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 Good morning view (Quinn)

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MessageSujet: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyMar 21 Aoû - 0:03




Cela devait bien faire une heure ou deux que Rudy avait terminé les cours. Par conséquent, cela faisait un peu plus de soixante minutes qu'il accrochait des petites culottes sur un cintre avec une moue de zombie. Il avait beaucoup de mal à dormir en ce moment, soupçonnant d'ailleurs Lenny de mal couper son herbe, et n'avait pas franchement le moral au sommet de sa gloire. Travailler chez Victoria Secret aurait sûrement gommé les cernes béantes et le sourire inexistant de son visage, sauf qu'il bossait pour une marque insignifiante tenue par un type insignifiant qui ne pouvait pas se payer des vacances en Guadeloupe comme le PDG de Louis Vuitton (quoi que la Guadeloupe c'était trop bobo/nouveau-riche). Son visage morne était surtout dû, en plus d'un sommeil absent, au fait qu'il ressassait sans cesse ses vieilles histoires avec Helena. Décidément, elle le faisait suer même quand elle ne trouvait pas en face de lui.

Le pire, quand on travaillait dans sa boutique pourrie, c'était les ragots incessants des autres vendeuses. Il y avait déjà un ratio qui ne lui était avantageux en rien au niveau de la parité homme-femme dans ce magasin, mais subir les conséquences de ce sexisme féministe était une dure épreuve. Ainsi, il connaissait chaque jour les moindres gestes de truc, les coups bas de machin, les rumeurs sur untel et savait à quelle heure chaque habitant de ce village prenait sa douche. Il savait aussi qui avait couché avec qui, quand, où, et pourquoi. La plupart du temps, c'était pour tromper Brenda parce qu'elle avait dit à Jennyfer qu'elle ne savait pas se coiffer, et qu'elle s'habillait aussi mal que Mauricette. L'enfer sur terre. D'autant plus que la moitié des clients le prenaient pour un gay, il n'était donc pas rare de voir un gentil jeune homme lui faire quelques avances plus ou moins explicites qu'il se voyait obligé de refuser. Le seul avantage qu'il ne pouvait nier, c'était que ce job si ennuyeux lui payait allégrement son joli appartement si bien situé, ainsi que ses jeux de Xbox.

Ainsi, il ne retint pas sa joie quand il vit arriver Quinn, poussant la porte de la boutique. Il se rua sur elle, sans lui laisser le temps n'analyser la personne qui venait de se jeter sur sa pauvre personne. Enfin une personne aimable dans les environ, qui ne se souciait pas du dernier gilet hideux qu'elle venait d'acheter ou de la couleur de son vernis à ongle. Même s'il ignorait à quel fréquence elle changeait la substance collée au bout de ses doigts, il voulait juste se persuader que Quinn ne représentait pas une mégère soucieuse de faire courir n'importe qu'elle ragot sur n'importe qui. Il surveilla d'un oeil furtif sa supérieure qui devait l'observer, pestant sur les connaissances de ses employés qui venaient troubler son chiffre d'affaire, monopolisant leur main-d'œuvre. Pour montrer sa bonne foi, il fit semblant de présenter la nouvelle collection à Quinn, la poussant vers un rayon où pendaient des soutiens-gorges pleins de paillettes et des string à strass assez moches. « Rah, ça me fait plaisir de te voir, j'avais envie de me suicider en m'étranglant avec un porte-jarretelle. Qu'est-ce qui t'amènes ? T'as besoin de bonnets rembourrés pour faire marcher ta vie sentimentale ? » Les piques n'étaient nullement méchantes. Il avait juste cette habitude mesquine de se moquer gentiment de ses amies, notamment quand elles mettaient les pieds sur son lieu de travail. Et encore plus quand il s'agissait de Quinn. Une sorte de petit rituel.
Néanmoins, il s'attendait déjà à ce qu'elle lui parle de Lenny, à un moment ou un autre de la conversation. Il n'avait pas vraiment oublié le dîner familial des Hepburn-Wilde et des Gavennham, cette fameuse soirée où son aîné avait filé en douce avec son amie d'enfance. Il se tramait quelque chose entre ces deux-là, et il avait particulièrement peur de cette révélation. Peut-être s'étaient-ils juste disputés, au point de ne plus s'adresser la parole, et que leur excursion survenue durant le dîner organisé par les deux familles n'était qu'une mise au point. Au fond, il préférait ne pas trop y penser, et agir naturellement.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyMar 21 Aoû - 22:00


    « GOOD MORNING VIEW »
    RUDY&QUINN

    Je poussai un petit soupir avant de prendre mon courage à deux mains pour sortir de ma voiture. J’allais signer mon arrêt de mort dans la demi-heure qui allait suivre ; j’avais donc une belle excuse pour y aller à reculons. Il ne fallait pas croire. A la réflexion, je ne savais pas vraiment quel frère Gavennham allait me tuer. Cependant, une chose demeurait certaine : c’était bel et bien cette famille qui allait directement m’envoyer dans la tombe, sans aucun retour possible. Finalement, je n’aurais pas rendu l’âme à cause de mes élèves ou de mon hystérique de mère comme j’avais pu le penser durant de longues années, non. Cela aura été à cause d’eux.
    Si seulement j’avais su cela, plus jeune. J’aurais changé de bac à sable pour ne pas les rencontrer sur mon chemin. Ma vie aurait pu être un peu plus longue. J’aurais peut-être eu la chance de vivre un peu plus que les malheureuses vingt-deux années que j’avais réussi à accumuler par je ne savais quel miracle.
    Je marchai le long du trottoir afin de regagner le magasin où travaillait Rudy. Je savais que je commettais une erreur. Une très grosse erreur. Je savais également que je ferais mieux de ne pas me mêler de leurs histoires de frères et de m’occuper de mes propres problèmes avec mes frangins. Cependant, je ne supportais pas le côté secret de toute cette histoire – pourquoi Lenny n’avait-il pas dit à son cadet que nous nous parlions quasiment plus ? Pourquoi ne l’avait-il pas mis au courant que nos relations étaient des plus tendues suite à plusieurs dérapages ? J’étais presque sûre qu’il ne cachait jamais rien à son frère. Pourquoi fallait-il, alors, qu’il passe sous silence les histoires de coucherie qu’il y avait eu entre lui et sa meilleure amie ? Cela me frustrait de voir Rudy dans l’ignorance. Cela me frustrait de savoir que nos deux familles continuaient à penser que rien ne s’était passé. Cela me frustrait de devoir mentir au monde entier, et presque à moi-même. C’était donc pendant mes vacances dans la villa californienne familiale que j’avais eu la merveilleuse idée de prendre moi-même les choses en main et de balancer toute la vérité à Rudy. Sauf que, bien entendu, j’allais devoir en subir les conséquences.
    Et le problème, c’est que je ne savais pas à quoi m’attendre. Des ricanements ? De la colère envers ce silence ? De l’étonnement ? Les possibilités étaient infinies. J’allais en terre inconnue.
    Je poussai la porte du magasin de lingerie, et en l’espace de dix secondes, je me retrouvai assaillie par une personne. Je levai les yeux pour finalement constater que Rudy voyait ma venue comme l’apparition du Messie, à quelques détails près. Il me poussa sans un mot vers la nouvelle collection (dont le thème semblait être le disco, à en voir les paillettes) puis finit par lâcher ;
    « Rah, ça me fait plaisir de te voir, j'avais envie de me suicider en m'étranglant avec un porte-jarretelle. Qu'est-ce qui t'amènes ? T'as besoin de bonnets rembourrés pour faire marcher ta vie sentimentale ? »
    Je le fusillai du regard en attrapant un soutien-gorge pailleté, absolument importable, en lui mettant sous le nez.
    « Tu crois vraiment que ma vie sentimentale marcherait avec ça ? » dis-je en continuant de secouer l’article sous son nez. « Je suis sûre que ça fait fuir les gens… Et arrête de critiquer mes seins. T’es juste jaloux. »
    C’était un jeu, oui, et ce depuis qu’il travaillait ici. Je reposai le soutien-gorge discrètement, puis me mis à m’avancer dans le rayon pour voir ce qu’il y avait autre chose de potable. Et de portable. Je n’avais pas spécialement besoin de sous-vêtements, mais pour faire marcher mon plan, j’avais du m’inventer une potentielle liste d’achats.
    J’avais également en tête de prendre mon temps. Je n’étais pas spécialement motivée pour avouer tout de suite à Rudy certains détails intimes de ma sexualité, qui concernaient également son grand frère. C’était un peu glauque.
    « Je suis venue te sauver du suicide, si tu veux savoir. Et je cherche aussi des culottes de grand-mère, tu sais, celles en coton qui deviennent dix fois trop grandes quand tu les laves. » lançai-je en observant des soutien-gorge oranges peu flatteurs. « D’ailleurs, qu’est ce qu’on t’a fait pour que tu sois aussi désespéré ? » demandai-je.
    Je concevais que de travailler ici ne devait pas être facile. Mais au fond, il l’avait cherché. Et puis, elles ne pouvaient pas si terrible que ça ses collègues…
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyMer 22 Aoû - 17:06

