« J'aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin ; mais elle a bien plus grand besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d'ennui. »
Mentir. Mentir une fois pour s'arranger. Mentir deux fois pour s'amuser. Puis mentir parce que ça fait du bien. On s'invente un autre monde, et on vit dedans ; du moins c'est ce qu'on fait croire. On inverse mensonge et vérité. C'est plus simple que ça en à l'air. Je ne suis pas la seule à faire ça, tout le monde le fait. Mais personne ne dis rien, sinon le jeu n'en vaudrait pas la chandelle. Parfois, il arrive que l'on se fasse prendre en flagrant délit de mensonge, et nous avons alors deux choix qui s'offrent à nous : mentir, ou se dévoiler. Le problème, c'est que quand la vérité et le mensonge se confondent, plus rien ne sonne juste. On souhaite se dévoiler et les gens nous prennent pour des menteurs. On souhaite mentir pour se protéger, et les gens nous croient. Les choses s'inversent. Tout s'inverse, se mêle. Sauf le temps. Le temps, lui, continue sa paisible traversée, sans jamais s'arrêter, sans se préoccuper de quoi que se soit. Il existe des gens plus lucides que la moyenne. Eux, ils jouent à ce jeux là depuis bien longtemps, sûrement bien plus longtemps que moi. Et ils comprennent, ils savent, ils devinent. On a beau tout faire, user de tous nos tours de passe-passe, rien n'y fait : ils sont plus fort à ce jeux, ils possèdent les jokers. Colton ne possède aucun joker. Colton est un joker. C'était lors de mon arrivée à Arrowsic. Je pensais pouvoir mentir aussi bien que les autres. Mais j'étais une amatrice. C'est ici que je suis venue en premier, mon sac de voyage au bras, la guitare de Damon sur le dos. C'est là qu'il m'avait emmenée une fois. C'était son jardin secret. Son jardin secret qu'il m'avait fait découvrir, partager. Un bout de terre sablée cachée derrière des rochers, ombragé par quelques arbres, face à cette mer tantôt calme, tantôt agitée. Certaines personnes y allait parfois, mais de manière général, ce bout d'univers était désert. Je me suis effondrée sur le sable, ne pouvant retenir mes larmes. Damon, damon, revient moi. Mais tu ne reviendras pas, n'est-ce pas ? Alors je hurlais, prise d'une démence. Je n'avais plus à mentir, à faire semblant, à dire oui, je vais bien. Je pouvais me relâcher, j'étais seule. Mais cela faisait si mal. Une douleur qui embaume votre poitrine jusqu'à la mort des sens, jusqu'au décès de l'âme. Il me fallait mes médicaments. Je me noyais dans le flot des souvenirs et de la peur. Bientôt, j'allais me noyer dans la mer pour en finir. Mais je n'avais pas le droit, et c'est pourquoi il me fallait des narcotiques. Je sortis la boite, l'ouvrit avec violence, et la fis tomber par mégarde. Tous mes cachets, enfouis sous le sable. Mais j'en avais besoin de ces conneries. Je suffoquais, et je ne savais plus si cela était du au manque de narcotiques, ou à mes larmes qui, nombreuses, rendait ma respiration difficile. C'est là que Colton intervient. Il était là, sans que je le remarque. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais il était là. Et surtout, il avait mes médicaments. En réalité, c'était les siens, mais peu m'importait, c'était des narcotiques. C'était les mêmes. Depuis ce jour, nous nous retrouvons, parfois, sur la plage. Quand j'y vais, je ne sais jamais s'il débarquera ou non. Et aujourd'hui, sera-t-il là ?
< June > Et merde ! Fait chier putain...
