« T'es qu'un bon a rien McKeenan, tu finiras balayeur ! »
En fait, non, Reed n'avait pas fini balayeur, mais c'était tout comme. A l'âge de 18 ans, après un parcours scolaire chaotique et une enfance passée à user ses fonds du culottes sur les bancs des salles de colle, il avait claqué la porte de chez lui, envoyé chier ses professeurs qui, de toute façon, ne voyaient aucun avenir pour son sale caractère et s'était installé dans un appartement ridiculement petit, au beau milieu d'un quartier miteux de la grosse pomme. Afin de payer le loyer exorbitant de son trou à rat, il s'était fait embaucher comme plongeur dans le restaurant gastronomique d'un hôtel étoilé du centre et avait vécu les premières semaines de sa liberté d'adolescent fraichement émancipé au rythme des sorties en tous genres et des gueules de bois carabinées qui le rendaient silencieux et farouchement réfractaire à toute communication sur son lieu de travail.
« McKeenan ! Qu'est ce que tu fous ?! Enlève tes sales pattes de là, laisse ce cake tranquille ! »
Trop tard, il s'était fait prendre en flagrant délit de grignotage ! Et pourtant, insolent, il avait refusé d'abandonner son unique repas de la journée aux foudres du commis préposé aux desserts.
« J'ai faim ! » Avait-il protesté en s'accrochant obstinément à son assiette au creux de laquelle le cake qu'il avait lui-même préparé entre deux plonges attendait, tout chaud et tout moelleux, qu'on y croque à belles dents.
« Je m'en tamponne de ta faim, esclave ! Les clients mangent, toi tu essuies ! » « C'est LE MIENS ! » Avait-il renchérit en montant d'un ton, tant et si bien que les membres de la brigade, pourtant en plein coup de feu, avaient tous relevé la tête de leur plan de travail pour voir d'où provenaient les éclats de voix.
« Tu vas pas commencer à me casser les couilles pour un malheureux cake, Sullivan ! Ça fait 6 heures que je gratte comme un forçat ! J'ai la dalle, ce cake est à moi, lâche-le où c'est toi que je mords ! » Gonflé de colère, le commis s'apprêtait à lui répondre un octave au dessus quand la voix caverneuse du Chef de partie coupa court à toute prise de bec en faisant sursauter tout le monde, Reed y compris, ce qui permit au commis de lui arracher son assiette des mains.
« Qu'est ce qui se passe ici ? SULLIVAN ! Tu veux que je t'apporte un magasine et une tasse de thé pendant que t'y es ? Une tronche de cake qui mange du cake, non mais qui est-ce qui m'a foutu un incapable pareil !? » « C'est pas moi Chef ! C'est ce sombre crétin de plongeur qui se fait des fringales en plein coup de feu ! » Comme si l'assiette s'était soudain avérée radioactive, Sullivan la repoussa entre les mains de Reed sans que ce dernier ne trouve le temps de monter un bobard pour se disculper de l'affaire. Fâcher cet abruti de commis qui se pavanait comme un paon sous prétexte que c'était lui qui faisait tomber le sucre glace sur les parts de tarte du Chef de cuisine était une chose, mais contrarier le Chef de partie qui servait d'intermédiaire entre le sous-chef et les commis en était une autre. En plus du respect que le Chef de partie méritait (à contrario de ce petit con de Sullivan) de par son talent et son endurance durant les services, les enjeux d'une engueulade avec lui se résumaient purement et simplement au renvoi définitif ...