Il n'arrivait pas à se rappeler depuis combien de temps il connaissait Quinn. Pour lui, elle avait presque toujours été là, au même titre que son frère. Un trio inséparable, ou du moins particulièrement scotché entre eux. Une sorte de bande à la Harry Potter, où Quinn s'arrachait sans trop de difficulté le trophée du génie du groupe. Et bien que plus jeune, elle avait toujours monopolisé le rôle de grande sœur, servant surtout à faire naître de resplendissantes auréoles au dessus de leur beau minois d'enfants sages, elle avait toujours eu un côté espiègle qui convenait très bien aux frères Gavennham. Il n'y avait donc aucun complexe pour Rudy, et encore moins pour Quinn à parler taille de bonnet ou marque de culottes. « Je suis sûre que ça fait fuir les gens… Et arrête de critiquer mes seins. T’es juste jaloux. » Il esquissa un sourire, alors qu'elle lui indiquait les soutiens-gorges hideux pailletés. « Techniquement, si tu viens ici, c'est pour t'acheter de quoi vendre du rêve à monsieur. Je peux t'apporter un très bon avis masculin d'ailleurs. » Il étira encore plus ses lèvres, de sorte à faire rayonner son machisme puéril. D'un autre côté, lâcher un garçon de son âge aux relents juvéniles dans un magasin de lingerie féminine n'allait pas l'aider à murir et à quitter les blagues pré-pubères. Mais, comme pour le cas présent, cela pouvait s'avérer être un argument de taille pour faire gonfler les ventes. Franchement, à part un homme, qui d'autre serait en mesure de conseiller sagement les femmes hétérosexuelles sur leur lingerie coquine ? « Et je suis pas jaloux du tout, t'inquiètes pas. Je suis très satisfait de ne pas avoir affaire avec un 75 A. »

Elle reposa ensuite la chose et commença à parcourir lentement les rayons. Elle cherchait, semblait-il, des culottes de grands-mères. Rudy la toisa, cherchant à déceler une parcelle d'ironie sur son visage. Quinn n'était pas particulièrement le genre de nana à porter des culottes de grands-mères. Il ne connaissait pas non plus l'intégralité de sa garde-robe de sous-vêtements, mais elle ne s'habillait pas comme une nonne sortant des vêpres, prête à partir enfiler une chemise de nuit aussi massive que la robe de Dumbledore. « C'est vrai que les couches de vieilles te sauveraient beaucoup. Les hommes s'arracheront tes strip-teases. Mais j'ai ce qu'il te faut. » Il lui fit signe de le suivre et parti dans un rayon à l'écart des autres, dévoilant les meilleurs dessous qu'une séniore prude aurait pu rêvés. Il lui montra notamment une rangée de culottes ayant la longueur d'un bermuda, et en sortit la taille XS. Il la braqua au niveau des hanches de Quinn, histoire d'évaluer à vu d'œil la largeur adéquate. Il la fourra ensuite dans les mains de la jeune blonde et chercha des yeux le “soutien-gorge” assorti. Il trouva une sorte de brassière pour obèse qu'il lui tendit également. « Tiens, à la base c'est fait pour que tes seins ne tombent pas, mais vu le peu que t'as, t'as pas grand chose à retenir. Puis la culotte, c'est une nouvelle matière, qui ne se détend pas au lavage. »

Il considéra ensuite la dernière question de Quinn. Bien qu'elle représentait une des seules personnes sur cette terre à 1) ne pas vouloir sa mort, 2) ne pas avoir d'égo sur-dimensionné empêchant toute conversation normale, ou 3) ne pas se revendiquer meilleur ami mais quand même aller trifouiller dans les affaires des autres, il n'avait pas envie de s'étaler sur le sujet. Il inventa alors une excuse bidon qui faisait magnifiquement l'affaire. « J'avais une soirée hier, l'anniversaire d'un gars de ma promo. J'ai juste mal dormi et la gueule de bois est pas totalement passée. Et toi, t'as quoi de beau à raconter, à part tes goûts palpitants en matière de dessous coquins ? »
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyJeu 23 Aoû - 22:00


