciel et grimper dans la voiture. Si Neela, et surtout le bébé, n'étaient en danger, j'aurais été capable de passer une heure à refuser de le voir venir avec nous. D'autant plus que je risquai de devenir agressif s'il disait encore une seule chose qui m'énervait. Parfois, je ne sais vraiment pas comment il peut être en couple avec Ella... Je les trouvai tellement opposés ; et surtout après ce qu'il lui avait fait, je me demandai comment elle pouvait encore rester avec lui...

Spoiler:

Face à Neela, Mattia se sentait désemparé. Il avait l'impression que cette chute était de sa faute. Que d'une façon ou d'une autre, même inconsciemment, il lui avait fait du mal. Il n'avait eu aucune envie de lui faire de mal, il n'avait pas du tout voulu lui faire peur, et pourtant, parce qu'il avait bougé ses béquilles, elle avait été effrayée, et elle était tombée. Il ne voyait que cela comme scénario possible. Même si ce n'était pas vraiment de sa faute, il s'en voulait quand même. Surtout que la jeune femme semblait aller mal. Elle souffrait. Sa main était posée sur son ventre. Qui avait-il dedans pour qu'elle panique autant? S'était-elle fait autant mal? Une chute pouvait faire autant souffrir? Il aurait compris si Neela se serait plaint de son poignet, ou de son épaule. Mais son ventre.. il ne voyait pas pourquoi elle pouvait avoir mal comme ça. Il ne comprenait même pas pourquoi sa main restait bloquée dessus. « Je sais je … » Au moins elle savait. Mais elle n'avait pas réussit à terminer sa phrase, et cette façon de si peu réagir inquiétait encore plus Mattia. Ses yeux étaient rivés sur elle. Il se fichait complètement de Felix à ce moment-là. Qu'importe ce que celui-là pensait de lui, qu'importe ce qu'il pouvait imaginer. A ce moment-là, il n'y avait que Neela et ce mal qu'elle avait qui l'obnubilait.
Il apprit alors la raison de son mal une seconde plus tard. Les yeux dans ceux de son amoureux, Neela fit une révélation qui cloua sur place Mattia.« Felix … Il … il faudrait que j'aille à l'hôpital. J'ai un mauvais pressentiment pour... le bébé. » Le bébé. Le bébé. Le bébé. Ce simple mot résonnait dans la tête de Mattia. Ses yeux s'étaient fait plus gros. Son regard passait du visage de Neela à son ventre. Là-dedans, il y avait un bébé. Un petit être qui n'avait rien demandé, et qui, peut-être, parce que sa mère avait eu peur n'allait pas voir le jour. Mattia en était malade. Encore plus qu'avant. Il avait le sentiment de s'être pris un coup dans le ventre, tellement ses boyaux s'étaient retournés dans tous les sens.

Incapable de bouger, et ne pouvant être d'aucune utilité avec son genou douloureux, Mattia regardait sans vraiment voir tout ce qui se passait autour de lui. Ce n'est que quand Felix prit la parole qu'il réalisa que Neela était dans ses bras, et que Carlie les regardait complètement perdue. « Viens Carlie. Tu pourras fermer la porte à clé ? » La gamine hocha la tête; avec tout ce qui venait de se passer, la petite avait perdu sa langue. Aussitôt, le convoi se mit alors en route. Mattia passa devant la gamine, et fit attention à ce qu'elle ferme bien la porte de la maison derrière elle. Pour une raison encore inconnue, parce qu'il se disait que peut-être quelqu'un devrait rester avec Carlie quand Neela se fera examiner, ou peut-être parce qu'il s'en voulait d'avoir provoquer, même inconsciemment ce drame, ou peut-être parce qu'il avait peur pour ce bébé, Mattia finit par s'installer derrière avec Carlie. Il avait bien vu que felix n'était pas très heureux, mais il était incapable de sortir de cette voiture maintenant qu'il était dedans.

Le chemin jusqu'à l'hôpital se fit en silence. Du moins, du côté de Mattia. Ses yeux restaient fixés sur Neela. Il espérait, priait presque, que ce petit être n'avait rien de mal, et que tout irait bien pour lui. Il voyait bien que la jeune femme souffrait; sa main restait toujours sur son ventre. Et plus il voyait ça, plus il s'en voulait. Il n'aurait pas du venir. Il aurait du se la fermer. Il n'aurait pas du l'énerver comme ça.
Perdu dans ses pensées, il n'en sortit que lorsque la voiture s'arrêta. Il n'avait pas dit un mot de tout le trajet. Il se dégagea hors de la voiture, laissa Carlie en sortir également. Tout le monde partit alors vers les urgences. Mattia maudissait ce lieu. Dès qu'il vit ce batiment tout blanc, il sentit son estomac se nouer encore plus. Combien de fois était-il venu ici? Bien trop. Il secoua la tête, et claudiqua jusqu'à l'entrée, en compagnie de tout le monde. Ils s'arrêtèrent là. Une dame s'approcha d'eux, et commença à poser des questions à Neela. Voyant qu'elle allait devoir partir, sans doute avec Felix sur les talons, Mattia murmura un « Reste avec moi Carlie si tu veux.. » Il n'était pas sûr que la gamine veuille. Mais bon, il n'allait lui faire aucun mal. Il était innocent là. Alors, pour la rassurer, il ajouta un « Ne t'inquiète pas, ca va aller » avant de jeter un coup d'oeil à Neela, et surtout Felix. Visiblement, autant la première souffrait, autant le dernier était plus qu'énervé.

