Trainer des pieds. Soupirer. Souffler. Voilà à quoi j’occupais une bonne partie de mes journées depuis quelques jours. Je n’en étais pas vraiment fier, je n’avais jamais été comme ça, perdu à ce point dans mes pensées, mes regrets et mes remords. Et le sentiment ultime d’être un sombre con. C’est vrai, avant, j’étais plutôt souriant, heureux d’avoir fait mon retour à Arrowisc, content de l’avoir revue, même si nos retrouvailles ne s’étaient pas vraiment déroulées comme j’avais pu l’espérer, je m’étais dit qu’au moins, elle était toujours là et que peut-être, un peu d’espoir de la retrouver, de la serrer dans mes bras, de l’aimer encore et encore ne serait pas si ridicule. Sauf que si. J’avais été ridicule, risible même, rien qu’à l’idée que peut-être Maëlle et moi pourrions recommencer. Repartir de zéro et faire en sorte que notre amour soit encore plus fort, plus beau qu’avant. Je m’étais voilé la face, avait imaginé ce que j’avais eu envie d’imaginé. Ce qui me faisait le plus envie, ce qui me faisait le moins mal. Car c’était bien la vérité, je ne voulais pas souffrir. Mais franchement, personne ne voulait souffrir dans la vie, non ? C’était donc naturel que d’espérer, non ? Mais toutes mes espérances n’avaient pas duré bien longtemps. Car seulement quelques jours après l’avoir croisée au détour d’une rue, j’avais une nouvelle fois eu l’occasion de la voir. Et elle n’était pas seule. Oh non. Pas seule. J’étais vite retombé de mon petit nuage. Oh oui, j’étais tombé de haut, c’était le cas de le dire. La voir avec lui avait eu l’effet d’une véritable claque en pleine gueule. D’un coup de couteau en plein cœur.
Alors me voilà maintenant à traîner des pieds. A me demander si finalement, j’avais eu raison de rentrer au bercail. Si finalement, je n’aurais peut-être pas du rester à Paris auprès d’Alice. Après tout, la vie là-bas était chouette. Sans prises de tête, ou presque. Et puis, les femmes françaises aimaient bien les petits américains de mon genre. Oui, les femmes françaises étaient sympathiques. Adorables. Et leur accent était vraiment sexy. Mais aucune d’entre elles n’avait les yeux de Maëlle. Ses cheveux, son sourire. Son parfum. Sa saveur. Aucune d’entre elle n’était à sa hauteur et aucune d’entre elle n’était parvenue à me la faire oublier et de toute façon, j’avais toujours refusé de l’oublier. Parce qu’en quittant la ville il y a quatre ans, je lui avais fait une promesse. Celle de revenir. Le plus vite avais-je même ajouté. 4 ans… C’était rapide ? Je l’ignorais, mais c’était le temps qu’il m’avait fallu pour tout découvrir. Alors finalement, oui, j’avais tenu ma promesse. J’étais revenu… au plus vite. Mais elle ne m’avait pas attendu.
Mes pas me traînaient dans la direction de l’hôtel où j’avais trouvé une petite chambre en attendant de trouver un appartement. J’aurai pu crécher dans la maison de ma grand-mère au bord de la plage à Arrowisc, mais depuis son décès j’avais toujours refusé d’y mettre les pieds. Parce que j’avais vécu trop de belles choses là bas, trop de souvenirs remontaient à la surface dès lors que je passais le seuil de la porte et même si cela faisait déjà six ans qu’elle avait quitté ce monde, son absence m’était encore trop douloureuse à encaissée. Cette grand-mère qui, au fil des temps était devenue une véritable maman pour moi, si bien que j’avais vite oublié ma première mère qui m’avait finalement, il fallait bien le dire, abandonné. Quoi qu’il en soit, j’étais bien trop pleins de regrets pour revenir pleinement dans cette maison, aussi magnifique soit-elle. Peut-être qu’un jour je prendrais mon courage à deux mains. Peut-être. Je soupirais. Oui, encore. Le ciel n’était pas d’un bleu magnifique mais le fond de l’air était doux pour un mois d’Avril. Les mains dans les poches, j’incarnais parfaitement l’archétype du pauvre mec totalement paumé. Et c’était vrai que je ne savais pas vraiment où aller. Aucun envie de rentrer à l’hôtel, encore moins de continuer à me promener, ruminant mes sombres pensées. Mes conneries passées. Non, franchement, aujourd’hui, à quoi cela servirait-il ? Il fallait que j’avance. Que je l’oublie, que je la laisse tranquille. De quel droit avais-je de venir perturber son quotidien ? Aucun. Elle ne me devait rien et j’en avais parfaitement conscience. Pourtant, il semblerait que le destin me mettait une nouvelle fois sur son chemin… Je me stoppais subitement. Elle était là, à quelques mètres de moi, téléphone accroché à son oreille, quelques papiers dans les mains. Je la regardais quelques instants, elle ne semblait pas m’avoir vu. Mon dieu qu’elle était belle. J’hésitais à manifester ma présence. A l’interpeller ou continuer mon chemin, l’air de rien… Et puis finalement, nos regards se croisèrent…
19h42. Dans les rues d'une ville proche d'Arrowisc.
Quittant l'immeuble dans lequel j'avais fait ma séance photo de la journée, je sortis mon téléphone portable de mon sac à main, afin de regarder quelle heure il était. 19H42. Et merde. James devait déjà m'attendre depuis trois quart d'heure. Nous nous étions promis de diner ensemble ce soir – chose qui arrivait bien rarement compte tenu des heures de garde que son métier l'obligeait à faire. Composant rapidement le numéro de mon petit ami, il ne lui fallu que quelques sonneries pour décrocher.
« Je suis désolée pour le retard, James, mais la séance photo s'est éternisée et- » « C'est pas grave, je vais devoir rester encore quelques heures à l'hopital. » « Ah. » « J'suis désolé Maëlle, vraiment mais- » « T'en fais pas. Je comprends. Et pour tout te dire... » Je me sentais comme observée. Détournant légèrement les yeux, il ne m'en fallu pas plus pour croiser le regard de celui qui m'observait, un peu plus loin. A la vue de Raph', mon coeur fit un bond spectaculaire dans ma poitrine, si bien que je songeai un instant qu'il avait dû en tomber au sol. La voix de James me ramena cependant à la réalité. « Maëlle ? » « Oui, désolée je... Ecoute, James, je... je dois y aller. », répondis-je, précipitamment. « Je t'ai- »
La fin de sa phrase – que je connaissais pourtant par coeur - fut coupée parce que je raccrochai sans plus attendre, passablement angoissée. Une soirée avec James qui tombait à l'eau, c'était une soirée de plus à passer seule... Ce qui, d'ordinaire, ne m'aurait certainement pas dérangée mais qui, dans le contexte actuel, me poserait un sérieux problème. Si quelques jours s'étaient déjà écoulés depuis ma rencontre avec Raph dans les rues d'Arrowisc, il n'en restait pas moins que cette dernière avait laissé quelques traces. Depuis ce jour, je n'avais cessé de penser à lui, à ce qui l'avait ramené ici. Bien des questions, bien des doutes, avaient traversé mon esprit, des doutes que James avait su remarquer, mais desquels j'avais été incapable de lui parler. De toute façon, je le savais, je n'aurais pas su quoi lui dire, pour la simple et bonne raison que je ne savais moi même pas quoi de penser de tout cela. C'était insensé. Il était de retour. Après quatre ans, après quatre années d'une attente interminable, il était revenu, sans se douter une seule seconde du flot de sentiments contradictoires qu'il réveillerait en moi en ce faisant. Mes pensées se voulaient toujours confuses, lorsqu'il s'agissait de Raphaël. Oui, j'étais partagée. Partagée entre un amour dévastateur que nous avions connu quelques années plus tôt, et entre une rancoeur que j'avais nourrie à son égard après son départ. Il m'avait brisé le coeur. J'avais beau l'aimer, c'était une chose que je ne pouvais pas oublier, et que je ne devais surtout pas oublier... Sans quoi, je le savais, je finirai certainement dans ses bras.