    « GOOD MORNING VIEW »
    RUDY&QUINN

    Et bim. Mes seins se reprenaient une remarque. Ils allaient finir par se sentir vexés et rétrécir de honte jusqu’au point de réellement faire un 75A.
    A vrai dire, je m’y étais attendue. Cela me semblait presque évident que Rudy profitait de ma venue pour une nouvelle fois me lancer des piques. Le contraire n’aurait pas été normal, voire même inquiétant. Je me contentai donc, en reposant le soutien-gorge que je lui avais montré quelques secondes plus tôt, de lever les yeux au ciel avant de poursuivre ma route dans le magasin. Débattre sur ma taille de bonnet n’allait servir à rien, il continuerait de toute manière à tenir des propos peu flatteurs à l’égard de ma poitrine. Par le passé, j’avais régulièrement eu envie de lui mettre mes seins sous le nez pour lui prouver que je n’avais pas hérité de clémentines, mais cela n’avait jamais dépassé mes pensées. Fort heureusement. J’aurais eu la mort de Rudy sur la conscience, ou cela n’aurait été qu’empirer la situation et notre jeu puéril. Cet acte était donc aussi extrême qu’inutile. J’avais tout soigneusement calculé avant d’abandonner l’idée, tout de même.
    Il me demanda ce que je faisais là, et je ne trouvais qu’une réponse bidon pour gagner un peu de temps. Les seuls sous-vêtements qui m’avaient traversé l’esprit avaient été les culottes de grand-mères, très certainement parce que j’en avais croisé un tas en Californie. A l’aide d’un nouveau pique et d’un signe de la main, il me présenta les dernières tendances en matière de couches pour mémés. Les hommes allaient s’arracher mes strip-teases, si j’en croyais ses dires, alors qu’il me présentait une brassière assortie que je n’oserais jamais porté, même s’il s’agissait du dernier vêtement sur cette Terre. J’eus un sourire en faisant mine de m’intéresser à ce qu’il m’avait mis dans les mains. Il continua à venter les qualités de la matière utilisée, tandis que je n’écoutais qu’à moitié.
    « Tu sais, ils s’arrachent déjà mes strip-teases. Ce genre d’arguments pour me vendre n’importe quoi ne sert à rien. »
    Vas-y Rudy, vends-moi du rêve. Enfin, vends-moi des culottes de grand-mères, quoi.
    Alors qu’il avait pris très au sérieux son rôle de vendeur de lingerie féminine pour finalement me donner des articles dont je n’avais pas besoin et qui en plus me donnaient presque des frissons de terreur, il mit cependant beaucoup de temps avant de répondre à ma question. Quand j’étais arrivée, il m’avait déclaré que je le sauvais du suicide. Maintenant que je remontais aux causes, j’avais le droit à du silence.
    Ou presque.
    « J'avais une soirée hier, l'anniversaire d'un gars de ma promo. J'ai juste mal dormi et la gueule de bois n’est pas totalement passée. Et toi, t'as quoi de beau à raconter, à part tes goûts palpitants en matière de dessous coquins ? »
    J’hochai la tête. C’était une raison comme une autre. Je ne cherchai pas à creuser un peu plus, bien qu’à la base, j’avais prévu de faire passer le temps. Mon but premier demeurait, quand même, de survivre le plus longtemps possible. Et puis, dans ce magasin, Rudy me semblait bien dangereux avec tous ces strings par centaines autour de lui. C’était facile, d’étouffer quelqu’un avec ces choses-là. J’en étais persuadée.
    Je poussai un petit soupir.
    « Tu sais, pas grand-chose. » commençai-je.
    Oh mon Dieu. S’il savait.
    « Je rentre tout juste d’un mois en Californie avec ma famille au complet. J’ai eu envie d’étrangler mes sœurs et ma mère plusieurs fois et j’ai découvert que mon petit frère de cinq ans était très bien parti pour avoir le même parcours scolaire que moi. » dis-je d’une voix penaude. « Heureusement que le prochain voyage familial est pour l’année prochaine, je vais avoir du mal à m’en remettre. »
    Eh non. Contrairement aux grandes familles des séries télévisées, ce n’était pas toujours facile d’avoir deux demi-sœurs, un demi-frère et un petit frère de cinq ans. J’avais beau les adorer, j’étais bien contente de ne les supporter que très rarement durant tout le reste de l’année. A sept, on finit souvent par se taper dessus pour rien. C’était déprimant.
    Je finis par reposer l’ensemble que Rudy m’avait donné à leur place initial, puis jetai un vague regard au magasin. Mes yeux se posèrent sur de la lingerie toute en dentelle, et je m’y aventurai en m’assurant que Rudy me suivait bien. J’effleurai la dentelle du bout du doigt, puis pris mon courage à deux mains.
    « Je suppose, sinon, que ma mère à dit à ta mère que je m’étais fait agressé un soir de juin... ? » demandai-je, hésitante.
    C’était un moyen détourné. C’était déjà mieux que rien. Et puis, de toute manière, je savais déjà que ma mère l’avait raconté à tout Arrowsic. Je lui en avais voulu, d’ailleurs. D’après elle, elle ne l’avait confié qu’à ses amies proches et à sa coiffeuse.
    Elle avait oublié, bien entendu, que les informations allaient bon train dans ce petit village perdu dans le Maine.
    Si j’avais commencé par là, c’était parce que Lenny faisait parti de l’histoire. Et que, de toute manière, il fallait bien commencer quelque part.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptySam 25 Aoû - 17:29

Rudy sourit en entendant Quinn répliquer. Il était très heureux pour elle, se trouvait franchement réjoui de savoir que sa vie sexuelle se portait à merveille. Ou plutôt la mise en scène. Et il se portait très bien sans les détails de ses fameux strip-teases. Il continua alors de vanter le tissu unique de ses culottes laides au possible, bien que sachant pertinemment que Quinn paierait beaucoup plus pour ne pas les porter, plutôt que l'inverse. Il alla jusqu'à lui parler des fibres ajustables en fonction de la morphologie de son possesseur. Il déballa la suite de son discours, appris sur le bout des doigts – il avait été assigné à ce rayon pendant une paire de semaines - , avec un ton solennel censé capter l'attention. Elle semblait en effet absente, souriant beaucoup moins qu'à son habitude, et détournant le regard de temps à autre, dénuée de son engouement naturel. « C'est comme une seconde peau, ça se porte très bien, et c'est pratique, rapide à défaire pour les envies pressantes. » Mais même cette nouvelle couche d'ironie plaisante ne l'atteignit qu'à peine.

Commença ensuite l'habituelle conversation autour du “quoi de neuf l'ami”. Quinn avait visiblement eut des vacances assez sympathiques en Californie. Ce qui était un peu plus exotique que Rudy, qui, désireux d'économiser, ne s'était offert que deux semaines à la mer... à Arrowsic. Le reste de l'été, il avait goûté aux chiffres d'affaires négatifs, dus au désert qu'était devenu le village, pas franchement apprécié des touristes. Il avait même eut peur de voir sa paye lui passer sous le nez. Ses géniteurs avaient quant à eux fait la visite bi-anuelle des grands-parents libanais, mais peu friand d'ennui mortel de l'autre côté de l'Atlantique, Rudy avait préféré tuer le temps chez lui. « C'est pas mal tout ça, t'as dû t'éclater, même avec tout ce beau monde dans les pattes. C'est toujours mieux que d'aller se baigner dans l'Atlantique sur la super plage d'Arrowsic. Y'a pas beaucoup de bikinis ici, tu sais. »

Elle reposa finalement la garde robe sénile et marcha jusqu'au rayon suivant, engageant un sujet que Rudy avait magnifiquement oublié; l'accident de Quinn. Par accident, il était surtout question d'agression, et de vol. L'incident remontant à deux moins maintenant, il avait eut le temps de penser à autre chose, et l'information était doucement ressortie. Il se sentait affreusement honteux, alors qu'elle prenait soin de lui rappeler le fameux évènement. Il aurait dû l'appeler au moment même où sa mère lui en avait fait part. Il aurait dû aller la voir, se cotiser pour lui offrir un nouveau sac à noël, faire son devoir d'ami. A la place, il lui avait envoyée un SMS lui demandant si elle avait aperçu Pamela Anderson sur la plage de Malibu. Il essaya alors de se remémorer le jour où sa mère le lui avait raconté, histoire de retrouver un minimum de sérieux après s'être fendu la poire sur les culottes de mamies. « Ouais, elle m'en a parlé, mais elle ne s'est pas étalée en parlant des détails. Je suis désolé, j'aurai dû t'appeler. Mais... sur le coup t'as réussi à joindre quelqu'un ? T'es pas rentrée toute seule quand même ? » Apprendre que sa plus vieille amie s'était faite agressée et défigurée la tronche par une bande de voyous dénués de morale l'avait déjà fait paniquer comme un gamin entendant un orage pour la première fois de sa vie. Mais savoir qu'elle était, en plus de ça, rentrée chez elle seule parce qu'elle avait affirmé allant soit-disant bien, il ne pouvait le cautionner. Et il connaissait Quinn. Elle était capable de raconter qu'elle avait juste glissé dans les escaliers et qu'elle était tombée sur la tête, seulement pour qu'on la laisse tranquille avec son œil au beurre noir. Il avait donc une once d'anxiété, priant pour qu'elle ne lui sorte pas “après qu'on m'est fait pisser le sang, je suis rentrée me manger une pizza devant Les Experts”. Elle avait beau se dire forte, se vanter de pouvoir encaisser pleins de trucs, elle n'en restait pas moins fragile. Et puis, elle avait pas la tronche d'une lançeuse de poids. Avec son petit gabarit, c'était facile de la heurter.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyDim 26 Aoû - 22:00


