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 I am on fire with love and anger - Ethan

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MessageSujet: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyMer 14 Mar - 17:41

I am on fire with love and anger - Ethan  458587ELIETHAN
Elle était là, confortablement emmitouflée sous sa couette, prête à se laisser happer par les ailes de papillon de Morphée. La fatigue s'était emparée d'elle depuis quelque temps, constamment présente, prête à vous anéantir lorsque vous tentez un vain effort, sans pour autant déchaîner toute sa force. Elle souhaitait récupérer ses forces avec quelques heures de sommeil de qualité, et se laissait même tenter par des tisanes à la camomille qu'elle trouvait tout bonnement infectes. Goût de plante verte fraîchement arrachée dans le jardin d'à côté, et infusée dans un peu d'eau, et éventuellement un assaisonnement pour relever le goût. Elle avait ces périodes où le sommeil lui manquait totalement, exténuée mais incapable de se reposer la nuit. Elle veillait, se retournant sans cesse dans son lit trop grand, occupant à tour de rôle la place de gauche puis celle de droite, fondant son corps dans l'agréable fraîcheur des draps parfumés. C'était comme ça, des espèces de cycles où elle ne trouvait pas le sommeil aux heures convenues, et où le sommeil s'imposait à elle lorsqu'elle était censée rester éveillée. Et elle se sentait partir, glisser doucement dans le monde des songes, lorsqu'une sonnerie stridente la tira en arrière. Mélodie insupportable qui lui avait percé ses tympans, et qui lui arracha un grognement. « Hmm ? Quoi ? » Les yeux mi-clos, ses paupières se décollant lentement, elle fronçait les sourcils à l'entente de la voix d'Ethan. « Hein ? Quoi ? Maintenant ? » Elle était dans le brouillard, trop perdue pour réellement comprendre. Il lui fallait un temps supplémentaire pour assimiler chacune de ses phrases, et ses questions relevaient plus du machinal qu'autre chose. Elle se prit cependant comme une claque dans la face lorsqu'il approfondit ses explications ; et soudainement consciente, elle s'exclama « Tu te fous de moi ? ...Oui, oui j'arrive. » Paniquée, elle se dégagea de son nid douillet, enfilant un pantalon rapidement, et se donnant quelques minutes pour se réveiller. Dans la salle de bain, face au miroir et dans une lumière trop blanche, trop aveuglante, elle peinait à ouvrir ses yeux entièrement. Les mains mouillées, elle se frotta les paupières doucement, tout en se demandant dans quel pétrin Ethan avait pu se mettre, encore une fois. Elle était trop lasse pour sautiller partout et exprimer son inquiétude, mais cela ne voulait pas dire qu'elle ne l'était pas ; s'imaginant ainsi les pires scénarios possibles, tous inspirés des pires films américains. Elle se laissait emporter par ses idées farfelues, ces joueurs de poker à Las Vegas, ivres morts qui ne se rappellent pas de leur soirée passée, et qui découvrent les conséquences catastrophiques de leur nuit de débauche. Ces joueurs qui misaient tout et n'importe quoi, allant des quelques billets à des sommes exorbitantes, hypothéquant leur maison, pariant leur voiture, leur virginité, leur femme, l'avenir de leur enfant, tout et n'importe quoi. Ces joueurs pauvres et avares, qui aspiraient toujours à faire richesse dans quelques combinaisons de cartes, et qui finissaient leur vie en sautant du pont le plus proche. Ou alors ces joueurs arrogants qui finissent poignardés sous les couteaux de leurs anciens adversaires. Oui, il germait en Elizabeth les pires scénarios possibles, aussi dérisoires soient-ils.

Ses mains se crispaient légèrement sur le volant, inquiète et impatiente de voir apparaître la silhouette de son frère. Et toute la crainte accumulée se dissipa d'un coup, lorsqu'il se dressa devant. Silhouette svelte qui s'agrandissait au fur et à mesure que sa voiture gagnait du terrain, et de la petite ombre difforme, elle réussit à distinguer ses formes. Il avait encore ses quatre membres, il était encore séduisant, tout allait donc plutôt bien. Son anxiété se mua alors en dédain, car finalement, cette situation là était ce qu'on pourrait dire, la goutte de trop. Elle pouvait comprendre qu'on appréciait le poker, ou n'importe quel jeu de cartes, mais se ruiner là dedans était quelque chose qui lui échappait. On en ressortait plus assoiffé qu'à l'entrée, regrettant amèrement les billets perdus, et rêvant cupidement à ceux qu'on voudrait gagner. Les dents serrées, elle détailla sa jambe qui se faufilait à l'intérieur, son dos courbé, avant de lui jeter une œillade meurtrière. Qu'il s'en veule, car il avait toutes les raisons du monde. Si elle s'écoutait, elle lui jetterait les pires reproches à la figure, hurlant jusqu'à s'en briser la voix, avant de constater qu'elle répétait le même refrain, et que les couplets ne subissaient que de minuscules changements. Elle perdrait le contrôle du volant, trop occupée à inventer de nouvelles réprimandes, et ils iraient sans doute se fracasser contre une voiture au prochain carrefour. Alors elle prit son mal en patience, se contentant de serrer avec un peu plus de hargne le volant dès qu'elle était prise d'une vague de colère.

Toujours silencieuse, elle se gara, pénétra dans son immeuble, s'engouffra dans son ascenseur, avant d'arriver chez elle. Chez elle, c'était ridicule. Appartement qui pourrait sans doute se révéler charmant s'il était un tant soit peu décoré, appartement dans lequel elle aurait pu se sentir bien, mais non. C'était comme une chambre d'hôtel, quelque chose qu'on est prêt à quitter à tout moment. Impersonnel, c'était le salon de la page 23 du catalogue Ikea, en un peu moins bien cependant, il manquait les rideaux assortis et la lampe au nom suédois farfelu. Elle n'avait pas le cœur à chercher des meubles originaux qui seraient susceptibles de lui plaire, elle n'avait pas l'envie de repeindre ses murs, de changer de parquet. Elle se contentait d'acheter des ensembles tout fait tout beaux et de les déposer là. Parce qu'elle n'avait jamais eu la réelle conviction de rester, persuadée qu'elle s'en irait au bout de quelques mois, ou quelques années.
Elle se posa face à Ethan, dos au mur, les bras croisés ; elle attendait. Qu'il dise quelque chose, qu'il se rende compte à quel point il était minable. Ses yeux étaient posés sur lui, et n'étaient pas prêt de fixer autre chose. Elle se voulait persuasive, mais elle avait l'air ailleurs, se remémorant la merveilleuse rencontre faite la veille. Une idiote, pour rester poli. Une idiote dans toute sa splendeur, aguicheuse comme il les aime. Elle ignorait celui qu'elle blâmait le plus au final, Ethan, ou elles. Jalouse de toutes celles qui avaient devant elles l'occasion de saisir ce qui lui glisserait toujours entre les dents, et abhorrant le comportement de son frère. Elle méprisait ces filles faciles qui se faisaient berner par trois compliments bateaux tout comme elle détestait Ethan d'être celui qui les profanait. Elle avait toutes les raisons de ne plus vouloir entendre parler de lui, mais elle jouait le jeu de la fille vexée qui s'en va et n'attend qu'une chose : qu'on la rattrape, qu'on s'agenouille et qu'on lui accorde les excuses tant espérées. « Je te croyais imbattable au poker. » lui lança-t-elle, finalement.


Dernière édition par Elizabeth Calaan le Sam 17 Mar - 12:05, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptySam 17 Mar - 0:57

Rage et frustration se mêlaient sournoisement au creux de ses entrailles, et ce fut au prix d’un douloureux combat qu’il se retint de casser la gueule du joueur venant de rafler toute la mise. Pas assez alcoolisé pour se montrer suicidaire face à un rustre à la carrure nettement plus imposante que la sienne, il se contenta de regarder impuissant les précieuses clefs de sa voiture hors de prix quitter la table de jeu. Ce triple imbécile avait triché d’ailleurs, il en était absolument persuadé. C’était quelque chose que ses proches avaient rapidement compris : mieux valait ne pas jouer avec le psychiatre. Parce qu’il était réellement redoutable certes, mais surtout parce qu’il pouvait se révéler d’une mauvaise foi alarmante et faire un esclandre s’il avait le malheur de perdre. Il n’avait plus rien de réelle valeur à miser, et c’est pourquoi il se retrouva rapidement frappé par l’air vif de l’extérieur. Et comment tu vas rentrer maintenant, pauvre idiot ? Il n’y avait pas 36 000 solutions, en fait à ce stade, fauché comme les blés et désormais dépourvu de véhicule, il n’en voyait qu’une. Elle mesurait 10 centimètres de moins que lui, avait des yeux à couper le souffle et des mains qui prendraient un malin plaisir à lui arracher les siens si elle daignait ne pas le laisser crever dehors comme un pauvre misérable cette nuit. Il hésita longuement, composant son numéro avant de se raviser aussitôt, pour recommencer la seconde d’après à pianoter sur son téléphone. Manège agité qui se réitéra à plusieurs reprises avant qu’il ne trouve enfin le courage de l’appeler et de lui demander de venir le chercher immédiatement. Il avait redouté qu’elle raccroche, qu’elle lui crie dans le combiné d’aller se faire dévorer par les loups plus loin ou de rentrer en auto-stop, mais non, elle se montra plutôt docile. Certainement trop dans les vapes pour vraiment réfléchir et envisager la cruelle éventualité de ne pas lui venir en aide. Fébrile, il chercha un semblant de réconfort auprès de sa vieille amie la cigarette. Faisant les cents pas alors que la nicotine s’insinuait dans ses poumons pour les noircir davantage, et apaiser légèrement son anxiété. Il faillit la rappeler pour mentir et prétendre que c’était une blague, mais après l’avoir tiré de chez elle à une heure si indue de la nuit, la sentence serait redoutable s’il s’y aventurait.
Et elle finit par arriver, le laissant généreusement se faufiler à l’intérieur en lui réservant en parallèle un accueil glacial, pour ne pas dire polaire. Perles d’acier ressemblant à s’y méprendre à deux icebergs, au point qu’il en frissonna. Il avait révisé dans sa tête toute une panoplie d’excuses en l’attendant : le genre de phrases toutes faites qui sonnaient merveilleusement à l’abri dans son crâne mais qui risquaient fort de ne pas avoir le même succès s’il osait les en extirper. Il oublia de les prononcer. Ses rangées de nacre vinrent mordiller ses lèvres nerveusement, tandis que ses rétines se fixaient sur le paysage ô combien captivant pour ne pas se heurter de plein fouet à la fureur de sa sœur. Silence meurtrier qui ne présageait rien de bon, surtout venant d’elle. Il avait fait plusieurs tentatives pour le briser, se rétractant à chaque fois en voyant comme les mains de la conductrice serraient avec une hargne démesurée le volant en cuir. Naïvement, il avait espéré qu’elle se contenterait de le ramener chez lui et qu’il pourrait repousser les règlements de compte de plusieurs jours, voire même les esquiver tout court. Élan d’optimisme venu d’on ne sait où qui se retrouva réduit à néant lorsqu’il reconnut l’immeuble de la brunette et qu’il la suivit piteusement jusque chez elle. Supportant le supplice du parking puis celui de l’ascenseur sans broncher. Il se sentait comme un gamin qui s’est fait prendre en train de voler des bonbons à la boulangère, un gosse qui vient de se faire renvoyer plusieurs jours de son collège, un lycéen surpris en train de faire le mur par ses parents… infractions traumatisantes à leur échelle exprimant relativement bien combien ses nerfs s’effritaient rien qu’en songeant à ce qui allait suivre.

Mais c’était sa faute tout ça après tout : s’ils avaient été encore au Canada, il aurait appelé un ami proche, le genre prêt à vous aider à enterrer le cadavre caché dans le coffre mais à qui vous n’allez quand même pas jusqu’à avouer que vous brulez de désir pour une femme qui partage votre sang. Ou il aurait réveillé sa mère, qui reconnaissons-le, avait toujours eu tendance à tout lui passer au point d’en faire désormais un adulte immature, égoïste et peu autonome. Bref, Elizabeth ne se serait imposée que comme le troisième voire le quatrième choix dans ce genre de situation et elle n’aurait pas eu à être excédée par son comportement puéril. En un quart de seconde, il venait de retourner la situation pour qu’elle redevienne le bourreau affreusement lâche, et lui la victime de sa perfide trahison. On ne se refait pas.

Le vent d’expectative qui soufflait dans la pièce avait le don de le mettre mal à l’aise et il appuya ses vertèbres contre le mur inconfortable du couloir, juste en face de sa ravissante silhouette. Attendant vainement que le couperet s’abatte enfin sur sa jugulaire. Sa réplique acerbe lui fit serrer les dents et il marmonna dans un grognement furibond : « Faut croire que non. » Laissant s’écouler quelques pitoyables secondes avant d’ajouter, agacé : « Allez va y crache-le ton venin… t’en crèves d’envie depuis tout à l’heure, fais-toi plaisir. Qu’on en finisse. » Il n’avait pas la moindre envie de tergiverser des heures et des heures sur sa conduite stupide, ni qu’elle se comporte comme si elle était l’ainée de la famille. A force de se faire passer pour un pseudo-couple de jeunes mariés, ils finissaient quasiment par y ressembler. Sauf qu’ils ne transpiraient pas le bonheur éphémère de ceux qui se noient dans une ardente passion, jamais rassasiés l’un de l’autre, en passe d’apprendre pourtant que l’amour ne dure que trois ans. Ce couple dont la ferveur encore intacte est touchante, mais qui irrite suffisamment pour qu’on leur souhaite et prédise quand même une fin proche. Non eux représentaient les époux qui se sont pris vingt ans de vie commune dans les gencives, au bord de la rupture. On trouve dommage qu’ils envisagent de divorcer, qu’ils soient constamment en train de se déchirer, mais franchement, on se demande comment ils ont un jour pu s’aimer. Sauf que dans un cas comme dans l’autre, ils ne pouvaient pas compter sur les réconciliations sur l’oreiller car c’était justement le nœud du problème. Attirance impérieuse les rendant aigris, grattant insidieusement sous la surface même quand il tentait de l’enfouir le plus loin possible.

« Mais t’inquiète pas pour la voiture, j’y retournerai demain ou après-demain et je la récupèrerai au poker. » Ouais c’est ça Ethan, creuse encore un peu plus ta tombe, ça lui facilitera la tâche pour t’y précipiter… Il avait lancé ça à moitié pour la provoquer, à moitié sérieusement. Rester sur un tel échec était insupportable, sa fierté maladive ne le tolérait pas. Mais là il venait surtout de lâcher ça par pure insolence, pour que la furie se déchaine.


Dernière édition par Ethan A. Calaan le Dim 18 Mar - 9:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptySam 17 Mar - 16:30

Elle n'avait jamais été plus captivée par la route que cette nuit-là, forçant sa tête à demeurer droite, et évitant soigneusement la silhouette de son frère lorsqu'elle était obligée de regarder sur les côtés. Elle fulminait, trépignait d'une espèce d'impatience injustifiée. Comme si c'était une course, comme si le supplice allait enfin s'arrêter une fois arrivé au bout du chemin, laissant place à un quelconque sentiment de fierté ou de déception, mais dans tous les cas : la fin était là. Le plus dur était passé, on pouvait désormais se reposer de toute cette fatigue. Mais au bout de leur route, il n'y avait pas de foule excitée, pas de confettis, de grande banderole, il n'y avait qu'une nuit qui s'annonçait cauchemardesque. Ils y étaient habitués après tout, et semblaient presque prendre un malin plaisir à tourner chaque moment qui leur était accordé en un pitoyable concours de provocation. Et cette nuit là n'allait pas faire exception, Elizabeth avait déjà en tête toutes les choses qu'elle voulait lui reprocher, cherchant désormais les fioritures à mettre autour pour les rendre plus blessantes.

Et lorsqu'elle brisa le silence, ce fut le début. C'était le coup de feu de départ, celui qui autorise les participants à partir en trombe jusqu'à se tordre les chevilles, jusqu'à s'écorcher les genoux, pour finalement s'affaler à bout de souffle. Et Elizabeth ne voulait pas faire comme ces idiots qui courent pour la première fois de leur vie, et qui pensent qu'il faut courir à 20km/h dès les premières secondes, pour s'effondrer minablement alors qu'ils n'avaient pas encore dépassé la minute. Elle se voulait parmi ceux qui se donnent un rythme régulier, ceux qui tiennent tout le long, pour éventuellement accélérer à la toute fin. Alors elle se contenta de le foudroyer du regard, retentant le flot de reproches qui buttait contre la frontière de ses lèvres. Elle ne lui ferait pas ce plaisir là. Pas dans l'immédiat.... du moins, c'était ce qu'elle souhaitait. Et lui, face à l'absence de réponse, il dut insister un peu plus, lui envoyant une provocation puérile dont il avait le secret. Il avait cette capacité folle de l'irriter ; des remarques qu'elle aurait pris de haut venant d'un autre, et auxquelles elle n'aurait pas accordé la moindre importance ; mais qui venant de lui, avaient le don de la démanger. Lui gratter les nerfs, piquer sa colère. Et il la connaissait suffisamment bien, pour ne pas dire trop bien, pour savoir qu'elle ne pourrait pas se contenir très longtemps. Qu'il suffisait d'un petit coup de pouce, un léger coup de vent pour que la furie se déchaîne. Elle voulait garder son calme le plus longtemps possible, mais elle était loin d'en être capable. Il fallait qu'elle explose.
Un rire aussi moqueur que cynique s'échappa, excédée par tant de provocation et d'imbécillité. Fugace, son visage reprit les couleurs de la colère. « Tu te fous de moi ? » lui avait-t-elle lancé, presque spontanément. Elle était capable de croire n'importe quoi venant de lui, capable de prendre chacune de ses paroles au pied de la lettre. Il était assez culotté pour y retourner et tenter de gagner par tous les moyens sa précieuse voiture perdue la veille. Il était assez effronté pour s'y ruiner une seconde fois, voire une troisième, afin de se résigner à la cruelle vérité – et encore. Il était assez borné pour y retourner et l'appeler une fois qu'il aurait tout perdu une nouvelle fois. A être trop cyniques, ils s'y perdaient. « Et puis tu pourrais miser ma voiture aussi peut-être, non ? Tu veux les clés, tiens, les voilà. Fais toi plaisir, je t'en prie. » elle avait perdu toute son armure de givre, la glace brûlait désormais sous les flammes de sa fureur. Tout en lui hurlant dessus, elle s'était emparée des clés tout juste posées, pour les lui lancer avec violence. C'était beau tout ça, jeune couple marié qui se balance des objets à la gueule. « Je sais même pas pourquoi je suis venue te chercher, j'aurai du te laisser te démener tout seul pour te sortir de la merde dans laquelle tu t'es foutu. Ou alors t'y enfoncer comme un con puisque tu adores ça, n'est-ce pas ? » Elle bouillonnait littéralement, et ce n'était que le début. Elle ne savait pas où se tenir, faisant quelques pas en avant comme si cela donnait plus d'agressivité à ses propos, et reculant tantôt, parce qu'une trop grande proximité de leur corps était dangereux.