Ma boite était tombée, une nouvelle fois. Mais cette fois-ci aucune panique, juste en grand besoin de partir loin, bien loin de cette réalité. Besoin de me mentir à moi-même, pour une fois. Mais ma petite virée se devait d'être reportée à une autre fois. Car avant ça, il me faudrait de nouveaux cachets, donc une nouvelle ordonnance, de l'argent, une visite médicale, de l'argent. Ce que je n'ai pas vraiment. Soudain, une bourrasque de vent vint s'essuyer sur la guitare de Damon, que j'avais une nouvelle fois emmenée. Un son étrange en sorti, elle était vraiment désaccordée. Un rire se fit entendre. Était-ce mon imagination espérant et recréant la réaction de mon frère face à mon désarroi ? Sûrement.
< June > Ta gueule Damon, c'est pas drôle.
...
Dernière édition par June E. Wilde le Dim 31 Juil - 11:30, édité 1 fois
Attendre, toujours attendre. C’était le but irrationnel de sa vie. Il attendait pour un tout, pour un rien. Comme si son existence toute entière n’était dirigée que par ce concept. Attendre. Mais qu’attendait-il, au juste ? La question lui venait souvent à l’esprit, alors qu’étendu sur le sol, il regardait le plafond de sa chambre. Il attendait pour grandir, il attendait pour avancer, il attendait pour être remarqué. Colton Aames avait tout d’un chérubin déchu, envoyé par les dieux, corrompu par le diable. Sa vie était une sorte de purgatoire où les âmes prenaient plaisir à s’égarer. Pour une fraction de secondes, mais jamais pour l’éternité. Paralysé il était, dans ses travaux forcés, par un diable aux cornes aiguisés. Si Colton essayait souvent de se relever de son interminable attente, un être lui étant mille fois supérieur s’amusait à le rabaisser. Incapable de contrer cette puissance qu’il respectait plus que lui-même, l’artiste raté dessinait des issues à la craie. Regrettant sans cesse de les voir emportées par le vent, par la pluie ou par les passants. Ses issues n’avaient jamais rien eu d’extraordinaire. Quelques cachets, une clope ou deux et quelques romans aux histoires fantasques et ridicules. Un rien pour rêver, un tout pour passer le temps. Mais certains jours, cela ne lui suffisait pas. Il avait tout bonnement l’impression d’être délaissé parce celui à qui il avait tout donné. Son corps, son âme et chaque parcelle de sa raison. Il n’était plus qu’un pantin, un Pinocchio sans criquet. Pas de conscience, juste l’essence même de la vie. Il rêvait de se voir embraser, il se contentait d’être dédaigné. Toujours attendre, encore attendre. Non, cela suffisait. Il avait attendu assez longtemps. Mais rien. Pas un bruit, pas un souffle, pas même une sonnerie de téléphone… Jalousant celle qui occupait les bras de son diable chéri, Colton se demanda où il pourrait trouver ses propres bras à cajoler. Et sans même qu’il n’ait besoin d’y réfléchir plus longtemps ; le visage de June se dessinaient sous les paupières qu’il venait de clore. Se redressant soudain, il quitta le désert qu’était sa chambre et claqua la porte en sortant.