    « GOOD MORNING VIEW »
    RUDY&QUINN

    Tandis que j’avais encore l’abominable ensemble entre les mains – ensemble qui, d’ailleurs, allait finir par me donner des cauchemars la nuit – je lui racontai mes vacances en Californie avec ma famille. Nous faisions ce voyage tous les ans. D’autres familles préféraient visiter des pays encore inconnus à leur mémoire, certaines passaient deux mois chez leurs différentes familles. Cependant, chez les Hepburn-Wilde, c’était différent. Comme d’habitude. Mes parents avaient acheté une maison en face de la mère aux alentours de San Francisco il y a maintenant une dizaine d’années, et depuis, nous passions tous les ans un mois là-bas, sans de dérogation possible. Haley avait cependant trouvé un moyen de n’y aller qu’une année sur deux grâce à son boulot et son fiancé, Billie avait de temps en temps la merveilleuse excuse d’aller chez sa mère. Moi ? J’étais traînée dans tous les recoins de la Californie sous chaque caprice de ma mère, en véritable accessoire de mode dont elle ne réussissait plus à se passer. J’étais comme un chihuahua de Paris Hilton. Il était tout bonnement impossible d’avoir la paix pendant trente minutes d’affilé.
    Rudy me répondit que j’avais du quand même passer de bonnes vacances, malgré tout, et que de toute manière, les plages Californiennes n’avaient aucun rapport avec celle dont on avait hérité à Arrowsic. Je ris quand il me parla des bikinis aux abonnés absents dans le Maine, avant de reposer la culotte de grand-mère avec la brassière qui allait avec à l’endroit où il les avait trouvé.
    « Il n’y a peut-être pas beaucoup de bikinis ici, mais au moins, tu passes tes journées le nez dans de la lingerie féminine. Ca compense. » lançai-je en haussant les épaules avec un petit sourire.
    Je repérai alors des ensembles en dentelle, puis me dirigeai dans le rayon où ils se trouvaient. J’avais beau parlé de différentes choses avec Rudy, je n’avais pas oublié la raison première de ma venue. J’avais beau avoir repéré un magnifique soutien-gorge rouge en dentelle que je ne mettrais certainement jamais parce que je l’oublierais quelque part au fond de mon tiroir, j’avais toujours en tête qu’il fallait que je lui parle de Lenny. C’est seulement après quelques minutes, faisant mine que j’observai le sous-vêtement sous toutes ses coutures, que je m’autorisais à m’aventurer sur ce dangereux sujet.
    Dangereux pour moi, ouais.
    Je choisis de commencer par l’agression. C’était le plus beau moyen que j’avais trouvé pour l’amener sur le sujet, sans lancer de but en blanc « Bon, on a couché ensemble. Voilà. ». Rudy répondit alors que sa mère lui en avait parlé, qu’il aurait dû m’appeler. Il finit par poser une question qui résonna dans ma tête pendant de longues secondes. T'es pas rentrée toute seule quand même ? Je secouai la tête pour la chasser, puis détachai mes doigts du soutien-gorge qui accaparait mon attention depuis tout à l’heure.
    « Mais non, t’as bien fait de ne pas appeler. Ca va. » dis-je machinalement. « Tu sais, mon objectif numéro un a été d’enterrer l’affaire le plus vite possible pour être tranquille et éviter d’y penser. »
    Chose que ma mère avait été incapable de faire, bien entendu. Elle m’avait fait un cinéma d’enfer quand elle avait appris toute l’histoire, avait forcé mon père à m’ausculter trois fois avant de décréter que je n’étais peut-être pas en danger de mort immédiat. Habituellement, ce souvenir me faisait sourire. Cependant, à l’instant même, j’étais surtout focalisée sur mon cœur en train de s’emballer. J’étais déjà sur le reste de ma réponse.
    « Et sinon… Non. J’ai passé la nuit chez Lenny. Il est venu me chercher au commissariat. »
    Je déglutis. C’était maintenant ou jamais.
    « En fait, c’était la première fois qu’on se revoyait depuis le diner entre nos deux familles en mai, tu te souviens ? » dis-je lentement, sans réussir à le regarder dans les yeux. « Ca fait plusieurs mois qu’on… Que c’est un peu chaotique entre nous. »
    Vas-y Quinn, rame.
    Je levai les yeux vers lui. Je savais que je n’étais pas clair. Je savais que cela prêtait à confusion, puisque cela pouvait s’agir d’une simple dispute. D’une grosse dispute, mais d’une dispute quand même. J’aurais tellement aimé lui expliquer que ce soir-là nous avions été sur le point de coucher ensemble mais qu’il m’avait planté là, que le soir où j’avais été agressée il avait été là pour moi, mais que j’étais partie le lendemain comme la dernière des imbéciles parce que j’étais trop faible pour affronter tout ça, parce qu’il m’avait embrassé, parce que mes sentiments n’étaient plus tout à fait les mêmes.
    Je poussai un soupir, mon cœur continuant à tambouriner de manière incontrôlable dans ma poitrine. Y aller par des chemins détournés ne servait à rien. Strictement à rien. Il valait mieux que je lui dise directement. C’était comme une bande de cire. Il fallait la décoller d’un coup sec.
    « On a couché ensemble… A plusieurs reprises. Voilà. » murmurai-je d’une toute petite voix.
    Cela était exactement ce que je ne voulais pas faire. Il allait me faire une crise cardiaque et je serais dans l’obligation de lui faire un massage cardiaque et du bouche à bouche pour le réanimer afin qu’il me tue.
    La vie était injuste. Vraiment.
    « Ca fait des mois qu’on se voit plus à cause de ça parce que… Parce que ça a changé. Lenny voulait pas t’en parler mais j’aime pas cacher les choses aux gens. »
    Et voilà, c’était fait. Pendant un instant, je m’attendais à ce qu’il meurt de choc sur le champs, puis je finis par me dire que j’aurais peut-être mieux fait d’écrire mon testament avant de venir ici. Parce que si Rudy ne me tuait pas, il allait dire à Lenny que je lui avais tout raconter. Et là, ça serait Lenny qui viendrait m’égorger de ses propres mains.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyLun 27 Aoû - 21:39

Quinn lui vanta les bienfaits de son boulot à mi-temps, en compensation d'un manque de bikinis sur les plages d'Arrowsic. Il sentait bien que tout le monde voyait son travail comme le paradis masculin. Les premières semaines, c'est effectivement très drôle et divertissant. Les nouveaux stocks remplis à ras bord des prochaines collections sont extrêmement délicieux à ouvrir et à mettre en rayon, mais franchement, au bout de trois mois, on aimerait bien voir autre chose que des strings et des culottes en coton. Dorénavant, quand il voyait une nana en sous-vêtement, ça ne l'émoustillait plus qu'à peine. Il pouvait lui donner la taille de bonnet de son haut et la matière de sa culotte avec une voix monotone. Et puis ça devenait tellement facile de soupçonner une homosexualité dans son emploi – son voisin Imran se moquait d'ailleurs de lui avec un engouement affolant – ou même un esprit de prédateur sexuel, comme l'avait autrefois insinué Rumour Has It. Il se contenta alors de hausser nonchalamment les épaules. « Au bout d'un moment, c'est même plus excitant tu sais. » En fait, c'était totalement pourri de travailler ici.