« Mais enfin, t'as pas besoin de moi. Avec toutes les filles que tu connais, il y en a bien une sur qui tu pourrais compter non ? T'aurais pas dû m'appeler en fait, t'aurais dû appeler ta pute d'hier. » Elle lui lança un regard à demi satisfait, léger haussement de sourcil qui le mettait au défi. Tu ne l'avais pas vu venir, n'est-ce pas ? Elle voulait voir la surprise s'emparer de ses traits fatigués, la vaine tentative de cacher cette émotion. Malotrue qui s'agrippait à lui comme si sa vie en dépendait, comme si sa perte serait fatale, alors qu'elle ne connaissait de lui que des banalités si ce n'est que de mensonges. Séduite par son charisme et son sourire écorché uniquement, elle ne savait rien, rien de la personne qu'il était. Elle voyait ces filles comme des espèces de rivales, ce qui était assez risible au fond, puisque ni elles, ni lui n'accordaient de réelle importance à ces nuits partagées. Pourtant elle en crevait de les savoir là, de savoir qu'elles existaient, d'avoir l'impression d'entendre les échos de leur cris de jouissance et de voir gigoter grossièrement le piètre fantôme de leur silhouette harmonieuse. Mais en voir une devant soi, à quelques mètres seulement, c'était autre chose. Ce n'était pas qu'une simple claque qui laisse quelques rougeurs, c'était le poing dans la figure, celui qui vous brise le nez et décolle la mâchoire. Et elle se sentait tellement bête d'un autre côté, de s'être rendue dans ce putain de couloir, sans le prévenir. Elle le savait pourtant, que c'était une mauvaise idée, ayant eu le plaisir de tomber nez à nez avec Ella, celle qui lui vole le rôle qu'elle aimerait tant récupérer. Mais elle était comme ça Elizabeth, entêtée et animée par des pulsions et envies irrépressibles. Ce n'était pas sans cette petite bête qui remue l'estomac qu'elle prenait l'ascenseur, allant ensuite à gauche, longeant le couloir et... et les voilà. Couple grotesque sans pudeur. Elle voulait croire avec un optimisme sans doute trop exacerbé qu'Ethan ne prenait pas tant de plaisir à se faire toutes ces filles, et pourtant. Et pourtant, il avait l'air de s'y donner à coeur joie, trépigner d'une impatience presque évidente. Elizabeth, le souffle court avait manqué de tomber avec ses jambes fébriles. A ce moment là, elle s'était sentie trahie, bouillonnant de rage. Comme une mariée qui est persuadée de passer l'un des plus beaux jours de sa vie dans sa robe vaporeuse immaculée, et qui voit ses projets idylliques et ses souvenirs touchants partir en fumée en reconnaissant les gémissements de son mari, couplés à la voix de la demoiselle d'honneur. Elle s'était ensuite éclipsée comme une voleuse, revenant sur ses pas, priant pour ne pas avoir été vue. Mais non, bien sur qu'il ne l'avait pas vue, il était trop obnubilé par la créature perfide qu'il tenait entre ses crocs.
Il lui avait suffit d'y repenser pour avoir l'impression de revivre la scène. La blessure était encore fraîche, quelques heures n'étaient pas suffisantes pour qu'elle s'en remette, sa rancune démesurée ne l'y aidant pas. Son arrogance s'était dissipée, et elle n'arrivait plus à cacher le mal qui la prenait, la jalousie brute qui l'envahissait. Elle était faible, et se détestait pour ça ; se sentant obligée d'enfoncer le clou encore un peu. « Mais sinon ça va, t'as pris ton pied ? T'es satisfait, tu t'attendais à mieux ? Parce que plus j'y pense, plus je me dis que t'as fait une terrible erreur en m'appelant. Tu l'aurais appelée elle, t'aurais évité un discours pareil. En fait, vous auriez sans doute pas parlé du tout. »
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptySam 17 Mar - 23:10

Il l’avait cherché, cet élan de rage. Inconscient doublé d’un suicidaire titillant volontairement les nerfs de la brune volcanique postée face à lui pour en terminer plus vite. Il voyait ses leçons de morale comme une corvée suprême dont il était préférable de se débarrasser maintenant, puisque de toute manière il n’y échapperait pas. La colère grouillant sous sa peau satinée était plus qu’évidente, il la sentait bouillonner et faire exploser chacune de ses cellules dans un feu d’artifice démentiel. Mais elle tenait bon, serrant les dents pour empêcher le ramassis d’insultes devant certainement affluer sur sa langue de s’échapper pour le réduire en pièces. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle risquait fort d’exploser d’un coup, et que plus le moment retardait, plus il allait prendre. Alors mine de rien, il lança ce qui ressemblait faussement à une tentative pour calmer le jeu, une énième ânerie énoncée d’un ton se voulant tout à fait naturel et innocent. Et ce qui devait arriver arriva, elle se décida enfin à réagir férocement. Son petit ricanement en disait long sur ce qui allait suivre et pour la deuxième fois de la soirée, elle lui demanda vulgairement s’il était sérieux. « Non tu penses, je me permettrais pas. » souffla t’il au tac-au-tac, moqueur au possible. L’occasion ne s’y prêtait pas, c’était même presque comme de rire à un enterrement, le sien de surcroit, mais il retint avec peine l’hilarité qui le gagnait lorsqu’elle se mua en une véritable hystérique. Oui là c’était officiel, il se foutait de sa gueule. Il esquiva tant bien que mal les clefs, essayant quand même maladroitement d’attraper au vol les objets métalliques jetés sans la moindre retenue contre lui avant de se baisser pour les ramasser en soupirant. « Je te remercie, j’osais pas te le demander. Mais vois ça plutôt comme un investissement, je m’engage à te rendre les intérêts avec. » Il avait levé la main droite pour appuyer un peu plus sa prétendue bonne volonté, néanmoins de moins en moins amusé par la tournure des évènements. Immature mais sans plus, il sentait poindre un agacement certain en la voyant s’énerver autant pour sa conduite. Ou la désagréable impression qui ne le lâchait pas qu’elle cherchait depuis son arrivée à lui faire payer le calvaire qu’il lui avait fait endurer sciemment pendant des mois ou tout simplement à le faire reprendre l’avion en sens inverse. D’une mauvaise foi criante alors qu’il méritait plutôt deux fois qu’une qu’elle crache son venin. « Ah tu me connais tellement bien. J’avais qu’un seul souhait c’était que tu m’y enlises un peu plus, c’est pour ça que je t’ai appelée, tu me comprends comme personne. Ta logique implacable est remarquable Elizabeth. » Il avait perdu sa pointe d’humour, ne restaient dans ses persiflages que le cynisme et l’agacement.

Il leva les yeux au plafond devant sa réplique amère, pensant sa jalousie fortuite avant que l’acier de ses prunelles ne vienne poignarder ses sphères céruléennes avec étonnement en entendant l’accusation déguisée se préciser. ‘Ta pute d’hier.’ L’injure résonna dans chaque recoin de son misérable crâne, créant un vacarme si assourdissant qu’un tremblement meurtrier lacéra son échine de part en part. Trop surpris pour parvenir à le cacher, il fronça les sourcils et manqua de lui demander comment elle était au courant avant de percuter. Évidemment. Inutile de poser la question pour obtenir la réponse attendue. Tellement peu discret et pudique que tout l’immeuble avait pu être au courant en passant près de sa porte au mauvais moment. Et il avait fallu qu’elle arrive à l’instant précis où il commettait son infâme traitrise. Pas une minute plus tôt où ils se tenaient encore sagement, pas une minute plus tard où ils étaient certes toujours en train de se dévorer les amygdales, mais à l’intérieur, à l’abri des regards. Non, avec le bol monstrueux qui le caractérisait depuis sa tendre enfance, elle était arrivée à l’instant précis où il embrassait fougueusement devant sa porte une créature dont il avait d’hors et déjà oublié le nom et l’adresse. Potiches dociles servant juste à assouvir des besoins primaires. Poupées de cire auxquelles il se brûlait joyeusement avant de ne plus leur prêter attention. Il avait arrêté pourtant depuis qu’il avait renoué un semblant de contact avec elle, et qu’ils étaient supposés entretenir cette pseudo-comédie du couple de jeunes mariés. Peu désireux qu’elle apprenne ses incartades par les ragots du village, et peu désireux tout court d’aller voir ailleurs. Bonnes résolutions parsemées d’échecs ci et là, sous l’influence de l’alcool ou simplement pour combler la frustration lancinante de devoir s’empêcher d’aller trop loin avec elle. Puérilement, il en était venu à se persuader qu’en se soulageant avec une autre, il éviterait tout dérapage avec celle partageant son sang. La psychologie masculine et ses ratés dans toute leur splendeur. Et voilà comment on se retrouvait au pied du mur, en pauvre con qui se respecte. Barrières de nacre qui vinrent mordiller nerveusement ses lèvres abimées pour les punir et l’empêcher d’envenimer une situation s’annonçant déjà particulièrement tendue. Son addiction au jeu devenait presque le cadet de ses soucis en comparaison du reste. Il se sentait minable, il n’y avait pas d’autre mot. La sensation se faisait persistante, engluant sa trachée au point que la déglutition devenait difficile. Ses rétines cherchèrent vainement de l’aide sur le plancher, préférant en contempler les contours boisés plutôt que d’affronter les deux icebergs s’échinant à le fusiller avec une dextérité rarement égalée.

Mal à l’aise, il passa fébrilement l’une de ses mains derrière sa nuque douloureuse, tentant de la masser au passage pour se défaire de ses crispations. Ne la relevant que lorsqu’elle vrilla ses tympans d’une seconde fournée de diatribes toutes plus dérangeantes les une que les autres. Exaspération évidente suffisante pour faire vaciller son simulacre de bonne foi du mauvais côté et enclencher le bouton téléguidant sa propre fureur. « Si tu prenais le temps de prévenir avant de t’incruster comme ça, ça t’éviterait les mauvaises rencontres. » Voix sèche, méchanceté gratuite qu’il regretta instantanément. Sauf que c'était trop tard, il ne pouvait plus reculer ni se répandre en ridicules excuses. Trop arrogant et fier pour s’abaisser à ça. « Je ne te savais pas si soucieuse de mon bien-être personnel, ça me touche. Tu veux peut être que je te dise combien de fois on l’a fait aussi, et où, et si elle aussi elle a atteint l’orgasme ? » Elle avait lancé la machine à broyer, on ne l’arrêterait plus. Flot de grossièretés toutes plus énormes que lui qu’il n’arrivait plus à endiguer, la blessant délibérément alors que cela revenait stupidement à se lacérer lui-même. « J’avoue j’ai hésité et puis finalement c’était trop tentant, une occasion de t’emmerder ça se laisse pas passer. Mais si t’y tiens je l’appellerai tout à l’heure, qu’est ce que t’en pense ? » rajouta t’il par pure provocation, juste pour tester ses limites. Il risquait de tout perdre en agissant ainsi, de se faire jeter dehors et claquer la porte au nez, avant de recevoir l’ordre de ne plus jamais s’aventurer à l’approcher. Et néanmoins c’était plus fort que lui, il fallait qu’il la malmène, quitte à devoir l’implorer par la suite de lui pardonner. Si du moins il en était encore capable. Une expression prétentieuse collée au visage, il prit le risque de se rapprocher sensiblement de la lionne prête à sortir les griffes. Hésitant avant de laisser ses phalanges glisser sournoisement sur le velours de sa joue, descendant lentement jusqu’à ses épaules avant de retomber platement le long de son corps. Geste aguicheur accompagné d’une œillade indécente, dévorant ses courbes avec une convoitise plus ou moins feinte. « Mais tu sais si tu veux, on est pas obligés de parler nous non plus. » susurra t’il, utilisant des intonations séductrices qui n’étaient pas franchement à prendre au sérieux. Clairement, on ne pouvait pas faire plus explicite. Masochiste appuyant de plein gré sur ses plaies béantes, quitte à en élargir les profondes blessures. Mettre le doigt sur le véritable problème pour faire semblant de s’en moquer royalement, et laisser éclater son indifférence à la figure de cette cadette.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyDim 18 Mar - 12:26

Ce qui était pénible, c'était ce cynisme qui le caractérisait si bien. Il n'avait pas besoin de dix minutes de préparation, cela était merveilleusement spontané, piques aussi blessantes qu'arrogantes, affluant avec une facilité déconcertante. Alors qu'elle déblatérait comme une folle, lui faisait résonner ses sarcasmes dans une voix presque calme, dérangeante au possible. Elle était piquée à vif, brûlant de l'envie de lui découper sa langue en dés pour ensuite les enfoncer au fond de sa trachée afin qu'il s'étouffe avec, qu'il se taise, qu'il ravale ses pauvres persiflages. A le regarder, on le prendrait un bon scout qui jure et revendique des valeurs telles que l'égalité ou le respect de l'autre, prêt à vous déballer le paragraphe faisant l'éloge de ces qualités, et vous dire qu'on n'arnaque pas son prochain. Mais elle ne s'attendait pas à moins venant de lui, et il faut avouer qu'elle se serait inquiétée, si jamais il avait fait preuve de bonne foi et de résignation. « Je te remercie. Et qu'est-ce que je peux faire pour toi alors ? Parce qu'on parle, on parle, et au final je ne suis pas sûre de répondre à tes attentes. Et je t'avoue que je suis un peu à cours d'idée, je ne sais plus quoi inventer pour que tu t'y enlises mieux, tu pourrais m'aider peut-être ? Tu sais, il suffit que tu me dises ce que tu veux, et je me ferai un plaisir de t'y aider. Je ferai n'importe quoi pour toi, tu le sais bien. »

Révélation qui fit son effet, et qui ne le laissa pas de marbre. Elle la voyait bien, cette incompréhension qui s'était nichée entre ses sourcils, et qui s'était ensuite muée en un espèce de malaise, ou une honte. La honte d'avoir été pris en flagrant délit, la honte de celui qui s'entêtait dans le mensonge et qui se retrouve contraint d'avouer la vérité face à toutes les preuves qui s'accumulaient contre lui. Mais dans ce cas là, il n'y avait pas de preuves et de témoignages quelconques, pas de vaines tentatives de dissimuler quoique se soit. Arrivés à leur stade, il était tout bonnement inutile de se mentir. Tant mieux si l'autre n'était pas au courant des petites magouilles faites par-ci par-là, tant pis s'il finissait par le découvrir. Au final, les choses n'allaient ni avancer, ni reculer. Il était à un point mort, et peu importait ce qu'ils pouvaient se faire l'un l'autre. Et malgré l'effet provoqué et désiré, Elizabeth n'en tirait aucune satisfaction. Peu fière, mais pas non plus jusqu'au point de regretter ce qu'elle avait dit. Parce qu'on se l'avoue, il l'avait plus ou moins mérité.

Si elle prenait le temps de prévenir... D'une certaine façon, il n'avait pas tort. Mais à quoi est-ce qu'il s'attendait, qu'elle prenne rendez-vous, qu'elle lui dise à quelle heure elle allait passer, et pour quelles raisons ? Et avec des raisons valables s'il-vous-plaît. Non, c'était absurde. Elle ne le faisait pas avec ses amis les proches lorsqu'elle était encore au Canada, et elle n'allait sans doute pas commencer à le faire avec son propre frère. Elle jugeait qu'ils étaient au dessus de ça. Trop habituée à l'avoir dans la même maison depuis vingt-quatre ans, la seule idée de ''chez Ethan'' plutôt que ''chez nous'' était déjà assez perturbante.

« Ah mais Ethan, ton bonheur fait le mien. Alors dis-moi, vas-y, vante moi tes exploits sexuels avec ta putain, mais j'en crève tellement d'envie. »
C'était dingue d'être masochistes à ce point. Elle s'y perdait dans ce tourbillon insensé, ne sachant plus si elle voulait le blesser lui, ou si elle aimait juste la sensation lancinante et étouffante qui l'oppressait. Elle ne savait plus à quoi tout cela servait, comme s'il y avait eu un but un jour. C'était juste de l'entêtement stupide et bête, foncer dans le tas sans aucun plan tactique, rien qu'avec la violence des mots, et attendre. Attendre la fin de la bataille, et aviser selon le constat final. Et pour cela, ils s'étaient armés de la même façon, lame de sarcasme tranchants et bouclier de fierté inoxydable. « C'est une bonne idée.... » et à peine avait-elle commencé sa phrase qu'il s'était rapproché, posant ses phalanges froides sur sa joue embrasée. Délicate caresse qui s'en alla mourir sur ses épaules, et qui lui lacéra complètement l'échine. Regard indécent qui s'était posé sur elle, et qui ne présageait rien de bon. Elle le regardait déconcertée, prise au dépourvu. Elle aurait aimé le voir venir, pour ne pas lui montrer qu'elle était en train de perdre ses moyens. Invitation douteuse qui vint se glisser jusqu'à ses oreilles, de quoi en avoir un haut-le-cœur. Cynisme aussi répugnant que délicieux, et c'était ça le problème. C'était une idée qui lui donnait la nausée certes, mais qui se révélait tout de même bien séduisante. Et c'était ça le pire. De la pure provocation et elle le savait, elle en avait parfaitement conscience, mais une infime partie d'elle ne pouvait s'empêcher de prendre ça au sérieux et de brûler de désir. Et même si aujourd'hui la tentation d'y céder se faisait moins forte, sans doute à cause du contexte et de la colère qui avait trouvé où se loger ; elle n'était pas réellement certaine de se montrer aussi ferme les fois suivantes. C'est ainsi que sa main gauche se releva, le pouce et les doigts de part et d'autre de sa mâchoire, qu'elle finit pivoter sur le côté, avant de se dégager de là. Désormais à quelques mètres de lui, elle se sentait un peu moins menacée, et pouvait reprendre son cynisme, et rajouter un peu d'huile sur le feu à moitié éteint de sa fureur. Mais cette espèce de fuite était une terrible preuve de l'effet qu'il avait sur lui, et Elizabeth le prenait comme une sorte de défaite, ou en tout cas une difficulté qui lui avait fait perdre la face. Et elle n'allait pas le laisser savourer ça. Elle s'humecta légèrement les lèvres, puis : « Tu sautes sur tout et n'importe quoi mon pauvre, t'es jamais rassasié. » lui dit-elle, en secouant brièvement la tête et en feignant un air d'incompréhension. S'il voulait jouer à ça, d'accord, on pouvait y aller. Bien décidée à sauver le petit bout de fierté qui s'était effrité quelques secondes auparavant, elle s'avança vers lui, cette fois, au lieu de reculer comme une vulgaire proie face à un prédateur imposant. « Mais puisque c'est toi, je vais te faire une faveur. T'as qu'à appeler... comment elle s'appelle en fait ? Enfin, t'as qu'à l'appeler, et puis on pourra faire tout ce que tu veux. » Ce n'était que de l'insolence, et ils étaient incapables d'exécuter ne serait-ce qu'un dixième des effronteries proliférées, qui toutefois, n'en étaient pas moins sales et cruelles. Elle se sentirait bien bête s'il osait la défier de réaliser tout ce qu'elle lui énonçait avec tant d'audace ; mais la réciproque était vraie aussi. Les incapacités de l'un était malheureusement – ou heureusement – celles de l'autre également.
Et parce qu'elle ne faisait pas les choses à moitié, il fallait qu'elle illustre ses propos avec des gestes. Réduisant encore la distance, elle exécuta dans le même ordre que lui précédemment son petit geste aguicheur, effleurant avec tendresse sa pommette puis sa balafre, descendant la ligne de sa mâchoire, terminant finalement dans l'encolure ; sans oublier bien évidemment le fameux regard incongru.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyVen 23 Mar - 15:27

Il était cet enfant aussi médiocre que stupide, aussi lâche que maladroit, qui fait de mauvais choix et ne s’en excuse pas. Ce garçon qui s’en mord les doigts d’avoir commis de telles bavures mais qui ne fait même pas semblant de revenir en arrière. Celui qui n’assume pas totalement ses actes mais refuse de l’admettre par peur de perdre la face. Sauf qu’ils n’étaient plus des gamins, et que les vulgaires enfantillages d’autrefois, les vaines disputes à propos de futilités oubliées dans les deux minutes qui suivent le claquement de porte, s’apparentaient désormais à de la pure perversion. Elle se faufilait partout, dans ses paroles, dans ses gestes. Étau à broyer se resserrant inexorablement sur elle, sur lui, sur eux. S’incrustant sans qu’il n’ait d’autre possibilité que d’en avaler le poison, et de laisser ses veines se flétrir, se pourrir, sous les assauts de l’arsenic ayant remplacé l’oxygène d’origine. C’était malsain, dénué de toute beauté et dépourvu de la moindre poésie. Ils pourraient bien s’y perdre comme des forcenés, s’y enliser jusqu’à l’os, le résultat resterait toujours horriblement laid et révulsant. Jamais ils ne semblaient toucher le fond, et quand bien même, ce n’était pas les outils qui manquaient pour creuser davantage. Même capables d’y aller à mains nues, d’arracher la terre avec leurs ongles pour creuser leur propre tombe. Pourtant ça ne servait à rien, ça ne menait à rien. Même l’Enfer, ils y étaient déjà.

