School bag in hand, she leaves home in the early morning.
Dis, Iseult, tu fais comment pour être comme ça en permanence ? Le sourire aux lèvres, les yeux qui brillent. Je ne connais personne qui a autant la pêche que toi, la rage de vaincre. Après tout ce qui a pu t’arriver. Je t’admire, tu sais. Là, tu me regardes, hochant doucement la tête, passant ta langue sur ta glace à la vanille recouverte de vermicelles de toutes les couleurs. D’ailleurs, après deux ans à travailler comme glacier, comment fais tu pour que ces trucs ne te dégoutent pas encore ? Hum, file moi de la glace au chocolat.
Iseult josephine perkins (la mère d’iseult lisait les lettres de Napoléon à sa bien aimée quand elle a perdu les eaux), vingt ans, dont deux années sans parents, vit dans l’appartement au dessus du glacier avec son frère jumeau qui s’appelle Noah, adore faire du vélo pendant des heures, passe tous ses dimanches matins sous la couette à manger des cookies devant un film, a un chat qui s’appelle Marla, déteste le trop-plein d’argent et les centres commerciaux, a toujours le sourire aux lèvres et le rire facile, a le don pour se retrouver dans des situations embarrassantes, adore ses longs cheveux bruns, est une spécialiste des pancakes, ne veut pas tomber amoureuse, adore boire des bières avec ses amis garçons, ne fait le ménage que quand elle s’ennuie, voulait faire des études de philosophie, est généralement je m’en foutisme, s’entend avec tout le monde, se maquille légèrement, aime s’en aller pendant des heures sans dire où elle va, porte toujours le parfum, à base de jasmin.
One night, yeah, and one more time
Thanks for the memories, thanks for the memories.
Février 2009.
« Noah ? Noah… »Iseult rentra dans la chambre de son frère, plongée dans le noir. Elle ne pouvait discerner le corps du jeune Homme allongé sur son lit qu’à travers la lumière qui arrivait à passer à travers les volets. La respiration était calme et détendue, ses cheveux noirs de jais étaient enfouis dans un traversin. Il dormait encore. Iseult s’approcha et s’assit sur le rebord du lit, avant de déposer un baiser sur la joue de son frère, qui ouvrit doucement ses yeux, gonflés et cernés. Sans relever la tête, il leva les yeux vers sa sœur, qui se mordait la lèvre, la main posée sur son épaule.
« Iseult… »« Les…pompes funèbres sont là. Je peux pas le faire toute seule, tu peux descendre avec moi ? »Noah sentit rapidement la détresse dans la voix de sa jumelle. Il pressa doucement son bras, avant qu’Iseult, les larmes aux yeux, lui fasse un mince sourire. Elle détourna ensuite le regard et sans rien dire, elle sortit de la pièce. Il ne fallait pas qu’elle pleure. Elle devait se montrer forte contre tous. Cela faisait deux jours qu’on lui avait annoncé la mort de ses parents, deux jours qu’elle avait passé dans son lit avec pour seule consolation les ronronnements de Marla à pleurer. Noah venait la voir et ils avaient passé des heures ensemble blottis l’un contre l’autre à ne rien dire et à ne pas répondre au téléphone qui n’avait pas arrêté de sonner. Mais 48 heures après, il fallait voir la vérité en face. Iseult avait rappelé les proches, les amis qui s’inquiétaient, dont certains avaient insisté pour venir, même connaissant le caractère de la jeune femme, plutôt voulant rester seule dans un moment pareil. Alors voilà, Iseult avait passé la dernière nuit à se remettre en question, à tout planifier. Noah dormait déjà quand elle avait commencé à s’en occuper, à appeler l’église, le notaire, l’assurance et tout ce qui devait être fait.