Son retour en ville avait été surprenant, et pourtant, j'aurais dû me douter de celui-ci. Ne m'avait-il pas promis de revenir ? Je réalisai à présent la terrible erreur que j'avais faite, en baissant les bras et en songeant – égoïstement – qu'il ne reviendrait pas. Bien sûr qu'il reviendrait. C'était Raph'. Il tenait toujours ses promesses. J'étais mal, depuis quelques temps, partagée entre des sentiments que j'éprouvais toujours pour Raphaël et que j'avais pourtant crus oubliés, et ceux que j'éprouvais pour James. Bien que mes sentiments pour ces deux hommes soient différents, je les aimais tous les deux. Chacun à leur façon. L'un m'avait brisé le coeur, l'autre m'avait aidée à me relever. Il était certain que si la logique avait eu sa place, je n'aurais pas eu à douter comme ça, je n'aurais même pas à songer à Raphaël. Mais je réalisai à présent que je ne l'avais pas totalement oublié, je m'étais simplement contentée de le mettre de côté, sans pour autant réellement y renoncer. Maintenant qu'il était de retour, je savais qu'il me serait impossible de continuer comme ça, qu'un jour où l'autre, nous devrions nous parler. Si quatre années nous séparaient maintenant, il n'empêchait qu'une part de moi voulait des réponses. Savoir ce qui c'était passé pendant ces quatre années, savoir ce qui avait motivé son retour et surtout, savoir ce qu'il en allait de nous. Je savais qu'il était égoïste, pour James, d'oser penser à un « nous » commun avec Raphaël et pourtant, c'était une chose que je ne pouvais contrôler. Parce qu'on le veuille ou non, nos coeurs étaient liés.
Etais-je pour autant prête à une quelconque confrontation ? Probablement pas, non. Je me sentais encore trop mal pour oser affronter le regard de Raph', ce même regard qui, quelques jours plus tôt, m'avait complètement bouleversée. J'étais mal, parce que, bien que moi, je ne lui ai jamais rien promis – à haute voix, du moins – je savais que j'avais failli à la promesse silencieuse que je nous avais faite le jour de son départ. J'avais promis de l'attendre. Et je l'avais fait, pendant un temps du moins... Avant de me décider à vivre ma vie, à reprendre le contrôle de celle-ci et à cesser d'attendre une chose qui – je l'avais cru – ne viendrait jamais. Ce que je regrettais aujourd'hui ? Ca n'était pas tant ma relation avec James – C'était grâce à lui que je m'en étais sortie ces dernières années – mais c'était surtout qu'en quatre ans, Raphaël ne m'ait pas donné le moindre signe de vie. S'il l'avait fait, il était certain que je l'aurais attendu, que j'aurais gardé espoir, et ce, malgré les années qui s'étaient écoulées. Mais comme il ne l'avait pas fait, j'avais fini par trouver le courage et la force d'avancer et ce, même si ça m'était atrocement difficile. Ca, il l'ignorait encore – c'était du moins ce dont j'étais persuadée – car je ne lui avais pas parlé de James. A vrai dire, je ne lui avais pas encore vraiment parlé. Parce que je n'en avais pas eu le courage, parce que je ne m'étais pas sentie prête. En le recroisant aujourd'hui, je réalisai que, peut-être, je ne le serai jamais, et qu'il faudrait ainsi que je le fasse, que j'y sois préparée ou non.
Le destin, cependant, semblait avoir décidé qu'il était temps pour moi d'affronter mon passé, et ce que j'avais pendant si longtemps imaginé être mon futur. Cette nouvelle rencontre, aussi hasardeuse soit-elle, était un signe. Celui que nous étions faits pour être ensemble ? C'était ce que j'aurais aimé penser. Mais je chassai vivement cette pensée de mon esprit, tout en rangeant mon téléphone dans ma poche. Immobile au milieu de la rue presque déserte, je pouvais sentir son regard posé sur moi. Un regard que je croisai pendant de longues secondes, avant de baisser les yeux soudainement. Ca me faisait trop mal, de le voir en face de moi, après tout ce temps, et de savoir que je ne pourrais pas l'avoir. Ca me faisait mal de me dire que tout était fini et ce, en partie par ma faute. Ca me faisait mal de me dire que pendant quatre ans, il n'avait pas pensé une seule seconde à moi quand moi, j'avais cru mourir d'inquiétude pour lui. J'avais mal. Mon coeur battait à tout rompre, comme pour me signifier que cette souffrance, que je ressentais, en le voyant, lui faisait du bien. Parce que c'était ce qu'il avait attendu pendant quatre ans : de faire de nouveau face à Raph', à son visage angélique, à son sourire charmeur, et à son regard plein de tendresse. Un regard dans lequel je lisais autre chose aujourd'hui... Une sorte de peine que j'aurais été incapable de déchiffrer. Debout devant lui, à quelques mètres de distance seulement, je ne savais pas quoi faire : m'approcher, ou prendre la fuite ? Je savais que cette dernière n'était pas une bonne solution et pourtant, ça aurait été la meilleure. Ca aurait été celle qui m'aurait permis d'épargner mon coeur.
Loin de moi l'idée de lui montrer combien sa présence m'affectait – bien que je sache pertinemment que mes yeux me trahissaient – je lui accordais un léger sourire, pour cacher ma gêne. M'approchant de lui de quelques pas hésitants, je crus, en chemin, que mes jambes allaient me lâcher, tant elles étaient tremblantes. Plus près de lui, je pouvais presque sentir son odeur. Et cela me fit sourire plus sincèrement. Les yeux de nouveau rivés dans les siens, j'attendis un bref instant qu'il parle mais il n'en fit rien. Probablement parce que, comme moi, il ne savait pas par où commencer...
« Je ne m'attendais pas à te voir ici », dis-je alors, hésitante. Il était vrai que j'aurais pensé le croiser à Arrowisc plutôt qu'ici. N'y vivait-il pas ?
Le voir en face de moi, le savoir si proche, me faisait du bien. Parce qu'après toutes ces années d'inquiétude, je ne pouvais qu'être rassurée de le voir ici. Rassurée, mais tout de même en colère. Pourquoi m'avait-il laissée sans nouvelle ? Pourquoi ne revenait-il que maintenant ? Ne m'avait-il pas promis de revenir vite ?
Si ça n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais probablement serré contre moi. Mais la peur qu'il me repousse était trop forte – rien ne me garantissait, encore à ce jour, qu'il n'avait pas, lui aussi, quelqu'un dans sa vie. Au lieu de ça, je me contentai alors de tendre la main, une main dont il s'empara après quelques secondes, ce après quoi j'ajoutai dans un souffle, presque un murmure :
« Bon sang Raph', t'as pas idée de ce que ces quatre années ont été sans toi. »
J'aurais tout aussi bien pu lui coller une gifle, lui reprocher son absence, et pire encore, ce long silence et cette douleur avec lesquels il m'avait laissé. Le fait était que je ne voulais pas qu'il parte. Et que, de toute façon, mes reproches ne changeraient rien. Ce qui comptait, c'était qu'il soit là aujourd'hui, non ? Peu importe le temps que cela lui avait pris pour revenir, ou encore la difficile position dans laquelle il mettait mon coeur. Ce qui comptait le plus à mes yeux, c'était qu'il soit sain et sauf. Je ne parlais pas que par amour. Outre l'amour que j'avais pour lui, j'aurais été capable de dire ça en toute amitié. Bien que ce ne soit bien évidemment pas le cas. Je savais qu'il faudrait que je lui dise, pour James, pour le reste de ce que j'avais vécu sans lui, pendant ces quatre années. Mais était-ce vraiment le moment ? Non. Pas selon moi, en tous cas. La situation était assez délicate, entre nous, sans que j'en rajoute...