L’idée de nier ne lui était pas venue à l’esprit, l’effet de surprise étant trop important pour qu’il puisse mastiquer et recracher un mensonge un tant soit peu crédible. De toute manière, même s’il avait eu l’occasion de se préparer, il voyait mal comment il aurait pu trouver quoi que ce soit de crédible pour justifier son acte. Ce n’était pas comme s’il pouvait lui lancer un « ce n’est pas ce que tu crois » vu et revu dans les films. Lancé spontanément quand on est acculé au pied du mur mais terrifié à l’idée de reconnaitre qu’il n’y a plus d’issue, qu’on est cuit. Il n’allait pas non plus prétendre à une crise de somnambulisme aiguë ni que sa conquête éphémère s’était jetée sur lui sans lui laisser d’échappatoire. Et il lui en voulait de débarquer comme ça, sans prévenir. D’avoir mis entre eux une distance presque insurmontable en quittant le Canada, mais de ne pas être gênée à l’idée de frapper à sa porte à n’importe quelle heure sans y avoir été invitée. Car lui avait besoin de se préparer psychologiquement à ses venues, lui en était arrivé à un stade tel que toute spontanéité était exclue et que ne rien contrôler le rendait littéralement fou. Haïssant autant qu’il adorait le fait de la trouver devant chez lui comme ça, sans raison particulière. C’était également l’une des failles, probablement la plus évidente, de leur comédie du pseudo-mariage. Logiquement supposés vivre sous le même toit. Ne pas pouvoir se rassasier l’un de l’autre en dépit des fréquentes disputes inhérentes à un couple qui bat de l’aile à l’issue d’une union prématurée. Sauf que cela s’achèverait par un sanglant fait divers, ils s’entretueraient s’ils devaient une nouvelle fois cohabiter puis se croiser dans les dédales de l’hôpital. Rien que les quelques visites à domicile dont étaient ponctuées chacune de leurs semaines manquaient systématiquement de se terminer par un massacre. Nerfs à vif qui exploseraient sous la pression.

« Je penserai à filmer la prochaine fois, c’était tellement jouissif que je peux pas te le résumer par des mots. »
Il avait énoncé ça comme une pauvre vérité, comme quelqu’un qui poussé à bout, finit par lâcher le morceau hargneusement. Alors que tout ça n’était qu’un ramassis de mensonges. Étreinte sans âme qui l’avait laissé effroyablement vide, échauffant son armure de glace sans réellement parvenir à la faire fondre. Potiche sans intérêt qui l’avait laissé aussi affamé et esseulé qu’auparavant, inapte à combler le monstre vorace lui dévorant les entrailles depuis des années. Il n’avait vibré que d’un plaisir superficiel, mécanique. Créature charmante devenue brusquement fade lorsqu’il avait fini d’obtenir d’elle ce qu’il attendait. L’amenant à regretter de l’avoir ramenée chez lui, parce qu’il ne pouvait pas la foutre dehors comme une malpropre mais qu’il n’avait aucune envie qu’elle reste.
Ses provocations n’avaient plus de limites, elles atteignaient leur paroxysme. Il se répugnait, tournant l’inceste en dérision alors qu’il était le premier à en crever de honte. S’embourbant dans cette saleté abominable les caractérisant à merveille. Séducteur misérable ravi de faire courir le long du dos de sa sœur un frisson compulsif. Espérant qu’elle saurait se montrer moins sulfureuse que lui, en n’accordant pas le moindre crédit à son invitation au goût franchement douteux. Fantasme qui avait de quoi faire frémir d’horreur, plus putride qu’aucun autre. Ne serait-ce que l’envisager était atroce, alors le concrétiser… Et paradoxalement, il en avait besoin de ces contacts teintés d’une attirance insalubre et interdite. Affreusement. Besoin viscéral de brûler sa peau égratignée par le vice à celle de sa cadette, quitte à s’écorcher jusqu’à la moelle. Se tenir à une distance respectable se révélait incroyablement douloureux, et compliqué tant il pouvait se sentir incomplet sans elle.

Un intense soulagement s’empara de lui lorsqu’elle s’écarta, teinté d’une pointe de déception qu’il renia en bloc. Satisfait de sa pitoyable petite victoire, d’avoir suscité chez elle une gêne suffisante pour qu’elle s’éloigne sans demander son reste. L’ombre d’un sourire cynique se dessina sur ses lèvres en entendant sa réplique, reflet parfait de ce dont il avait cherché à se persuader au départ. Une montée d’hormone, une curiosité glauque et morbide. Il s’était d’abord convaincu qu’il était en manque, quand il s’était aperçu de l’effet contre-nature qu’une femme partageant son sang avait sur lui. Il avait essayé de ne pas s’angoisser, il s’était dit que ça passerait et fait violence pour ne plus sombrer dans ce genre de délire grotesque. Lutte vaine contre des instincts incompréhensibles qui s’était finalement soldée par un échec retentissant. Il se demandait ce qui avait mal tourné, comment des parents normaux avaient pu forger deux monstres si aisément. Un passait encore… mais les deux ensemble ? Orgueilleuse aussi bornée et infréquentable que lui, relançant les dés au lieu de se montrer raisonnable et d’arrêter là la partie. Malgré lui, il ne put s’empêcher de frissonner lorsqu’elle s’avança vers lui. Vile enjôleuse trouvant judicieux d’user des mêmes armes, au lieu de prouver qu’elle valait mieux que sa vermine de frère. En apparence stoïque, volontairement hautain, il se retint toutefois de s’emparer de son poignet afin de le repousser et de le tordre dans un angle dangereux. Pulsion violente visant à la dissuader de réitérer ses manèges lascifs, et de l’imiter si puérilement. « Ta gentillesse te perdra. » Murmure rauque et acerbe échappé avant que ses phalanges perfides n’entourent sa taille pour la contraindre à se rapprocher davantage, froissant le tissu tandis que son souffle suave se répandait dans son oreille : « Je crains malheureusement de ne pas avoir les moyens, je me suis vraiment ruiné ce soir… Une putain passe encore, je devrais pouvoir me le permettre… Surtout d'aussi basse échelle que toi. Mais deux à la fois, ça serait trop juste. » Ou comment faire s’envoler en poussière de vaines promesses. Il s’était juré de ne plus l’insulter, d’éviter les grossièretés comme la peste. En quelques phrases, il venait de tout balayer et de relancer les hostilités. Il se recula enfin, l’acier froid de ses prunelles venant à la rencontre des flammèches qui jaillissaient dans celles de sa partenaire d’infortune. S’appuyant contre la fraicheur du mur avec nonchalance, alors qu’il sentait ses jambes défaillir et son pouls s’accélérer dangereusement. « C’est tellement dommage, t’aurais du nous rejoindre hier au lieu de faire la timide, on t’aurait fait une place. » Moquerie narquoise qu’il regretta amèrement, susurrée comme s’il était indifférent voire fier de sa conduite alors qu’il aurait voulu la supplier de lui pardonner. Traitre dissimulant ses véritables sentiments derrière un masque tenace d’arrogance, entretenant les apparences tandis que tout, absolument tout, s’effondrait en lui. Il aurait aimé lui confier à la place qu’il était terriblement désolé, que cette fille insipide ne représentait strictement rien. Lui avouer qu’au fond elle ne lui plaisait même pas, au même titre que n'importe quelle autre ne portant pas ses traits. Lui dire qu’il n’était qu’un con doublé d’un minable, qui ne sait que piétiner ce qu’il a et ravager ce qu’il pourrait avoir. L’implorer d’oublier ça, et lui jurer qu’il allait enfin se décider à changer et à la mériter. Mais c’était niais, mielleux, pathétique, et qui plus est totalement déplacé et incongru de jurer à sa sœur appartenance et fidélité.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyVen 23 Mar - 23:20

Tout cela prenait une tournure peu catholique ; enfin, catholique n'est pas vraiment le bon mot, car ils étaient désormais bien loin de toute croyance, toute morale, tout respect quelconque. Ils bafouaient avec une aisance déconcertante tout et n'importe quoi avec leur infamie des plus sales. Ils mériteraient sans doute le bûcher pour leur passion dégueulasse, à la vue de tous pour qu'on sache quelles bêtes de foire ces deux-là sont, à la vue de tous pour qu'on puisse leur cracher à la gueule, et leur souhaiter un bon séjour dans les flammes de l'Enfer. Et pourtant, même les flammes les plus brûlantes ne seraient pas aptes à déraciner ce qui s'était si bien ancré en eux. C'était là, dans chaque recoin de leur crâne, dans chaque souffle expiré, dans chacune des cellules, comme si c'était génétique. Et on pourrait sans doute se poser la question, peut-être est-ce une anomalie encore inconnue du monde qui fait qu'on éprouve un sentiment aussi démesuré que déplacé pour une personne portant le même sang ? Peut-être que cette anomalie était comme des petits aimants placés dans tout le corps, qui attiraient avec une force surpuissante les bouts de fer dans le corps de l'autre ? C'était peut-être ça, l'explication de ce mal viscéral qui la prenait à proximité d'Ethan ? Cette sensation d'avoir quelque chose qui est en train d'exploser à l'intérieur, d'avoir le souffle court, la poitrine oppressée. Cette sensation de rejet et d'attraction simultanée, faisant que leur corps réclamait le contact de l'autre, et que leur esprit contestait violemment le contraire. Peut-être que tout cela n'était qu'une maudite maladie. Si seulement... Si seulement il y avait des raisons, des excuses.
La froideur, la distance, le périmètre de sécurité qui s'étaient installés pendant des mois entiers lorsqu'ils côtoyaient encore le même toit avaient soudainement disparu une fois arrivés à Arrowsic. Il n'était plus question de se cracher sa rancœur à la figure, il n'était plus question d'insultes incessantes toutes plus blessantes que les autres, de fuites vaines et de regards fuyants. Maintenant, c'était ce jeu insupportable qui avait commencé et qui ne s'arrêtait plus. Appuyer avec férocité sur ce qui fait mal, et attendre, voir, constater. Voir si l'autre tient, s'il résiste, ou s'il cède. Alors qu'autrefois elle instaurait soigneusement quelques mètres d'écart entre elle et lui, aujourd'hui elle allait jusqu'à réduire à néant la distance qui pouvait parfois les séparer. Arrowsic était inévitablement un tournant pour eux, et certainement pas le meilleur.

Ce qu'Elizabeth ne pouvait nier, c'était que son frère avait un réel don pour ces répliques meurtrières. Elle ne voulait pas se l'avouer, mais elle espérait naïvement l'entendre marmonner quelques excuses, aussi inefficaces soient-elles, aussi pathétiques, peu spontanées et dérangeantes soient-elles ; mais bien sûr, il ne réagissait pas comme ça. Il continuait ce qu'elle avait lancé, redoublant d'efforts à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Jouissif... L'idée même était répugnante. Elle savait qu'une grande part de ces paroles étaient exagérées voire totalement fausses, excellant dans l'art du mensonge et de l'arrogance mieux que quiconque. Et pourtant, même en ayant totalement conscience du peu de crédit qu'elle devrait accorder à ce qu'il dit, elle ne pouvait s'empêcher de serrer les dents, et de réprimer cette vague de jalousie qui montait. Alors que parler de sexe avec son frère devrait être inimaginable, eux en parlaient en apparence ouvertement. Non pas parce qu'ils n'avaient aucun tabou et qu'ils pouvaient discuter de tout et n'importe quoi sans en ressortir la moindre gêne, mais parce là où une sœur devrait ressortir du dégoût, Elizabeth elle éprouvait un terrible désir. L'évocation des dernières conquêtes sexuelles de son frère aîné devrait la révulser, et c'était le cas, mais pas pour les bonnes raisons. Ce n'étaient jamais les bonnes raisons, jamais les bonnes décisions, les bons actes. Tout était un foutu bordel, faisant à tour de rôle ce qu'il y avait de plus minable. Aucun d'eux ne déclarait forfait : Ethan brisait même les quelques centimètres restant entre eux, glissant ses doigts autour de sa taille, l'attirant contre lui. Et comme toujours, c'était cet espèce de combat intérieur, entre le plaisir et la répulsion. Le plaisir du corps qui sentait enfin cette chaleur tant recherchée, et parallèlement cette insupportable voix criarde qui hurlait à l'infamie, à laquelle s'ajoutait somptueusement la voix de son frère, lui susurrant les plus beaux compliments qu'il pouvait trouver. Oui, une vulgaire pute de bas étage. Et c'était toujours le même refrain, cette envie insatiable qui était là lorsque lui ne l'était plus, ayant décidé de s'adosser contre le mur derrière. Désir montant qui était coupé en plein élan. L'envie de plus, sans pour autant être apte à s'en emparer. « Qu'est-ce qu'il y a de pire, en être une ou en raffoler ? Qu'on se le dise, de toutes les putes que tu as pu fréquenter, je suis celle qui te colle à la peau et dont t'arrives pas à te débarrasser. Qu'est-ce que ça fait d'avoir ce penchant pour les filles les plus misérables, les putes de bas-étage comme moi hein ? Qu'est-ce que ça fait Ethan ? » Dénigrer sa propre personne n'était pas un véritable problème, ça ne lui éraflait pas tant que ça l'ego, mais dire tout haut que cette passion était présente était un véritable supplice. Ils n'avaient jamais vraiment parlé de ça, jamais prononcé le mot passion envers l'autre, jamais le mot inceste. Ils le savaient parfaitement, mais poser des mots dessus était autre chose. Mais l'arrogance la poussait loin, la colère y aidant également. Au moment même où elle évoquait ce besoin crucial de l'autre, elle eut ce sentiment de malaise, l'impression d'avoir fait un lapsus révélateur terrible. Quelques secondes pour cacher cette honte qui s'abattait cruellement sur elle, et voilà qu'elle repartait : « Je sais, je sais. J'aurais dû rester, mais sur le coup, j'ai eu peur. J'ai eu peur que tu me délaisses, trop intéressé par ta nouvelle proie. » Le fantasme bien connu et devenu relativement banal que d'avoir une expérience sexuelle à plusieurs n'était pas vraiment l'un des siens. Elle pourrait se retrouver face à Ethan et à la perfection masculine, mélange de Brad Pitt et de Tom Cruise ou de je ne sais quel mâle qui déchaîne les foules féminines, et son choix serait fait, sans la moindre once d'hésitation. Oubliant l'objet de fantasme de tant de femmes, elle savourait avec un appétit vorace l'odeur de sa peau, jusqu'à l’écœurement, si celui-ci est possible. Elle irait à la découverte de grains de beauté qu'elle ne connaissait pas encore, et à la recherche des combinaisons en forme de caresses qui lui grisent les sens. Elle apprendrait la mélodie de sa respiration, le rythme de ses soupirs, et se délecterait ce de petit souffle qu'il laisse échapper lorsque les commissures de ses lèvres se relèvent. Beaux fantasmes teintés de douceur et de délicatesse, alors que la réalité était affreusement tranchante. « Puis elle était pas aussi petite que moi, t'avais pas besoin de te casser le dos pour lui dévorer les amygdales, alors bon, tu comprends... J'avais peur de ne pas faire le poids. Mais puisque tu m'invites si gentiment, la prochaine fois, j'hésiterai pas. Parce qu'on sait bien qu'il y aura une prochaine fois, n'est-ce pas ? »

Elle lui jeta un léger sourire flottant sur le coin de ses lèvres, les sourcils relevés, avant de tourner les talons, et d'attraper la bouteille d'eau posée sur la table basse. Ce n'était sans doute pas aussi épuisant qu'un cross, même si elle commençait à ressentir une sécheresse au niveau de la gorge. Mais psychologiquement, c'était difficile de tenir ; même si les nombreuses querelles qu'ils avaient pu avoir constituaient progressivement un entraînement intensif qui la préparait et l'améliorait considérablement pour prochaines disputes. Lui faisant de nouveau face, elle lui lança : « Au fait, plus j'y pense, et plus je me dis que t'as vraiment un problème pour calmer tes ardeurs. Bon, t'aimes toutes ces filles qui sont de véritables nids à IST, d'accord – d'ailleurs, t'as vérifié, pas de syphilis, ça va ? Mais en plus de ça, t'as un penchant pour les gamines ? Je sais qu'Ella est mignonne mais il y a quand même des limites, non ? » Elle savait qu'il n'y avait rien. Parce qu'il n'était pas si détraqué que ça – quoiqu'elle pouvait quand même avoir quelques doutes, sans pour autant vouloir connaître l'âge de la plus jeune ayant cédé à ses charmes. C'était finalement l'une des relations les plus saines, sans doute, qu'il ait jamais eu ces derniers temps. Teintée de la candeur et de la fraîcheur de ces filles qui touchent du bout des doigts la majorité et qui sont encore pleines de rêves et d'ambitions. C'était ça, qui leur manquait. Ce petit bout d'innocence, qui avait volé en éclat depuis désormais bien longtemps, faisant place à une conscience plus que dérangeante.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyLun 26 Mar - 18:58

Quel effet ça faisait ? Avait-elle vraiment besoin de poser la question ? Parce qu’elle devait certainement subir les mêmes sévices, ne serait-ce que chaque fois qu’elle croisait son reflet dans le miroir non ? C’était abominable, c’était ce qu’il avait connu de pire. Cette passion infernale s’insinuant dans la moindre brèche, le plus infime de ses pores, hantant ses jours et ses nuits. C’était atroce de s’endormir avec son image dans la tête, et de se réveiller avec cette même image gravée. C’était plus qu'infect de l’aimer à en crever, à s’en damner, et par-dessus tout de la désirer comme un aliéné. C’était immonde, de vouloir être pour elle tout à la fois alors que la nature les avait d’emblée condamnés à n’être rien de plus qu’un frère et une sœur. C’était être constamment habité par des flammes mais sentir à chaque élan de lucidité cette chaleur le quitter lentement, vicieusement, pour qu’il se heurte au sinistre spectacle de sa déchéance et à la froideur extrême de son existence ratée. Les vilénies qu’elle pouvait proférer lui rappelaient avec une exactitude déroutante la voix hurlante et moqueuse de son abjecte conscience. Il regretta presque les multiples pas les séparant, tant il aurait voulu lui coller sa main sur la bouche histoire de l’empêcher de mettre des mots sur ce qui le tenaillait. Se faire broyer les os par un train lancé à pleine vitesse devait sans doute être un supplice moindre en comparaison de ça, mort expéditive surement préférable à cette insatiable torture. Mais après tout, il l’avait cherché. Il avait provoqué sciemment et effrontément sa jalousie et sa fureur, et une part de lui, aussi horrible soit-elle, arrivait à s’en délecter. A apprécier le fait que le voir avec une autre ne la rende pas indifférente, alors que quelques semaines auparavant elle lui assurait avec aplomb que savoir qu’il se faisait toute sa promotion ne lui ferait ni chaud ni froid. « Tu sais parfaitement ce que ça fait. » marmonna t’il bon gré mal gré, ses rangées de nacre se scellant rudement pour ne pas lâcher le flot d’insultes lui engluant désagréablement le palais. Il l’avait parfois pensé, qu’elle n’était qu’une trainée, une fille facile se réfugiant entre les reins du plus offrant. La trouver avec un autre l’avait rendu fou, et il n’avait jugé bon de lui accorder que son plus profond mépris en représailles. Mais là en cet instant, il regrettait profondément que le frère modèle qu’il était autrefois ne soit plus là pour casser la gueule au scélérat qu’il était devenu, et qui osait parler si mal à sa cadette. Captif d’une prison intérieure dont il lui était impossible de se délivrer, la clef de la cage d’acier ayant été égarée dans les tréfonds de son âme pourrie par le vice. C’était terrible et épuisant de devoir ainsi détester celle qu’il avait tant adorée, et de saccager les débris de leur innocence sans parvenir à s’arrêter. Il ignorait comment se positionner par rapport à elle. Plus vraiment une sœur, pas tout à fait une amante… quel nom donner à cela ? Si ce n’est celui qui lui écorchait la langue, brut et émétique. Inceste. Avant qu’il ne s’insinue dans son esprit, transperce ses chairs et érafle ses poumons, jamais il n’aurait cru qu’un simple mot puisse faire rejaillir en lui tant de haine et de dégout. Envers elle, envers lui-même.

