this is where we're meant to be
New York, mon amour. La ville de vos rêves. C'est de la que je viens. Je suis Rose-Elyon, Rose-Elyon Priestley, mais mes amis m'appellent Bee. Je suis belle, je suis riche. J'étais le cauchemar de toutes les filles, le rêve de tous les jeunes hommes que je croisais. Les Priestley, une des familles les plus riches de la ville. Deborah, la mère, la stylise la plus en vogue du moment. Jack, le père, un des avocats les plus demandés – un des plus chers aussi, accessoirement. Rose-Elyon et Victoria, leurs deux petites princesses, les jumelles les plus mignonnes. Ouais, ce sont mes parents, c'est ma sœur, c'est ma famille. Ma famille et son lot de secrets, de conneries. On ne fait pas partie de ce monde-là sans cacher des éléments de son passé, vous savez. J'étais l'une des jeunes femmes qui avaient la chance de constituer la « jeunesse dorée ». C'était indispensable, pour ma sœur et moi. Laissez moi tout vous raconter. Laissez moi vous expliquer comment j'ai fait pour changer autant, pour devenir responsable, adulte. Beautiful, dirty, rich. Qui a dit que c'était facile de vivre ainsi ?

« Vicky, j'ai volé une robe à maman. » A neuf ans j'étais déjà la pro des bêtises. Ma sœur était mon acolyte favorite, toujours partant, pourtant je me souviens que lorsqu'elle a vu mon butin ce jour-là, elle est devenue pâle comme un linge. « Euh, Rosie, me dis pas que c'est la tenue que maman à dessinée pour Trish ? Le mannequin ? » J'avais ri, avant d'acquiescer tout simplement avec un air de défi sur le visage. « Elle s'en fiche de moi. Alors je me venge ! J'ai pas raison ? » Les cris de ma mère s'élevaient déjà dans toute la maison – qui pourtant était immense, je vous assure – et elle hurlait que si elle retrouvait l'une de nous deux en possession de sa robe, la punition serait exemplaire. Ni une, ni deux, Victoria a attrapé la robe et est allé la rendre à Deborah. Elle s'est pris la claque de sa vie, mais ne m'a pas vendue. Ma sœur a toujours été un peu comme ça, à tout faire pour me protéger, sous prétexte qu'elle était la plus vieille. Nous avons toujours été complices. Elle était la seule qui s'intéressait à moi, d'ailleurs. Mes parents étaient doués pour dépenser leur argent, moins pour s'occuper de leurs filles, en réalité.

Le lycée, c'est la liberté. L'ère des grosses bêtises, des nouvelles expériences. Un nouveau départ. Je suis devenue encore plus capricieuse. Désagréable, bornée, rebelle. Séductrice. En dix-sept ans sur Terre, plus d'hommes avaient courus après moi qu'après ma mère, j'en étais persuadée. « Priestley, tu viens à la fête de Cameron, samedi ? » Austin. Il était vraiment magnifique. Et je savais très bien pourquoi il souhaitait que je me rende à cette soirée. Pour me voler ce que les autres n'avais jamais réussi à prendre. Je les allumais, je jouais un peu avec, mais je ne sautais jamais le pas. Je n'étais pas l'une de ces filles faciles. On devait me mériter. « Comme si j'allais louper ça, imbécile. Mais te fais pas trop d'illusions. » Clin d'oeil, sourire. « Ramène ta sœur. Elle veut bien de moi, elle. Tu sais pas ce que tu loupes, mais tu verras, à force de jouer avec le feu, on se brûle, chérie. » Énervée, j'étais partie. Je savais qu'il avait raison. Victoria, la plus responsable de nous deux, était complètement partie en live. Drogue, sexe, drogue, sexe. Point. Et ça me faisait mal de la voir se détruire, mais au fond ça ne m'étonnait pas. De nous deux, c'est elle qui souffrait le plus du manque d'intérêt que nos parents nous portaient.

Tout a dérapé à cette soirée. J'avais un peu trop bu, je ne faisais plus attention. En mini-jupe et débardeur qui ne laissaient pas beaucoup de place à l'imagination, je me déhanchais sur les tables, je m'éclatais. Quand on m'a attrapée par derrière. « Coucou ma puce. On monte ? » Il s'appelait Nate. Il m'attirait depuis quelques temps, mais ne s'intéressait pas à moi. Il savait que je ne voulais pas aller aussi loin que lui l'aurait espéré. « Ouaiiiiis, mon amour ! » Je n'étais plus moi-même. Cette nuit-là, il m'a volé mon innocence. Je me suis réveillée le matin, nue dans un lit qui n'était pas le mien. Un mois et demi après, j'apprenais que j'étais enceinte.

« Vic. Range moi ta coke, va prendre une douche et rejoins moi. Faut que j'te parle. » Elle m'a regardée d'un air absent. Je l'ai incitée à se lever. Elle m'a rejoins une demi-heure après, un peu plus fraîche, réveillée. « Reprends toi en main, Victoria ! Tu comptes être junkie toute ta vie ? » « Arrête de t'inquiéter, Rosie. Mais tu peux sortir si t'es venue me faire le morale. » « J'suis enceinte. » Descente aux Enfers. On ne peut pas qualifier ça autrement, je suppose. Mes parents l'ont su, ils ont menacés de me jeter si je n'avortais pas. C'était trop de pression pour moi : j'ai abandonné le bébé. Et je ne m'en suis jamais remise. Je ne sortais plus, ne voyait plus mes amis, ne supportait la compagnie de personne. J'étais envahie de regrets. Ma sœur n'était même plus là pour moi, elle n'a jamais voulu quitter le monde des paillettes, et elle était trop enfermée dans son cercle vicieux pour faire attention à moi. Je me sentais énormément seule au milieu de tous ces gens. Aussi dès que j'ai eu dix-huit ans, je suis partie. J'ai fermé mon compte en banque, interdisant de ce fait à mes parents de verser ou de prélever de l'argent dessus, et je suis partie. C'est un ami d'enfance, Alex, qui m'a accueilli chez lui, à Arrowsic. Lui aussi avait voulu quitter ce monde surfait, où richesse et beauté faisaient leur loi. Je vis là-bas depuis. Je me suis découvert une passion pour la photographie, j'en ai même fait mon métier. J'ai rencontré de nouvelles têtes, me suis construit une nouvelle personnalité. La nouvelle Rose-Elyon était née. Le culte de l'apparence était fini pour moi. Je ne voulais plus être miss-parfaite, miss-séductrice, miss-pouf. Je me suis doucement remise du fait d'avoir avorté, mais c'est encore dur pour moi d'en parler aujourd'hui. Il ou elle aurait sept ans.