Spoiler:

J'avais trouvé le temps horriblement long durant tout le trajet dans la voiture. Personne ne s'était parlé, même Carlie n'avait rien dit, sûrement trop impressionnée de se retrouver à côté de Mattia. Quant à Felix, il roulait forcément plus vite que la normale, et je ressentais à la fois l'urgence mais aussi et surtout son énervement. Il bouillonnait de l'intérieur. Arrivés à l'hôpital, et plus précisément aux urgences, je fus tout de suite prise en charge par une équipe médicale, qui me posa un bon nombre de questions sur ce que je ressentais exactement, avant de procéder très vite aux examens nécessaires. Prise de sang, scanner du cerveau, et évidemment, échographie... inutile de dire que le temps de faire tout ça, une bonne heure s'était écoulée depuis notre arrivée. Naturellement, Felix m'avait accompagné, et Carlie attendait dans le couloir avec Mattia, c'était préférable. Si je n'avais presque plus de douleur au niveau du ventre grace aux médicaments, j'avais maintenant très peur de ce que le médecin allait m'annoncer. Attendre me provoquait une angoisse et une appréhension terribles. Allongée sur le lit d'examen, je tenais fermement la main de Felix comme pour me donner du courage. Le médecin que je connaissais bien entra dans la pièce, un dossier dans les mains, dossier contenant probablement tous les résultats de mes examens. Il nous salua, mais je n'avais pas trop le cœur de faire des politesses dans la situation. Je retenais mon souffle, ne fixant que le médecin et guettant le moindre signe optimiste de sa part. Finalement, il nous sourit avant d'annoncer : « Vous pouvez être rassurés, tout va bien pour vous deux. Mais tu as eu beaucoup de chance, tu aurais pu perdre le bébé en faisant une chute pareille. » Ça, c'était certain, il y avait au moins une chance sur deux pour que je ne puisse pas mener ma grossesse à terme. Mais la pression retomba d'un coup. Je poussai un profond soupir de soulagement, et tournai mon regard vers Felix comme pour partager ma joie avec lui en affichant un ravissant sourire. Tout allait bien, le bébé était toujours là et le choc n'allait pas perturber son développement, quoi de plus rassurant ? Malheureusement, je n'arrivais pas à détecter une certaine réjouissance chez lui, il semblait toujours énervé comme dans la voiture tout à l'heure. J'étais tellement contente d'apprendre que tout allait bien pour le bébé que j'en avais oublié Mattia, alors que j'aurais dû lui raconter comment les choses s'étaient réellement passées à ce moment précis pour éviter tout malentendu entre les deux hommes. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Il n'allait pas me répondre, je le savais déjà vu l'expression de son visage. Felix avait plutôt l'air de penser à tout autre chose qu'à la santé de son futur enfant, mais j'ignorai encore quoi. Qu'est-ce qui se passait ? Pourquoi je ne voyais pas le soulagement sur son visage ? Mon sourire s'estompa, et je sentis sa main lâcher la mienne alors qu'il se dirigea d'un pas rapide vers la porte. Je me redressai, inquiète et prête à le rejoindre, mais le médecin me conseilla fortement de rester encore un peu allongée. Il me rappela que j'étais sous tranquillisants, et que donc, me lever était pour l'instant assez compliqué. Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas vraiment pourquoi je devais rester alitée alors que mes examens étaient bons. Ces tranquillisants ne servaient à rien, j'étais tranquillisée maintenant que je savais que tout allait bien ! Voyant que mon confrère restait dans la pièce et commençait à me faire la conversation, je fus contrainte de rester sur ce lit, mais restait très distraite, trop occupée de savoir ce qui se passait derrière cette porte, à l'extérieur de la salle d'examen. Finalement, après quelques minutes, il quitta la pièce pour me laisser me 'reposer', alors que je ne comptais évidemment pas me reposer. Tandis que j'étais en train de réfléchir à la manière dont je pourrais me débarrasser seule de cette fichue perfusion, j'entendis la voix de Felix résonner dans le couloir de l'hôpital. Tout compte fait, je pense que ces tranquillisants allaient m'être très utiles.