Derrière les sarcasmes, il avait presque l’impression de déceler une part de vérité. Qu’elle pouvait vraiment croire que l’une de ces poupées insipides en comparaison d’elle pourrait un jour la remplacer, devenir réellement une rivale. Une telle chose lui semblait malheureusement impossible, tant l’ampleur de ses sentiments pour elle dépassait l’entendement. Et même les yeux barrés de cernes, clouée au lit avec 40 de fièvre, son attirance pour elle restait intacte. On se moque de l’apparence que peut avoir sa sœur, même quand on l’aime d’un amour qui est tout sauf platonique. Mais il fallait avouer qu’il les choisissait généralement aux antipodes du physique de la brunette. Grandes, blondes, élancées. Fétichiste préférant oublier ses tourments dans les bras d’enjôleuses ne ressemblant aucunement à celle partageant son sang. « Plus ça va, plus tu t’enlises dans le ridicule je constate Elizabeth… » siffla t’il d’un ton légèrement radouci, n’en restant toutefois pas moins acerbe. Inapte à couper court à ces hostilités et de s’avancer pour la rassurer. Au fond à part jouer les séducteurs de pacotille, qui susurrent de vils mensonges à l’oreille des plus naïves, il n’était pas capable faire preuve d’un minimum d’honnêteté. Ou en tout cas, plus avec elle. « Je ne me doutais pas que mes conquêtes te créaient de tels complexes, je vais tâcher de les choisir plus petites s’il n’y a que ça pour te rassurer. » Il en rajoutait, tournant à la dérision ses propos avec un sadisme certain et inébranlable. Amusement factice qui fut subitement abandonné pour répondre d’une voix lasse à sa question rhétorique : « Qu’est ce que tu veux que je te dise ? Que je vais rentrer dans les ordres et devenir un saint ? » Même en diminuant la fréquence, même en faisant preuve d’abstinence pendant quelques temps histoire de faire preuve de bonne foi, en admettant qu’il en avait encore, il était certain qu’il ne tiendrait pas indéfiniment. Distractions trop plaisantes pour qu’il y renonce, aussi éphémères et mécaniques soient-elles. Rien que l’idée de devoir être fidèle à sa sœur faisait courir des frissons pénibles le long de ses membres, tant l’idée de former véritablement un couple était dérangeante. Dérangeante mais délicieuse également dans son crâne rempli de contradictions. Il ne comprenait d’ailleurs absolument pas comment elle avait pu rester passive devant le baiser langoureux qu’une autre lui avait arraché, comment elle avait pu tourner les talons au lieu de s’approcher pour les rouer de coups. Jaloux à l’extrême, il aurait quasiment pu briser la nuque de son prétendant dans un excès de rage. Et en tout cas sa générosité naturelle l’aurait amené à laisser un souvenir cuisant et impérissable au misérable ayant eu l’audace de la toucher, histoire de le dissuader de refaire la même erreur. Pour l’avoir endurée, il savait aussi combien la douleur ressentie était intolérable. La souffrance subie était d’une violence à couper le souffle, comme une lame qu’on tourne et qu’on retourne en plein cœur. Il aurait du se réjouir que le boomerang qu’elle lui avait lancé sans une once de pitié ait fini par revenir à l’expéditeur, mais il se sentait surtout minable. Imaginer la torture qu’il lui avait infligée la veille lui serrait la gorge. Main de fer invisible rendant sa respiration difficile même s’il tentait de ne pas trahir la culpabilité qui le taraudait.

Cependant, il n’eut pas l’occasion de s’apitoyer sur le sort de la jeune femme très longtemps. A peine sa gorgée d’eau enfilée, qu’elle relançait la machine. Moulin compresseur jamais fatigué de broyer ses nerfs et de les réduire en miettes. Répliques aussi odieuses que mesquines qui firent tout sauf caresser la bête tapie dans ses entrailles dans le sens du poil. La dernière attaque le laissa interdit et une fois de plus, il fut incapable de dissimuler son trouble. Décidément, il fatiguait. Deux fois surpris en tout juste quelques minutes, c’était à croire qu’il perdait de sa dextérité à anticiper et encaisser la perversité de ses frappes. Un vent d’expectative souffla dans la pièce, et le dangereux calme qui s’instaurait prouvait qu’elle était allée trop loin. Les colères froides, les pires. « Non mais… ma parole tu deviens complètement névrosée ma pauvre fille ! » Il se rapprocha sensiblement, légèrement menaçant alors qu’il s’astreignait à garder une distance de sécurité pour ne pas déraper. « Jusqu’à quel point tu me crois détraqué, hein ?! Bordel j’ai peut être un problème pour calmer mes ardeurs comme tu dis, mais je suis pas tordu au point de m’intéresser à une gamine qui sort tout juste de la puberté. » Bon il exagérait un peu, Ella n’était pas si peu âgée que ça. Mais il n’empêche qu’il ne lui était même pas venu à l’esprit ne serait-ce qu’un millième de seconde de se rapprocher de l’adolescente de cette manière-là. Et puis elle lui semblait démesurément fragile de surcroit, avec un pied dans ses contes de fée et l’autre dans le monde des bisounours, tandis que lui s’était heurté à une réalité aussi tranchante que sordide. Mais il était suffisamment dément pour être amoureux d'elle, alors le doute était surement permis pour le reste. Après l’inceste, voilà qu’il était limite accusé de détournement de mineure. A ce rythme là, si les pathologies et les péchés continuaient de s’accumuler dans son historique, le passage du jugement dernier allait être interminable. Il était outré par ce qu’elle lui reprochait, se demandant si elle était sérieuse ou si à court d’idées potables, elle s’était décidée à lui balancer la première ânerie venue à la figure. La connaissant, tout était possible et il n’écartait donc aucune éventualité.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyMar 27 Mar - 18:53

« Tu sais parfaitement ce que ça fait. » Battement de paupières rapide, quelque peu déstabilisée. Peut-être parce qu'elle s'attendait plutôt à une réponse acide, quelques insultes de plus, où il la traiterait comme une minable saleté, comme la lie de la lie, décharge publique où sont entassés les pires immondices que l'Homme a pu porter. Mais contre attente, il lui avait juste sifflé quelques mots, presque sans les artifices auxquels ils s'étaient habitués, dans leur forme la plus brute. Et il avait parfaitement raison, et ça avait quelque peu freiné son élan d'arrogance. Bien sur qu'elle savait, évidemment. Partageant cette même douleur, ce truc affreux qui vous bouffe littéralement, physiquement, moralement, tout ce que vous voudrez, tout ce que vous avez à proposer. Ça vous vide l'être et vous encombre pourtant constamment, ça vous pèse et vous laisse démuni. C'était la passion totalement brute, pas seulement le côté romantique et dégoulinant de ce mot, mais toute sa violence. La passion qui vous déchaîne, la destructrice, la ravageuse. La frénésie des émotions dévastatrices. Elle se sentait comme une sangsue et un bout de viande à la fois : chair qui se vide de toutes émotions, évidée, pour se remplir parallèlement de l'autre côté. Pas un amour de pacotille qu'on exagère avec de grands gestes, avec de grands maux qu'on embellit avec quelques hyperboles par-ci par-là. Elle avait même l'impression d'être dans l'euphémisme constant. C'était cette passion abrupte qui vous broie, passion qui brûle autant qu'elle gèle. C'étaient tous les paradoxes inimaginables, les combinaisons les plus folles et contradictoires. Aimer et haïr à la fois, désir et répulsion, dans les mêmes proportions. Et c'était fatiguant cette lutte perpétuelle, cette impression d'avoir une armée de lion enragé enfermé dans sa cage thoracique, qui n'a qu'une envie : s'échapper. Briser les barreaux, broyer les os. Rugissement féroce qui résonne à tue-tête, qui réduit vos chairs à de la charogne. Et c'était dommage pourtant, car si on arrivait à isoler ce sentiment, hors de son contexte putride, il pouvait se révéler plutôt noble, plutôt digne. Quelque chose de fougueux pour ne pas sombrer dans la mièvrerie, mais toujours dans la retenue, dans le politiquement correct. Oui, on aurait sans doute pu. Mais le pire dans tout ça, c'était qu'ils étaient persuadés de leurs sentiments comme si c'était un fait démontré, scientifiquement prouvé, et approuvé, et vérifié. Ils étaient loin des leurs seize ans, là où l'on découvre avec une sorte d'émerveillement béat l'amour, ses joies et ses peines. On était loin de l'époque où les amourettes duraient à peine, où les ruptures semblaient déterminer la fin du monde, l'écroulement total de l'être ; avant de se rendre compte quelques temps après... qu'il y avait pire, et qu'il y aura pire. Période où tout semble être éternel alors que ce n'est que précaire. Arrivés à vingt-quatre et vingt-huit ans, ils étaient normalement – comme le déroulement logique des choses le voudrait en tout cas, sortis de cette période où régnait l'acné purulente. S'éloignant petit à petit de la vingtaine joviale, pour frôler de près la trentaine, cet âge auquel on tente d'oublier les coucheries passées, et on où l'on essaie de bâtir quelque chose de stable. Elizabeth et Ethan était bien loin de ce stéréotype là, approchant chacun de la trentaine comme ils approchaient leur fin. Elle se contenta alors de rester debout, les bras ballants et les yeux fuyants.

Elle lui avait alors balancé des conneries monstres à la face, hargneuse, haineuse. Puis elle s'était replongée dans ses pensées putrides, ses remords, ses regrets, sa culpabilité, n'importe quoi. Dans le carnage dominant dans son crâne. Elle arrivait à un point où ses réponses relevaient du mécanisme. Elle avait troqué ses phrases à rallonge pour quelques mots. « Merci, t'es un amour. » Fatiguée, épuisée à une heure si tardive d'être encore debout et de recracher les mêmes reproches encore et encore. Elle était à bout de force, exténuée par sa journée, par ses nuits agitées, et il avait fallu qu'il l'appelle. Elle voulait juste que tout s'arrête, cette journée alors qu'elle n'avait même commencé, cette guerre infernale qu'il y avait dans sa tête, et entre elle et son frère. Il fallait vraiment que tout s'arrête. Mais ça ne faisait que s'accélérer, la chute s'accélérait, et elle osait espérer s'écraser dans le fond assez rapidement, mais non, toujours pas, toujours rien.
« Ils voudront même pas de toi. » Il pourrait s'abstenir pour le restant de sa vie, son âme était trop souillée déjà. Sans doute trop sale pour s'approcher d'une église sans avoir un rejet immense. En plus du fait qu'il ne pourrait sans doute pas tenir, il fallait aussi se dire que ça ne serait jamais suffisant. Elle trouverait une nouvelle chose à lui reprocher, elle en inventerait une nouvelle, elle comploterait même contre lui, juste pour avoir le plaisir de l'accabler sous les torts.

Mais Elizabeth aimait trop ses longues phrases pour rester longtemps avec trois pauvres mots, elle avait ce besoin d'en rajouter, incapable de s'exprimer brièvement. Et là voilà repartie avec un nouveau reproche, qu'elle regretta au moment même où il traversa la frontière de ses lèvres. Rapidement, elle perdit l'espèce de fierté qu'elle affichait avec dignité sur sa face au fur et à mesure que le silence se propageait, silence trop significatif pour qu'il puisse être de bonne augure. Ses traits relevés s'affaissaient, avec cette attente insoutenable qui commençait à grandir. Ce silence abominable qui laissait à l'esprit d'Elizabeth l'occasion d'imaginer les pires sentences pour sa stupide effronterie. Elle aurait préféré qu'il s'enlise les sarcasmes, qu'il la blesse avec des insultes encore et encore, mais pas ça. Pas ses colères froides tant redoutables, son regard perçant qui vous transperce l'être et vous laisse en lambeaux. Elle eut un léger sursaut lorsqu'il se rapprocha soudain, lui crachant alors au visage à quel point il pouvait être outré et indigné. Intimidée, parce qu'elle connaissait assez bien Ethan pour savoir qu'il valait mieux se taire dans ces moments là. Que continuer à provoquer le diable était une très mauvaise idée, sauf si on a des tendances suicidaires mais qu'on manque de courage ou d'imagination pour les réaliser. Son pied flancha vers l'arrière, bref geste de recul avant de retrouver l'usage de ses jambes, et de se tenir droite devant lui. Non, pas assez tordu pour s'intéresser à des gamines à peine sorties de la puberté, mais assez pour s'intéresser à sa propre soeur. Lequel était le plus tordu finalement ? Certainement pas le premier. Car qu'on se le dise, il en existait bien des couples ayant dix ans de différence, si ce n'était beaucoup plus. Des couples qu'on prend pour une relation paternelle, certes, mais qui finalement ne se portaient pas si mal. Une fois passés les préjugés, il pouvait réellement y avoir de l'amour et du respect. Elle aurait voulu lui dire ça, mais voyant l'état dans lequel il se trouvait actuellement, elle préféra se rétracter. Mauvaise idée que de continuer à enfoncer le clou, parce qu'elle risquerait de se prendre le marteau dans la gueule d'une force incontrôlée. Elle releva finalement les yeux qu'elle avait baissé sous la menace ; prenant une voix plus douce et essayant de trier ses phrases une fois arrivées sur le bout de la langue, en enlevant toute preuve de sarcasme déplacé. Elle se voulait tendre ou rassurante, mais elle ne semblait pas bien douée à ça : le cynisme reprenait toujours le dessus au bout de trois syllabes. « Non c'est vrai, t'es sans doute pas assez tordu pour ça. Mais elle est partout cette fille, elle te cherche à l'hôpital, limite je me demande si elle te prépare pas des plats qu'elle t'apporte accompagné d'un mot doux. Elle est envahissante, elle est même chez toi. » Elle marqua une pause, oui, tu te rends compte Ethan ? Qu'est-ce qu'une gamine de dix-sept ans fout là ? « Elle vient comme si de rien n'était, elle sautille dans l'ascenseur et gambade dans les couloirs jusqu'à ce qu'elle frappe à ta porte... » Elle sentait sa voix qui s'engloutissait sous les sanglots montants, les larmes qui prenaient vie sous ses cils. Insupportable sensation de se sentir faiblir, d'avoir tous les membres, toutes les cellules qui la lâchent. Mal de ventre ambiant qui se renforçait, par sa proximité, par toute l'aura colérique qui flottait autour de lui, d'eux.

Elle était jalouse, enragée face à n'importe quelle personne portant deux chromosomes X qui approchait son frère. Incapable de prendre position, elle voulait tout. La soeur, la femme. C'était peut-être une qualité que de s'acharner, de ne pas se contenter du strict minimum, mais d'aller chercher toujours plus loin, au prix d'écorchures sur les mains, sur les jambes, ce qu'on souhaitait vraiment. L'obstination n'était pas toujours mauvaise si on y réfléchissait, même si dans leur cas, elle l'était. Ce désir de l'absolution était affolant et effronté. Une folie pure et douce qui s'était imprimée sur leur chair. Ça rythmait littéralement leur existence. Oui, elle voulait absolument tout d'Ethan, mais dans cette lancée là, il faudrait sans doute qu'elle le séquestre dans un chalet isolé sur un mont encore inconnu, pour qu'elle puisse être la seule à l'approcher. « Et puis elle pénètre dans ton capharnaüm avec son univers à elle, ses poneys roses et ses arcs-en-ciel à la con... On aurait dit moi. Quand j'avais cinq ans. » Parce qu'aujourd'hui, la seule chose qu'elle était encore capable d'apporter au capharnaüm d'Ethan, était le sien. Esprit aussi sombre qu'une caverne, humide et dangereux. Quelque part où ne souhaiterait pas s'aventurer, et encore moins s'y perdre. Alors que les pensées d'Ella devaient être des coussins moelleux où chaque chute était amortie par un marshamallow parfumé, c'était sans doute la chocolaterie de Willy Wonka dans sa tête. Elle était irritante à être si innocente. « Elle a un frère tu sais, elle en a pas besoin d'un deuxième. » lâcha-t-elle finalement dans un souffle, mettant enfin un terme à ses descriptions relativement insensées. Comme pour essayer de le calmer, elle posa sa main sur sa joue, caressant délicatement sa peau. Une vaine tentative d'excuse peut-être, qu'elle préférait implicite plutôt que formulée oralement ; ou alors une supplique tacite censée lui faire comprendre qu'elle, elle avait besoin de lui. Désespérément besoin de lui. Terrifiée de le perdre, de se voir voler la vedette. Qu'on lui pique sa place privilégiée de soeur, qu'une vulgaire maîtresse use de ses charmes pour attirer son bien-aimé dans ses filets poisseux. Et pourtant, il était totalement insensé de penser une chose pareille, puisque totalement consciente qu'elle et son frère étaient tous les deux captifs de la même prison, tous les deux incapables de grimper et de s'en sortir. Les échecs se succédaient, s'entassaient. On ne les comptait plus, ils étaient tellement bien intégrés à leur quotidien que la notion d'échec semblait même avoir disparu. Mais même en ayant conscience de ça, elle arrivait à éprouver de la peur. Peur de finir seule dans une bulle incestueuse qu'elle était incapable de percer, s'étouffant ainsi dans son propre oxygène. Peur de le voir partir réellement, de se dire qu'il avait réussi à trouver une issue ; de le savoir heureux alors que son esprit et son cœur étaient gangrenés. C'était cette putain d'égoïste angoisse d'être abandonnée. « Et toi t'as pas besoin d'une autre sœur. »
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyDim 1 Avr - 14:17

« Ils voudront même pas de toi. » Non, en effet. Ça ne faisait aucun doute.. Il se retint de lui dire ‘de toi non plus’, parce que c’était terriblement puéril et pathétique comme genre de répartie. Même si c’était la vérité. Ce n’était pas l’une de ses ambitions en fait, la religion et ses balivernes, il y a longtemps qu’il n’y croyait plus. Il ne tremblait pas en attendant le jugement dernier, il ne quémandait pas non plus l’absolution d’un Dieu les ayant d’hors et déjà tous abandonnés. Seule sa morale, accompagnée de ses notions fragiles du bien et du mal, le mettaient au supplice et c’était suffisant pour virer insomniaque. Tout menait à une impasse, à la prédiction d’un avenir sordide. Et il n’avait d’ailleurs jamais été très doué pour faire des choix, ce qui menait indéniablement à un cul-de-sac. Il faudrait se décider vite dans ce chaos qui tourne à plein régime, parce que personne n’attend les retardataires. Tant pis si tu as manqué le bon train, tant pis si tu n’es pas descendu au bon quai de gare. Des ‘et si’ qui changeraient radicalement la vie, remettraient les engrenages ayant déraillé à leur emplacement d’origine. Espérance futile…

Sa colère le faisait totalement perdre pied, il le sentait bien. Il savait que mieux valait utiliser les clefs de voiture encombrant encore son poing serré ou même rentrer à pied, plutôt que de rester là et de dire voire faire des choses qu’ils regretteraient amèrement tous les deux le lendemain. Mais pour une fois, ce n’était pas une lancinante convoitise charnelle qui le taraudait le plus. Non il songeait surtout à lui décrocher la mâchoire, et elle avait en cet instant de la chance qu’il ait conservé quelques principes s’agissant des femmes. Il ne supportait pas qu’elle mêle l’adolescente à leurs histoires, qu’elle la glisse comme si de rien n’était au milieu de leurs sujets de discorde. Parce qu’il n’y avait pas de ça entre Ella et lui. Pas d’amour, pas de fraternité, pas de mélange des deux. Aucune ambigüité, aucune peur oppressante que l’autre s’en aille. S’il retournait au Canada, peut être qu’elle lui manquerait de temps à autres. Peut être que la boite à souvenirs s’ouvrirait par mégarde et que telle ou telle chose lui rappellerait l’innocence de la jolie blondinette. Mais ça s’arrêterait là. Il ne se retrouverait pas à l’agonie. Il ne sentirait pas des milliards de lames de rasoir taillader son misérable myocarde pour n’en laisser que des lambeaux. Faisant naitre une souffrance si intense que son palpitant semblait parfois insensible, bourré d’analgésiques et de tranquillisants. Non, rien de ça. Absolument rien de tout ça. Il ne traverserait pas des milliers de kilomètres pour la retrouver, égratignant sa raison et piétinant son orgueil au passage. C’était juste une parenthèse, au milieu d’une vie ratée et brouillonne qui n’en finissait plus de le tacler et de le laminer tant qu’elle le pouvait. C’était juste quelques heures dans la semaine où il se sentait à peu près normal, un peu moins détestable. Elle arrivait à le distraire de ses idées noires, lorsqu’elle daignait ne pas le bombarder de questions indécentes sur son mariage. Il s’était pris au jeu malgré lui. Ours mal léché apprivoisé par une fillette à la témérité frôlant la bêtise. Accomplissant l’exploit de se retenir de grogner autant en sa présence. Il n’avait pas cherché à ce que les choses évoluent ainsi, il lui avait bien fait comprendre qu’il ne voulait pas l’avoir dans les pattes. Que ce n’était pas un infime acte d’héroïsme qui les obligeait à devenir proches. Sauf qu’elle n’avait pas écouté, têtue comme une mule. Et de fil en aiguille, c’est vrai qu’elle s’était immiscée dans ses habitudes et que l’air renfrogné qu’il empruntait quand elle débarquait sans crier gare devenait une simple façade. C’était reposant de ne pas sentir ses entrailles se tordre dans tous les sens et de ne pas redouter constamment que son piteux myocarde s’échappe de sa cage thoracique.
Glacial, il s’efforçait de rester silencieux en l’entendant décortiquer une à une toutes les raisons expliquant qu’elle soit dévorée par la jalousie. Certainement intimidée, elle avait baissé le ton de plusieurs crans. Effort insuffisant pour parvenir à l’attendrir, tant il sentait poindre les prémices d’un futur ultimatum. Impuissant à endiguer ce flot de paroles, tout comme il le serait à arrêter ses larmes si celles engluant sa gorge finissaient par jaillir. Une part de lui mourait d’envie de la prendre dans ses bras pour arrêter le massacre pourtant, mais il lui en voulait trop pour s’y astreindre. C’était son problème, il ne savait pas rendre les armes même quand l’adversaire en face semblait en passe de capituler. Comme s’il était vital de la démolir, de s’assurer qu’elle était à terre sans possibilité de se relever, pour souffler. Quand elle évoqua l’univers doucereux et édulcoré version Ella au pays des merveilles, il comprit enfin le fin mot de l’histoire. Ce n’était pas de la possessivité d’une épouse craignant d’être quittée pour une enjôleuse plus jeune et alléchante qu’elle dont il s’agissait. C’était celle d’une sœur qui craint affreusement de voir son ainé lui échapper, protéger une autre cadette à sa place. C’était la réaction typique de la petite dernière de la famille. Pourrie gâtée jusqu’ici et dont le monde duveteux s’effondre quand elle découvre qu’elle va devenir la benjamine. Il n’avait pas immédiatement compris ça, tant cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé dans ce genre de position. Préférant éclipser, même si c’était impossible, ce lien du sang inébranlable pour apaiser les hurlements déchainés de sa conscience. Oscillant du désir à la haine sans complexe.