Arrêtée devant un soutien gorge rouge composé à 37% de polyester, 56% de polyamide et 7% d'élasthanne, très apprécié des jeunes clientes, elle enchaîna les silences entre deux répliques. Il écouta d'abord son désir d'oublier son agression, ce qu'il comprenait. Ce qui l'échappait, c'était pourquoi alors aborder ce sujet sensible. La réponse vint bien assez vite.
Elle lui déclara avoir passé la nuit chez Lenny. Entre meilleurs amis, cela paraissait banal. Mais vu l'expression peu joviale sur son visage, la suite semblait loin d'être banale.
Elle enchaîna avec l'annonce de leur relation chaotique. Hmm. Rudy ne voyait strictement pas du tout où elle voulait en venir. Son frère était visiblement venu la chercher en héros au commissariat, alors qu'ils étaient censés apparemment s'éviter quelque peu. Il fronça donc les sourcils, croisant les bras sur son torse, attendant qu'elle aille au bout de sa pensée.
Puis ce fut la claque. Les mots de trop. Une bombe atomique qui venait de ratatiner l'État du Maine dans son intégralité. Le début l'assomma. Puis elle porta son dernier coup en ajoutant le magnifique complément circonstanciel à plusieurs reprises. Tous ses sens furent coupés, le temps d'une seconde, le temps de faire parvenir cette information traitre à son cerveau complètement déréglé, qui ne savait quelle action ordonner. Il préféra commander à l'intégralité de ses muscles de quitter le navire. Rudy se laissa par conséquent tomber par terre, reposant son dos contre le mur. Il relâcha ses jambes, les allongeant sur le sol de tout leur long. Son visage était décomposé, dénué de toute expression, comme si le bouton « veille » au dessus de sa colonne vertébrale avait été poussé, le laissant choir comme un pantin inanimé. Les mots suivants de Quinn semblaient être un écho lointain, résonnant depuis le phare d'Arrowsic. D'autant plus que, d'après ces paroles éloignée, cela durait depuis plusieurs mois. Puis, son organisme revenant à la vie, il se prit la tête dans les mains, n'adressant plus un regard à la belle blonde toujours plantée devant lui, quelques centimètres plus haut.

Il ne l'avait pas du tout vue venir, celle-là. Il y avait mille autres raisons d'entretenir des relations chaotiques avec son ou sa meilleur(e) ami(e), bordel. Et Rudy s'imaginait plus une dispute autre que ça. Cette querelle aurait très bien pu naître à cause de Lenny ayant volé un DVD à Quinn, ou elle ne lui ayant pas remboursé un gramme de beuh. Mais certainement pas des histoires de baise entre potes, non. Son sang bouillonna alors de rage. Il avait rendu une visite, certes peu courtoise, à son frère, et jamais, non jamais il n'avait mentionné sa romance avec leur meilleure amie commune. Même pas un SMS, manière détournée et lâche d'avouer ses pires vices. Quoi qu'il se voyait mal recevoir un message indiquant « au fait, j'ai couché avec Quinn. Peace. »

Il sortit finalement son visage de ses paumes, soupirant. Il la toisa, la fusillant du regard, de la raie de ses cheveux bien coiffés aux lacets négligés de ses chaussures. D'une voix presque étouffée, enrouée dont on discerner cependant le ton sec, il se décida finalement à parler. « Et t'attends quoi de moi ? Que je te conseille sur comment le faire bander en sous-vêtements ? » Il lui en voulait. Il lui en voulait tellement. Il n'arrivait à savoir si cette haine qu'il était en train de développer pour ce couple putride que représentaient ses deux meilleurs amis était due au fait que pendant des mois, ils lui avaient menti, dissimulant leur escapade amoureuse, ou parce que tout simplement ils avaient cette affection sentimentale pour l'autre. Ce sentiment pestilentiel qu'ils devaient entretenir, et qui répugnait Rudy, sûrement plus parce que lui n'y avait pas droit que parce qu'il s'agissait de Quinn et Lenny. Il finit par détourner son regard de sa compère, alors qu'il se tenait toujours par terre, prêt à choir sur le parquet du magasin durant les prochaines heures, de sorte à surmonter les dires de Quinn. « Je dois bosser. » Il sous-entendait derrière cette phrase âpre et sévère que son départ était prié, à moins qu'elle ne désire continuer sur les révélations grinçantes. Il y en avait sûrement des dizaines d'autres, vu la masse de vérités que lui avaient déjà cachées Lenny, entre son désir ardent et toujours inexpliqué de rencontrer son plan cul et de ne surtout pas mentionner le fait qu'il ait été informé du retour d'Helena depuis des siècles. La confiance qu'il leur avait accordé à tout deux venait de s'envoler pour un bon bout de temps. Et la regagner s'avérait particulièrement rude.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyMar 28 Aoû - 19:44


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    RUDY&QUINN

    C’était dur de lui dire en face. Cela était encore plus dur que tout ce que j’avais pu imaginer après avoir décidé de lui annoncer la vérité, alors que j’avais monté les pires scénarios possibles. Les mots semblaient être coincés au fond de ma gorge, et j’envisageais de plus en plus la possibilité de m’en aller sans lui en souffler un mot. La seule chose qui me poussait à me dire qu’il fallait qu’il le sache était la conviction qu’il valait mieux ne pas avoir de mensonges. Pas de non dits. Pas de sujets mis sous silence volontairement pour une raison x ou y. Nous nous connaissions depuis trop longtemps pour pouvoir admettre qu’il puisse exister des choses à garder secrètes, surtout quand il s’agissait d’un sujet qui nous concernait tous les droits plus ou moins directement.
    Et puis, je détestais les secrets. Encore plus quand il s’agissait des frères Gavennham, ces frères qui me connaissaient depuis que je portais des couches-culottes et qui me supportaient depuis. Au fond, c’était pour le bien de tout le monde de lui dire… Surtout pour le bien de ma conscience, en réalité. Cependant, je ne l’admettais qu’à moitié. Je cherchais à tout prix de me donner des excuses pour justifier ce que j’étais sur le point de faire. Ce que je faisais.
    Je finis par lui annoncer explicitement, de manière franche et directe. Nous avions couché ensemble à plusieurs reprises avec Lenny. Point. La vérité s’était échappée de ma bouche au moment où la culpabilité que je ressentais m’avait laissé un moment de répit. Je m’en voulus sur le champ de lui avoir balancé l’information de cette manière, puis ajoutai que cela faisait des mois que nous nous voyions presque plus afin d’atténuer légèrement la révélation. En vain. Rudy n’ajouta rien sur le moment, mais son visage parlait pour lui. Je l’observai glisser contre le mur et s’affaler par terre, le regard vide, les mains sur son visage. Je n’ajoutai rien, mal à l’aise, désolée pour lui, remplie de cette culpabilité qui me rendait malade. Les minutes s’écoulèrent. J’étais plus basse que terre. Lui semblait l’être également.
    « Et t'attends quoi de moi ? Que je te conseille sur comment le faire bander en sous-vêtements ? »
    Il avait fini par reprendre la parole, son regard assassin posé sur moi. C’était une véritable douche froide. De nombreuses répliques me vinrent en tête, mais chacune d’entre elles s’évanouissaient à chaque fois que je refermais la bouche en jugeant que ce n’était ni le lieu, ni le moment de faire ce genre de commentaires. Comment Rudy aurait-il réagi si je lui avais dit que je n’avais pas eu besoin de sous-vêtement pour faire bander son frère ? Que ce n’était pas avec des culottes de grand-mère que j’allais y parvenir? Que de toute manière, à chaque fois, nous n’avions pas gardé nos sous-vêtements bien longtemps ?
    En temps normal, j’aurais fait ce genre de remarques. Là, j’étais tout bonnement incapable de dire quoi que ce soit pour ma défense.
    « Rudy… »
    Sa remarque m’avait blessée, oui. Je savais qu’elle était normale. Je m’y étais attendue. Cependant, au fond de moi, j’avais prié corps et âme pour que cela le fasse rire. J’avais toujours nourri cet espoir naïf au fond de moi. Il fallait croire que j’étais peut-être la plus idiote d’entre toutes.
    Il finit par décréter qu’il devait bosser. La tonalité de sa voix était très explicite ; il était en colère et si je tenais à la vie, il valait mieux que je déguerpisse au plus vite. Je poussai un petit soupir avant de venir m’asseoir par terre, à côté de ses jambes, de manière à ce que je sois plus ou moins en face de lui. Je lui jetai un regard désolé, la gorge toujours nouée, les mains agitées de tics nerveux. Je ne fis aucune remarque sur ce qu’il venait de me dire. Je préférais royalement l’ignorer.
    « T’es la première personne à le savoir. » murmurai-je. « C’est… J’en… J’en pouvais plus de te mentir. Je suis pas du genre à avoir des secrets… »
    Certainement pas. Cependant, celui là était différent. En étant plus jeune, j’avais été incapable de garder le silence à propos de mes conneries (Qui avait bien pu casser le vase de la vieille grand-mère ? Quinny, bien entendu. J’étais toujours la première à me vendre volontairement) mais là, personne n’avait été au courant des histoires de coucheries entre Lenny et moi. J’avais eu l’impression que cela était un secret d’Etat. Un lourd silence que nous nous devions de garder. Lenny l’avait très bien fait. Personnellement, j’avais eu plus de scrupules.
    Si cela pouvait s’appeler comme ça, bien entendu. Ma conscience. Toujours cette putain de conscience.
    « On était saoule d’accord ? On avait beaucoup, beaucoup bu. Depuis on a recommencé une fois. C’était il y a des mois. » continuai-je. « Je suis vraiment désolée, Rudy. J’aurais du te le dire avant. J’ai pas trouvé le courage. »
    J’espérais tellement recoller les morceaux. J’avais l’impression d’être une gamine, à tout tenter afin de pouvoir s’en sortir un peu partout. Je détestais l’expression qu’il avait. Je détestais le regard qu’il me lançait. J’avais l’impression d’avoir réduit en miette la confiance qu’il m’avait accordée.
    A la réflexion, Lenny avait raison. Il aurait mis valu ne rien lui dire. Personnellement, je penchais plus sur le fait qu’il aurait mieux valu lui dire tout de suite.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyJeu 30 Aoû - 0:40