Maëlle se trouvait encore à quelques mètres de moi, les lèvres collées à son téléphone. Je pouvais de ma place parfaitement redessiner les traits fins de son visage angéliques, passant par ses jolis yeux clairs doucement maquillés, ses pommettes, son nez et sa bouche. Non, je ne devais pas m’arrêter sur sa bouche. Je continuais alors la balade de mon regard, descendant sur ses courbes gracieuses que j’avais, autrefois, pris tant de plaisir à observer, embrasser, caresser. Mes doigts avaient tant de fois parcouru la courbe de son corps et j’aurai, encore aujourd’hui, très bien pu me remémorer chaque petite parcelle de sa peau bien que cela faisait déjà quatre ans que je n’avais pu y déposer un doigt. Je me souvenais de chaque instant passé en sa présence, ayant puisé ma force, durant mon voyage, dans les souvenirs que j’avais d’elle, de nous deux. Nous deux. Il y a encore quelques jours je me plaisais à dire cela. « Nous deux. ». Mais en avais-je encore le droit aujourd’hui ? Non. Car il n’y avait visiblement plus de nous. Il y avait moi. Et elle. Ou devrais-je dire, moi, et elle et lui. Ca me faisait un mal de chien de le savoir, de me résigner à passer à autre chose, à tourner la page, chose que j’avais refusé de faire depuis mon départ. Car pour moi, c’était tout bonnement impossible d’imaginer ma vie sans elle. Maëlle était la femme que je voulais, la seule femme que j’avais réellement désirée, aimée. J’avais du mal à me faire à l’idée qu’elle n’était désormais plus mienne. Que quelqu’un d’autre avait pris ma place. Mais comme on dit… « Qui va à la chasse perd sa place. » Sacré dicton, hein ? Qui prenait aujourd’hui tout son sens pour moi. J’étais parti, la laissant là, seule. J’étais parti bien trop longtemps pour revenir aujourd’hui et faire comme si rien n’avait changé. Comme si chaque fleur, chaque papillon, chaque sentiment était encore à sa place. Quatre longues années et tout avait changé. Ou presque. Parce que Maëlle n’avait pas changé. Elle avait toujours le même visage, quoi que légèrement plus mûre. Elle faisait encore plus femme que dans mon souvenir. Et cela la rendait encore plus désirable qu’avant si toutefois, cela était possible. Ses longs cheveux châtains, encadrant son doux visage lui donnaient un air à la fois sage et sauvage. J’aurai presque pu dire qu’elle semblait sereine, jusqu’à ce que son regard croise le mien.
Elle s’arrêta subitement, me fixant. En quelques secondes, elle raccrocha la téléphone. De là où j’étais, j’aurai presque pu parier qu’elle venait de blêmir en m’apercevant. Avais-je à ce point l’air d’un fantôme ? J’aurai voulu bouger, m’approcher d’elle pour la voir encore mieux qu’à ce instant, mais mes pieds semblaient engluer dans le sol. Incapable d’effectuer le moindre geste, de dire le moindre mot, je restai ainsi, immobile, muet. Hypnotisé par la femme qui se trouvait face à moi. Elle se décida la première à s’avancer à ma rencontre et ces petits pas me soulagèrent plus que de mesure. Au moins, elle ne fuyait pas… Enfin, j’ignorai si c’était une bonne chose ou non. Finalement, peut-être aurait-il tout simplement fallu que nous reprenions chacun notre chemin. Chacun notre vie. Mais nous en étions incapable car, même après quatre ans d’absence, je sentais encore qu’imperceptiblement, nos vie ne pouvaient se vivre chacun de notre côté. Je sentais mon cœur s’arracher à ma poitrine. C’était à la fois douloureux et bon de la voir. Comment pouvait-on ressentir du plaisir dans la douleur ? N’était-ce pas une forme de masochisme ? Si, ça devait être ça. Fallait être maso pour avoir envie de la voir, de la serrer contre moi, alors que je savais pertinemment qu’un autre homme l’attendait quelque part. Un homme classe et certainement bien plus mature et responsable que je pouvais l’être. Pourtant, ce soir, elle semblait être seule. Seule, face à moi. La rue était déserte et le soleil formait une jolie auréole au dessus de sa tête. Drôle d’aspect. Un aspect qui la rendait encore plus belle et plus époustouflante que d’ordinaire. « Je ne m'attendais pas à te voir ici » commença-t-elle alors, visiblement étonnée que je traine dans cette rue. J’haussai doucement les épaules avant de détacher –difficilement- mon regard d’elle et de pointer d’un signe de tête la rue. « J’ai pris une chambre à l’hôtel en bas de la rue… en attendant de trouver un appartement à Arrowisc. » Je me justifiais, sans vraiment savoir pourquoi ? Peut-être qu’inconsciemment je voulais qu’elle sache où est-ce que j’habitais. Voire même ce que je faisais… Juste au cas où elle aurait eu envie de me voir… Comme ça… De passer... A croire que je vivais encore et toujours dans mes rêves. Je me faisais des films. Espérer me faisait du bien. Cela allégeait mon esprit, et surtout, mon cœur. Finalement, je reposais mon regard sur elle, plongeant mes yeux dans les siens. J’avais toujours été attiré par le bleu des ses prunelles. Si pur. J’étais incapable de parler de nouveau, et pourtant, dieu seul savait à quel point j’avais envie de lui dire des choses. A quel point j’en avais besoin pour me délester d’un poids. Et pourtant, je me refusais de parler, presque par acquis de conscience. J’aurai voulu lui dire à quel point j’étais désolé du temps que j’avais mis à revenir. Que j’étais désolé de ne pas lui avoir donné de nouvelles – chose pour laquelle je n’avais d’ailleurs pas réellement d’excuse, et surtout, je voulais qu’elle sache à quel point elle m’avait manqué. Combien de fois avais-je pensé à elle par jour ? Combien de fois j’avais cru l’apercevoir au détour d’une rue dans les différentes villes que j’avais traversé avant de débarqué à Paris ? Combien de vois elle était apparue dans mes rêves ? Des nombres incalculables. Sa main tendue fini de m’achever. J’aurai pu m’écrouler sur place, ça aurait été exactement pareil. J’ignorai ce qu’elle signifiait, si c’était juste un nouveau style de se dire bonjour ou bien plus. Quoi qu’il en soit, je l’accueilli avec douceur, me contrôlant néanmoins pour ne pas entrelacer nos doigts. Je regardais ses doigts quelques instants, le cœur serrés, la voix nouée. C’est alors qu’elle reprit la parole, dans un souffle. Sa voix semblait presque lointaine et j’eu du mal à comprendre le sens de ses mots tant ils me surprirent. J’étais loin de m’attendre à quelque chose de ce genre, bien au contraire. J’aurai été bien moins surpris si elle m’avait assassiné de reproches tous plus vrais les uns que les autres. Mes yeux se reposèrent sur son visage et sans avoir conscience de ce que je faisais, je l’attirai à moi, l’enroulant de mes bras. J’avais trop besoin de la sentir contre moi, de m’enivrer de son doux parfum. Même si ce serait certainement la dernière fois que j’en aurai l’occasion. Que j’oserai. « Je suis désolé… je suis tellement désolé… » Me contentais-je de dire, tout bas, posant mon menton sur le dessus de sa tête. Quel con. La seule chose que je trouvais à dire, c’était un pathétique désolé. Et puis, de quoi étais-je désolé ? D’être parti ? De ce qu’elle avait « subit » en mon absence ? Ou bien de la prendre aujourd’hui dans mes bras, sans pouvoir m’en empêcher ? J’étais vraiment le dernier des imbéciles. Un imbécile amoureux. Je relâchais mon étreinte, à contre-cœur, incertain d’avoir encore le droit d’agir ainsi avec elle. « Tu m’as tellement manqué… Si tu savais… » parvins-je à dire, baissant les yeux au sol.