Il frissonna lorsque les doigts fébriles de la brunette se coulèrent sur sa pommette, y imprimant un semblant de tendresse. Stupéfait par ce qu’il venait d’entendre, il la laissa faire. Stoïque, appréciant la douceur de sa caresse tout en étant révulsé par ce contact. Sa dernière affirmation le fit sursauter, comme piqué par une aiguille, et il dégagea sa main avec dédain et brusquerie. Attrapant ses épaules avec hargne, la secouant légèrement tandis que sa prise sur le haut de ses bras se resserrait dangereusement. C’était probablement douloureux mais il se moquait éperdument de lui faire mal. Il l’obligea à se rapprocher, plantant l’acier de ses prunelles dans l’eau des siennes pour qu’elle voit combien il trouvait ses réflexions absurdes et déplacées. Qu’elle se réveille, bordel. Elle était irremplaçable, quelle que soit la place qu’elle pouvait occuper. « Mais putain c’est quoi ce cinéma Eli ? Tu me lances des insanités à la gueule et ensuite tu crois que jouer soudainement au pauvre petit chaton esseulé ça va suffire à me calmer ?! » Il la secoua comme un prunier une nouvelle fois, avec davantage de force, avant de la relâcher comme une vulgaire marionnette de chiffon. S’écartant de quelques pas, ressemblant à un lion en cage cherchant vainement une issue dans sa prison infestée de barreaux. « Je suis un frère suffisamment médiocre avec toi, j’ai aucune envie d’étendre le carnage. Une seule sœur c’est déjà de trop. » Sifflements passablement furieux ne présageant strictement rien de bon. Il la lacérait à distance, et ses azurs aussi troubles qu’inquiétants en aurait effrayés plus d’une. On lui en avait souvent fait la remarque d’ailleurs, et il n’y avait vu qu’un compliment. Il s’arrêta finalement net, jugeant avisé de rajouter au cas où elle n’aurait toujours pas saisi : « J’ai pas l’intention de devenir ça pour elle, je sais pas où tu vas chercher toutes ces conneries mais arrête… Arrête. » C’était presque une supplique. Un besoin qu’elle retire ses critiques avant de tout gâcher. Avant qu’elle bousille sa seule relation amicale saine depuis des lustres, et la teinte du sceau de la trahison et de l’infamie. Parce qu’il lui arrivait de songer à plus, à sortir la tête de cette bulle incestueuse même si sans son oxygène vicié il nageait en apnée. Même si l’éventualité qu’il puisse mériter plus, aspirer à plus qu’à se contenter de cette passion dégueulasse uniquement lui donnait la chair de poule. Il avait la trouille, parce que petit à petit ils s’échinaient à faire respectivement le vide autour de l’autre. Isolés à cause cette foutue liaison destructrice les assassinant à feu doux. Enlisés dans cette solitude perfide qui n’avait ni début ni fin. Grignotant leur humanité pour qu’il n’en reste que des miettes, et que seuls les monstres en eux survivent et dominent. II ne voulait qu’elle, il n’aspirait à rester qu’avec elle… et en parallèle, il étouffait littéralement. La souffrance le prenait aux tripes, s’embrasant à la moindre parole, au moindre geste. Damné se battant pour retrouver son insouciance d’antan, quitte à ce qu’elle transparaisse sous les traits d’une adorable blonde qui l’aurait agacé en temps normal. Sauf qu’il était foutu, fini, maudit. Rien ne servait de se débattre pour regagner la surface, il était coincé dans cet entre-deux aussi miteux qu’indéfinissable. Or sa foutue fierté l’empêchait de l’admettre, et médisant comme cela devrait être interdit, il continua sur sa lancée : « Remarque je crois que parfois je préfère encore passer mon temps avec une gamine qui sautille sur place et voit le monde en version rose fluo multicolore qu’une espèce d’hystérique frustrée qui me débecte chaque fois que je pose le regard sur elle. » Réplique horrible qu’il ne pensait pas, si démesurément masochiste que cela ne pouvait être que faux. Un quotidien parfait, rangé, dans la norme, lui donnait le cafard. Il semblait qu’il n’était pas fait pour ça, pas fait pour se contenter de la banalité d’une existence normale. Banalité rimait avec fade, et seules les émotions extrêmes étaient aptes à faire vibrer sa carcasse morne et vide. Et ça le répugnait de l’admettre, c’était honteux d’aimer à ce point s’écorcher sur le bitume à force d’y tomber. Et paradoxalement, il en avait marre de s’écrouler. « Alors je te déconseille fortement de t’engager sur ce terrain là… c’est miné, et ça va finir par vraiment t’exploser à la figure si tu t’entêtes. » Avertissement soufflé entre ses dents serrées, risquant d’envenimer les choses. Mais de toute manière, ils n’en étaient plus à ça près n’est ce pas ? Plus anéantis que vivants, infectés par un poison les ratatinant de l’intérieur sans prendre la peine de couper la mécanique du cœur. Élixir les menant à leur perte, inexorable et irrémédiable. Là-bas au bout de ce chemin interminable, parce qu’il faut mériter son entrée dans l’antre de Lucifer et que l’Enfer est pavé de bonnes intentions. Aucun répit, même pas le courage de se loger une balle entre les deux yeux pour ne plus rien ressentir d’abominable. « Nous sommes tous promis à la mort, tous sans exceptions. Mais pour certains parfois la ligne verte semble bien longue. » Et seigneur ce que cela pouvait prendre tout son sens devant la torture permanente qu’Elizabeth représentait et le calvaire qu’ils se faisaient endurer. Ensemble ou à tour de rôle.


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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyLun 2 Avr - 20:17

Un bref son s'échappa de sa bouche, signe de sa surprise, ou de sa crainte, lorsqu'il attrapa sèchement ses épaules. Elle avait eu raison de se calmer un peu, de baisser d'un ton, car lorsqu'il daignait briser le périmètre de sécurité placé entre eux deux pour une raison autre qu'un baiser fougueux, c'était qu'elle avait réellement gratté ses nerfs. Gratté jusqu'à atteindre une démangeaison insupportable, insoutenable. Malgré ses excès de violence relativement réguliers s'il fallait faire le compte, Ethan s'était toujours montré comme un agneau avec elle, du moins, avant. Le grand frère qui n'hésite pas à se chamailler avec sa sœur mais en faisant attention de ne pas lui laisser une éraflure, ni même une rougeur. Il fallait laisser sa peau intacte, ne pas salir toute cette blancheur. Mais plus ça allait, et plus on s'éloignait de ce souvenir poussiéreux. Il lui avait attrapé le cou et les cheveux la dernière fois, là il serrait avec une hargne folle ses bras. Elle essayait de s'en défaire, ou du moins de relâcher les étaux, mais inutile, elle le savait d'avance. C'étaient ces mêmes mains qui l'avaient maintenue coincée entre son corps et un mur, et il fallait dire qu'elle mettait beaucoup de force et d'espoir dans ses frappes passées qu'aujourd'hui. Aujourd'hui elle se contentait de remuer sans entrain ses épaules pour tenter de faire glisser ses doigts, alors qu'il la secouait, une fois, deux fois. Ses dernières phalanges semblaient blanchir sous la pression, tandis qu'elles laissaient sur sa peau satinée quelques marques rosées. Elle manqua de perdre l'équilibre lorsqu'il se décida enfin à arrêter ; sa main droite venant caresser l'épaule opposée.

Elle le laissa continuer, consciente que chaque mot sortant de sa bouche ne ferait qu'envenimer la situation. Que même les mots les plus doux, les plus sincères ressortiraient comme de vils mensonges. Car elle s'était réellement calmée, intimidée face à son élan de rage évident. Ce n'était pas une de ces nombreuses comédies, un de ces rôles de pacotille qu'elle jouait, entre l'allumeuse aux portes-jarretelle en dentelle et la poupée aux grands yeux écarquillés plein de larmes. Elle se sentait défaillir, excessivement fragile et en passe de s'effriter sous les sifflements furieux de son frère ; même si sa dernière réplique réussit à la toucher. Cela ressemblait en effet à une supplique, presque douce à l'oreille. Mais elle était incapable d'arrêter, même si une partie d'elle savait que la relation qu'il entretenait avec Ella était saine. Elle se sentait obligée de réduire à néant ce qui pouvait rôder autour de lui, réduire en cendres chaque rivales, même celles qui n'en étaient pas. D'ailleurs, aucune n'en était, mais dans la tête d'Elizabeth, c'était tout le contraire. Toutes les mêmes ces vicieuses, prétentieuses qui se plaçaient en bas de l'échelle de son estime, filles insipides qu'elle regardait d'un oeil dédaigneux, mais qui pourtant parvenaient à attiser les braises de sa jalousie, de sa peur. « C'est pas à moi d'arrêter. » finit-elle par souffler. Il était clair pour elle que tous ces reproches se dissiperaient aussitôt qu'Ethan arrêtera toutes ses folies. Que ses élans de jalousie n'était qu'une réaction logique à ce que lui pouvait se permettre. Du moins, elle voulait s'en persuader, elle voulait croire qu'il était encore possible de faire la part des choses, entre les reproches mérités et le plaisir de s'écorcher les lèvres. Sa parole suivante la laissa interdite ; elle était bourrée de mauvaise foi, bourrée de l'exact contraire de ce qu'il pensait, et elle le savait. Oui, quelque part, au fond, si elle réfléchissait avec sa raison, elle pourrait éventuellement en conclure que tout cela n'était que façade. Mais sa raison était morte, envolée, perdue, en fumée, en éclats. La seule réflexion qui avait lieu en ce moment là était celle qui cherchait des mots aussi blessants que siens. Affirmation qui eut l'effet d'une poigne de fer serrant son cou, lui coupant toute circulation d'air, l'étouffant sans pitié. Elle n'avait pas besoin de lui pour se sentir comme une hystérique frustrée qui démarre au quart de tour. Elle n'avait pas non plus besoin de lui pour s'enfoncer un peu plus dans la douce et belle illusion qu'elle ne sera plus sur son piédestal aux yeux d'Ethan un jour. Mais c'était très généreux de sa part de vouloir l'y aider, sans doute une qualité dont ils avaient hérité tous les deux. Partageant leurs bonheurs autrefois, partageant leur haine aujourd'hui. La générosité était constante, il n'y avait pas de filtre, c'était tout dans son état le plus brut, l'altruisme était sans limite ; ah, comme c'était beau. Affirmation qui sonnait affreusement faux, mais qui réussit quand même à semer le doute chez Elizabeth. Il n'avait pas le droit de lui faire ça, de leur faire ça. De foutre sa main dans une plaie béante et d'y arracher tout ce qu'il y a sur le passage. De lui rappeler le supplice du miroir le matin, la remontée amère dès le moment même où les paupières se décollent réellement et que la vue devient nette. C'était tous les jours la même chose, rituel matinal qui ressemblait vaguement à celui des adolescents en pleine crise qui ne se supportent plus. Elle sentait les sanglots lui bloquer la gorge, empêcher le moindre mot de prendre vie alors qu'elle bouillonnait. Prête à pleurer comme une gosse à qui on enlève sa poupée, mais aussi à rugir comme une véritable lionne enragée. Son avertissement n'eut pas l'effet prévu : au lieu de lui enlever toute envie de renchérir, cela fut comme l'énergie d'activation nécessaire au démarrage de la combustion. « C'est quoi ça, des menaces ? C'est de mieux en mieux ça ! Non mais et puis quoi encore ? T'as le culot de te ruiner comme un con au poker et de m'appeler pour venir te chercher, et tu me menaces ? Vas-y, éclaire-moi, qu'est-ce que je risque hein ? » Elle avait ravalé ses larmoiement, la fureur ayant largement pris le dessus. Elle effaça les quelques pas qu'il venait d'esquisser en une fraction de seconde, avançant vers lui, plaquant ses mains contre ses bras, le contraignant à reculer jusqu'au mur situé à quelques centimètres derrière lui. Levant le menton, un air hautain collé au visage, la colère illuminant ses prunelles et les larmes humidifiant ses paupières, elle rajouta : « Tu vas recommencer à m'insulter ? Reprendre cette activité si divertissante qui occupait toutes tes journées ? Fais-toi plaisir, te retiens pas. Fais-le au lieu de me foutre sous le nez des espèces de menaces bidons. » Elle n'y tenait évidemment pas. Aucune envie de retourner dans le tourbillon d'injures qu'elle avait cherché à quitter en venant à Arrowsic. Elle ne doutait pas de ses capacités à inventer de nouvelles tactiques douloureuses, à la pousser à bout, mais ça, elle se le gardait pour elle. « Ou alors t'arrives à un stade où t'as juste envie de m'en foutre une hein ? C'est ça ? Ça te démange mais tu te retiens parce que je suis une femme, et que frapper une femme irait à l'encontre de tes... principes. » Elle avait atteint le paroxysme de la bêtise. Provocation puérile qui lui arracherait la moitié de la mâchoire si ce n'est plus, s'il la prenait au pied de la lettre. C'était juste de la bêtise, de l'inconscience comme on n'en avait jamais vu.

Relâchant ses doigts, elle lui jeta une œillade meurtrière, avant de tourner les talons et s'éloigner un peu. Ses mains étaient devenues moites, brûlantes, et ses phalanges tremblaient sans qu'elle ne puisse y faire quoique ce soit. Elle tenta de fermer son poing, mais ce fut toute sa main qui vibra. Les sanglots qu'elle avait retenu éclatèrent violemment ; brisant sa respiration et l'obligeant à inspirer comme un phoque. Ses jambes devenaient fébriles, l'obligeant à prendre appui contre le canapé. Sa tête était un véritable bordel, carcasse vide dont le moindre son résonnait à tue-tête. Migraine insupportable qui lui lacérait les tempes. Elle était allée trop loin, et elle le savait, et là elle relâchait tout. Elle était épuisée, d'une part à cause de l'heure tardive, et d'une autre parce que ça demandait des forces.... tout ça, cette comédie grotesque, ces disputes répétitives et sans fin qui étaient désormais la seule chose dont ils étaient capable. Fatiguée de devoir redoubler d'efforts pour l'atteindre, alors qu'elle ne voulait qu'une seule chose : son amour. Aussi dégueulasse soit-il, elle le voulait, elle irait traîner ses genoux dans la boue si c'était suffisant. Elle irait troquer sa dignité – et dieu sait comme elle lui est chère - si cela lui assurait l'obtention d'un avenir sans nuage et englué dans le bonheur. Elle s'en irait vendre les restes de sa misérable âme si ces derniers valaient encore quelques sous, embrasser le Diable et sceller un pacte, pour obtenir ne serait-ce que quelques instants de répit. Son amour, sous toutes les formes, n'importe lequel. Elle voulait s'enivrer de sa personne jusqu'à la saturation.


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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyJeu 5 Avr - 23:39

Se détruire. C’était devenu un besoin constant, brûlant, viscéral. C’était devenu indispensable de se bagarrer comme des chiffonniers. De briser la monotonie et la résignation qui, doucement, auraient pu commencer à s’installer. C’était presque recommandé dans leur cas, l’animosité et l’amertume parvenant à masquer l’acidité tapissant leurs entrailles. Il avait moins peur des lames de rasoir qu’ils se lançaient à tour de bras, rivalisant à qui se montrerait le blessant et perfide à ce jeu-là. Il avait moins peur de ce manège insensé que de la douceur de ses lèvres, du plaisir malsain qu’il éprouvait inlassablement à les retrouver. Il n’était pas capable de rester tranquille, gentiment recroquevillé dans leur bulle corrompue à l’oxygène aussi rare qu’étouffant. Parce qu’il y avait ce risque, pendant au dessus d’eux à la manière d’une redoutable épée de Damoclès : le risque de s’habituer. De finir par passer outre la morale, le bien, le mal. De devenir un couple mielleux qui se baigne dans sa propre inconscience. Qui profite de la couverture miteuse du pseudo-duo de jeunes mariés pour vivre ses indécents fantasmes, et faire de ses illusions obscènes une réalité. Il n’arrivait pas à lâcher prise, et se surprenait même à s’accrocher comme un forcené aux parois du précipice dans lequel il avait entrainé sa cadette. Inventant, sans réellement le réaliser d’ailleurs, tout un tas de stratagèmes sordides pour être sûr qu’ils ne s’enlisent pas davantage dans le péché. Et ça passait par se bousiller la santé, par la réduire en cendres. Ses reins, son foie, ses poumons, tout y passait. Tant pis, si en crevant le cœur de sa petite sœur, c’était le sien qui finissait par le quitter. Il ne manquait jamais d’imagination à ce jeu-là, et il ne doutait pas qu’elle n’en manquerait pas non plus. Qu’elle fabriquerait de toutes pièces de nouvelles critiques s’il cessait un jour de s’embourber dans la démesure et l’excès.