Arrivés aux urgences, j'avais repris Neela dans mes bras pour l'amener au médecin le plus proche qui voulait bien s'occuper d'elle, laissant un peu Carlie et Mattia en retrait, mais jetant quand même de temps en temps un œil sur ma fille. Je ne pense pas qu'elle aurait dans l'idée d'aller explorer l'hôpital en ce moment, mais je m'inquiétai juste de la voir avec Mattia. Surtout lorsque j'entendis : « Reste avec moi Carlie si tu veux.. »  J'avais tourné la tête vers Mattia, puis reposé mon regard sur Neela comme si je cherchai son avis sur la question. Mais elle se tordait toujours de douleur dans mes bras, et avait du coup d'autres chats à fouetter. À contre-cœur, je laissai Carlie avec Mattia dans le couloir, me rassurant en me disant que s'il se passait quelque chose, il y a des médecins autour. Neela avait passé une batterie d'examens ; certains pour lesquels je pouvais rester à ses côtés, d'autres pour lesquels je devais rester à la porte des salles et attendre son retour. Alors j'avais eu le temps de ruminer. J'étais persuadé que Mattia avait poussé Neela. Pourquoi Carlie l'aurait-elle dévisagé à ce point si elle avait tout vu et qu'elle était certaine que ce n'était pas lui le responsable de cette chute ? Ce gamin m'énervait de plus en plus, comme au bar l'autre soir. J'avais l'impression qu'il faisait du mal à tout ce qu'il touchait : Ella, probablement Lleyton, Neela... Alors mon angoisse se reporta sur Carlie, qui était seule avec lui. J'aurais voulu retourner les voir, pour m'assurer que tout allait bien, mais je n'avais pas retenu la route que nous avions prise dans les dédales de couloirs pour venir jusqu'ici. Quand Neela ressorti, les infirmières la déposèrent dans une autre salle, une sorte de petite chambre, en nous demandant d'attendre le médecin, tandis que la main de ma princesse était dans la mienne, et que je la sentais se serrer de plus en plus. Au plus elle serrait, au plus j'avais l'impression qu'elle me donnait de la force pour aller voir Mattia et lui faire payer son geste.
 
« Vous pouvez être rassurés, tout va bien pour vous deux. Mais tu as eu beaucoup de chance, tu aurais pu perdre le bébé en faisant une chute pareille. » Au lieu d'être pleinement soulagé et rassuré, j'avais eu l'impression d'avoir un choc de plus pour la journée. Même sans expérience, je savais que ce genre de chute n'était pas conseillé pendant une grossesse et que ça pouvait être dangereux pour le bébé et pour la maman. Mais l'entendre dire de vive voix, par un médecin, ça m'avait fait prendre conscience que le bébé aurait vraiment pu nous quitter avant même d'avoir vu le jour. « Qu'est-ce qu'il y a ? »  J'entendais à peine la voix de Neela, ce qui était signe d'un très grand énervement chez moi. Dans ce genre de situation, je n'entendais ni ne voyais plus rien autour de moi. Seule la source de mon énervement comptait. Et en l'occurrence, c'était Mattia. N'étant pourtant pas d'un naturel violent, je me levai assez brutalement et quittai la pièce en vitesse, d'un pas énervé. Je n'avais plus eu de souci à retrouver la route du couloir cette fois ! En arrivant, je fronçai les sourcils. Mattia était seul, assis sur une chaise. Carlie n'était pas avec lui. Je n'aurais pas pensé dire ça en la sachant seule avec lui, mais tant mieux. Le tennisman se leva de sa chaise tandis que je me dirigeai vers lui... et je ne pus retenir mon poing qui alla s'écraser dans sa mâchoire, comme il l'avait fait avec moi. Pour encore plus exprimer le fond de ma pensée, j'haussais la voix, j'étais presque à crier dans le couloir.

« T'es qu'un crétin Mattia tu le sais ça ? Je te préviens tout de suite, c'est même pas la peine que je te vois encore t'approcher de Neela ou de Carlie !! »

J'appuyai ma menace en le poussant au niveau de l'épaule, le déséquilibrant encore une fois, perché sur ses béquilles. J'allais repartir vers la pièce où se trouvait Neela quand...

Une fois arrivés aux urgences, tout s'était passé très vite. Rapidement, Neela et Felix avaient disparu, entrainés dans les boxes de l'hôpital. Le jeune papa s'était retrouvé, seul, accompagné de Carlie. La gamine ne semblait pas très heureuse. Il y avait de quoi. Sa maman venait d'être embarquée; et elle allait mal. Son ventre la faisait souffrir. Et puis, bon, visiblement elle allait être maman, et dans ce petit ventre se trouvait un petit être qui allait peut-être mal. Mattia n'osait pas imaginer ce qui se passait dans la tête de la gamine. Surtout qu'elle devait croire que cet homme qui était à côté d'elle était celui qui avait fait tout ça à sa maman.. Elle devait le hair. Il hocha la tête, et cessa de regarder la petite. Il avait bien trop mal au coeur en la voyant. Il ne savait quoi lui dire, que faire pour essayer de décrocher un petit sourire sur son visage enfantin.
Essayant de se changer les idées, Mattia finit par s'asseoir sur une des chaises dans le couloir. Il espérait sincèrement que tout allait aller bien. Que Neela ne souffrirait bientôt plus. Et que ce petit bébé n'avait souffert de rien. C'était étrange d'ailleurs. Autant, quand Ella était enceinte, Mattia n'en avait rien à faire du foetus, alors même que c'était son propre enfant, autant là, il avait déjà peur pour lui. Peut-être était-ce parce qu'il se sentait en quelque sorte responsable. Il n'avait certes, pas pousser Neela, il s'en voulait quand même grandement de voir que c'était son caractère fougueux qui l'avait sans doute effrayé. Ou peut-être était-ce parce que maintenant il était devenu papa. Il se sentait peut-être plus concerné que presque deux ans auparavant par tout ce qui touchait les gamins.. En tout cas, il avait peur de voir la suite. Peur de découvrir qu'elle avait fait une fausse-couche.