Serait-elle là ? Une chance sur deux, peut-être sur dix, ou peut-être bien mille. Dans le fond, il s’en moquait un peu des statistiques, il voulait simplement un peu d’espoir et de soutien dans son long combat contre l’attente. Ses pas le menèrent jusqu’à la plage ou l’air frais foutant son visage lui fit le plus gros bien. Il n’y avait rien de mieux que l’air marin pour vous rappeler que vous étiez envie et que ça en valait la peine. Ses yeux glissèrent ici et là, sur les choses et les gens. Cherchant désespérément cette bouée de secours, cette aide amicale, ce besoin inévitable de partager la solitude à deux. Et lorsqu’il aperçu sa silhouette, un bref sourire naïf traversa ses traits. Ça ne dura qu’une fraction de seconde. Peu de temps pour le remarquer, mais pourtant facile à déchiffrer. Silencieusement, il s’approcha de sa cible, cherchant à provoquer un petit effet de surprise. Même si leur rendez-vous demeurait tacite. Et alors que ses pas s’enfonçaient dans le sable, une bourrasque de vent eu la bonne idée de le faire rire. Ce son strident qui s’échappa de la guitare posé aux côtés de la demoiselle l’amusa. Mais lorsque sa voix s’éleva, il redevint soudain sérieux. « Ta gueule Damon, c'est pas drôle. » C’est vrai qu’elle n’avait pas tort, ce n’était pas drôle. Et sans même relevé la prononciation du nom de son frère, Colton se contenta de répondre par un vague « Désolé. » totalement fade. Il était content d’avoir trouvé June. Il n’avait pas fait le déplacement pour rien. Il avait finalement trouvé sa roue de secours, son soleil en plein hiver, son étoile dans la nuit. « J’aime les sons discordants… » S’asseyant aux côtés de la jeune femme, il regarda paisiblement les remous de la mer. Voyant en chacun d’eux un dessin extraordinaire. Il s’en voulu soudain de ne pas avoir pris un calepin et un fusain. Mais cela n’avait que peu d’importance. Comme toute personne civilisée, il aurait du demander à la jeune fille si elle allait bien. Si tout se passait comme elle le voulait. Mais connaissant la réponse à la question, il se contenta d’un : « Tu crois que la mer, c’est un peu genre… le début de la vie ? » Parfois il réfléchissait trop. En voulant regrouper les termes mer et mère, il se posait plus de question à lui-même que le monde n’aurait pu lui en imposer.
« J'aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin ; mais elle a bien plus grand besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d'ennui. »
A l'entente du désolé, je me figeais, puis tournais lentement la tête par dessus mon épaule. Colton. Il était venu. Quelle réaction devais-je aborder ? Ce n'était pas Damon, j'aurais dû m'en douter, mais à chaque fois, je ne peux m'empêcher d’espérer. Mais si je l'avais vraiment vu, s'il était là, alors je serais folle. Je le suis depuis bien longtemps, mais cet évènement l'aurait confirmé de manière officielle. Cependant, pour dire la vérité, j'étais contente que se soit Colton et non Damon. C'est pourquoi je me suis contentée d'esquisser un sourire. Il comprendrait. Lorsque je viens sur cette plage, au fond, j'espère toujours qu'il sera là. Il me rappelle Damon, parfois. Sa silhouette, sa façon à lui d'être écorché vif, sans pour autant réclamer de l'aide. Sans vouloir me l'avouer, j'avais besoin de quelqu'un comme lui, là à mes côtés. C'était la colonne sur laquelle les fragiles fondations de mon être pouvaient se reposer. Il comprenait.
< Colton > J’aime les sons discordants…
Parce qu'ils sonnent faux. Et que dans leur fausseté, ils sont vrai. Une guitare désaccordée est plus vraie que toutes les guitares accordées du monde. Les guitares mentent, elles aussi. Tout le monde ment, c'est une loi de la nature, on ne peut rien y faire, rien y changer. Colton était à présent assis à mes côtés. Il se faisait bientôt tard, et le soleil était placé de sorte à ce que son ombre m'entrechoque. Mais mis à part son ombre, aucun de mes regards ne lui était destiné. Je regardais mes cachets, noyés dans le sables, et dessinais de mon doigt de larges cercles autours. Je voulais partir, partir si loin. Il me fallait bien plus que ces maudits médicaments. Une bonne bouteille de Poliakov, une clope, de l'Ecstasy, et un bel inconnu pour jouer avec. Voilà ce dont j'avais besoin. Mais je savais d'ores et déjà en venant à Arrowsic que je devais arrêter mes conneries. C'est pas évident. Et à défaut d'avoir un inconnu, une bouteille de vodka, quelques substance illicites et mes foutus narcotiques, je sortis une cigarette de la poche de ma veste, posée à ma droite. D'une main, je joignit ma cigarette à mes lèvres, et de l'autre, je cherchais mon briquet. Très rapidement, mes deux mains se mirent à le recherche dudit briquet, alors introuvable. Pas de clope non plus, en définitive...Merde.