Il supporta néanmoins mal les quelques murmures qui s’échappèrent de la bouche de la jolie brune. Se faisant violence pour ne retourner la secouer jusqu’à ce qu’elle retire son odieuse affirmation. Il ne les tolérait quasiment plus ses airs condescendants, cette moue pincée qu’elle affichait à chacun de ses dérapages. Comme s’il était le seul fautif de l’histoire, que tel un diamant brut elle était pure et dénuée de défauts. C’était un peu le cas, il fallait bien le reconnaitre, mais elle était loin d’être toute blanche. Surement juste un peu plus fine et discrète, là où lui avait égaré toute forme de retenue depuis longtemps. « Mais putain, arrêter quoi au juste hein ?! Je dois éviter toute la gente féminine pour rassurer ta paranoïa à deux balles ? » Qu’elle lui reproche d’avoir cédé à ses pulsions lascives avec une poupée grandeur nature, aussi sublime qu’inintéressante en dehors de sa boite de velours, soit. Mais de côtoyer Ella… c’était le priver jalousement d’un des derniers contacts extérieurs l’empêchant de devenir complètement dingue. Il ne manquait plus qu’elle rode devant son cabinet pour faire fuir ses malades, et ce serait la cerise sur le gâteau. « Tiens j’ai une idée, et si tu te spécialisais en psychiatrie ? Tu pourrais passer ton temps dans mon service, histoire de t’assurer que je me tape pas mes patientes sur le sofa et que j’entretiens pas de relation fraternelle avec celles qui sont trop prudes. » Susurré de la sorte, cela revenait à se vanter d’être parfaitement professionnel et irréprochable. Se flatter pour mieux accentuer le côté légèrement névrosé d’Elizabeth, et la rabaisser au passage. Et ça sonna comme un grossier et honteux mensonge à ses propres oreilles, parce que ce n’était absolument pas le cas. Il manquait souvent cruellement de bienséance, il perdait régulièrement son flegme. Capable de pousser le vice jusqu’à terminer sous l’influence de l’alcool entre les draps d’une patiente qu’il trouvait pourtant aussi pimbêche qu’irritante quand il était sobre.

Étrangement, il ne broncha pas lorsque son courroux s'abattit sur lui. La laissant lui vriller les tympans de ses cris indignés avant de le forcer à reculer jusqu’à se retrouver plaqué contre le mur. Ce qu’elle risquait ? Il n’en savait rien lui-même, espérant qu’elle se rétracterait avant qu’il doive mettre ses piètres menaces à exécution. Il tentait de retourner la situation, de se faire passer pour la pauvre victime d’une femme tyrannique, alors qu’il était l’infidèle ruiné et imbuvable l’ayant tirée du lit à une heure imbue de la nuit. Alors qu’elle était celle qui n’avait pas hésité à le tirer de ce faux pas, quand elle avait toutes les raisons du monde de l’envoyer au diable. Figé dans son masque d’arrogance, il ricana cependant en entendant sa série de questions. Elle n’était pas loin, il était suffisamment immature pour éventuellement recommencer à la meurtrir ainsi. « Me tente pas. Non parce que je suis curieux, alors je me demande quelle destination moisie sera la prochaine. Vas-tu te surpasser et trouver pire coin paumé qu’Arrowsic ? » Être effroyable qu’il était devenu au fil des mois, trouvant pour seul moyen de communication d’atroces insultes. S’échinant à la démolir, à trouver chaque fois qu’ils se croisaient une pique assassine qui la ferait se sentir aussi misérable que lui. « T’auras du mal mais j’ai foi en ta connerie et en ta lâcheté, je sais que tu peux le faire. » Siffla t’il entre ses dents serrées, croisant les bras pour ne pas céder à ses pulsions meurtrières alors que les provocations pleuvaient sur sa carcasse agitée. Il ne se le pardonnerait jamais s’il levait la main sur elle. Ce serait la porte ouverte à toutes les fenêtres. Ce serait donner du sang humain à un animal sauvage ayant été apprivoisé depuis le plus jeune âge. Ce serait faire dérailler les derniers engrenages encore d’aplomb, le réduisant à un monstre qui se défoule avec ses poings sur sa compagne d’infortune. Même s’il n’était pas tendre avec elle, il n’était pas question de pulvériser cette vacillante barrière. Et surtout, il restait terrifié à l’idée de la perdre définitivement. Plus de retour en arrière possible ensuite. Accumulant assez les bavures et les erreurs sans maculer de surcroit la toile de ses infamies d’une trace indélébile, irrattrapable.

« Au-delà des principes, vu ton état ce serait comme de tirer sur une ambulance. » Son ton était toujours glacial, mais il s’était nettement calmé devant l’ampleur de ses réactions. Boule de nerfs sur le point d’imploser et d’exploser simultanément, au bord de la crise. Un terrible frisson lui lacéra l’échine lorsqu’il constata qu’elle grelottait littéralement, comme en proie à une soudaine fièvre dévastatrice. Il se mordit l’intérieur de la joue avec hargne lorsque ses sanglots éclatèrent brutalement, piétinant allègrement les débris de son pitoyable myocarde. Spontanément, il esquissa un maigre pas vers elle, nerveux et chancelant. Ignorant comme réagir à ça, comment la consoler alors qu’il était la seule et unique cause de tous ses maux. L’évidente solution pour la soulager, pour qu’elle trouve enfin le moyen de se reconstruire, il la connaissait : c’était de l’abandonner. Et il ne pouvait plus s’y résigner, égoïste préférant sombrer avec elle plutôt que de se noyer en solitaire. Il mourait d’envie de l’étouffer de caresses, dans l’espoir vain d’annihiler ne serait-ce que des bribes de son chagrin. Arrêter de s’époumoner inutilement, de se hurler dessus à s’en damner. Se contenter de sentir sa peau contre la sienne. Réussir à la garder dans ses bras sans la broyer dans son élan. Ce n’était pas tant que demander que ça, si ? Un silence uniquement troublé par leurs respirations, sans rien de pesant, rien de sulfureux pour autant. Mais il n’y avait plus jamais de moment aussi affectueux entre eux. Soit les injures, soit les étreintes incestueuses, comme s’ils ne savaient plus agir que par haine et fougue.
Le comble, c’est qu’une part de lui l’enviait de pouvoir pleurer. Lui semblait inapte à le faire, la main de fer enserrant sa gorge y logeait en permanence et évacuer la pression s’avérait impossible. Mais se mettre dans un état pareil à cause de son attitude puérile… ça n’en valait pas la peine. La souffrance et la passion s’entremêlaient si étroitement qu’il ne savait plus où démarrait l’une et où s’interrompait l’autre. Inséparables. Il réduisit à néant la distance entre eux, fragile devant son chagrin. Ses phalanges se glissèrent sur sa taille, l’écrouant fermement pour l’empêcher de se dérober. Sa joue frôla l’une de ses pommettes baignées de larmes salées, ses lèvres venant embraser la chair affable de sa jugulaire. Fébrile et maladroit en tentant de l’apaiser, alors qu’il avait tout mis en œuvre pour qu’elle craque depuis qu’ils étaient rentrés dans l’appartement. Il s’empreignait de ce corps à corps interdit, en savourant le suave intermède, pourchassant sa culpabilité par ses pauvres mouvements. Et puis une supposition saugrenue s’insinua dans sa cervelle détraquée, martelant son crâne tel un sifflement incessant. Ce soupçon qui bourdonnait, à le faire vrombir de ressentiment. Il s’écarta vivement, essuyant d’un geste presque rageur l’eau salée encombrant son beau visage de porcelaine. « T’en as pas marre de passer ton temps à pleurnicher ? » Paranoïaque, il se demandait maintenant si ce n’était pas sa dernière trouvaille pour qu’il se montre docile. Ses prunelles d’un bleu électrique fusillèrent les siennes, et l’éclat de douleur qui les traversait depuis qu’il s’était faufilé contre elle se mua en une lueur querelleuse. « C’était seulement adorable quand t’avais 5 ans justement, là c'est ridicule. Tes espèces de caprices… »
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptySam 7 Avr - 21:51

« Ma paranoïa ? Ça serait justifié de me traiter de parano si toi t'étais un saint irréprochable, et que moi à côté je m'invente des histoires sans dessus dessous. Mais c'est pas le cas, tout ce que je te dis est vrai, c'est pas des suppositions à la con que je t'envoie à la gueule, et pour lesquelles j'attends de voir comment tu réagis. » Sa réplique suivante fit sauter un verrous, éveillant dans son esprit où la jalousie tapissait une grande partie des murs, l'idée qu'il puisse en effet jouer les Don Juan assis dans son fauteuil, écoutant les maux de ses patientes avec un intérêt qui n'était certainement pas celui de l'apaisement moral mais qui relevait plutôt de la jouissance charnelle. « Écoutez-le, on dirait un psychiatre calme, patient, qui ne dérape jamais. Tu vas me dire que t'as jamais brisé la relation médecin – patient, ne serait-ce qu'une fois ? » Elle n'avait pas de preuves, de témoignages, de ragots évoquant un éventuel faux pas de son frère, alors elle y allait dans le tas. Elle avait une chance sur deux pour que ce qu'elle avançait soit juste, et le même nombre de chance pour que ce soit une tentative ratée. La discussion était une idée inexistante dans le pseudo-couple qu'ils formaient, impossible de se tartiner la face avec les malheurs de son partenaire, ni de lui embaumer la tête avec l'agréable odeur de mots rassurants. Il était inconcevable pour eux de poser une question pour obtenir une réponse, il fallait toujours faire dans la complexité, passer par des labyrinthes douteux pour arriver à une réponse qui était finalement pas si compliquée. Et lorsque la réponse venait d'emblée... elle était souvent loin d'être celle qui était attendue, et on regrettait aussitôt de l'avoir entendue. « Je pense que ça peut être intéressant la psychiatrie, au moins je verrais des gens qui ont de réelles raisons de perdre les pédales, et ça me permettra de relativiser. J'allais dire qu'on avait peut-être ça dans le sang toi et moi, tous les deux prédestinés à une carrière fulgurante en tant que psychiatre, on pourrait éventuellement ouvrir un cabinet tous les deux, tu sais, comme tous ces couples de docteurs mariés qui ont fait leurs études ensembles, et qui travaillent dans des pièces côte-à-côte... mais en fait, t'as un peu de mal à te montrer professionnel. Tu cries sur tes patients, tu t'énerves pour un rien on m'a dit ? Il faut que tu fasses un véritable travail sur toi hein. » Ah, les joies de l'urgence, la joie des patients étrangement bavards. Ah Mattia, que de beaux reproches qui languissaient en Elizabeth, n'attendant que le moment propice pour sortir.

Elle tira un sourire teinté de cynisme en l'entendant lui demander quelle sera la prochaine destination, remettant une fois de plus sur le tapis la fuite aussi désespérée que désespérante qu'elle avait entrepris pour échapper à l'imagination débordante de son frère en matière d'injures. De toute façon, c'étaient toujours les mêmes reproches, les mêmes réprobations, les mêmes histoires, encore et encore. Toujours ces mêmes fables dont on connaît tous la fin, cette morale acide qui est dérangeante par sa vérité. Et pourtant, ils ne semblaient pas s'en lasser, lui qui rabâchait dès lorsque l'occasion se présentait à quel point elle était lâche, et elle qui s'échinait à endosser le rôle de la femme jalouse alors qu'il était totalement déplacé. « Et moi je suis curieuse de savoir combien de temps tu vas tenir avant de venir m'y rejoindre, d'essayer de te faire embaucher dans le même hôpital que moi. Et à défaut d'y obtenir un poste, tu iras sans doute en chercher un dans... Je sais pas, le supermarché d'à côté pour être sûr de m'y voir, ou tu viendras prendre un appartement à côté du mien. T'avais tenu trois mois, c'est ça ? T'auras sans doute du mal à faire mieux, mais j'ai foi en ton obstination, je sais que tu peux le faire. » Sauf qu'il ne viendrait sans doute pas, qu'il la laisserait lui échapper, rien que pour lui prouver qu'elle avait tort. Il prendrait peut-être la décision, bien que douloureuse mais raisonnée d'être celui qui met un frein à toute cette catastrophe, au lieu de marcher dans ses provocations puériles. Pour qu'elle se morde enfin les doigts d'avoir été si sûre d'elle. Au jour d'aujourd'hui, elle n'arrivait pas à se projeter dans l'avenir, c'était une espèce de masse volumineuse et brumeuse où il était impossible d'identifier quoique ce soit. Le futur se cantonnait à la semaine prochaine, le futur lointain lui s'arrêtait au week-end de Thanksgiving, un supplice qu'ils allaient devoir supporter, entre les effluves alléchantes de la dinde et de sa sauce de canneberges que leur mère préparait avec l'application d'une ménagère des années 1960 qui se réjouit de son batteur multifonction Moulinex ; et le principe même de cette fête. Ils n'avaient rien de quoi être reconnaissant, l'année passée étant un véritable désastre . C'était un peu la troisième guerre mondiale entre eux deux. Même si elle attachait très peu d'importance à ces fêtes, elle redoutait le moment du dîner en famille, comme une famille sage et unie. Le moment embarrassant de se trouver face à ses deux parents, qui ont sur le bout de la langue cette question brûlante : est-ce que ça va mieux, vous deux ? Parce qu'ils avaient profité de leur complicité parfaite comme ils avaient subi les dégâts de leur bataille permanente, agressés à chaque fois qu'ils tentaient d'en dégager les causes. Deux enfants identiques, bornés comme on en avait jamais vu, et ayant une capacité destructrice folle, qui devenaient un véritable cauchemar à vivre. Il était incompréhensible de les voir s'adorer autant un jour, et se manger la face le lendemain. Alors oui, elle craignait comme un agneau face au grand méchant loup les jours où ils devront se rendre tous les deux dans leur pays natal, pour passer un peu de temps avec leurs très chers parents. Peur de voir briser en eux une énième fois la lueur de leurs yeux, tant ils sont déchirés par ces disputes dont ils ne comprenaient pas un mot. Peur surtout de se louper et d'en dire un peu trop. Pourtant, ils essayaient de ne pas perdre le contact, d'entretenir le lien parental avec leur petite cadette, pour lui demander des nouvelles, en espérant qu'elle se décide à en dire un peu plus de son quotidien. En y glissant par-ci par-là quelques allusions à son frère et en tentant de résoudre le mystère qui planait quant à leur relation dévastatrice.

Sa dernière contre-offensive sonna comme un grésillement désagréable, bourdonnement indistinct, qu'elle ne parvenait pas à déchiffrer entièrement, désormais en train de se vider en eau. Le dos courbé, les mains sur le visage recueillant toutes les larmes, elle fut presque secouée et surprise lorsqu'il se décida à l'enlacer. Elle n'en attendait pas autant, elle espérait juste qu'il se taise au lieu de l'enfoncer un peu plus. La caresse de sa joue et de ses lèvres ne l'apaisèrent aucunement : au contraire, elle n'avait fait qu'empirer l'état des choses. Redoublant ses pleurs avec plus d'acharnement et avec moins de discrétion, elle se mettait désormais à chialer comme ces gosses qui ne désirent qu'une chose, attirer l'attention. Mais là, ce n'était même pas le cas, elle ne pouvait juste pas se retenir. Flot ayant trop de force pour qu'il soit réprimé. Sa douceur n'était pas attendue, bien qu'agréable. Elle se blottit dans ses bras sans vraiment réfléchir, croyant alors que les temps de guerre étaient finis pour ce soir, et qu'ils allaient signer le traité de paix sur une étreinte. Élan d'espoir bien trop optimiste, qui alla se fracasser en morceaux lorsqu'il se dégagea vivement, frôlant au passage sa joue pour balayer toutes les larmes qui coulaient. Alors qu'il troqua sa douceur pour le sarcasme qui le caractérisait si bien, elle essayait tant bien que mal à dompter cette averse incessante. Car ce n'était pas une énième stratégie échafaudée par son son cerveau détraqué qui a pour but de baisser les gardes de son frère. Elle savait certes qu'il avait du mal à continuer à aboyer à gorge déployée, à jurer comme un perdu lorsqu'elle s'effondrait littérairement. C'était peut-être là l'une des dernières barrières encore debout, fine pellicule prête à céder au moindre mouvement brusque, qui faisait qu'Ethan avait tendance à refréner ses ardeurs lorsqu'elle éclatait. Mais là, ce n'était pas une vaine tentative pour atteindre sa corde sensible afin de le faire chavirer de l'autre côté, et de s'accorder un instant de répit car elle s'essoufflait sous les piques écorchées. Même si en effet l'idée était bonne, excellente même, et qu'elle en userait sans doute un peu si elle lui était venue à l'esprit.

Après quelques instants où elle hoquetait à des intervalles réguliers, ses pleurs commencèrent à se fatiguer, lui laissant la libre utilisation de sa voix, qui était cependant encore bien teintée de larmes. Elle plaqua la paume de ses mains sur ses paupières, y délogeant les dernières misérables, avant de répliquer avec la maturité associée à l'âge auquel les crises de pleurs étaient encore attendrissantes, de quoi s'enfoncer un peu plus dans le ridicule. « Ouais, c'est ridicule. Je suis désolée de ne pas être aussi forte et virile que toi. Mais toi t'es juste ridicule avec tes grands airs, on dirait un adolescent frustré et complexé qui essaie de ne pas perdre la face en compagnie de ses amis. »
Elle aurait pu le mettre dehors, le traîner par la peau du cou, lui foutre un derrière coup de pied aux fesses avant de lui claquer sauvagement la porte. Parce qu'elle avait atteint un stade où elle n'arrivait plus à se canaliser, où chaque mot qu'elle prononçait risquait d'être englouti sous une vague des pleurs. Elle avait la voix fragile, à demi brisée et parfois désagréable à l'oreille tant elle forçait dessus. C'était trop pour ce soir. Mais elle était habitée par le paradoxe en personne, et il fallait se dire qu'elle ne voulait pas le voir partir même si l'envie de retrouver la quiétude de son appartement en pleine nuit était envahissante. « T'es tellement... » Victime des sanglots prêtes à l'étouffer, elle coupa court à sa phrase, avant de sentir son visage tourner en une grimace, entre celle des traits étirés par les pleurs et celle qui se moque. Pathétique, tellement pathétique de fondre comme un bout de sucre sous l'eau. « Tu m'énerves, toi, toi et tes manies et... »
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyDim 8 Avr - 13:18

A paranoïaque, il aurait du ajouter sévèrement bornée. Parce qu’elle n’en démordait pas, elle continuait de voir le mal partout, jusque dans une relation parfaitement saine et irréprochable. Et maintenant, il savait qu’elle allait venir mettre son grain de sel à chaque fois qu’elle les croiserait ensemble. Qu’elle lui lancerait une œillade réprobatrice, voire meurtrière, en lui intimant silencieusement de la faire dégager rapidement de l’hôpital, de son appartement, ou de n’importe quel autre lieu courant. Ce serait des crises à n’en plus finir, des hurlements larmoyants, et ça n’avait pas commencé qu’il en avait déjà mal à la tête. « La fille d’hier, passe encore. Mais Ella ?! Tu t’excites alors qu’il n’y a strictement rien à dire sur elle et moi. C’est pas parce que j’agresse pas une adolescence que j’ai l’intention de devenir son nouveau grand-frère, t’es à côté de la plaque et tu te complais dans l’absurde. » Il détestait le fait que ses parents n’aient rien trouvé de mieux que d’avoir un autre enfant, alors que quelques années plus tôt il voyait presque ça comme une bénédiction. Il avait adoré la couver comme un oiseau sur son nid, la protéger de tout et surtout de n’importe quoi. Ce qui était un délice s’était mué en un atroce supplice, un calvaire abominable qui n’en finissait plus de l’anéantir. En souillant des liens fraternels qui étaient auparavant sacrés, il avait perdu toute envie de jouer ce genre de rôle. Ni avec elle, ni avec aucune autre. Il n’était pas venu au secours de la jolie blonde pour retrouver ce à quoi il ne pouvait plus légitimement prétendre. Il l’avait simplement fait parce que c’était dans sa nature, de ne pas laisser une femme se faire tabasser et violenter en pleine rue par des malotrus. « Et franchement je pourrais bien devenir un ‘saint irréprochable’, que tu t’en apercevrais même pas. » Les gens ne changent pas pour devenir meilleurs, c’est de notoriété publique. Il pourrait bien s’isoler, rejeter la lycéenne en lui mettant dans les mains tous ses paquets de cigarette pour rendre officielle sa volonté de ne plus s’empoisonner, cesser d’aller voir ailleurs quitte à être encore plus odieux en représailles de cette abstinence forcée… qu’elle n’y verrait que du feu. La preuve, il avait considérablement arrêté de sauter sur tout ce qui bouge ces derniers temps, et pourtant il restait pour elle ce minable cavaleur incapable de refreiner ses ardeurs.
Il tiqua lorsque son insinuation déplacée résonna dans la pièce, tentant de conserver un masque impassible alors que les remords revenaient à l’attaque de sa chair affable. Si encore il avait s’agit d’une patiente absolument délicieuse, sur laquelle il fantasmait toutes les séances en atteignant un état de frustration intense. Mais non. Il se souvenait à peine de la douceur de ses reins et de la saveur de sa peau. Si enivré par l’alcool qu’elle était devenue désirable alors que quelques heures auparavant il la trouvait irritante au possible. « Ah mais t’es pas au courant ? C’est justement de là que vient ma vocation pour la psychiatrie. Je me suis aperçu que les femmes esseulées adorent tomber dans les bras du séduisant psychiatre qui leur prête une oreille attentive. » S’il s’était vanté des prouesses – véridiques ou pas - de sa précédente conquête, là il trouvait judicieux de la mener sur une fausse piste. Tourner la chose en dérision histoire qu’elle soit incapable de dénouer le vrai du faux, parce qu’il ne tenait pas à ce qu’elle vienne aussi lui casser les pieds au travail. Il redoutait qu’elle regarde dorénavant de travers ses patientes les quelques fois où elle échouait dans l’aile psychiatrique. En rajoutant toutefois une couche en susurrant : « Tu croyais quand même pas que j’y allais réellement pour travailler ? » L’intonation mielleuse et méprisante, le petit air dédaigneux et désinvolte, tout y était. Fier de son minable effet, il déchanta rapidement devant sa longue tirade. Raillerie hautaine qui lui coupa le souffle, donnant à son teint une couleur livide. Brumes d’incompréhension qui se dissipèrent lorsque le nom du coupable résonna dans son esprit détraqué. La première idée qui lui vint à l’esprit fut de tuer ce gosse, ou en tout cas de lui faire passer un sale quart d’heure. Il avait fallu qu’il aille répandre des rumeurs sur son compte, au lieu de garder sagement son dérapage pour lui. Colère brûlante qui s’apaiserait cependant dès qu’il aurait pris du recul sur la situation, et admis que c’était parfaitement mérité. Il s’était comporté comme un manche avec lui, et avait dépassé les bornes, il n’était pas étonnant que ça ait des répercussions. Quitte à ce qu’il ait des ennuis extrêmes si cela venait à se savoir et à se glisser jusqu’aux oreilles de son supérieur hiérarchiques. Il sentait l’angoisse monter, lui serrer le ventre à en tordre ses entrailles tant il n’avait pas vu venir la perversité de la frappe. « Qui t’as raconté ça ? » Pas de long monologue où il niait en bloc, pas de cynisme en réserve. Car il se savait fautif, tout en ignorant s’il était mouillé jusqu’au cou où si elle avait lancé ça au hasard à cause de son côté impulsif.