« Un plongeur qui cuisine ? On aura décidément tout vu ! » Ironique, le Chef s'approcha d'eux, arracha l'assiette des mains de Reed et appuya sur l'ouverture à pied de la poubelle le plus proche comme pour y jeter le gâteau. Cependant, lorsque l'odeur du met lui parvint aux narines, il ravisa son geste et arqua un sourcil curieux avant d'attraper le cake et d'en croquer un morceau raisonnable. Tout autour de lui, un silence de mort flottait dans la cuisine. D'aucuns se demandaient surement si la cuisine de cet idiot de plongeur n'allait pas faire tomber raide mort le Chef de partie, mais ce dernier eut un bruit gorge appréciateur avant d'avaler sa bouchée et d'effectivement jeter ce qu'il restait de cake. Voyant son unique repas de la journée partir aux oubliettes, Reed soupira lourdement et sentit ses épaules s'affaisser alors que son estomac, lui, criait famine. Sans un mot, le Chef de partie, déposa l'assiette vide entre les mains du commis préposé aux desserts et s'éloigna en direction de ses fourneaux. Bouche bée, Sullivan le regarda passer et la lueur d'espoir qu'il avait eu qu'on renvoie Reed sembla s'amoindrir puis s'éteindre au fur et à mesure que le Chef s'éloignait. Sceptiques, chaque membre de la brigade défigura McKeenan de longues secondes durant avant que la tête du Chef ne réapparaisse à la porte et qu'un
« ET ON SE SORT LES DOIGTS DU CUL ! » remette tout le monde au travail ...
Ce soir là, après le service, alors que Reed, plus épuisé et affamé que jamais, terminait sa vaisselle, le Chef de partie revint en cuisine, vêtu de sa tenue de moto et son casque à la main. Il était de toute évidence sur le point de partir, mais s'approcha tout de même de McKeenan pour engager la conversation.
« Dis-moi le plongeur ... C'est toi qui l'as fait, ce cake ? » « Ouais ... » Maugréa Reed, bien incapable de se donner un air aimable et ne serait-ce que d'accorder un regard à celui qui avait fait de lui une sorte de fauve affamé qui comptait chaque seconde avant de rentrer chez lui et de dévaliser le frigo.
« Cannelle et spéculos n'est-ce-pas ? » « Et fleur d'oranger. » Silencieux, le motard détailla cet employé dont il ne connaissait même pas le nom et se revit, à son âge, tout aussi misérable et tout aussi peu sympathique. Un sourire nostalgique s'étira sur ses traits tandis qu'on pouvait se rendre compte qu'en dehors de ses heures de service, il s'avérait beaucoup moins brusque qu'il ne le laissait croire.
« Et si tu rangeais tes casseroles le temps d'une semaine, qu'on voit ce que t'es capable de faire avec un fouet et une plaque chauffante ? » Sourcils froncés, Reed consentit enfin à tourner le regard vers son supérieur. Ce dernier, toujours souriant, lui décocha une tape dans le dos et enfila son casque dans la foulée. Avant de partir, il passa de nouveau sa tête par la porte et l'interpela une dernière fois, alors que Reed, toujours perplexe, n'avait pas bougé et qu'un goutte à goutte régulier s'écoulait de la casserole qu'il tenait à la main au dessus de l'évier.
« C'est quoi ton nom déjà ? » « McKeenan. » « Bienvenue dans la briguade McKee', t'es un apprenti désormais. »Dès lors, un long processus de formation se mit en route. Juché d'embuches, le parcours fut loin, très loin, de s'apparenter à une partie de plaisir pour Reed. Tout d'abord, il était le plongeur, le moins que rien, le pistonné de l'équipe, celui qui - par on ne savait quel miracle, avait su s'attirer la sympathie d'un Chef de partie réputé pour anéantir le moindre élément retardataire au sein de l'équipe ... Ensuite, il eut à apprendre de la bouche même de Sullivan. Un Sullivan bien évidemment hors de lui d'avoir à s'encombrer d'un apprenti comme Reed, mais preuve fut bien vite faite que le bon à rien de McKeenan prédestiné à devenir balayeur avait en fait de l'or dans les mains en ce qui concernait le domaine de la cuisine. Attentif, réactif, audacieux, pointilleux, créatif, exigeant et d'un potentiel sans fin pour l'apprentissage de nouvelles techniques, Reed se mit à briller pour la première fois de sa vie. Ainsi, malgré les aprioris terriblement négatifs qu'il s'était vu obligé de trainer en bagages dès le début, devint-il au bout de quelques années un Chef de Partie à son tour. Dans le même temps, Sullivan lui aussi l'était devenu et celui qui avait jadis était leur Chef à tout les deux avait décroché le titre