Ça le faisait chier. Ça le faisait chier que Quinn fricote avec son frère, et ce depuis des mois, alors qu'elle clamait qu'elle détestait les secrets. Ils étaient ses meilleurs amis, ils étaient une fratrie. Et il en voulait terriblement à Lenny, et à sa nouvelle petite copine. Il n'arrivait pas à chasser son regard noir de sa pseudo-cliente. Il avait les dents qui grinçaient, qui retenaient cette boule qui habitait sa gorge, dotée d'une jumelle dans son estomac, l'empêchant de déglutir normalement. Il sentait le mur contre lequel il était appuyé pousser contre son dos et monopoliser toutes ses forces, cherchant à l'abattre à mesure que les mots de Quinn procédaient à des aller-retours entre les différentes parties de son cerveau. C'était une sorte de course effrénée de Formule 1, avec tous ces gros bolides sortant de la piste que formaient ses vaisseaux sanguins, et s'écrasant contre ses tempes, lui procurant un affreux mal de tête. Et elle avait beau l'implorer, murmurer son nom et justifier ses actes, elle n'allait pas les effacer en un claquement de doigt. Le mal était fait, point.

« On était saoule d’accord ? On avait beaucoup, beaucoup bu. Depuis on a recommencé une fois. C’était il y a des mois. » Il soupira de plus belle. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle désirait lui dire. Avaient-ils eut leurs parties de jambes en l'air sous l'emprise de l'alcool ou d'une pulsion primaire et bestiale volontaire ? Les deux cas étaient bien différents, et même s'il n'aurait pas non plus cautionné le premier, il y avait une différence dans l'intention première. Mais à force d'écouter Quinn, Rudy sentit que la volonté avait été présente à un moment ou à un autre. Il avait déjà été bourré plus d'une fois en présence de sa meilleure amie, ce n'était pas pour autant qu'il lui avait sautée dessus avec l'intention de défaire ses draps. « Vous avez recommencé, ça veut bien dire que la première fois était pas dégueulasse, tu peux pas nier ça. Et puis je veux bien te croire, que t'aimes pas les secrets, mais si t'étais sincère, tu me l'aurais peut-être dit un chouilla plus tôt, un peu avant que vous ne commenciez à compter en mois votre magnifique relation exclusive. » S'il avait eut un AK47 à la place des pupilles, le corps de la jolie blonde aurait été réduit en miette sous les balles sifflantes, lancées à une si courte portée.

Voyant que sa supérieure le cherchait des yeux et allait finir par lui lancer un regard encore plus destructeur que celui auquel avait droit Quinn, il se releva lentement et fit mine de ranger le rayon où ils se tenaient tous les deux. Il en avait marre qu'elle le colle, qu'elle continue à se plaindre pour tenter de rattraper le chaos qu'elle venait de causer. Sauf que Rudy manquait sérieusement de recul pour lui pardonner ou lui adresser un quelconque geste amical. Il l'avait tout bonnement au travers de la gorge, agrémenté d'un goût pâteux au creux de sa langue, un goût amer de trahison. Remettant le soutien-gorge rouge qu'elle avait tripoté sur son portant, il tenta de l'ignorer. Néanmoins, des images peu gracieuses d'elle et son frère s'éminçaient avec plaisir sous ses yeux et rendaient sa tâche insupportable, si bien qu'il la regardait de temps à autre de travers, avec une œillade désobligeante face à la vue de ces scènes. Et puis, Quinn ne daignait franchement pas bouger, décidée à camper toute la nuit s'il le fallait, jusqu'à l'obtention d'une réponse qui la satisferait. Il en conclut donc qu'il ne pouvait éternellement garder le silence autour de ce tête-à-tête transpirant de gêne. D'une voix plus calme, plus posée, il s'exclama finalement. « Est-ce que tu... est-ce que tu l'aimes ? » Ce qu'il redoutait le plus, dans cette histoire, c'était de découvrir un soupçon d'amour dans cette relation visiblement braquée devant un mur d'incertitudes. Et il ne voulait, par-dessus tout, que Quinn soit amoureuse de son frère. Non pas qu'il ne désirait point son bonheur, mais il appréhendait ce genre de relation avec Lenny. Il n'arrivait pas du tout à le cerner au niveau de sa vie sentimentale et ne pouvait prévoir ses actes dans ce domaine-là, si bien qu'il avait surtout peur qu'elle en ressorte bouleversée. Entre son herbe qui était tout à fait capable de le rendre détestable sur plusieurs points, et sa paresse innée qui ne le menait nul part, il n'arrivait pas à l'imaginer dans quelque chose de stable, posé avec une fille, installé sur le long terme. Il ne doutait franchement pas de ses bonnes intentions, mais étant donné qu'ils n'avaient pas pu en parler à cause d'une constipation générale concernant les vérités cuisantes, il ne voulait pas que Quinn se jette dans un tel attachement. « Tu sais, au fond je crois que je m'en fiche. Que dans un mois, ça sera insignifiant. C'est votre problème, c'est votre choix, vous allez l'assumer. Et puis peut-être que vous vous rendrez compte que ça ne marche pas. Je sais pas. Ou alors vous allez vous découvrir un amour inconditionnel pour l'autre, et dans ce cas-là je vous souhaite beaucoup de bonheur, que vous viviez heureux pour le restant de vos jours, en priant pour que Lenny ne fasse pas le con. Parce que oui, ça me fait peur. Je le connais pas assez bien quand il s'agit de nanas. Et je veux pas que tu sortes de ça complètement anéantie. Je sais ce que c'est, et crois-moi, t'as pas envie de vivre ça. Mais ce qui me fait chier, Quinn, ce qui me fait vraiment chier, c'est qu'on sera plus comme avant. On sera plus les trois super potes qui se bourraient la gueule au Jack's Lounge la veille de la rentrée scolaire, ou qui se regardaient les trois Seigneur Des Anneaux en une nuit. Parce qu'il y aura ça entre Lenny et toi. Et moi je passerai mon temps à tenir la chandelle, pendant que vous vous embrasserez comme des benêts durant la bataille de Minas Tirith. Et vous, vous le verrez pas, mais je serai le type en trop qui fera tâche sur vos futures photos de mariage. »
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyJeu 30 Aoû - 19:07