La déglutition devenait difficile, compromise par les griffes plantées dans ses poumons et susceptibles de les éviscérer au premier mouvement brusque. C’était terrible de s’avouer qu’elle avait raison, ça lui arrachait la langue de le reconnaitre. Bousillant son sublime orgueil avec un tel entrain que c’en était déroutant. Mettant la lumière sur sa conduite pathétique, braquant les projecteurs sur son besoin viscéral de la retrouver alors qu’il avait tout mis en œuvre pour la faire fuir. La voix blanche, il murmura : « Me crois pas si désespéré Elizabeth. Si tu pars, je te laisserai croupir dans ton nouveau coin paumé adoré, tu pourras même y crever que je me déplacerai pas à ton enterrement. » Surement parce qu’il serait trop occupé à se saigner les veines ou à mélanger médicaments et alcool dans un même verre, mais ça il le garda pour lui. Le pire, c’est que ses ‘menaces’ étaient sans doute avérées. Fierté flamboyante qui avait ployé une fois, pas deux. Il n’y aurait pas de vibrante déclaration, de supplications à genoux pour qu’elle revienne. Il terminerait en dépression, virant ivrogne pitoyable s’il le fallait. Il paierait un détective privé pour nourrir son obsession, détruit en apprenant finalement qu’elle s’en sortait sans lui. Tragique dénouement où il se complairait dans ce masochisme poussif qui lui était propre.

La voir s’effondrer était aussi agaçant qu’insoutenable. Agaçant car il ignorait si c’était de la comédie, une averse démesurée visant à l’attendrir et à reprendre de manière fourbe l’avantage. Insoutenable car l’éventualité qu’elle puisse souffrir autant de ses piques assassines lui lacérait le torse. Il était d’une patience inébranlable autrefois, capable de la garder dans ses bras des heures entières jusqu’à ce que ses sanglots s’apaisent. Maudissant ouvertement l’imbécile l’ayant mise dans un tel état, échafaudant des plans sadiques pour l’empêcher de nuire à l’avenir. Sauf qu’il était devenu simultanément le sauveur et le bourreau, et que ses gestes ne pouvaient dès lors qu’être furtifs et contradictoires. Étreinte fugace dont l’effet bienfaisant fut ravagé par ses paroles acides, pulvérisant sa maigre tentative pour se faire pardonner. Et elle avait entièrement raison, il restait le plus grotesque des deux : jouant les gros durs alors que devant ses larmes, son palpitant s’était mis à fondre comme de la poisseuse guimauve. Il esquissa l’ombre d’un sourire sarcastique quand elle débuta ses critiques sans les finir, d’une voix de crécelle entrecoupée de sanglots. La querelle prenait un autre tournant, ressemblant davantage à l’énième dispute d’une sœur et d’un frère ayant pris l’habitude de se bagarrer comme des forcenés qu’à celle d’un couple marié au bord du divorce. Il était toujours en colère, c’était d’ailleurs un doux euphémisme, mais il se surprenait à s’attendrir et à être nostalgique de l’époque où toute ambigüité était absente. Ses phalanges se glissèrent dans ses boucles brunes, massant distraitement son cuir chevelu avant que son pouce ne vienne caresser sa bouche gonflée par le chagrin. Il se voulait rassurant, apaisant, profitant de l’instant avant qu’une vague de répugnance ne le fracasse devant l’indécence de ses effleurements. « Et quoi ? Tellement quoi ? Va donc au fond de ta pensée. A moins que tu ne sois à court de vacheries à me balancer ? » Provocation futile. Interrogations teintées d’un simulacre d’amusement alors qu’il poursuivait : « Parce que tant qu’on y est, soyons fou. On a passé en revue mes dettes de jeu, ma trépidante vie sexuelle, ma soi-disant sœur de substitution, mon incompétence professionnelle, ma fâcheuse manie de te suivre comme un vulgaire toutou… ah oui, et puis ma misérable condescendance. Autre chose ? » Énumération pénible et désagréable ravivant les braises de sa rancœur, le poussant à la relâcher subitement. C’était beaucoup pour un seul homme, règlement de comptes interminable qui avait épuisé leurs nerfs respectifs. Il sentait la lassitude alourdir ses membres, écraser ses vertèbres, peser affreusement lourd sur ses épaules. Toutes les insanités cinglantes qu’ils avaient pu se lancer à la figure étaient dures à encaisser, et laisseraient forcément des traces et des regrets. Ils s’étaient mutuellement poussés à bout, et tout ça pourquoi ? Si encore il avait s’agit d’une discussion mature et intelligente, menant à des concessions et à des compromis. Non, là le but était seulement de laminer son partenaire d’infortune, que l’un termine plus abattu que l’autre à la fin. Vie effroyable ne leur dictant qu’une seule histoire : celle du néant. Alors il fallait bien combler les vides, faire semblant qu’ils avaient encore quoi que ce soit à faire ensemble, quand il ne restait plus rien. Une enfance réduite en miettes, un amour voué à l’échec. Même leur haine était faite pour chanceler, ployant devant la force de leur attachement. En somme ils ne partageaient que des débris, vaste patchwork supposé former un ensemble cohérent. Un vide tellement rempli qu’il était privé de tout oxygène : impossible d’y rester, impossible d’y adhérer, impossible d’y survivre. Irrespirable. Tout se résumait à une attirance âcre, farouche et indomptable ; et pourtant c’était réducteur de croire qu’ils n’étaient que deux monstres pourris par le vice. Parce qu’ils étaient aussi deux gamins inséparables, presque idéalistes tant ils s’enlisaient dans l’échec sans renoncer ni capituler. Tentant vainement de conserver leur innocence alors qu’ils n’avaient plus d’autre choix que de grandir et d’assumer les conséquences de leurs actes. Inaptes à s’éloigner alors qu’ils y sont condamnés, et que la sentence est irrévocable.
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyLun 9 Avr - 18:01

Elizabeth s'entêtait avec une force qui devait frôler le ridicule du point de vue de son frère. Elle, au contraire, ne le voyait pas du même œil, persuadée qu'il fallait continuer à lui répéter les reproches pour qu'ils s'empreignent assez bien à sa cervelle, et qu'il dégage enfin cette Ella. L'entendre nier une fois de plus avait de quoi la rendre folle. Vous savez, ce sentiment d'incompréhension sournoisement mêlé à une rage incontrôlable, lorsque vous savez que vous avez raison et que l'autre s'enfonce comme un misérable dans l'erreur, mais continue quand même. Cette envie de le faire taire et de lui ouvrir les yeux bon sang, qu'il voie les choses comme vous vous les voyez. Cette sensation acharnée qui ne se calmera que lorsque la vérité tombera : la délicieuse satisfaction d'avoir prouvé par a + b que l'autre avait tort, ou alors... le goût amer de la déception et de l'échec ; le ridicule de s'être tant emporté, qui domine et balaie tout, qui vous fait passer de la combustion à la condensation, en laissant derrière quelques débris d'incertitude quand même. « Mais c'est toi qui es à la côté de la plaque ! Mais tu vois rien, tu vois pas que... que ses yeux brillent à chaque fois qu'elle entend ton nom, qu'elle est là pleine d'admiration devant toi. Je sais même pas pourquoi, elle m'avait dit que tu t'étais arrêté là où beaucoup aurait passé leur chemin, ou quelque chose dans ce genre là. D'où tu connais des gamines pareilles toi, tu t'es mis au baby-sitting ? » Elle lui en voulait d'être si aveugle et d'oser lui reprocher sa jalousie, qu'elle trouvait totalement légitime. Elle lui en voulait à lui plus qu'à Ella, car il lui permettait de se comporter ainsi : il était celui qui la laissait sautiller dans ses couloirs, et il était celui qui lui ouvrait la porte, l'accueillait avec bienveillance. Quant à cette mijaurée.. Elizabeth se contentait de la maudire. « Oh si, crois-moi, si t'en devenais un, je le remarquerai. Le chemin est long mais si tu devenais un véritable saint, tu auras toute ma reconnaissance, ne t'inquiète pas pour ça. » L'affirmation d'Ethan sonnait cependant contenir quelques regrets. Comme s'il avait réellement fait des efforts jusqu'à aujourd'hui, que depuis son arrivée à Arrowsic, il avait cherché à être un peu moins minable, et que malgré toutes ses tentatives, Elizabeth n'y voyait rien. Trop attachée à l'image de l'homme déchu qu'elle avait de lui, et tout bonnement incapable d'entrevoir dans sa personne une once d'espoir. Elle ne cessait de lui reprocher tout et n'importe quoi, mais au fond, il était condamné d'avance. Condamné à n'être que la cible de ces critiques sans aucune échappatoire possible. Mais l'idée même qu'il ait cherché à être un peu plus respectable n'était qu'une furtif doute, qui ne dura pas longtemps.
Il voulait la rendre incapable de démêler le vrai du faux, et il y arrivait parfaitement. Elle avait désormais cette affreuse tendance à prendre tout au premier degré – ou alors tout prendre de façon ironique. Elle ne parvenait plus à différencier les moments où Ethan était réellement sincère avec elle, et ceux où il se moquait d'elle. Ignorant quel genre de médecin il était, elle se plaisait quand même à entretenir l'idée qu'il soit de ceux qui sont honnêtes et désireux de mener à bien leur travail. Pas un de ces paresseux qui n'ont rien à faire de leurs patients, et encore moins de ceux qui passent leur temps à reluquer la femme esseulée qui pleure proprement sur son fauteuil. Mais ses dernières répliques avaient réussi à lui penser le contraire. Peut-être était-ce vrai ? Peut-être qu'il disait ça sur le ton de la plaisanterie, mais qu'au fond, il était sérieux ? C'était peut-être un stratagème pour qu'elle ne sache rien de cela, stratagème où l'on dit le contraire de ce que l'on pense, et où l'on prononce avec légèreté les éventuels dérapages qu'on a commis, afin d'en atténuer la gravité. « Je l'espérais, mais en fait t'es vraiment irrécupérable. » Elle s'arrêta quelques secondes, avant de rajouter, en prenant soin de placer ses cheveux sur une épaule, et remettre en place les quelques boucles qui dansaient par-ci par-là : « Tu crois que les veufs en plein deuil tomberont dans mes bras si je me spécialise en psychiatrie ? Je suis assez séduisante pour qu'un homme se décide à oublier entre mes reins l'amour de sa vie qu'il vient de perdre ? »
Un sourire presque satisfait étira ses lèvres, l'entendant répliquer avec sécheresse. Elle aurait voulu s'en contenter, le laisser se questionner et passer à autre chose. Elle tenta cette option, en détournant légèrement la tête, mais non. L'envie d'utiliser tout ce qu'elle avait pu entendre de la bouche de Mattia était délicieuse, une envie brûlante qui arrivait aisément à rendre le bout de ses lèvres démangeantes. Fixant de nouveau ses prunelles, elle reprit : « Celui qui est concerné. Tu imagines bien qu'en travaillant dans le même hôpital, on rencontre parfois les mêmes patients. Ah, et ne t'étonne pas s'il te fait une remarque sur ton éventuelle femme qui travaille à l'étage inférieur, il a vraiment insisté pour savoir ce qui nous liait... Je te dis ça pour pas que tu sois pris au dépourvu et que tu puisses canaliser ton envie de lui éclater la gueule. »

Réplique acerbe qui fit son effet, même si au fond, ce n'était pas si étonnant que ça. Ce jeu minable qu'elle serait capable de leur imposer, à fuir constamment pour attendre avec impatience leurs retrouvailles, retrouvailles qui auraient plutôt l'air d'un enterrement ou d'une vendetta. « C'est bon à savoir, comme ça si je te supporte vraiment plus, je saurai quoi faire. » Mais se rappelant des quelques paroles échangées quelques semaines auparavant, où Ethan lui disait – oui, disait, non pas hurlait, non pas vociférait, mais avec une voix claire et sans preuve de cynisme apparent, qu'elle n'avait pas le droit de le laisser pour le restant de ses jours. Presque attendrie face à ce souvenir, car ces douceurs-là étaient rares, ayant tous les deux pris l'habitude de briser l'autre jusqu'à l'agonie, en refusant cependant de le laisser mourir. « Mais ne t'en fais pas, je t'ai dit que je t'abandonnerai pas... et tu sais bien que je tiens parole. »

Ethan n'avait pas perdu cette habitude de glisser ses phalanges dans ses cheveux comme si de rien n'était, de laisser le bout de ses doigts vagabonder dans son cou, sur sa joue, sur ses lèvres. Une manie qui était autrefois délicate et rassurante, mais qui aujourd'hui avait perdu toute sa candeur. Chaque effleurement était empoisonné, marqué au fer rouge par leur immonde attirance, et Elizabeth n'était capable de voir dans ses caresses que l'image d'une relation qui n'avait pas lieu d'être. Tout était souillé, fichu, bousillé, et quelque part, sous les décombres de la ruine de leur conscience, ils le savaient. C'était fini, perdu, échec et mat, deux fois, trois fois, les fous sont tombés, la Reine bousculée, et le Roi coincé. Une partie avec des adversaires aussi redoutables l'un que l'autre, et dont la seule issue possible était l'échec. De l'un, ou des deux. Il n'y avait pas deux vainqueurs, pas de podium qu'on partage docilement. Elle appréciait trop ces frôlements pour faire un pas en arrière, même si le contraste entre les insanités qu'il prononçait et la douceur de ses phalanges restait insupportable. Mais c'était toujours ce paradoxe ambiant : elle avait mis une distance insurmontable entre eux en quittant leur pays natal, mais ne se gênait pas pour sonner à la porte de son frère sans le prévenir. Lui, avait écrasé en miettes le voile qui les couvrait, dévoilant au grand jour ce qu'ils auraient désormais préféré tapir dans le fond de leurs entrailles, et parallèlement, il se permettait ces effleurements et ces baisers déposés mine de rien sur sa gorge. Il oscillait avec aisance entre l'acide de ses mots et la douceur de ses gestes ; le reflet parfait de la lutte incessante en lui, en elle, entre eux.
La liste était longue, à énoncer comme à écouter. Le tableau misérable d'un homme tout aussi misérable, voilà ce qui s'en dégageait. « Et bien... Ta tendance à boire comme un trou, à fumer comme un pompier, et à associer les deux ; d'ailleurs, tu empestes. Ton incapacité à te servir d'un aspirateur qui devient vraiment problématique à trente ans quand on n'a plus sa mère pour passer la serpillière derrière soi... » Sans oublier ton impétueuse attirance pour ta soeur, qui est comme la cerise sur le gâteau, et qui te sied à merveille, toi et ton portait d'homme foutu. Tu frôles dangereusement la trentaine et tu as raté ta vie comme des vieux de soixante-dix ans ne l'ont jamais fait, et tu l'as tout de même réussie comme des gosses de treize ans ne le feront jamais non plus. Mais ça, elle préféra le taire, car le désir de l'autre ne l'impliquait pas que lui, mais elle également. Pas assez idiote pour lui cracher à la gueule un reproche qui était également valable pour sa propre personne, ni assez absurde pour crier tout haut une chose pareille – mais elle l'était assez pour être follement amoureuse d'un homme dont le portrait ne comportait que des taches noires. « Enfin, la liste est longue, mais je trouve que ça fait déjà beaucoup pour une seule personne, non ? »
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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyJeu 19 Avr - 0:42

Évidemment qu’il l’avait remarquée, cette espèce d’admiration presque comique tant elle était idéaliste qu’elle lui vouait. Aussi arrogant pouvait-il être, il savait qu’il ne la méritait aucunement. Qu’elle lui prêtait des qualités dont il était dépourvu, et partait en quête d’un tempérament qu’il ne possédait plus. Mais c’était justement ce qui était si agréable, si rassurant quelque part. L’arrière-gout infâme constamment tapi au creux de sa gorge s’atténuait, un peu comme ces bonbons à la réglisse doux-amers, à la saveur aussi écœurante que réconfortante. « T’as pas remarqué que ça m’était pas réservé, qu’elle fait ça avec tout le monde ?! D’ailleurs t’es bien la seule à lui cracher dessus, elle elle te complimente toujours. » Il avait particulièrement insisté sur les derniers mots, histoire de lui faire comprendre qu’elle n’était qu’une sale peste sautant sur le moindre prétexte pour se crêper le chignon avec quelqu’un. Elle pouvait lui répliquer qu’Ella n’était qu’une grande hypocrite, ils savaient parfaitement que c’était faux et c’était certainement le pire : elle était capable d’adorer sincèrement deux monstres méritant juste d’être enfermés au cachot puis guillotinés sur la place publique. « En fait c’est ça qui t’insupporte… qu’on puisse me regarder autrement que comme un misérable connard ?! C’est ça hein ? » Il avait sifflé ça d’un ton haineux, comme une soudaine révélation alors qu’il n’était pas le moins du monde surpris. Après tout, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. « Elle allait se faire agresser, je suis intervenu c’est tout. J’allais pas fuir juste pour parfaire l’image dégueulasse que t’entretiens sur mon compte. » Il ne broncha pas à sa réplique suivante, persuadé qu’il n’en était rien. Son frère était mort, et il ne restait que son fantôme. Il ne lui restait plus que ce grand type un peu trop souvent mal rasé, un peu trop souvent renfrogné. Cet espèce d’intrus seulement habile pour manier le cynisme et varier les insultes, et encore. Amoureux du vice et dépendant à sa propre déchéance. Plus il aspirait à être avec elle, et plus il devenait pitoyable, comme une peau de chagrin rétrécissant inexorablement en lui arrachant sa vie et son âme, vendue au diable. A la différence que lui n’atteignait pas ne serait-ce qu’un infime instant de jouissance, ni même de satisfaction. S’il y avait bien une seule personne sur cette maudite planète qui était bien placée pour l’affirmer envers et contre toutes les opinions contraires, c’était elle.