Depuis le retour de Raphaël en ville, le destin devait se faire un malin plaisir de nous réunir, comme pour nous convaincre de cette évidence dont nous étions tous les deux conscients : nous étions faits l'un pour l'autre. Lorsque je l'aperçus, dans la rue, les battements de mon coeur se firent plus irréguliers, et je ne sus quoi faire. Partir, ou rester ? Le fuir, ou l'affronter ? C'était tellement difficile de se retrouver en face de lui aujourd'hui. Quatre années nous séparaient à présent, quatre années pendant lesquelles il ne m'avait pas donné le moindre signe de vie. Pouvait-il comprendre les raisons pour lesquellles j'avais fini par perdre espoir ? Saurait-il accepter que j'avais dû refaire ma vie, avec un autre ? James était un homme bien. S'il n'avait pas le charisme de Raph', s'il ne savait pas déclencher cette passion qui m'avait auparavant habitée au contact de Raphaël, il n'en restait pas moins qu'il avait su m'apporter bien plus d'amour et d'affection que je n'aurais osé l'imaginer, au cours de ces dernières années. En plus de me rendre le sourire, il avait su m'apporter une stabilité. Et voilà qu'aujourd'hui, le retour de Raphaël remettait tout en question. De ma présence aux côtés de James à mes sentiments pour ce dernier. Que faire ? J'étais partagée. Partagée entre deux hommes, entre passé et présent, entre passion et stabilité. Un flot de sentiments contradictoires me traversaient, et mon coeur luttait contre ma raison. Finalement, ce fut mon coeur qui l'emporta lorsque, malgré moi, je fis quelques pas en direction de celui que j'avais auparavant imaginé être l'homme de ma vie. Le malaise était palpable, mais à celui-ci s'ajoutait une sorte de tension. C'était comme si nos deux corps étaient attirés l'un par l'autre, comme deux aimants, et que nous luttions contre cette force qui nous attirait de la sorte, parce que notre raison nous dictait de ne pas céder. Ca aurait été pêcher. Et pourtant, l'idée de me retrouver de nouveau dans ses bras me semblait tellement séduisante. J'en avais tellement envie. Si bien que j'en étais incapable de garder une certaine distance entre nous, tout comme j'étais incapable de lui reprocher son absence, et surtout son silence. Il me mettait dans tous mes états. Quand mon regard croisait le sien, j'en oubliais le reste du monde. Et quand il posait ce dernier sur moi, j'avais l'impression d'être la plus belle femme au monde. Mieux encore, j'avais l'impression de toujours lui appartenir. Ce qui n'était pas totalement faux, quand on y réfléchissait. Car si nous n'étions plus ensemble aujourd'hui, si je partageais ma vie avec un autre homme, mon coeur, lui, avait toujours été sien, et il le serait probablement toujours. Parce que c'était Raphaël et qu'il n'y avait pas de Raphaël sans Maelle. Nous étions faits pour être ensemble, et nous savions tous les deux qu'il n'y avait qu'au contact de l'autre que nous pourrions – réellement – nous épanouir, et trouver le bonheur.
Prise au dépourvue par cette rencontre hasardeuse, je n'avais rien trouvé de mieux à faire que lui faire savoir que je ne m'étais pas attendue à le voir ici. Ce qui n'était franchement pas l'idéal pour entamer une conversation ou pour le mettre à l'aise, j'en étais parfaitement consciente. Haussant les épaules, Raphaël détacha son regard du mien avant de désigner la rue d'un signe de tête, et de m'expliquer ;
« J’ai pris une chambre à l’hôtel en bas de la rue… en attendant de trouver un appartement à Arrowisc. »
En guise de réponse, je me contentai d'un hochement de tête, de même qu'un léger sourire. Un appartement à Arrowisc. Ainsi, il était bel et bien de retour. Pour de bon. Un mélange de joie et d'angoisse me travers à cette pensée. Il resta étonnamment silencieux, ne trouvant visiblement rien à ajouter. Après une légère hésitation, je tendis ma main dans sa direction – n'en tenant plus de cette distance physique qui s'était instaurée entre nous – main qu'il saisit sans plus attendre, avec douceur et tendresse. Les yeux rivés sur nos mains liées l'une à l'autre, je sentis mon coeur se serrer à l'idée même que, jamais plus, nous n'aurions l'opportunité d'avoir plus que ce simple contact. Jamais plus, nous ne pourrions unir nos deux corps l'un à l'autre, faire des projets communs pour notre avenir. Parce qu'il n'y avait plus de nous. Notre relation s'était bêtement terminée, quatre ans plus tôt, quand il m'avait abandonnée, sans se soucier une seule seconde de ce que son départ déclencherait en moi. Avait-il eu la moindre idée de la détresse dans laquelle j'avais été plongée, après qu'il m'ait quittée ? Avait-il idée de l'angoisse qui m'avait quotidiennement habitée, à l'idée qu'il lui soit arrivé quelque chose ? Se doutait-il que, pendant des mois, j'avais mis ma vie entre parenthèses, attendant chaque jour le moindre appel, le moindre signe de vie ? Parfois, j'avais le sentiment qu'il ne s'était pas douté – et qu'il ne se doutait encore pas – de l'ampleur de mes sentiments pour lui. La gorge nouée, je lui fis un aveu, lui confiant que ces dernières années avaient été un véritable enfer, sans lui. Je n'avais dit cela que dans un souffle, et je n'étais pas bien certaine qu'il m'ait entendue. Son regard croisant de nouveau le mien, il m'attira sans plus attendre à lui, entourant ma taille de ses bras. Sans plus attendre, je nichai ma tête dans le creux de son cou, savourant le plaisir de respirer à nouveau son odeur. Mes doigts se perdirent dans ses cheveux, à la base de sa nuque, tandis que je pressai mon corps au sien, en une étreinte presque désespérée.
« Je suis désolé… je suis tellement désolé… » murmura-t-il, tandis qu'il posait son menton sur le dessus de ma tête.
Déposant un léger baiser dans son cou, je détachai mes lèvres de sa peau, avant de souffler :
« Shhhh... Tu es là maintenant. C'est le plus important. »
Je relevai la tête dans sa direction, plongeant mon regard dans le sien. J'espérais tellement qu'il pourrait lire, à travers celui-ci, combien je l'aimais, et tout ce qu'il représentait pour moi. Car il était toute ma vie. Déjà, il sépara son corps du mien, avant de m'avouer, en baissant les yeux :
« Tu m’as tellement manqué… Si tu savais… »
Je restai un instant surprise par ses mots. Si je le croyais, il m'était difficile de concevoir que ça avait été le cas. Après tout, après quatre ans d'absence et de silence, j'avais fini par me faire une raison, par croire que cette séparation ne l'affectait pas autant que moi. Je m'étais visiblement trompée. Sur un coup de tête – ou plutôt un coup de coeur – je retrouvai de nouveau ses bras, mes lèvres se posant avec urgence sur sa mâchoire, à quelques centimètres à peine de ses lèvres.
« Ne pars plus... S'il te plait.», lui demandai-je, dans un souffle. « J'ai besoin de toi, Raph'. »
Ce que je faisais était mal. Vis à vis de James, mais de Raphaël aussi. Comment pouvais-je lui demander de rester présent pour moi alors que j'avais quelqu'un d'autre dans ma vie ? Ce que je venais de lui demander était égoïste. Je lui devais la vérité. Sur James, notre relation... Je ne pouvais pas lui laisser de faux espoirs, j'en était parfaitement consciente. Et pourtant, l'idée même de le perdre à nouveau me rendait malade. C'était peut-être pour cette raison que je m'accrochais si désespérément à lui et que j'étais incapable de lui parler de mon petit ami actuel.