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    RUDY&QUINN

    Rudy était furieux contre moi. Contre nous. Contre la Terre entière, presque. Son regard noir me rendait de plus en plus nerveuse, et je finissais par me dire que malgré toutes les bonnes intentions du monde (ou presque) j’aurais mieux fait de me la fermer et de laisser Lenny s’en charger. Ce qu’il n’aurait jamais fait, bien entendu, ou bien seulement dans quelques années, quand nous serions tous mariés avec des enfants, ou même quand nous serions des vieux sans dents et coincés dans la même maison de retraite, à être un trio de pépés-mémés infernal, fidèles à eux-mêmes jusqu’à la fin. Mais comment Rudy aurait-il réagi s’il l’avait appris un an, dix ans, voire même trente après les évènements ? Dans mon fort intérieur, j’étais persuadée qu’il valait mieux que je lui dise maintenant plutôt qu’attendre, encore et encore. C’était peut-être en retard, mais en avance sur ce qui aurait pu se passer si je n’avais pas eu l’initiative.
    Il n’y avait pas de secrets à Arrowsic. Lenny et moi n’allions pas échapper à la règle, et les mois de répit que nous avions eu grâce à notre silence n’auraient été qu’éphémères, de toute manière. Les gens devaient bien se rendre compte que nous sortions plus ensemble. Que nous nous voyions plus tous les trois en même temps. Dans tous les cas, Rudy aurait fini par l’apprendre, et j’étais sûre que si cela avait été par une autre personne que nous deux, cela aurait fait beaucoup plus mal.
    Cependant, à cet instant précis, toutes ces bonnes raisons ne me rassuraient pas. Elles ne m’encourageaient pas à penser que j’avais bien fait, que cela avait été une bonne initiative de ma part. J’avais l’impression d’avoir brisé quelque chose sans avoir l’ombre d’un espoir de pouvoir recoller les morceaux. Le mal était fait. J’étais la coupable, mais pas entièrement. Certes, c’était moi qui avais parlé… Mais j’avais été très loin de couché toute seule. Cependant, remplie de culpabilité, j’avais fini par m’asseoir à côté de lui, lui confiant qu’il était le premier à le savoir, que la première fois nous avions été complètement bourrés. Cela ne servit à rien, mais j’avais l’impression de vider mon sac petit à petit, de me sentir moins seule. Rudy me répliqua que si nous avions recommencé, cela avait été parce que la première fois n’avait pas été dégueulasse. Que si j’étais sincère je lui aurais dit avant. Je ne répondis rien. Aucun mot ne réussissait à venir dans mon esprit de manière cohérente. C’était bien là, les problèmes. Au lieu de nous répugner, cela avait réveillé une tension sexuelle enfouie depuis de longues années. Cependant, j’étais persuadée que c’était le genre de détail dont Rudy voulait se passer.
    Il finit par se lever, me laissant seule à terre, puis à faire mine qu’il s’occupait du rayon où nous nous trouvions un peu avant. Je mis quelques minutes avant de pouvoir me lever, et lorsque je me retrouvai à ses côtés, il finit par ouvrir la bouche.
    « Est-ce que tu... est-ce que tu l'aimes ? »
    Je restai muette, une nouvelle fois, cherchant désespérément une réponse qui puisse nous convenir à tous les deux. C’était le genre de questions où je n’avais pas le droit à l’erreur. Le genre de question piège où moi-même je n’avais pas de réponse. Aimer Lenny ? Bien entendu que je l’aimais, comme j’aimais Rudy. Cependant, la nature de cette affection n’était pas pareille. Elle n’était plus pareille. Je le savais. Cela faisait des mois que j’évitais de penser à cela. Cela faisait des mois que je n’avais pas envie de trouver une réponse à toutes ces questions.
    Je me raclai la gorge, tout en lui jetant un regard prudent. Sentiments. Je détestais ce sujet. Mes sœurs pouvaient me parler de garçons pendant des heures sans que je ne leur décroche un mot à propos de ma vie sentimentale. C’était bien simple : je n’en avais pas. Et c’était un choix. Les petits-amis, c’était beaucoup trop compliqué. C’était chiant.
    « On parle de Lenny, là. Bien entendu que je l’aime. Toi aussi je t’aime. C’est pas la question. »
    Je savais que ce n’était pas ce qu’il voulait savoir. Je savais que j’avais répondu complètement à côté, mais cela avait été volontaire. Le sujet était trop sensible pour nous deux pour que je puisse lui dire de but en blanc « En fait, je sais pas. J’essaye de pas trop y penser parce que les réponses me font un peu peur, tu vois. »
    J’aurais répondu ça, je me serais pris un cintre en plein dans la gueule. Je suis même sûre qu’il en aurait profité pour me crever les yeux sous la colère.
    Il finit par reprendre la parole, faisant un long discours cette fois. Ce n’était plus des remarques agressives faites sur le coup de la colère, non, mais une expression de ce qu’il ressentait à l’instant même, de ce que ça représentait pour lui, sans départir de son ton sec, presque froid. C’était notre problème. Soit c’était une belle connerie, soit c’était l’amour de notre vie. Ce qui l’énervait, c’est que cela n’allait plus être pareil. Ce qui l’énervait, c’est qu’il savait comment était son frère, et que de toute manière, cela allait être voué à l’échec. Ce qu’il l’énervait, c’est qu’il allait tenir la chandelle. Il alla même jusqu’à parler de photos de mariage. Je l’écoutai parler sans l’interrompre une seule fois. Quand il finit, je ne savais pas où commencer. Je ne savais plus rien.
    « Je sais comment est ton frère, Rudy, t’inquiète pas. On a presque été élevé ensemble, je te rappelle. » lançai-je, un micro-sourire sur les lèvres sans que le cœur y soit. « J’ai jamais dit qu’on allait se marier, qu’on était ensemble ou que c’était l’amour de ma vie. C’est juste qu’on… Qu’on… Qu’on a foutu le bordel, quoi. On a besoin de remettre de l’ordre. Mais… C’est pas toujours facile. »
    C’était le cas de le dire. Ce n’était même pas du tout facile. Une grande mémoire pouvait être bien utile, cependant, parfois, je me serais bien volontiers débarrassée de certains souvenirs. Tout oublier, repartir à zéro.
    Au final, je me sentais encore plus mal maintenant, après l’avoir dit à Rudy. Fatalité.
    « Je suis désolée de… De t’infliger ça. Si tu savais comme j’aimerais revenir en arrière, ça aurait tellement été plus facile. Peut-être que ça sera plus qu’un mauvais souvenir dans quelques mois, j’en sais rien. » finis-je par ajouter. « On est toujours les trois supers potes. On a juste besoin de temps. »
    Mes pensées étaient confuses. Mes idées incohérentes. Mon cerveau bouillonnait, tandis que je tentais en vain de le rassurer, comme de me rassurer moi-même. Je savais que ça ne serait pas aussi facile que quelques mois pour remettre de l’ordre. Je savais qu’avoir besoin de temps n’était peut-être pas la solution.
    Je savais que ce n’était pas simple. Cependant, j’espérais encore que le contraire soit possible. On parlait quand même des deux frères Gavennham. Ce n'était pas rien.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyJeu 13 Sep - 15:11

Il avait l'impression de regarder un film à l'eau de rose où Quinn et Lenny formaient le couple de protagonistes principaux, et lui était le second rôle miteux qu'on oublie. Puis qu'on revoit dans une série sans se rappeler de son nom et de l'œuvre où l'on se souvient avoir vu cette silhouette familière. On était pendant la scène des révélations fâcheuses, et des coups traîtres dans le dos. Les amitiés qui se déchirent, pour se renouer au dénouement, où par ailleurs on assisterait à un magnifique mariage durant lequel le second rôle qu'il tenait pouvait sûrement s'avérer être celui du témoin du marié. Mais une des quêtes de ce schéma narratif constituait le regain de leur profonde complicité. Le tout aurait néanmoins un air de comédie, notamment parce que l'histoire perdrait une certaine crédibilité en déroulant une scène dans un magasin de lingerie, pour faire naître quelques sourires sur les lèvres du spectateur.