Son affreuse provocation le fit grelotter de la tête aux pieds, frisson d'animosité et de répulsion impossible à réprimer devant l’horreur de la chose. Qu’elle puisse être avec un autre le rendait fou, et elle prenait un plaisir malsain à s’en amuser à ses dépends. Il savait ce qu’elle essayait de faire. Le pousser à bout, jouer au même jeu que lui pour qu’il en arrive à un stade similaire et tremble de jalousie. L’effet escompté n’était pas difficile à obtenir, et sa piteuse manœuvre fonctionnait malheureusement à merveille. Elle lui faisait pitié, finalement, à se rabaisser à user de stratagèmes identiques aux siens juste pour érafler ses nerfs à vif. Il lui lança une œillade meurtrière, détaillant sa silhouette enjôleuse avec dégout et dédain. Comme s’il étudiait réellement la question, et n’était pas déjà certain de la réponse. L’image était macabre mais il aurait voulu lui arracher la peau par la force de son regard assassin. Qu’elle termine la chair écarlate et les traits déformés par une laideur immonde. Qu’elle devienne si repoussante que plus personne ne s’aventurerait à nourrir à son égard des pensées impures. Qu’il soit le seul à discerner une lueur de beauté là où il ne resterait plus que néant et désolation. Ou mieux : que sa maudite attirance pour elle disparaisse. Qu’elle ne soit à nouveau plus que cette cadette qu’on protège à l’abri des vautours par pur instinct de protection fraternelle. Il n’était plus capable de dire, s’il préférait la voir morte ou vivante mais heureuse avec un homme. Égal à lui-même, à ce scélérat qu’il était devenu, il lâcha hargneusement : « T’as tout juste de quoi faire bander un gamin Elizabeth, alors à moins que le veuf en question revienne d’un mariage éclair à Las Vegas, ça m’étonnerait. Regarde-toi franchement, on te croirait à peine sortie de l’adolescence et il te suffit d’un trait de crayon pour ressembler à une voiture volée. »

Les provocations pleuvaient, s’abattaient impitoyablement sur sa frêle carcasse et il s’efforçait de les encaisser sans broncher, sans déraper. Le cas de son patient se réglerait plus tard, quand il se serait calmé. Il refusait d’approfondir le sujet avec elle, il était dans l’impossibilité totale de se confier à elle car ils ne savaient plus communiquer que par aboiements. La connaissant, il devinait qu’elle avait fourré son nez dans ses affaires. Qu’elle avait insisté là où elle aurait du se taire et surement pulvérisé sa dernière petite chance que le sportif s’ouvre à lui en dévoilant leur prétendue alliance. Par curiosité déplacée ou surement pour prouver que même sur son propre terrain, elle arrivait à le battre et à montrer qu’elle était meilleure que lui. Il ravala le flot d’injures engluant son palais, jugeant préférable de gentiment s’écraser pour ne pas aggraver la dispute jusqu’à un point de non-retour. Comme s’ils ne l’avaient pas atteint depuis des mois et des mois. « Je ne t’abandonnerai pas. » Tu parles d’une promesse empoisonnée…

Avec elle, il avait souvent la sensation de devoir choisir entre son cœur et son cerveau. Sauf que c’était un choix impossible. S’il prenait le premier, il perdait le second : et alors il ne lui resterait plus rien pour irriguer correctement son palpitant, il cesserait tout simplement de battre. Il se changerait en légume, à la rigueur retenu à cette chienne de vie par des machines artificielles. Il ne pouvait pas non plus se montrer raisonnable et opter pour le cerveau, car sans le cœur il n’y aurait ensuite plus rien de valable à contrôler. Il fallait se résigner à survivre ainsi, poussé par cette force invisible et foudroyante qui l’amenait à continuer à se lever le matin, à affronter son visage détruit dans le miroir et à prendre la direction de son travail. Persévérant dans cette voie semblant irréelle tant elle était affligeante. Accroché chaque jour à ce foutu espoir déplacé que ces sentiments abjects finiraient par s’effacer dans la brume de son inconscience. Ce maudit espoir incongru réduit en fumée continuellement, inlassablement. C’était pathétique de se couvrir et se bercer de vaines illusions fragiles, juste parce que c’était plus facile et supportable ainsi. L’art de se voiler la face en toutes circonstances, et surtout d’entretenir de futiles apparences.
La colère n’était jamais très éloignée, elle grondait au loin et il suffisait d’un éclair pour que l’orage se déchaine. Elle avait ce don si particulier et irritant, de parvenir à l’apaiser avant de faire renaitre de ses cendres l’envie impérieuse de lui décrocher la mâchoire. C’était une fâcheuse habitude qu’il n’aurait pas toléré chez une véritable épouse d’ailleurs. Il aurait envoyé balader comme il se doit quiconque tentant de lui dicter sa conduite ou de gommer ses défauts pour qu’il ne reste que de vagues qualités. Mais elle était de sa famille, alors il était supposé le supporter et l’accepter. Sauf qu’il n’acceptait pas la critique, c’était connu. Il savait qu’elle avait raison, qu’il ne pouvait pas nier une seule des insanités qu’elle venait si gentiment de lui balancer à la gueule, mais il avait suffit qu’elles sortent de sa bouche pour le convaincre d’exactement l’inverse. Esprit de contradiction poussé à son paroxysme. « T’as vraiment envie que je t’en colle une ce soir j’ai l’impression. T’avais raison tout à l’heure j’ai trop tendance à m’entourer de gamines donneuses de leçons. » Grognements passablement furieux auxquels vinrent se rajouter d’autres réprimandes : « Toi tu présente bien, ya pas à dire. Mais quand on gratte un peu la surface de miss parfaite, t’es insupportable, je vois pas qui pourrait te supporter à terme. T’oscilles entre les crises d’hystérie et les crises de larme, t’as toujours raison même quand t’as tort. Tu sais tout, mais tu ne sais rien. Tu me reproches ma conduite dépravée mais c’est toi qui en as fixé les règles. » Les choses auraient pu évoluer autrement. Avec des ‘si’ on referait le monde. Il aurait pu ne pas être volage, s’y tenir. Lui manger dans la main, parce qu’il se sentait si infâme qu’il n’aurait pas osé dire non. Elle avait préféré le silence, puis se vautrer dans son lit pour s’adonner à des étreintes lubriques. Il ne fallait pas s’étonner qu’elle n’ait eu en réponse que violence et haine, amertume et représailles. En somme, elle s’avérait mal placée pour prôner des valeurs telles que la fidélité et le respect d’autrui. Il hésitait presque à ajouter que des deux, il était celui qui allait le plus mal. Celui qui n’avait d’autre choix que de s’enfoncer dans la débauche, la cigarette et l’alcool pour annihiler ne serait-ce qu’un peu sa lancinante douleur. Celui qui intériorisait quasiment tout, de crainte de réveiller le volcan dévastateur lui dévorant sournoisement les entrailles. Celui qui n’arrivait pas à vivre sans elle, à faire semblant qu’il s’en sortait. Lui était devenu le piètre psychiatre qui perd un à un ses patients, qui ne juge pas judicieux de poursuivre leur thérapie. Celui qui est à deux doigts de se prescrire à lui-même des antidépresseurs mais qui s’y refuse par excès de fierté : admettons l’inceste mais ne noircissons pas trop non plus le tableau. Elle elle était restée l’étudiante ambitieuse, qui fatigue et qui parfois outrepasse ses compétences, mais qui n’attire pas spécialement l’attention. Celle qui semble normale, qui l'est peut être. Celle qui peut omettre de parler de son ainé ou scander qu’il est mort sans suffoquer. Elle ressemblait à une de ces victimes qui fuient leur bourreau, changent d’identité et tentent de se reconstruire ; et frémissent ensuite seulement à l’idée qu’il puisse les retrouver. Mais manque de chance pour elle, elle n’avait pas pu lui échapper. Il l’enviait terriblement de pouvoir tromper son monde si aisément, sans être à l’agonie comme lui. Ou non ce qu'il regrettait, c'était que son monde à elle ne se résume probablement pas à lui.

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MessageSujet: Re: I am on fire with love and anger - Ethan    I am on fire with love and anger - Ethan  EmptyJeu 19 Avr - 23:48

Elle n'avait pas réellement laissé à Ella l'occasion de faire ses éloges, mais elle voyait bien que l'animosité qu'elle lui portait n'était pas réciproque. Elle voyait bien que si elle se laissait apprivoiser par cette adolescente, alors elle pourrait savourer la caresse de ses doux compliments, tant ils semblaient couler à flot de sa bouche. « Et alors ? Ça prouve juste que cette gamine est aveugle. » Mais d'une certaine façon, elle comprenait que tout cela puisse avoir un effet apaisant, calmer quelques instants le sentiment amer de n'être qu'un minable. Il était sans doute agréable de se laisser berner, ne serait-ce que pour une infime seconde, par la douce illusion de ne plus être une immondice de la nature. Mais c'était de l'aveuglement stupide, un aveuglement qui lui permettait d'accorder à Ethan et Elizabeth des qualités qui n'étaient plus les leurs. Toutes ces belles vertus avaient été englouties dans l'estomac du monstre hideux qu'ils étaient devenus. Et aussi idiot que cela puisse être, malgré tout le mépris qu'elle pouvait ressentir à l'égard d'une adolescente si naïve, Elizabeth arrivait à l'envier. Secrètement jalouse que cette jeune fille soit son propre fantôme, celui qui arrivait encore à voir dans la carcasse d'Ethan, l'ombre d'un frère aimant. Dans la liste de ceux qui trouvaient qu'il n'était un véritable connard, Elizabeth était sans doute la première – en omettant évidemment Ethan lui-même. Il avait raison lorsqu'il disait qu'il lui était insupportable de savoir que quelqu'un pouvait voir en lui l'esquisse de quelques qualités. Elle refusait de l'admettre, mais c'était bel et bien la vérité. Elle ne pouvait pas accepter qu'on puisse voir en lui tant de bonnes choses, alors que lorsqu'elle posait ses yeux sur lui, elle n'avait droit qu'à l'immonde portrait d'un homme déchu qui ne mérite rien. Elle ne pouvait pas non plus accepter que d'autres puissent apprécier l'homme qu'il était devenu, car elle craignait que chacune de ces filles s'attachent à lui, alors qu'elle s'échinait à faire le vide autour de lui. « J'en ai rien à foutre Ethan. Tant mieux pour toi si certaines personnes arrivent encore à te trouver des qualités, ça doit bien flatter ton ego. » Nier, quelle belle invention.

« Mais écoute, il paraît que les filles qui sortent à peine de l'adolescence font fureur en ce moment. Je me trompe ? » Tout était bon à prendre et à balancer. Elle ignorait si, à ce moment là, elle pensait à Ella dans le rôle de la vilaine tentatrice, ou si elle pensait à elle. La réflexion étant presque bannie, elle fonctionnait au tac au tac – quoique la répartie n'était pas toujours au rendez-vous.

Ils avaient tous les deux un portrait bien sombre de l'autre. Lui qui était l'allégorie parfaite de la débauche, couplé à une arrogance hors du commun qui était terriblement dérangeante, et elle, elle était cette fille qui voulait à tout prix se fondre dans la masse et effacer son instabilité alors que sa névrose guidait chacun de ses faits et gestes. Tous les deux logés à la même enseigne. C'était donc tout ce dont ils étaient capables désormais ? Se cracher à la gueule, se rejeter inconsciemment mais perpétuellement la faute sur l'autre. Mais la faute de quoi ? De ce néant dans lequel ils s'étaient jetés corps et âme, comme de bons idiots ? Se rendre compte qu'Ethan dressait un tableau peu élogieux de sa personne n'était pas ce qu'il y avait de plus facile à avaler : le jour où son amour s'évaporera, alors il ne restera que la cruelle et affreuse vérité derrière, celle d'une sœur trop ceci, trop cela. Une sœur frustrée et instable qui oscille entre deux états avec une facilité déconcertante, une sœur qui joue tantôt l'innocente pure chaste et vierge, et tantôt la pire provocatrice qui puisse exister. Celle qui appuie avec un plaisir aussi déplacé qu'évident sur ses plaies béantes et qui n'hésite pas à utiliser ses faiblesses pour satisfaire son ego. Une fille qui adore jouer les chatons esseulés et qui croit bêtement que les yeux imbibés de larmes sont une arme efficace. Une sale menteuse qui tente de berner tout le monde et elle y compris. Mais son petit jeu ne dupe personne, et surtout pas lui. Et Elizabeth avait peur. Terriblement peur qu'il se rende compte un jour qu'elle ne valait rien. Que de toutes les personnes qu'il avait pu fréquenter au cours de sa misérable existence valaient mieux qu'elle. Que ces enjôleuses se révélaient peut-être plus intéressantes qu'elle. Plus profonde, plus sensible, plus humaine. Car au fond, ce que retenait réellement Ethan, c'était cette passion dégueulasse et démentielle. Celle qui lui brisait les os, qui leur brisait les os. Celle dans laquelle ils étouffaient littéralement, mais qui d'une certaine façon arrivait à les maintenir en vie. Ce fil transparent et fragile qui servait de liant, qui l'empêchait de s'en aller. Elle tremblait de frayeur, qu'Ethan en ait sa claque de toute ça un jour. Qu'il finisse par ne plus la supporter lui non plus. La réciproque pouvait peut-être fonctionner, mais elle était intimement persuadée que ça ne partirait pas. Chairs tatouées à vif par cette fougue démesurée. Encre indélébile qui brûle, qui pulvérise. Les vains frottements ne font qu'érafler la peau, saigner les tissus. C'était ça, l'amour : la conviction qu'on risque de perdre l'autre à tout moment, tout en étant profondément convaincu qu'on est d'avance condamné à l'aimer. C'était donc ça, ce sentiment qu'on décrit comme merveilleux, ce truc qui est la muse de tant d'artiste ? La raison de la mort de certains, l'espoir d'autres. Il paraît qu'en amour, il y en a toujours un qui aime plus que l'autre. Était-ce réellement vérifié dans leur cas ?

Supportant aussi mal la critique que lui, elle lâcha un rire nerveux, avant de répliquer : « T'as oublié de mentionner le fait que derrière l'image de fille responsable et téméraire, il y a en fait une grosse lâche qui adore fuir les choses lorsqu'elles se corsent. Que je fous rien et que j'attends tout des autres, comme si je le méritais, comme si j'étais le bon dieu à qui on doit tout. Mais sinon dans l'ensemble t'as bien résumé quelle escroquerie j'étais, merci. » Cette manie d'agrandir chaque plaie, de tourner en dérision tout ce qui la faisait secrètement souffrir devenait véritablement dangereuse. Mais c'était soit ça, soit une vaine tentative de répliquer qui serait scandée par des larmes, et dont les seuls mots qui parviendrait à sortir de ses lèvres ressembleraient à de pitoyables aboiements. « Mais c'est de ta faute tout ça. C'est toi qui me pousse à bout à chaque fois, c'est toi qui m'asphyxie complètement, et t'oses me dire que j'ai fixé ces règles là, celles qui font que tu te dépraves comme un con chaque soir ? » Il était tellement plus aisé de faire pencher la balance de l'autre côté. Épargner un peu sa propre personne par pur égoïsme, et alléger toutes ces charges qui pèsent. Les faits étaient les mêmes, mais ils avaient chacun leur point de vue qui faisait que la véritable faute était rejetée sans cesse sur l'autre. Car il serait finalement trop dur à accepter que l'on puisse être à l'origine d'un tel carnage. « T'en as juste besoin, de toutes tes salopes, de tes clopes, de ta bouteille quotidienne. T'en as besoin, t'en as envie. Et tu t'étonnes ensuite que je puisse pas être admirative devant toi ? Qu'est-ce qu'il reste à admirer chez toi Ethan ? » Il était l'épave du Titanic, et elle l'iceberg. Ou l'inverse. Ou les deux en même temps. Mais une épave dont elle était en dépit de tout, folle amoureuse.
Elle finit par jeter un coup d'oeil à l'heure, avant de se rendre compte qu'il venait de gâcher sa nuit avec des idioties. Précieuses heures pendant lesquelles elle était censée dormir et étouffer sa fatigue dans une phase de sommeil profond, mais qu'elle a épuisé à l'aide d'une énième dispute. La journée qui se présentait allait être longue, très longue. Car elle allait se réveiller ici – si jamais elle réussissait à trouver le sommeil, avec quelque part dans l'appartement la petite gueule d'ange aux cheveux ébouriffés de son frère. Elle allait se réveiller et peut-être déclencher une nouvelle dispute, car chez les Calaan, il n'y avait pas d'heure pour se quereller. « Tais toi Ethan. J'en ai marre de t'entendre, j'en ai marre de te voir agir comme un gosse. Alors on va juste se taire, on va arrêter tout ça, et je vais aller dormir. Tu peux prendre ce que tu veux, le canapé, le paillasson, si tu veux partir, vas-y, je t'en prie, je te retiendrai pas. » Il était évidemment hors de question de lui céder le lit. Certes, elle lui était reconnaissante de le lui avoir laissé les rares où elle avait pu passer la nuit chez lui, mais les circonstances étaient différentes : ils ne venaient pas de se cracher à la gueule comme des malpropres ; même si certes ils ne venaient pas non plus de passer une soirée à jouer au Monopoly et boire du jus d'abricot. Elle lui adressa un regard qui respirait l'exaspération avant de tourner les talons et disparaître dans sa chambre. Malgré cette affreuse tendance à enfoncer Ethan au plus bas, Elizabeth se sentait un peu mal de le laisser là, seul et misérable, à l'étroit dans un canapé peu confortable – peu de logique, mais la logique n'était pas quelque chose qui lui était propre. Mais il fallait aussi dire qu'elle tirait plus de plaisir à le pousser à bout moralement qu'à le savoir dans une position incommode. « Tiens. » lui fit-elle, en lui tendant une couverture et le t-shirt bleu qu'elle avait pris la dernière fois. Elle s'était habituée à ces disputes – ou plutôt à cette dispute qui s'arrêtait et reprenait chaque fois. Autrefois, elle pouvait passer des heures à bouder dans son coin pour une querelle idiote, sa fierté ayant morflé sous les piques d'Ethan. Lorsqu'il avait commencé à gaspiller ses journées à l'insulter, les premières nuits étaient dures. Elle était alors persuadée qu'elle n'oublierait jamais ces mots-là, mais aujourd'hui elle s'en souvenait à peine. Toujours de nouveaux souvenirs pour effacer les plus anciens. Aujourd'hui c'était différent, et il l'avait parfaitement cerné : elle oscillait entre l'hystérie et les larmes. Elle oscillait parfaitement entre la rancœur et les attentions douces et futiles. Armistice établie via quelques bouts de tissus.

En toi, il n'y a plus rien de sain, tout est pourri par le vice. Ton cœur est gangrené, ton futur rouillé. Tu te traînes comme un damné, tu bois ton malheur en espérant l'annihiler, le broyer sous tes canines aiguisées, mais tu ne fais que t'y noyer. Tu t'enfonces dans ta belle déchéance, car c'est la seule chose qui t'es désormais permise. Et les belles, les splendides, elles sont toutes à genoux. A genoux pour toi. Elles récitent une litanie aussi douloureuse que risible, et n'attendent qu'une chose, que tu leur transfuses un peu de ton ivresse et les emmènes loin. Elles veulent fuir leur réalité en se plongeant dans la tienne, sans avoir la moindre idée de la grotte dans laquelle elles s'enfoncent. Elles sont toutes à tes pieds, moi y comprise. Je traîne à tes talons comme un boulet, celui qui t'enfonce un peu plus chaque jour et rend tes pas difficiles. Je suis le boulet qui te paralyse, je suis le problème et la solution. Mais mon amour, ta réalité est la mienne.


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