< Colton > Tu crois que la mer, c’est un peu genre… le début de la vie ?
Ça y est, il commençait. J'adorai à chaque fois que nous partions dans ce genre sujet. Le genre inutile, futile et totalement débile. Mais le genre qui faisait réfléchir, sur lequel on pourrait converser des heures durant.
< June > J'sais pas. La mer, début ou fin, finira toujours par s’échouer sur une plage. Alors, je ne sais pas trop si on peu appelé ça un début...
Je continuais à dessiner les cercles sur le sable. Mais au fur et à mesure de mes paroles, ce cercle se rétrécissait. Je tournais alors la tête vers Colton,
Si Colton avait sa propre réalité, il avait parfois du mal à rentrer en contact avec celle des autres. Il avait son propre univers, ses souvenirs, ses désirs, ses choses qui le composaient et faisaient de lui un être à part entière. Et cet univers ne permettait pas toujours de faire véritablement attention aux gestes que les autres pouvaient poser, même s’ils étaient juste à ses côtés. C’était un peu ce qu’il se passait avec June. Elle avait beau trituré le sable de mille façons, il s’en moquait. Égaré dans le flot imperceptible de ses pensées, le monde pouvait bien s’écrouler qu’il ne l’aurait pas remarqué. Ce n’est pas que ça ne l’intéressait pas où qu’il n’éprouvait pas d’intérêt pour ce qu’elle faisait, disons, simplement, qu’il était incapable d’y placer toutes son attention. Au contraire. Il préférait regarder les vagues s’élancer et mourir en écume à l’orée du sable. C’était sa manière à lui de rester concentrer malgré tout, il attendait la réponse, la réponse à cette question autant inutile que stupide. Mais il voulait un avis, son avis. « J'sais pas. La mer, début ou fin, finira toujours par s’échouer sur une plage. Alors, je ne sais pas trop si on peu appelé ça un début... » Pas bête. De toute façon, que ce soit un début ou une fin, ça n’avait pas véritablement d’importance. Il s’en moquait un peu. La réponse qu’il voulait, il la voulait juste pour la forme. Pour avoir l’impression de s’enrichir chaque jour un peu plus. Colton était comme ça, à côté du monde, mais tellement en phase avec ce qui l’entourait. Il voulait tout comprendre, tout aimer, tout apprendre et tout découvrir. Il était venu ici pour ça, sans doute, un peu. « Je ne sais même pas si la mer sert à quelque chose… tu sais, toi ? » C’est vrai dans le fond. La mer, les poissons, les vagues, les requins… C’était un concept assez débile. Qu’est-ce que les gens trouvaient de plaisant à barboter dans une flotte glacée qui rendait malade ? Quel plaisir avait-on à risquer sa vie pour devenir l’affreux casse-croûte des dents de la mer affamées ? « Dis, t'as pas du feu ? » Colton tourna finalement la tête vers June et lui offrit un petit sourire. Il fouilla dans ses poches, cherchant en vain le briquet qu’il avait délaissé sur le matelas de son lit. Il s’en rappelait soudain, le revoyant trônant là alors qu’il avait essayé de s’y brûler les doigts. Pas pour souffrir, simplement pour voir. C’était la différence fondamentale entre Angus et lui, et il s’en voulait parfois de ne pas avoir su échanger les rôles au moment opportun. « J’ai oublié mon briquet. Mais je présume que si Robinson Crusoé à su en faire seul, à deux, on pourrait se débrouiller. » Se voyait-il réellement faire du feu à mains nues ? Sans doute, oui. Colton ne réfléchissait pas plus de trente secondes avant de parler. Il parlait toujours avec ses trippes et ses ressentiments. Ne cherchant pas à trahir ses pensées et refusant de se censurer. Ça pouvait paraître ridicule, oui, et alors ?