Un simple contact. Il m’avait suffit d’un simple contact pour retomber dans mes pensées les plus sombres, et le sentiment de honte que je ressentais par rapport à mon comportement de ces dernières années vis-à-vis de la plus belle femme d’Arrowisc, et certainement du monde, me submergea de nouveau. Oui, j’étais honteux. Honteux d’être parti comme ça, si longtemps et surtout, sans lui donner le moindre signe de vie. Je ne parvenais d’ailleurs pas totalement à expliquer pourquoi est-ce que j’avais agi ainsi. Ou si, peut-être que je le savais, mais que je ne pouvais pas me l’avouer. Je n’avais pourtant jamais cessé de penser à elle. A ses beaux yeux, sa peau si douce, ses lèvres pulpeuses, et ses cheveux brillants. J’avais, durant ces quatre dernières années, de nombreuses fois attrapé mon téléphone, composé son numéro et finalement, me rétracter à la dernière minute. J’avais tellement de fois voulu entendre sa voix, juste quelques paroles m’auraient fait le plus grand bien, m’aurait donné tellement d’espoir pour continuer à chercher ma petite sœur qui semblait si loin. Mais non, je n’avais jamais appelé Maëlle, prétextant à chaque moment qu’il fallait que je la laisse tranquille. Ignorant pour combien de temps je serai absent de la ville, je ne pouvais pas me permettre de m’accrocher à elle comme ça. C’était d’ailleurs pour cette raison que je n’avais jamais osé lui demander de m’attendre. Cela aurait été bien égoïste de ma part que de lui demander ça, même si intérieurement je l’avais espérer. Oh oui, combien de fois j’avais imaginé mon retour, nos retrouvailles brûlantes et passionnées ? Mais finalement, rien de s’était passé comme je l’aurai voulu, et je devais bien prendre conscience, même si c’était extrêmement douloureux, que notre histoire semblait belle et bien terminée. A cause de moi.
Je n’avais pas pu m’empêcher, peu de temps après avoir attrapé sa main, de l’attirer à moi. Je voulais, une dernière fois, la sentir près de moi, sentir son souffle sur la peau de mon cou, m’ennivrer de son parfum, ressentir ses doigts fins effleurer ma nuque puis se glisser dans mes cheveux – chose qui me décrocha un frisson qui me parcourra l’échine. J’avais eu besoin de tout ça, juste une dernière fois, pour me sentir moi. Me sentir vivant. Car finalement, je ne pouvais le nier, loin d’elle et de son corps, je ne me sentais pas moi-même. Ces quatre années avaient été difficiles, bien plus que je n’avais pu l’imaginé lors de mon départ. Je m’en rendais à présent compte, alors que je la serrais contre moi. J’aurai même pu me mettre à chialer toutes les larmes de mon corps, rien qu’à l’imaginer dans les bras d’un autre. J’aurai pu, mais je me retins, toujours par fierté. Saleté de fierté, qui, depuis le décès de ma grand-mère, m’avait empêché de verser la moindre larme. Et pourtant, pour elle, pour Maëlle, j’aurai été capable de me déshydrater en quelques secondes tant la peine qui me pesait sur le cœur était importante. Mais il fallait que je me stoppe. Que je la relâche, sinon, j’allais finir par l’étouffer à force de la serrer contre moi. Bizarrement, je pu presque percevoir comme une petite déception dans ses yeux lorsque notre étreinte s’estompa, mais cette déception se transforma vite en surprise lorsque je repris la parole, lui avouant alors à quel point elle m’avait manqué. Je ne savais pas si j’avais encore le droit de lui dire de telles choses. Tant pi, je le prenais ce droit. Je voulais qu’elle sache. Qu’elle comprenne que pour moi non plus, ces quatre années n’avaient pas été toutes roses. Que j’avais galéré sans elle. Qu’il m’avait été difficile de me lever le matin en sachant que je passerai la journée à des milliers de kilomètres d’Arrowisc, me demandant à chaque instant ce qu’elle pouvait faire, et surtout, avec qui elle était. Rapidement, Maëlle se retrouva de nouveau contre moi sans que je ne puisse crier gare. Je l’accueillis comme il se devait, enfermant son petit corps entre mes bras, la serrant de nouveau contre le mien. J’arrivais à percevoir au travers de nos vêtements respectifs les battements de son cœur qui semblaient tous aussi rapides que les miens. Sur ma joue, elle posa doucement ses lèvres et je fermai les yeux, savourant ce contact que je n’avais même pas osé espérer tant il était importun. Mais ces mots me crispèrent : elle avait besoin de moi ? Pourquoi ? Pourquoi disait-elle cela ? N’avait-elle pas quelqu’un d’autre sur qui compter à présent. Tendu, je me dégagea doucement d’elle. La mâchoire crispée, je lâchais quelques mots sans vraiment me contrôler. « Tu ne peux pas dire ça… ». D’un geste tendre, je vins replacer une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille, éffleurant par la même occasion sa joue du bout des doigts. « Est-ce que… est-ce que tu as un peu de temps pour.. boire un café ? Ou autre chose… Je pense qu’on a pas mal de chose à se raconter… ». Je la suppliais presque du regard. Un refus de sa part m’aurait tué sur place, maintenant qu’elle était là, je refusais qu’elle parte aussi vite que la dernière fois. Même si je savais que quelques instants passés en sa présence allaient me faire souffrir, j’étais prêt à prendre le risque… juste pour passer un peu de temps avec elle. Rien qu’avec elle. Elle et moi.
Le retour de Raphaël en ville bouleversait tout. La petite vie bien rangée que j'avais réussi à construire au cours de ces dernières années se retrouvait bouleversée par sa simple présence. Une présence qui m'affectait bien plus que je ne voulais bien le reconnaître. James avait-il remarqué ce léger changement chez moi ? Avait-il remarqué ces instants, où mon esprit s'évadait, où mon esprit se tournait vers Raph' ? Probablement pas. Parce qu'il avait beaucoup de travail, que ce dernier lui prenait la plupart de son temps et que le si peu de moments où nous étions ensemble, il en profitait, sans songer une seule seconde à l'éventualité que mes pensées ne se tournent vers un autre. Raphaël. A l'évocation même de son nom, mon coeur se mettait à battre la chamade et je me sentais enfin revivre. C'était comme si ces quatre dernières années sans lui n'avaient été qu'un cauchemar, comme si je me réveillais et que je faisais face à la réalité. Un belle et douce réalité dans laquelle il était là, lui, mon ange, mon prince, l'homme de ma vie. C'était mal, de penser à lui de cette façon. Pas seulement parce que j'étais en couple avec James, mais aussi parce que notre histoire s'était plus ou moins terminée il y a des années de cela, et que m'imaginer de nouveau à ses côtés me ferait plus de mal que de bien. Et pourtant, en sa présence, je ne pouvais m'empêcher de fantasmer, nous imaginant tous les deux dans les bras l'un de l'autre, imaginant déjà ses mains parcourir mon corps, le redécouvrir, imaginant ses lèvres brûlantes prendre possession des miennes, dans un baiser enflammé, et plein de passion. Des retrouvailles comme ça auraient été idéales. En réalité, les choses avaient été radicalement différentes. Parce que j'avais gardé une distance entre nous, pensant que cette dernière me permettrait, peut-être, d'épargner mon coeur. Je m'étais trompée. Mon coeur n'était en rien épargné, bien au contraire.