Il était perdu dans ses pensées quand un petit bruit de ventre se fit entendre. Il releva la tête, et se souvient que Carlie, la gamine de Neela et Felix était là. La petite s'était finalement installée à côté de lui, sur les fauteuils, et visiblement, son ventre gargouillait. Avec un petit sourire, Mattia essaya de lui parler pour la deuxième fois. « Tu as faim? » La gamine ne répondit pas verbalement, mais hocha la tête. De toute façon, si elle avait dit non, elle mentirait; son ventre l'avait trahit. Essayant de se montrer sous son vrai jour, le jeune papa fourra la main dans sa poche, et en ressortit quelques dollars. Il les tendit à la gamine, et lui expliqua alors. « Juste au coin là-bas, il y a une cafeteria et des distributeurs. Vas-y, et prends ce que tu veux. Mais tu reviens juste après, ok? Je reste ici pour avoir des nouvelles de ta maman. » Carlie lui murmura un petit « ok », prit l'argent, et fila aussitôt vers l'endroit qu'il venait de lui indiquer.

Mattia la guetta jusqu'à ce qu'il la perde de vue. Laisser une gosse de 10 ans seule n'était peut-être pas ce qu'il faisait de mieux, mais bon, ils étaient dans un hôpital, et la cafétéria n'était vraiment pas loin. Et puis, il attendait vraiment des nouvelles de Neela. D'ailleurs, une seconde plus tard, il vit Felix arriver. Aussitôt, Mattia agrippa ses béquilles, et se remit debout, non sans souffrir un petit coup au passage. Lorsqu'il vit Felix s'approcher d'un pas si pressé, l'ancien tennisman se sentit mal aller. Il n'avait pas l'air heureux. Il avait l'air plus qu'en colère, plus qu'énervé. Est-ce que... Il n'eut pas le temps de terminer sa pensée qu'il vit, trop tard, le poing de Felix se lever et s'abattre sur sa mâchoire. Il ressentit aussitôt une douleur lancinante, violente. Ses yeux s'étaient fermés sur le coup. Il les rouvrit juste à temps pour le voir répondre. « T'es qu'un crétin Mattia tu le sais ça ? Je te préviens tout de suite, c'est même pas la peine que je te vois encore t'approcher de Neela ou de Carlie !! » Putain ce connard ne l'avait pas loupé! Son genou lui faisait déjà mal, mais en plus, sa machoire lui faisait terriblement mal. Il avait l'impression qu'on venait de lui décrocher une partie de sa bouche. Portant une de ses mains dessus, il fut vite de nouveau déséquilibré. Ce connard de Felix venait de le repousser au niveau de l'épaule, faisant tanguer Mattia qui réussit, non sans mal à se retenir au niveau du mur.
Appuyé ainsi contre le mur, se tenant d'une main la mâchoire, et de l'autre tenant sa béquille, Mattia réagit. Il s'en fichait du reste. Il était innocent. Et parce qu'il s'était juré que plus personne ne le toucherait de la sorte, il fit quelques pas, souffrant de martyre car il avait lâché ses béquilles, rattrapa Felix qui fuyait déjà par le bras, et le forçant à se retourner lui colla son poing dans le ventre. Juste revanche. D'une voix las, il balança alors un « Putain, mais j'ai rien fait ! Rien de rien ! » Il s'arrêta là. Il l'observa une seconde, avant de reculer d'un pas.
Pris par la fatigue, et par toute la colère qu'il venait d'emmagasiner, Mattia venait de montrer encore une fois qu'il était violent. Et là, il eut encore plus mal. Mal physiquement. A cause de son genou. A cause de sa mâchoire qui l'élançait. Mais surtout moralement. Mal au coeur. Putain, mais il n'avait rien fait bordel!!!

Spoiler:

Il fallait à tout prix que je sorte de cette pièce par n'importe quel moyen, mais comment faire en étant branchée de partout ? Une seule solution m'était venue à l'esprit : me débrancher toute seule, et puis, étant médecin, je savais exactement comment m'y prendre. Doucement, je commençais à m'ôter la perfusion pour ne pas me faire mal, puis j'attrapai un pansement que je plaquais sur ma peau pour éviter de mettre du sang partout. Après m'être habillée, je sortis de la salle d'examen discrètement et suivis la voix de Felix qui résonnait dans les couloirs pour arriver jusqu'à lui … et Mattia. Je cherchais aussi Carlie des yeux, mais je ne la trouvais pas, et quelque part, tant mieux, il ne valait mieux pas qu'elle voit son père acteur d'un si triste spectacle. Arrivée devant eux, ma bouche s'entrouvrit en voyant Mattia la lèvre en sang et Felix plus qu'énervé en face de lui. Quoi ? Il l'avait frappé ? Comment avait-il pu ? Comment avait-il osé ? Jamais je ne l'avais vu lever la main sur qui que ce soit, et d'ailleurs, je ne le pensais pas du tout capable d'être violent jusqu'à aujourd'hui. Je fronçai les sourcils en les dévisageant tous les deux un moment. Ils ne m'avaient pas encore vue, et j'entendis Mattia s'écrier : « Putain, mais j'ai rien fait ! Rien de rien ! » Je compris alors très vite ce qui se passait, et surtout, je commençais à m'en vouloir de ne pas avoir alerté Felix plus tôt sur ce qui s'était réellement passé entre Mattia et moi. Un énorme quiproquo, voilà ce qui avait causé autant de problèmes. Mais je n'avais pas le temps d'avoir des remords, car j'aperçus l'homme de ma vie lever une seconde fois la main sur celui que j'avais autrefois qualifié de monstre. Immédiatement, je me mis à avancer à pas rapides jusqu'à eux et attrapai Felix par les mains en voyant qu'il s'apprêtait à frapper une énième fois Mattia en pleine figure. « Felix !! Il ne m'a pas poussée, arrête ! » criais-je comme pour le convaincre de s'arrêter dans son élan. Je m'étais placée entre Felix et Mattia de façon à défendre ce dernier et à former un rempart pour que Felix cesse de s'en prendre à lui, puisqu'il n'y était pour rien. Finalement, Felix baissa son poing, mais il avait l'air encore fortement agacé, il bouillonnait de l'intérieur, et ses yeux envoyaient des éclairs à Mattia. J'allais devoir l'apaiser, mais vu son état, cela n'allait pas être une tâche facile à accomplir. Il me regarda en fronçant les sourcils, ne voyant apparemment pas comment j'avais pu tomber toute seule. Je poursuivis alors avec une voix plus normale cette fois. « J'ai juste glissé sur un truc qui trainait et je suis tombée, c'est tout. » Une poupée Barbie de Carlie, voilà sur quoi j'avais glissé, mais je n'avais pas eu le temps d'y faire attention. Oui Mattia m'avait fait peur et j'étais tombée, mais si cette poupée n'avait pas été là, jamais je n'aurais chuté. Il était irresponsable, et mon travail était d'en convaincre Felix qui ne cessait toujours pas de lancer des regards noirs à celui qu'il considérait comme le grand coupable de cette histoire. Je haussai les épaules en le regardant dans les yeux, espérant être assez claire pour faire retomber toute la pression. Il fallait qu'il me croit sur ma parole, sinon, nous n'étions pas sortis de l'auberge... regardant autour de moi, je cherchais une nouvelle fois ma fille des yeux. Elle n'était pas là, et je voulais savoir ce qu'ils en avaient fait pour que je ne la vois pas depuis plusieurs minutes. « … Où est Carlie ? » Je fronçai les sourcils en regardant tantôt Felix, tantôt Mattia et cherchant à obtenir une réponse qui me rassurerait. J'espérai que de là où elle était, elle n'avait pas vu la scène qui venait de se dérouler dans ce couloir entre son père et Mattia.

Je n'avais même pas eu le temps de réagir que Mattia m'avait attrapé le bras pour m'arrêter et m'avait enfoncé son poing dans le ventre. J'avais alors reculé un peu, ne m'attendant pas au choc. Il n'y avait que des patients dans le couloir, qui nous regardaient d'un air étonné et apeuré, un peu comme au bar la dernière fois que j'étais avec Mattia. Aucun d'eux n'osait s'approcher de nous, sûrement de peur de se prendre un coup. Encore plus énervé, j'allais de nouveau le frapper... mais je sentis quelqu'un m'attraper les poignets pour m'en empêcher, puis vis Neela s'interposer entre nous. « Felix !! Il ne m'a pas poussée, arrête ! » Je posai mon regard sur elle, un regard qui était resté très sombre, énervé, prêt à sauter sur Mattia si elle s'en allait et qu'il recommençait à m'exaspérer. Il ne l'avait pas poussée ?? Alors pourquoi avait-on du venir en urgence à l'hôpital et faire des tas d'examens pour le bébé ? Pourquoi avait-elle eu mal au ventre à ce point si cet andouille ne l'avait pas poussée ? C'était de sa faute si nous étions là ! « J'ai juste glissé sur un truc qui trainait et je suis tombée, c'est tout. »  Je ne la croyais pas vraiment, mais j'avais laissé tomber l'affaire. Elle m'avait déjà empêché de le frapper de nouveau, et si je persistai à vouloir lui en coller une, Neela le prendrait sûrement mal, et ça prendra encore plus de temps. « … Où est Carlie ? » Je relançai un regard noir à Mattia en le désignant de la main, gardant toujours cet air énervé que j'avais depuis que j'étais ici.

« Parce qu'en plus il a perdu Carlie cet abruti ! J'espère pour toi qu'elle est pas loin ! »

Sous-entendu, s'il lui est arrivé quelque chose tu peux déjà prévoir un nouveau poing dans ta figure ! Je me reculai un peu de Neela et Mattia et m'assis sur une des chaises qui étaient derrière moi. Je n'avais vraiment pas tendance à m'emporter si vite d'habitude, mais quand j'étais avec Mattia, c'est comme si je n'arrivai plus à me contrôler. Et quand en plus son comportement impliquait Neela et Carlie, et maintenant le futur bébé, j'avais vraiment du mal à me retenir. Alors j'avais préféré m'éloigner de lui pour éviter que cela ne dégénère.