de Sous-Chef du grand manitou de la cuisine. Avec le temps, on avait même pu remarquer une sensible amélioration dans les rapports entre Reed et son rival ; ceci pour la simple et bonne raison que chacun d'eux se trouvait à une extrémité de la cuisine et que leurs spécialités respectives se trouvaient en début de repas pour Sullivan (entrées et amuses-bouche) et en fin pour McKeenan (pâtisseries et chocolaterie). Cependant, cette entente cordiale n'était pas faite pour durée car bientôt le Sous-Chef leur fit part de son ambition de laisser la place. Usé par ce boulot trop prenant et après avoir eu le temps de faire 4 enfants à sa femme, leur supérieur ne se voyait plus continuer à ce rythme freiné. C'est donc à cet instant que la guerre véritable commença. Finies les disputes, les critiques et autres chamailleries entre collègues aux atomes crochus inexistants ; Bonjour coups bas, sabotages et intimidations pour avoir le privilège de devenir Sous-Chef à la plus du Sous-Chef dès que ce dernier aurait rendu son tablier ! A ce petit jeu, Reed sut se montrer particulièrement sans foi ni loi et n'hésita pas à piétiner Sullivan pour lui rafler la place tant et si bien que ce dernier, dégouté de s'être fait damer le pion par un cuisinier qu'il avait connu plongeur et qu'il avait été obligé de former, finit par démissionner, purement et simplement, de la brigade. Reed devint donc le nouveau Sous-Chef, il embaucha un autre Chef de partie pour remplacer le non regretté Sullivan et s'attela à l'étude plus poussée que jamais de toutes les cuisines existantes, histoire d'augmenter ses connaissances et de devenir un jour le Chef des Chef, celui qui raflait les étoiles et dont le nom était écris en grand sur la carte du restaurant ...
« Mesdames et Messieurs, mes chers investisseurs et partenaires, laissez-moi vous remerciez d'être venus si nombreux à l'inauguration de ce nouvel établissement. Comme vous le savez, l'entreprise familiale de mon arrière grand-père n'a jamais cessé d'évoluer et de consolider sa place de leader sur le marché de hôtellerie de luxe, tant et si bien qu'à ce jour et grâce à votre soutient, le nom de notre chaine a gagné une notoriété mondiale que nous sommes fiers de concrétiser une fois de plus en célébrant, ce soir, l'ouverture de ce 68 ème hôtel en plein Paris ! » Une salve d'applaudissements accueillit la fin de la phrase du PDG tandis que, dans les coulisses, Reed ne cessait de triturer son nœud de cravate. Il avait beaucoup trop chaud ...
« Comme vous le savez tous, la renommée de nos établissements repose, certes, sur la qualité de nos services et de nos locaux, mais en grande partie avant tout sur le niveau d'excellence des cuisines de nos restaurants ! » Nouvelle salve d'applaudissements. S'il fallait encore attendre, nul doute que Reed allait finir par mourir étranglé par cette maudite corde au cou !
« Aussi, qui dit nouvel hôtel dit nouveau restaurant et qui dit nouveau restaurant dit nouveau Chef. Sans plus attendre, j'ai donc le plaisir incommensurable de vous présenter celui qui assurera la renommée de notre investissement parisien : le jeune et talentueux Chef tout droit venu de New York, j'ai nommé REED MCKEENAN ! » Soudain, tout l'air qu'il lui manquait sembla remplir ses poumons et Reed se jeta dans l'arène tel un gladiateur acclamé par la foule. Face à lui, dans la salle de réception de l'hôtel luxueux auquel il était désormais rattaché, des centaines de convives en tenues de soirées l'applaudissaient à tout rompre. Enchanté, il leva les mains en signe de remerciement et accorda à la foule deux ou trois révérences discrètes tandis que flashs et caméras immortalisaient ce qui devait être le plus beau jour de sa vie. Lorsqu'il s'approcha du PDG, ce dernier l'attrapa par l'épaule et lui offrit un tape paternelle avant de lui enfoncer sur le crâne une toque sur laquelle était brodé en lettres d'or un magnifique " McKeenan * * * " de type gothique ... Il avait réussi, il y était arrivé. Il était le Chef. Le Grand Chef. Le Dieu de la brigade, celui qui n'avait qu'à dire " blanc " pour que le noir devienne has been, celui pour lequel on se battrait des mois à l'avance afin de réserver une table ... Qui l'eut cru ? McKeenan, prédestiné à une carrière de balayeur était désormais Chef de cuisine dans l'un des plus grands palaces de la capitale mondiale de la gastronomie.