Cette nouvelle rencontre était-elle un signe du destin ? Qu'essayait-il de nous faire comprendre ? Que nous étions faits l'un pour l'autre ? C'était ce que je me plaisais à penser, bien que je sache pertinemment que cela pourrait me valoir un séjour en enfer. Et pourtant, face à lui, j'avais surtout l'impression d'être au paradis. Sous son regard pétillant, je me sentais enfin revivre. C'était comme si ces quatre dernières années, je n'avais pas été moi-même. La Maëlle qu'il avait connu s'était effacée avec son absence. Et à présent, elle refaisait surface. J'avais une envie folle de le prendre dans mes bras, de l'embrasser, de lui demander de passer la soirée avec moi, et peut-être même le reste de sa vie. Il me rendait folle, complètement. Tentant de reprendre mes esprits et de ne pas songer à tout autant d'éventualités, j'essayais, tant bien que mal, de ne pas trop me rapprocher de lui, mais c'était difficile. Mon corps était naturellement attiré par le sien, et il m'était bien difficile de lutter contre cette attraction naturelle qui me poussait vers lui. Mon corps contre le sien, j'eus l'impression d'être enfin entière. Une sensation que je n'avais pas ressenti depuis des années déjà. C'était comme si une partie de mon coeur m'avait été rendue... une partie qu'il avait emmené avec lui le jour où il m'avait quittée, me laissant seule ici, sans la moindre nouvelle. Lorsqu'il m'éloigna de lui, je restai un instant insatisfaite. Et lorsqu'il en vint à me confier combien ces années avaient été difficiles, pour lui aussi, je ne perdis pas une seule seconde avant de me fondre de nouveau dans ses bras. J'avais besoin de lui. Besoin de sa présence à ses côtés, de son amour, de sa tendresse... Il m'avait tellement apporté... Quand il était parti, j'avais vu mon monde tout entier s'écrouler autour de moi. A présent, je n'espérais plus qu'une chose : qu'il reste à mes côtés, et que jamais plus, il ne me quitte. Pensée égoïste lorsque l'on savait que j'avais déjà un petit ami qui m'aimait, et qui s'était toujours montré fidèle... Je sentis Raph' se tendre, sous mes mots. Se dégageant doucement de mon étreinte, il me souffla :
« Tu ne peux pas dire ça… »
Un instant, je songeai qu'il savait, pour James. Puis je me ravisai. Comment l'aurait-il su ? Ses paroles n'avaient rien à voir avec James, et tout avoir avec ses propres sentiments : il ne m'aimait plus. Un instant, je crus que mon coeur se brisa une nouvelle fois. Je baissai les yeux, sentant rapidement sa main caresser doucement ma joue alors qu'il replaçait tendrement une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je restai un instant silencieuse. Je ne comprenais pas. J'avais pensé, - ou plutôt espéré - en le voyant, que ses sentiments pour moi étaient toujours les mêmes... Découvrir qu'ils n'étaient plus réciproques me faisait mal.
« Est-ce que… est-ce que tu as un peu de temps pour.. boire un café ? Ou autre chose… Je pense qu’on a pas mal de chose à se raconter… », reprit-il, m'obligeant à redresser la tête dans sa direction. Mon regard croisa le sien, et je le sentis presque me supplier du regard.
Hésitant un instant – sachant pertinemment que chaque minute de plus passée à son côté me porterait préjudice par la suite et mettrait mon coeur à l'épreuve – je finis cependant par acquiescer d'un signe de tête.
« J'ai toute ma soirée. », répondis-je, en songeant que James ne rentrerait certainement pas de si tôt. Peut-être même ne rentrerait-il pas tout court.
Le suivant en direction inverse de celle que j'avais prise précédemment, je me retins pour ne pas saisir sa main, entrelacer mes doigts aux siens. Gardant le silence, et ne sachant pas réellement quoi dire, je me risquai à lui demander :
« Ton retour... » commençai-je, « ...il est définitif ? Tu ne partiras plus ? »
J'avais besoin de m'assurer de ce point. S'il ne m'aimait plus, s'il devait en aimer une autre alors, soit, j'étais prête à l'accepter. Mais je n'étais cependant pas prête à le laisser partir une seconde fois. J'avais besoin de le savoir tout près, besoin de lui dans ma vie, besoin de savoir que seulement quelques mètres nous séparaient. C'était tellement idiot.
J’avais du mal à la regarder dans les yeux. J’avais peur de ce qu’elle pourrait voir dans les miens, mais surtout, j’avais peur de ne plus percevoir cette petite étincelle qui habitait ses prunelles lorsqu’elle me regardait autrefois. Cette étincelle qui me rendait sin fier. Qui me donnait l’impression d’être invincible. Parce qu’aujourd’hui, après quatre ans d’absence, je savais que cette étincelle ne m’étais plus destinée. Parce que Maëlle avait refait sa vie. Avec un autre homme, d’autres désirs. Un autre avenir. Peut-être même était-elle mariée ? Un léger coup d’œil sur ses doigts m’indiqua que non. Même pas fiancée. Devais-je m’en réjouir pour autant ? Non, certainement pas. Parce qu’une bague ne signifiait absolument rien pour moi. Ce n’était pas parce qu’elle n’en portait pas que sa relation avec l’homme que j’avais aperçu à son bras n’était pas sérieuse. Pourtant, je pouvais sentir dans son regard, dans sa voix et dans son entière façon d’être que quelque chose subsistait encore entre nous. Mais je me disais que tout ça n’était que fruit de mon imagination. Paraît que quand on veut quelque chose, on a tendance à voir tout ce qui se passe dans le sens qu’on voudrait. Je n’étais pas objectif dans ce ressenti, c’était clair. Et je ne pourrais jamais l’être. Alors la seule chose que je pouvais faire à présent, c’était d’attendre. De voir comment évolueraient les choses, en sachant pertinemment que je n’avais rien le droit de provoquer. Parce qu’elle n’était plus libre, et que l’éducation que m’avait donné ma grand-mère m’avait toujours interdit de convoiter quelque chose qui appartenait déjà à quelqu’un. Evidemment, Maëlle était loin d’être une chose, bien au contraire, mais c’était du pareil au même. Maëlle était avec quelqu’un d’autre et je n’avais aucun droit dessus. Mais pourtant, ce que j’aurais aimé envoyer au diable ce vieux respect des règles. Tout foutre en l’air et me jeter sur ses lèvres. Me ficher des conséquences que cela pourrait avoir. Ne pas penser, ne pas me retenir. Et juste faire ce dont j’avais le plus envie en ce moment. Mais non. Je restai là, planté comme une potiche face à elle. Comme si sa simple présence me bloquait, j’étais incapable de bouger. Il le fallait pourtant, nous n’allions pas passer la soirée là, et je refusais qu’elle s’échappe de nouveau comme la dernière fois. Parce que même si nous n’étions plus ensemble, même si elle était avec quelqu’un d’autre aujourd’hui, on avait toujours le droit de passer du temps, tous les deux, non ? En tout cas, l’éducation de ma grand-mère ne m’en empêchait pas, et je prenais alors cette opportunité à bras tendus. A tout hasard, je lui proposai de boire un café. Un café, ça n’engageait à rien, et c’était un bon tremplin pour engager une discussion. Expérience que j’avais longuement tester durant ces quatre dernières années à parcourir le monde. J’avais bu une multitude de cafés en compagnies d’une multitude de personnes différentes, et jamais je ne m’étais retrouvé comme un con à ne savoir rien dire. Non, un café, c’était cool. Je me surprenais d’ailleurs d’avoir eu cette idée subitement, alors que je semblais paralysé par son regard posé sur moi. Elle mit quelques secondes à répondre, mais fini par acquiescer à mon plus grand soulagement. Elle ajouta même disposer de toute sa soirée. Je n’en espérais pas tant, mais cette réponse me questionna cependant. Toute la soirée ? N’avait-elle pas quelqu’un qui l’attendait ? Je ne posais cependant aucune question… puisque j’aurais toute la soirée pour le faire. Et des questions, j’en avais.