« Chaque fois que je me réveille, je me demande si je suis dans un mauvais rêve… » avoua le jeune Homme, en enfilant un t-shirt posé au bord de son lit. Sa sœur hocha tristement la tête sans répondre et quitta la pièce, allant servir du café aux Hommes présents en bas. Sur le frigidaire de la cuisine, étaient toujours posés les petits post-it que Natalia, leur mère, avait l’habitude de mettre avant de partir travailler. Elle était vétérinaire et très appréciée dans toute la ville. Leur père, William, était architecte et avait lui-même fait les plans de leur maison, qui se remarquait assez par sa beauté et son originalité à la fois. Une demeure respectant l’environnement avec une jolie véranda à l’avant et un petit jardin derrière où Noah et Iseult avaient pu faire de la balançoire et inviter leurs amis aux goûters d’anniversaire. Iseult prit des tasses dans le placard et les remplit de café bien noir, avant de les inviter à s’asseoir.
« Toutes nos condoléances, mademoiselle. »Noah descendit à cet instant et signala sa présence par un raclement de gorge. Il serra la main des Hommes et prit une tasse de café, avant de se mettre contre le mur, les cheveux ébouriffés. Iseult serra ses mains sur sa tasse, comme pour se réchauffer. Son regard était vide, elle paraissait complètement déconnectée de la réalité.
« Vous nous avez signalé que vos parents souhaitaient se faire incinérer, nous avons donc ici des brochures avec les prix correspondant à vos demandes. Cérémonie à l’Eglise, n’Est-ce pas ? »
Natalia et William Perkins étaient protestants. Ils avaient toujours tenté de transmettre leurs valeurs à leurs enfants, qui avaient en grandissant, abandonné toute foi en Dieu. Après la disparition de ses parents, Iseult était plus sûre que jamais de ses convictions que Dieu n’était qu’un tissu de mensonges. Mais par respect pour ses parents, elle se devait d’honorer ce qu’ils voulaient. Elle hocha donc doucement la tête et avala une longue gorgée de café.
Après les pompes Funèbres, ce fut le Notaire qui vint à leur rencontre. C’était devenu un ami de la famille et ce fut donc avec émotion qu’il annonça que bien entendu tout leur était légué. Mais Iseult lui annonça qu’ils n’allaient pas garder la maison, que les souvenirs seraient trop douloureux. L’argent de la vente leur permettrait de louer un appartement en centre-ville. Noah resta presque silencieux pendant tout le déroulement de la visite du notaire. Même si ils étaient mineurs, il était signalé dans le testament de William Perkins qu’il souhaitait l’émancipation de ses enfants en cas de décès. Comme si il avait tout prévu, comme si il savait depuis longtemps…alors que leur mort avait été un accident de voiture…on avait retrouvé leur véhicule en bas d’une falaise, leur corps éjectés à quelques mètres. Ils allaient fêter leur vingt ans de mariage.
Et pour les questions d’argent, hé bien…les choses se compliquaient. Certes, William & Natalia avaient un peu d’argent de côté. Ils étaient pourtant du genre à profiter de la vie au maximum, à se faire plaisir et dépenser sans vraiment s’inquiéter. L’argent n’était pas une préoccupation, tout ce qu’ils aimaient, c’était faire des choses dont-ils avaient envie.
Il y avait aussi l’assurance décès, pratique pour couvrir tous les frais…mais Iseult et Noah étaient en Terminale au Lycée d’A. Les jumeaux avaient déposé des dossiers pour les plus grandes universités…mais comment payer tous ces frais ? Ils n’avaient pas vraiment de famille, leur grand-mère maternelle étant dans une maison de retraite à moitié gâteuse, son mari était mort au Vietnam quelques mois avant la naissance de leur fille unique. Les jumeaux ne voyaient plus leur grand père paternel, qui depuis son divorce, voyageait à travers le monde sans vraiment ne plus se soucier des autres…et leur grand-mère paternelle vivait à présent au Canada, où depuis une grave chute, vivait dans une maison communautaire. Ils devaient justement aller la voir cet été.
Leur monde s’écroulait. Il était trop tard pour demander une bourse, faire un emprunt était une chose qu’ils refusaient catégoriquement, n’y connaissant finalement pas grand-chose à l‘argent…le grand vide. Ils allaient devoir rester là et faire leur vie. Iseult voulait étudier la philosophie, tandis que Noah était passionné d’informatique. Adieu Brown, Yale, Princeton. Et bonjour la galère.
After tonight, who knows where we'll be tomorrow. What if we're never here again?
uc