La leçon de vie était si belle qu'il ne vit pas venir la rançon de la gloire ...
« Chef ? Chef ? S'il-vous-plait, CHEF ! » « QUOI ?! » Aboya-t-il, agressif.
« On parle en Anglais dans ma cuisine, saleté de grenouille ! » Le commis, visiblement douché par l'humeur massacrante de McKeenan, fit l'effort de continuer en anglais, mais son accent français ne fit qu'accentuer l'agacement de Reed qui - plus concentré qu'un pilote de chasse en plein vol - était en train de sculpter au scalpel des figures géométriques complexes dans une pièce en chocolat qu'un ambassadeur de passage à Paris avait commandée un peu plus tôt à la réception. Pour ce genre de clients influents, Reed refusait de laisser au Chef chocolatier le soin de s'occuper des finitions. Plus précis, plus perfectionniste et sachant pertinemment que ce serait son nom à lui qui serait remis en question si le résultat ne plaisait pas à l'ambassadeur, il voulait absolument être le dernier à toucher l’œuvre avant qu'elle ne soit servie au client. Il en allait de sa réputation.
« Oui Chef, excusez-moi Chef, c'est juste que ... Le Chef Duval m'envoie vous dire que le critique est dans la salle, monsieur. » Imperturbable malgré l'importance capitale de l'information dispensée, Reed tiqua du coin de la bouche comme pour siffler silencieusement un chien et le commis comprit de lui-même qu'il pouvait disposer. Lorsqu'il en eut terminé avec la sculpture en chocolat, Reed reposa son scalpel, marcha jusqu'à son bureau qu'il n'utilisait quasiment jamais puisqu'il passait sa vie en cuisine et s'assit pour faire le point. Tout en expirant calmement, il remit sa toque en place et ferma les yeux afin d'être le plus détendu possible avant que n'arrive la commande fatidique. Car si, en temps normal, aucun Chef n'était prévenu à l'avance de la présence d'un critique de renom dans la salle de son restaurant, c'était sans compter sur le nombre de zéros scandaleusement élevé que le PDG de la firme qui possédait l'hôtel était prêt à gribouiller sur un chèque de pot de vin verser aux fouines les plus influentes et les mieux informées de la capitale française afin de savoir à l'avance et de source sûre qui venait évaluer quoi et quand ...
Pour cette commande, il avait tout préparé lui-même. Entrée, plat, dessert, sauces, même le sommelier n'avait pas eu son mot à dire quant au choix du vin. Ce repas, c'était le repas de sa vie. Il y avait mis son coeur, ses tripes, son savoir faire et toute son application. Les assiettes, toutes plus colorées et stylisées les unes que les autres auraient pu avoir leur place au Louvre tant chaque petits pois y avait été placé avec un soucis du détail ridiculement précis. Du début à la fin, tout, absolument tout avait été sous son contrôle. Tout, hormis le choix du personnel chargé du service en salle. Lorsqu'il avait pris ses quartiers dans les cuisines du restaurant, Reed avait été intransigeant sur ce point : c'était lui et lui seul qui faisait le choix de ses Sous-Chefs, Chefs de partie, Commis, Apprentis et même de ses préposés aux poubelles. Tyrannique, directif et omniscient, il devait tout voir, tout savoir et tout diriger ; de la moindre épluchure de pomme de terre à la façon dont un œuf poché était retourné dans son huile, c'était lui et personne d'autre qui devait dire si oui ou non le résultat était digne d'être servi dans son restaurant. Bon nombre de ses employés avaient d'ailleurs plus d'une fois fondu en larmes sous la multiplicité de ses coups de gueule et autres remarques acides vis à vis de leurs préparations, mais c'était comme ça. C'était lui le Chef, c'était son nom et ses étoiles qu'il mettait entre les mains de chaque membre de ses brigades. De cette façon, il s'assurait de ne pouvoir en vouloir qu'à lui-même si, par un terrible hasard, un plat lui revenait en cuisine avec le mécontentement d'un client. Pour ce qui était du reste, du service en salle et au bar, par exemple, le maître d'hôtel prenait le relai. Un maître d'hôtel qui n'y était d'ailleurs pour rien dans cette histoire et qui ne pouvait pas savoir que le Sullivan qu'il avait embauché comme serveur quelques jours auparavant était aussi la personne au monde qui haïssait le plus McKeenan ...