Nous reprenions la route, et je rentrais rapidement mes mains dans mes poches. J’avais peur d’être tenté, peur que nos mains s’effleurent à marcher cote à cote. Je prenais mes précautions. Cela pouvait paraître puérile, stupide, mais je préférais m’y tenir. Parce que je me connaissais. J’étais faible et marchais sur un terrain dangereux. Me trouver à côté d’elle, c’était comme déambuler sur un fil à cinquante mètres de hauteur : risquer de tomber à chaque instant et de s’éclater la figure par terre. Alors que je demeurais silencieux, elle reprit la parole. Et sa question m’obligea à tourner mon regard vers elle. Chacun de ses mots manquait de me faire défaillir. « Oui, il est définitif. Je n’ai plus l’intention de partir. Arrowisc, c’est chez moi. Je cherche un appart pour m’installer. » Répondis-je, tentant même un petit sourire. Quelques pas plus tard, et nous arrivions à hauteur d’un petit café. Quelques personnes étaient déjà installées en terasse, sirotant un apéritif. Rapidement, je pointais du doigt une table de libre, légèrement à l’écart des autres. Elle s’avança devant moi pour s’assoir et, machinalement, je posais ma main dans le bas de son dos. Je serrais les dents et la retira aussi sec. Quel con. A présent installé face à elle, j’attendais avec hâte que le serveur vienne prendre les commandes. Je m’accoudais à la table et la regarda de nouveau. « Je suis désolé… vraiment… de ne pas t’avoir appelé. » Okay, c’était déjà un bon début.
Sujet: Re: It is what it is... Mar 12 Juil - 11:08
Chaque seconde de plus passée aux côtés de Raph' mettait mon coeur à l'épreuve. J'avais mal de le voir ici, mal de le voir là, à à peine quelques mètres, et de me dire que je ne pouvais pas le toucher, ou encore l'embrasser comme je l'aurais voulu. Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'en aurais oublié James et le reste du monde pour me fondre dans ses bras, l'embrasser passionnément et le supplier de ne plus jamais me quitter. A bien y réfléchir, c'était déjà plus ou moins ce que j'avais déjà fait... à l'exception bien sûr de ce baiser que je ne lui avais pas donné. Mon regard planté dans le sien, je me sentais enfin revivre. J'étais soulagée de le voir ici, de le savoir en vie, et en bonne santé. Bien sûr, il aurait été mentir que de dire que je ne regrettais pas ces quatre années de silence, que je n'avais pas souffert durant celles-ci. J'avais cru mourir, quand il était parti. Son départ avait été soudain, et je n'y avais d'abord pas cru... jusqu'à ce qu'il emmène une partie de mon coeur avec lui, sans se retourner, sans même songer à me proposer de l'accompagner. J'aurais aimé le suivre jusqu'en Australie. Mais je n'en avais pas eu le droit. Quelque part, il avait dû penser que ma place n'était pas à ses côtés. Et c'était peut-être ce qui avait été le plus dur à accepter. Finalement, la douleur de son absence avait fini par s'apaiser. J'avais su trouver en James ce petit quelque chose qui m'aidait à tenir le coup, à me focaliser sur d'autres choses que sur Raph' et la perte de ce dernier. J'avais réussi à me relever après son départ. Ca m'avait pris beaucoup de temps, certes, mais je m'en étais plus ou moins remise. Et voilà qu'à présent, alors que je n'espérais plus vraiment rien, il était de retour, comme si c'était normal. J'aurais du me douter qu'il reviendrait. Il m'avait promis de le faire, de le faire au plus vite. Ainsi, pour lui, mettre quatre années à revenir, c'était faire vite ? Je ne le comprenais pas. Je ne savais pas si, de son côté, il pourrait me comprendre, assimiler tout ce que j'avais dû vivre sans lui, et surtout accepter que j'aie refait ma vie parce que j'avais finalement perdu tout espoir de le voir revenir un jour...
Les gens me disaient heureuse avec James, et ils avaient raison : j'étais heureuse. Je l'aimais, et il m'apportait une stabilité et une sérénité auxquelles je n'aurais jamais pensé aspirer. Mais le retour de Raphaël en ville remettait tout en question. Car si j'aimais effectivement James, il était évident que mon amour pour Raph' dépassait largement celui de mon petit ami actuel. Raphaël était l'homme de ma vie. Celui auprès duquel j'aurais aimé vieillir, celui avec lequel j'aurais été prête à avoir des enfants, et une vie de famille bien clichée, comme on en voit partout. Avec lui, j'aurais été prête à tout. A quitter cette ville, mon travail, à tout recommencer, tout reconstruire, en échange d'une simple certitude : celle qu'il ne me quitterait plus jamais. Je me sentais idiote. J'étais addict de cet homme, et il l'ignorait. Il l'ignorait, et en plus de ça, mes sentiments n'étaient pas le moins du monde réciproque. Raphaël aussi, avait du refaire sa vie. Des femmes, il avait dû en croiser pas mal, durant son périple, et je me doutais bien que l'une d'elle avait certainement dû voler son coeur, détruisant le mien au passage.
Nos conjoints respectifs, je ne voulais pas y penser. Tout ce que je voulais, c'était passer un moment avec lui. Rien que lui et moi. Pas de James, pas de petite amie, pas d'obligations qui nous empêcheraient de vivre nos retrouvailles comme nous l'aurions voulu. Je voulais être moi, redevenir celle que j'avais été à ses côtés, retrouver la joie de vivre qui m'avait auparavant habitée à son contact, ressentir de nouveau toute la puissance de notre amour l'un pour l'autre. Je secouai la tête. J'étais idiote. Rêveuse. Je savais que je ne pourrais pas retrouver tout ça et que la vérité viendrait forcément à nous rattraper.
D'abord mal à l'aise en la présence de l'autre, Raphaël vint à me proposer de boire un café. Un café. Quand il parlait comme ça, j'avais l'impression d'être une de ses anciennes amies d'enfance qu'il venait tout juste de retrouver et avec laquelle il voulait rattraper le temps perdu. Etait-ce vraiment ce que je représentais à ses yeux ? Hésitant un instant, je finis par accepter, bien consciente que ce café ne nous engagerait à rien et songeant que mon coeur pourrait peut-être supporter d'être malmené quelques heures de plus, tant que Raph' resterait à mes côtés.
Prenant la direction opposée de celle dans laquelle j'étais venue, je le vis glisser ses mains dans ses poches. Ce geste, aussi simple fut-il, me laissa quelque peu... songeuse... C'était comme s'il venait de mettre une barrière entre nous, comme s'il me repoussait encore un peu plus, comme s'il me rappelait que je n'avais plus ma place à ses côtés, et ce, depuis plus de quatre ans déjà. Baissant un instant la tête, je tentai de ne pas me laisser submerger par l'émotion. Tout en marchant, j'en vins à lui demander si son retour en ville était définitif, ce à quoi il me répondit :
« Oui, il est définitif. Je n’ai plus l’intention de partir. Arrowisc, c’est chez moi. Je cherche un appart pour m’installer. »
Dans mes rêves, il m'aurait certainement répondu autre chose. Il m'aurait certainement dit qu'il restait en ville parce que j'y restais moi-même, que son chez lui, c'était là où je me trouvais. Et en un sens, sa réponse me décevait quelque peu, tout comme elle me laissait un espoir – aussi infime soit-il – de pouvoir un jour le retrouver, comme avant.