Spoiler:

Cette fois, il avait été trop loin. Parce qu'il s'était faite la promesse que plus jamais quelqu'un ne le frapperait sans connaître un juste retour des choses, Mattia avait balancé son poing dans le ventre de Felix. Sa mâchoire lui faisait mal. Il n'y avait pas de raison que Felix ne connaisse pas non plus cette souffrance. Aveuglé par la colère, ce dernier avait commencé à relever le poing. Et sans que Mattia ne comprenne quelque chose, tellement tout se passa à une vitesse folle, son poing resta en l'air, bloqué. Quelqu'un venait de s'interposer entre eux. Un médecin? Non. Neela. La jeune femme était là, entre eux, devant lui. Elle formait un rempart humain. Obligeant ainsi son -connard d'- amoureux à se calmer, et à ne pas, encore une fois, user de ses poings. « Felix !! Il ne m'a pas poussée, arrête ! » Quelque peu soulagé, Mattia soupira un petit coup, et recula d'un pas. Il n'avait plus rien à craindre maintenant. Neela était là. Elle allait lui expliquer à ce demeuré, que non, il ne l'avait pas poussé.

Reculant donc d'un pas, la douleur sur son genou se réveilla. Il sentit comme un coup de poignard le traverser. Alors, pour ne pas souffrir d'avantage, il se laissa tomber sur la chaise derrière lui. Et c'est là qu'il sentit quelque chose de chaud couler sur son menton. Fronçant les sourcils, il passa sa main dessus. Elle en ressortit toute rouge. Putain, ce connard, en plus de lui exploser sa mâchoire, lui avait aussi exploser la lèvre. D'un regard noir, il observa Felix. Si Neela le saoulait avec son impulsivité, il aurait au moins de quoi lui répondre que son taré de mari n'était pas moins animal que lui. Et c'est en le revoyant elle, qu'il se rappela alors que dans son petit ventre, un bébé grandissait. Il mourrait d'envie de lui demander comment ça allait, mais il flippait d'avance aussi. Même si il ne l'avait en aucun cas pousser, il avait quand même cette désagréable impression de ne pas être si étranger à leur malheur. Neela avait eu peur. Il en mettrait sa main à couper. Elle avait sans doute cru qu'il allait devenir violent, ou quelque chose comme ça. Elle avait eu peur. Et ça, c'était bien à cause de lui. Alors, même si il n'était pas responsable parce qu'il ne l'avait pas poussé, il ne se sentait pas pour autant innocent.
« … Où est Carlie ? » La jeune fille s'était retournée vers lui. Felix aussi. Mais les regards qui lui lançaient n'étaient pas tout à fait pareil. Autant Neela semblait fatiguée, et inquiète, autant Felix donnait l'impression qu'il allait le tuer. D'un geste, il le désigna. « Parce qu'en plus il a perdu Carlie cet abruti ! J'espère pour toi qu'elle est pas loin ! » Rhoooo.. Il allait lui faire bouffer sa béquille si il continuait ainsi. Il allait lui faire regretter ses paroles.

D'un regard noir pour Felix qui venait de s'asseoir -assez loin de lui-, Mattia ouvrit la bouche. «Putain, c'est bon, lâche-la ta gosse, elle est juste à la cafet'.. » Il jeta un rapide coup d'oeil vers le couloir où Carlie avait disparu quelques minutes plus tôt. Par chance -par grande chance même-, la petite fit son apparition, les mains chargées. Visiblement, elle avait trouvé de quoi se restaurer. Soufflant -de soulagement-, Mattia lâcha un « La revoilà » Carlie ne pouvait pas mieux arriver. Il l'observa une seconde, avant de repenser au bébé, et de se retourner vivement vers Neela. Il n'avait plus qu'une question à poser, avant de se sauver de cette famille de fous. « Le bébé... » murmura-t-il alors, en regardant Neela, et sans réussir à aller jusqu'au bout de sa phrase. Il voulait savoir comment il allait.

Spoiler:

« Parce qu'en plus il a perdu Carlie cet abruti ! J'espère pour toi qu'elle est pas loin ! » Je voyais Felix perdre patience en s'installant lourdement sur le siège à côté de nous. Moi, je ne pouvais pas m'assoir, c'était purement impossible vu l'état de panique dans lequel je me trouvais. Les tranquillisants n'y faisaient rien apparemment, ils ne devaient pas être suffisamment puissants pour une femme comme moi. Inquiète, je n'arrêtais pas de chercher ma petite fille du regard dans les couloirs, qui ressemblaient d'ailleurs plus aux couloirs d'un labyrinthe que ceux d'un hôpital. Ma fille avait pu se faire kidnapper par quelqu'un, elle avait pu se perdre en chemin, on ne savait pas … Quelle idée de la laisser toute seule, à seulement dix ans ! en tout cas, j'espérais franchement que Mattia n'était pas une fois de plus la cause de ce problème. Nous en avions assez eu pour la journée je pense. Felix était énervé, fatigué de sa journée aussi sûrement, et moi aussi, d'autant que cet incident m'avait pas mal secouée. «Putain, c'est bon, lâche-la ta gosse, elle est juste à la cafet'.. » Je poussai un petit soupir de soulagement, soupir qui, quelques secondes plus tard, allait se renouveler beaucoup plus longuement à la vue de ma fille. « La revoilà. » En entendant Mattia, je me retournai bien vite pour chercher ma fille du regard, assez inquiète. En la voyant, je soupirai moi aussi de soulagement et me précipitai vers elle pour la prendre dans mes bras, même si ceux-ci étaient bien encombrés. Mine de rien, cela faisait plusieurs heures d'affilées que je ne l'avais pas vue, les médecins m'avaient prise en charge très vite sans que je n'aie eu le temps de lui dire quoi que ce soit, et elle m'avait terriblement manquée. « Ma chérie, ça va ? » Je lui souris tout en passant mes mains dans ses cheveux, comme pour me faire réaliser que c'était bien elle, et que je ne rêvais pas. Enfin, nous allions pouvoir quitter cet hôpital, dire adieu à ces cauchemars et reprendre une vie normale avec Carlie et notre futur bébé. En me relevant, j'attrapai doucement Carlie par les épaules pour commencer à partir avec Felix, mais Mattia semblait plus qu'embarrassée devant moi. Il me fixait, comme s'il regrettait quelque chose, comme s'il se sentait affreusement mal à l'aise. Effectivement, il avait de quoi, pourtant il n'était pas responsable de tout ça, et il le savait. Je lui tendis simplement un petit sourire réconfortant, avant qu'il ne lâche un : « Le bébé... » Mon sourire disparut alors, le temps de comprendre qu'il devait se sentir horriblement coupable. Le pauvre. Moi aussi, je me sentis alors coupable de n'avoir rien dit beaucoup plus tôt à Felix, et qui lui aurait évité bien des misères. C'est vrai qu'il n'avait pas pu connaître le verdict concernant le petit, étant resté à l'écart avec Carlie. Finalement, je lui souris de nouveau pour le rassurer davantage en hochant doucement la tête. « Il va bien. » Avant de partir, j'avais quand même des choses à lui dire, des excuses à lui transmettre. Je ne pouvais pas quitter les lieux la conscience tranquille sans lui avoir dit ces quelques mots essentiels. « Mattia je … je suis désolée pour … tout ça. » J'avais dit cela en étant au bord des les larmes, et avais simplement désigné sa mâchoire ensanglantée du regard. Je m'en voulais tellement qu'il se soit fait frappé par Felix, simplement parce que je n'avais pas eu le réflexe de prévenir ce dernier de ce qui s'était réellement passé à la maison entre nous. Mattia n'était pas un monstre, loin de là, Ella avait raison. J'avais vu le mal en lui, je l'avais considéré comme quelqu'un de mauvais à qui l'on ne peut pas faire confiance, mais en fait, je m'étais trompée sur toute ligne apparemment. En tout cas, si je n'en étais pas totalement convaincue maintenant, je commençais tout juste à changer d'avis à son sujet. A le voir différemment.

«Putain, c'est bon, lâche-la ta gosse, elle est juste à la cafet'.. » Non mais je rêve ! J'allais lui répliquer d'aller se faire foutre... mais j'avais croisé le regard de Neela et avait préféré me taire. J'en avais déjà fait assez jusqu'à maintenant, et pouvoir frapper Mattia m'avait bien soulagé mine de rien. En y repensant, je sentis quand même une petite douleur dans ma main qui s'était écrasée sur sa mâchoire, et je pliai et dépliai les doigts pour essayer de la faire partir. « La revoilà. »  Je tournai mon regard vers le couloir, où je vis effectivement Carlie revenir les bras remplis de nourriture du distributeur. Neela se dirigea rapidement vers elle pour la prendre dans ses bras. « Ma chérie, ça va ? » Je vis juste Carlie hocher la tête, probablement encore sous le choc de tout ce qui venait de se passer, alors que j'étais juste censé venir manger chez Neela ce soir, comme une soirée en famille normale. Et je persistai à croire que Mattia était responsable de tout cela. À chaque fois qu'il était là, il arrivait quelque chose de toute façon ! Alors que je m'étais levé de ma chaise et que j'avais déjà commencé à avancer dans le couloir avec Neela et Carlie, j'entendis encore la voix de Mattia derrière nous : « Le bébé... »  Heureusement pour lui qu'il allait bien ! Sinon je n'aurais sûrement pas hésité à me lâcher encore plus que je ne l'avais fait. En fait, c'est depuis que je connaissais Mattia que j'avais découvert le côté violent de ma personnalité. Je savais que j'étais incapable de frapper des gens juste “pour rire”, comme certains le font, encore moins capable de frapper une femme, qu'elle soit ma copine ou non... mais je savais maintenant que je pouvais frapper quelqu'un qui avait fait du mal à ceux que j'aime plus que tout. Carlie semblait regarder la lèvre ensanglantée de Mattia avec étonnement, mais ne demanda rien. Moi, j'avais préféré rester à l'écart alors que Neela s'était un peu rapprochée de Mattia pour lui assurer que le bébé allait bien... et pour s'excuser. J'avais eu envie de lui demander pourquoi elle s'excusait auprès de cet abruti, mais je me contentai de lever les yeux au ciel, ne voulant pas relancer un nouveau scandale dans l'hôpital, d'autant plus que les gens autour de nous nous regardaient comme des bêtes de foire. Je pris finalement la main de Neela et avançai vers la sortie avec elle et Carlie, sans même jeter un regard à Mattia. Peut-être que, maintenant, nous allions pouvoir passer une soirée à peu près tranquilles... En tout cas, cet événement m'avait bien incité à rester avec Neela et à faire encore plus attention à elle que je ne le faisais déjà.