Accoudé au plan de travail, le visage fermé, et terré dans un mutisme de mort, Reed attendait qu'on vienne lui dépeindre l'attitude et le comportement du critique face à ses plats. Pour jouer au mieux le jeu de l'ignorance, il n'avait pas pu se rendre en salle et constater par lui-même de l'avancée de la dégustation, comme il préférait toujours le faire plutôt que de se référer aux récits des employés. Le plus docilement possible, il s'était donc plié à cette attente insupportable et était resté en retrait, immobile, aux aguets, sur le qui vive. L'entrée, lui avait-on dit, était passée comme une lettre à la poste. Le choix du vin avait été apprécié et le plat avait été savouré jusqu'à la dernière miette, ce qui aurait du le rassurer mais qui, bien entendu, ne le fit pas car Reed était du genre à vouloir voir l'ours mort et vidé de son sang avant d'en vendre la peau. Par ailleurs - et parce que le tout Paris s'extasiait sur la qualité de ses desserts - il savait qu'on l'attendait au tournant sur le dernier des trois plats. Ce soir là, il avait mélangé couleurs et saveurs dans une recette revisitée spécialement pour l'occasion. Avant d'envoyer le plat, il avait goûté chacun des ingrédients et s'était accordé une bonne appréciation personnelle, chose plutôt rare pour le perfectionniste et l'éternel insatisfait qu'il était. Alors, il ne comprit pas pourquoi, tout à coup, un cri déchirant leur parvint de la salle du restaurant. Il ne comprit pas non plus l'arrivée paniquée du maître d'hôtel en cuisines et resta de marbre, incrédule presque, face au spectacle du critique convulsant aux pieds de sa chaise lorsqu'il eut rejoint le reste du personnel côté restaurant. Là, tandis que les regards de tous étaient braqués sur lui - le seul et unique responsable logiquement envisageable, Sullivan eut tout le loisir de sortir par la porte de service, un sourire triomphant aux lèvres et la conscience allégée du poids de la vengeance. Qui, après tout, aurait pu soupçonner le serveur d'avoir discrètement saupoudré le coulis de framboise de mort aux rats alors que toutes les attentions se focalisaient sur le fait que la seule et unique personne à avoir préparé le repas ce soir là était le grand Chef en personne ?
Personne, justement ...
Finalement et après une enquête qui préféra conclure à une confusion dans l'utilisation des produits - voire à l'insalubrité des cuisines en suspectant la présence de rats ... - Reed ne fut pas accusé de tentative d'empoisonnement. Mais, comme c'était à prévoir, personne ne voulut croire à son innocente la plus totale dans cette affaire. Le scandale s'ébruita vite, l’hôtel ainsi que le restaurant perdirent leurs étoiles et McKeenan fut remercié avec pour seule certitude celle de ne plus jamais pouvoir exercer la cuisine gastronomique à haut niveau. Frustré, dégouté, révolté, il tenta envers et contre tout de trouver un autre poste, dans d'autres pays, quitte même à revenir en Amérique, et plus précisément à New York, là où il avait tout appris, mais chaque professionnel de la cuisine gastronomique avait eu vent de cette histoire tant et si bien que plus aucun grand restaurant n'osa le prendre à sa tête. Non pas par doute de ses capacités, mais bel et bien par peur de la mauvaise image. Ainsi, il fut relégué en deuxième division, comme n'importe quel footballeur qui se serait mal remis du tacle de l'un de ses adversaire resté anonyme ...
Ne trouvant plus d'emploi à New York, l'enfant du pays se vit obligé de chercher ailleurs, toujours plus loin, si bien qu'il finit par atterrir ici, à Arrowsic. En tant que Chef, certes, mais qu'est ce que la fonction de Chef cuisto dans la cantine d'un établissement scolaire lorsque l'on a connu la gloire et le prestige d’œuvrer dans les cuisines d'un grand restaurant parisien tout en servant des présidents, des célébrités et des chefs d'entreprises cotées en bourse ? ...