Je ne répondis rien, ne sachant pas vraiment ce que j'aurais pu rajouter là dessus. Avais-je le droit de lui dire que j'étais contente de savoir qu'il ne serait jamais plus éloigné de moi ? Ca serait commettre une erreur que de venir à de tels aveux. Ainsi, je gardai le silence, jusqu'à ce que l'on arrive à la hauteur d'un petit café. Me pointant une table libre et quelque peu isolée sur la terrasse, je me dirigeai vers celle-ci, prête à m'asseoir, lorsque je sentis naturelleent sa main se poser dans le bas de mon dos. Je frissonnais à ce contact, regrettant bien rapidement qu'il retire sa main si brutalement de mon corps. Il s'installa en face de moi et je plantai naturellement mon regard dans le sien, à la recherche de quelque chose, un je ne sais quoi qui aurait pu me signifier qu'il ne regrettait pas son geste. Je me sentais idiote de rechercher absolument un contact avec lui, surtout compte tenu de ma situation, et pourtant, je ne pouvais m'en empêcher. S'accoudant à la table, plongeant une nouvelle fois son regard dans le mien, il me souffla :
« Je suis désolé… vraiment… de ne pas t’avoir appelé. »
Je me tendis malgré moi à ses mots et je baissai instantanément la tête. Pourquoi fallait-il qu'il parle de ça maintenant ? J'avais tellement souffert de son départ, et de son absence. Chaque jour passé sans nouvelle de lui m'avait rendue folle d'inquiétude. J'avais eu peur pour lui, peur pour sa vie. Réellement. Et je lui en avais voulu pour ne pas m'avoir écrit la moindre lettre ou pour ne pas m'avoir appelée une seule fois. Je n'avais pas compris pourquoi il avait tenu à garder ce silence. Avait-il voulu me rendre folle ? Avait-il espéré qu'ainsi, je l'oublierait plus vite ? Je n'en avais aucune idée.
Que pouvais-je lui répondre ? Que je ne lui en voulais pas ? Que ça n'était pas grave ? Ca aurait été mentir. Après un instant de silence, je relevai la tête dans sa direction, avant de souffler :
« Je ne vais pas te dire que ça n'est pas grave, ou que je ne t'en veux pas. Ca serait te mentir. J'ai cru mourir, quand tu es parti. » Je n'exagérais pas. J'étais sincère. « J'ai attendu que tu m'appelles, tous les jours. J'ai cru devenir folle. », avouai-je, en poussant un léger soupir. « Pourquoi tu ne m'as pas appelée ? Pourquoi tu ne m'as donné aucune nouvelle ? Je pensais les mériter, après ces deux années passées ensemble... » Je secouai la tête, avant de lui demander, « Pendant quatre ans, j'ai cherché à comprendre ce que j'avais bien pu faire pour mériter ton silence... Sais-tu combien je me suis inquiétée pour toi ? »
Je ne cherchai pas à l'accabler de reproches, mais à comprendre. A savoir pourquoi il m'avait ainsi rayée de sa vie, et ce que j'avais bien pu faire pour mériter ce silence...
Sujet: Re: It is what it is... Mer 27 Juil - 10:12
Je ne savais pas comment m’y prendre. Je n’avais jamais eu à me faire pardonner par une femme, encore moins par une femme dont j’étais fou amoureux. J’avais le cœur battant, de peur qu’à chaque instant je dise ou fasse quelque chose de mal, quelque chose qui pourrait me nuire. Comment pouvait-on faire comprendre à la femme de sa vie à quel point on était désolé de son comportement des quatre dernières années ? J’ignorais s’il y avait un quelconque manuel, mode d’emploi. Ni même un remède miracle. J’en doutais d’ailleurs, sinon j’en aurais entendu parler. Cela paraissait tellement plus simple dans les films ou les séries. Tellement plus simple quand on était devant son miroir à s’imaginer la scène. J’étais face à elle, assit à quelques centimètre seulement, et je ne m’étais jamais senti aussi stupide. Je ne m’étais pas senti depuis bien longtemps aussi impuissant face à la situation. Ces quatre dernières années, j’avais tout le temps su quoi faire, où poursuivre mes recherches pour retrouver ma petite sœur. Et même si sur le coup, cela ne m’avait pas paru si simple, j’avais aujourd’hui l’impression que cela avait été un réel jeu d’enfant comparé à mes retrouvailles avec Maëlle. Nous nous étions installés à une table de ce modique café. C’était la première fois que j’y mettais les pieds, alors que je passais tous devant tous les matins depuis des semaines en allant à la caserne. Il faut dire que depuis mon retour, je n’avais pas vraiment le goût à aller prendre un café en tersasse pour me dorer au soleil. J’ouvris alors la bouche, marmonnant une ridicule excuse qui tenait à peine la route. Je ne savais pas quoi dire d’autre. J’avais pourtant tant de chose à lui dire, tant de questions à lui poser, mais je n’osais pas, tel l’idiot que j’étais. A mes simples mots, je vis cette si belle brune qui me faisait face se raidir. Visiblement, ce n’était pas ce qu’elle avait envie d’entendre. Pourtant, c’était ce que j’avais besoin de dire, besoin qu’elle sache. Car désolé, je l’étais réellement. Je n’avais jamais été plus sincère qu’en cet instant. J’étais navré pour tout ce que j’avais fait, et surtout, pour tout ce que je n’avais pas fait, mais encore aujourd’hui, je me disais que j’avais opté pour la bonne solution. Que ne pas lui donner de nouvelles lui avait permis de ne pas trop espérer mon retour rapidement. De m’oublier peu à peu, de profiter de la vie qui l’attendait. Elle ne mit pas longtemps à me répondre, et là, je me sentis défaillir sous ses paroles. « Je ne vais pas te dire que ça n'est pas grave, ou que je ne t'en veux pas. Ca serait te mentir. J'ai cru mourir, quand tu es parti. J'ai attendu que tu m'appelles, tous les jours. J'ai cru devenir folle. Pourquoi tu ne m'as pas appelée ? Pourquoi tu ne m'as donné aucune nouvelle ? Je pensais les mériter, après ces deux années passées ensemble... Pendant quatre ans, j'ai cherché à comprendre ce que j'avais bien pu faire pour mériter ton silence... Sais-tu combien je me suis inquiétée pour toi ? » Je fermais les yeux, me sentant de nouveau ridicule, bête et ignorant. Elle avait raison, tellement raison, elle méritait amplement que je lui donne de mes nouvelles. Pire que ça, elle n’avait jamais mérité le traitement que je lui avais infligé. En pensant faire au mieux, j’avais finalement faire au pire. Je n’aurais pas plus mal agir que ce que j’avais fait. « Je… » J’avais la gorge nouée, ne sachant quoi lui répondre. « Je me suis dit que… que tu m’oublierais plus vite… » Commençais-je tout d’abord. Je repris cependant vite la parole au vu du regard qu’elle me jetait. « Je ne voulais pas que tu m’oublies, oh non, loin de moi cette idée, mais j’ignorais combien de temps je serais absent et… je n’avais pas le droit de te demander de m’attendre, je n’avais pas le droit de m’accrocher à toi alors que peut-être je mettrais des années à revenir… Et c’est ce que j’ai fait, regarde, j’ai mis quatre longues années. Je ne supportais pas l’idée que tu reste ici, à m’attendre, malheureuse parce que je n’étais pas là et que je ne savais pas quand je reviendrais… Je n’avais pas le droit… » Je fus interrompu par la serveuse qui débarqua avec son petit calepin. Nous commandions deux cafés et elle reparti aussi rapidement qu’elle était arrivé. « Je ne sais pas si ça été la meilleure des solutions mais… Au moins, tu as pu refaire ta vie… » Repris-je d’une voix blasée. Elle allait comprendre que je l’avais vu avec l’autre, elle comprendrait pourquoi, depuis tout à l’heure, je tentais à chaque instant de repousser le moindre contact avec elle. Elle comprendrait… Du moins, je l’espérais.