Quand Neela se rendit compte que sa gamine était là, elle s'était retournée aussitôt vers elle. Quand il la vit réagir ainsi, il se rappela la réaction d'Ella le jour où Lleyton leur avait fait peur en s'enfuyant à quatre pattes, voire même les jours où il était malade. Sa maman s'inquiète. Dans ces moments-là, Ella ne sourit plus, a le regard triste, et ne semble obnubilée que par cette petite chose haute comme trois pommes qu'ils vénèrent tant. C'était la même chose pour Neela. Dès qu'elle aperçut sa fille, l'inquiétude qui se lisait sur son visage s'était envolée, elle s'était précipitée vers elle, et l'avait serré dans ses bras, bien trop heureuse de la retrouver. Pendant tout ce temps, Mattia n'avait pas une seule fois regarder Felix. Il se contentait juste de bouger un peu ses lèvres, pensant sans doute que ses lèvres cesseraient de faire couler le sang sur son menton. Il avait de plus en plus n'empêche. C'était comme si quelque chose dans son menton tambourinait, tambourinait, et tambourinait. La douleur était incessante. Elle était là, elle disparaissait, et elle revenait quelques secondes plus tard. Alors, certes, ce n'était pas non plus la pire douleur de sa vie, ce n'était pas celle qui resterait à jamais graver dans sa mémoire, mais ça restait toujours très désagréable.
Perdu dans ses pensées, il mit un instant à se rappeler qu'ils étaient là, dans le service des urgences à l'hôpital. Il se rappela alors tout, et vivement, il demanda à Neela comment allait le bébé. Du moins, il baragouina deux mots, parle juste du bébé. La suite, il se doutait bien que Neela comprendrait. De toute façon, il n'avait ni le courage, ni la force d'en dire plus. Il se sentait déjà tellement mal qu'il était effrayé à l'idée de savoir que le gamin, ce petit foetus allait mal. Ok, il n'était en rien responsable, il ne l'avait pas poussé. Elle avait simplement glissé sur un jouet. Mais intérieurement, même si il ne cessait pas de se dire que non, il n'y était pour rien, il avait quand même l'impression d'être le coupable. Aussitôt en tout cas, le sourire de Neela disparut. Le coeur de Mattia fit un bon énorme. Qu'est-ce que ça voulait dire? Qu'elle n'avait plus...? Que le foetus...? Il n'en revenait pas. Deux secondes plus tôt, elle souriait, et là, elle faisait presque la tête. Serait-il possible que cette chute ai « expulsé » le bébé? Il secoua la tête, et fronça les sourcils, plus qu'inquiet. Son coeur connut encore un autre revirement quand il vit alors Neela sourire de nouveau. « Il va bien. » Bon sang, elle lui avait fait une trouille d'enfer!!!!
Son coeur repartit alors, à un rythme plus ou moins normal. Il esquissa alors un -faible- sourire, content pour elle. Et pour lui. Il aurait été très mla si jamais ce gosse ne voyait jamais le jour. Elle n'en avait pas finit en tout cas. Une seconde plus tard, elle dit encore quelques mots. « Mattia je … je suis désolée pour … tout ça. » Pour tout ça? Tout ça? Il secoua alors la tête, et lui fit un petit sourire. Pour lui montrer que tout allait bien. Après tout, ce n'était qu'un coup, un petit coup. Il avait connu bien pire non? Alors, parce qu'il voyait bien que ça n'allait pas, que ses yeux s'étaient emplis de larmes, il secoua la tête comme si il disait « oui ». Juste pour lui dire que ça allait. Il murmura alors un « C'estpasgrave ça. » Ses mots avaient été murmuré tellement bas qu'il n'était même pas sûr qu'elle les ait entendu. Mais qu'importe. Il s'en fichait. Il était certain qu'elle avait quand même compris qu'il ne lui en voulait pas. Ce n'était pas de sa faute si son copain était plus que taré.

Pendant un instant, il les observa, tous les trois partir. Il n'avait pas jeté un coup d'oeil à Felix jusque-là, restant focalisé sur Neela. Le bébé allait bien, c'était le principal. Il passa alors sa main sur ses lèvres. Ses doigts étaient rouges, bien ensanglantés. Il allait bien trouver une infirmière dans le coin, qui puisse lui filer juste un petit bout de côton. Il tourna alors les talons, ne regardant pas une seule fois ces gens qui l'observaient, lui et sa lèvre ensanglantée, et qui jouaient les curieux.