C'était presque trop réaliste comme interprétation. Mais Rudy n'était pas vraiment d'humeur à penser métaphores, face au regard presque innocent qu'arborait Quinn lorsqu'elle lui répondit. « On parle de Lenny, là. Bien entendu que je l’aime. Toi aussi je t’aime. C’est pas la question. » Mauvaise réponse. Rudy arqua un sourcil, se demandant si elle se payait sa tête – et ce n'était pas franchement le moment – ou s'il elle était profondément sérieuse. Il finit alors pas lui dégainer un véritable serment, sincère et inquiet sur son état d'esprit. Il ne savait pas trop quelle réaction aurait-il désiré de la part de Quinn. Il la laissa interpréter tout cela à sa sauce pendant quelques instants, avant qu'elle ne lui réplique qu'ils avaient foutu le bordel. Dans sa tête, “bordel” rimait toujours avec “sentiments”. Surtout dans ce genre de relation. S'ils n'avaient été que de bons amis s'adonnant à la débauche sexuelle, ç'aurait été très simple. Ça n'aurait pas été le bordel. Avec Elizabeth, il n'y avait nulle prise de tête. Il la toisa à nouveau, soupirant de fatigue. Il sentait qu'il n'avait pas fini d'entendre parler d'eux. De leur crise de couple existentielle, de leur désordre. Et ça le mit encore plus en rogne, de savoir que Quinn n'aimait au final pas Lenny comme elle aimait Rudy. Et il ne fallait pas être Dieu pour au fond le deviner. La connaissant, quand elle s'avisait de parler de “garçons” - ce qui était rare, parce qu'elle se sentait un peu seule dans ce trio à majorité composé de testostérones – c'était quelque chose d'un peu plus sincère qu'un simple et jovial coup d'un soir.

« C'est quoi votre soucis ? Vous ne voulez pas vous l'avouer alors que ça crève les yeux ? C'est toujours un problème de ce genre, de toute façon. C'est très facile, pourtant. Mais compte pas sur moi pour vous féliciter le jour où vous aurez régler vos problèmes. » Il écorcha ce dernier mot, insistant sur la nature putride qu'il représentait à cet instant. Il lâcha alors les sous-vêtements qu'il s'était mis à ranger. Il n'avait même plus envie de bosser pour se distraire de cet horrible cauchemar. Il aurait bien voulu aller prendre sa pause avec Monique, et fumer sa cigarette sur le perron de la boutique. Sauf qu'il ne fumait pas, hormis les trucs illicites que Lenny roulait. Il n'avait donc pas franchement d'échappatoire à cette spirale qui ne faisait qu'empirer à mesure que Quinn parlait et marmonnait quelques excuses qu'il n'était pas très envieux d'accepter. « Peut-être que ça sera plus qu’un mauvais souvenir dans quelques mois, j’en sais rien. On est toujours les trois supers potes. On a juste besoin de temps. » Il fit un quart de tour, de sorte à pleinement lui faire face. Il n'avait pas envie de lui en vouloir. Seulement, ils avaient besoin de temps, ce qui voulait dire que pendant ce fameux temps, il allait devoir les supporter en train de roucouler ou de refuser de s'avouer qu'il y avait bien une niaise romance entre eux. Et ça, c'était au-dessus des forces du grand et majesteux Rudy, qui avait besoin de son attention perpétuelle. Sinon, il se mettrait à pourrir en perdant toute splendeur, comme une orchidée au bout de trois mois, qui se mettrait à s'éteindre peu à peu au bord de sa fenêtre, assoiffée. « Et moi je fais quoi pendant tout ce temps ? Parce que si vous vous évitez, si vous vous cachez parce que vous n'arrivez pas à vous cracher vos mots, on sera plus les “super potes”. J'irai regarder Spider-Man avec toi et toi seule, puis j'irai faire joujou avec la nouvelle effriteuse de Lenny. T'étais obligée de t'intéresser à lui ? Je peux te présenter tous les types de ma promo si tu veux. Mais... Lenny ? » Il faillit lui lancer qu'il préférait quand elle ne s'intéressait pas aux relations de couple, et que son célibat lui allait très bien. Néanmoins, il ravala ses paroles, les jugeant un peu trop dures, alors qu'elle ne méritait pas franchement qu'on sous-entende que la voir seule et malheureuse constituait le bonheur de la fratrie Gavennham. « Je veux pas t'en vouloir éternellement. Mets-toi juste à ma place trente secondes. »

En songeant durant un tiers de seconde à la première chose qu'il s'apprêterait à faire après le boulot, il se vit déjà pleurant sur le comptoir du Jack's Lounge tel un pseudo-alcoolique amateur, se donnant des airs de torturé après une trahison fraternelle.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptySam 15 Sep - 12:37


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    RUDY&QUINN

    J’avais l’impression d’avouer un crime, de confesser une faute grave. S’en était très certainement une, d’ailleurs. Cependant, je me sentais si mal que, dans mon esprit, cette bêtise prenait des allures d’erreur d’ordre mondiale, allant avoir un impact sur toute la surface du globe. Une troisième guerre mondiale ayant pour simple cause une histoire de coucherie avec un de mes meilleurs amis. A la réflexion, j’allais peut-être devoir un jour consulter.
    Je m’étais attendu à ce que Rudy le prenne mal – et c’était tout à fait son droit j’en aurais fait de même à sa place – mais j’avais tout de même essayé de garder espoir, un espoir vain et naïf, comme une gamine de quatre ans qui aurait espéré ne pas se faire disputer par ses parents après avoir cassé un vase appartenant à la grand-mère de la tante du cousin au troisième degré de l’oncle de sa mère. J’aurais aimé qu’il prenne ça en rigolant. C’était stupide et impossible, mais j’aurais adoré. Je comprenais mieux le silence de Lenny, maintenant. Enfin, notre silence plutôt. Il avait très certainement eu peur d’affronter un Rudy en rogne, préférer d’éviter tout conflit et garder ça pour nous. Sauf que cela ne serait jamais resté entre nous. Je le savais. Et puis, j’aurais eu besoin de soulager ma conscience une bonne fois pour toute, que ce soit aujourd’hui ou dans trois semaines. Cela serait fatalement arrivé, et la seule chose que je pouvais lui reprocher maintenant été d’avoir voulu attendre.
    J’avais cependant l’impression de toujours prononcer les mauvaises paroles, les mauvais mots. Alors que Rudy était parti dans une longue tirade parlant de nous deux, de comment cela allait finir, et d’où en serait notre magnifique trio, je finis par lui dire que je n’étais pas venue lui annoncer que nous étions en couple et qu’il allait bien trop vite. Cette perspective me fit presque frissonner. Je lui dis que nous avions mis le bordel, ni plus, ni moins. Dans mon esprit, je ne pouvais qualifier cela avec un autre mot.
    « C'est quoi votre soucis ? Vous ne voulez pas vous l'avouer alors que ça crève les yeux ? C'est toujours un problème de ce genre, de toute façon. C'est très facile, pourtant. Mais compte pas sur moi pour vous féliciter le jour où vous aurez régler vos problèmes. »
    Rudy arrêta ce qu’il était en train de faire. Mon regard se perdit dans le vague, alors que je réfléchissais à ce que je pouvais bien répondre. Je n’aimais pas le ton qu’il employait, les intonations qu’il mettait sur certains mots pour en dire long sur ce qu’il pensait, et encore moins cette façon qu’il avait de voir les choses. Il me balançait tout ce que je m’étais appliquée à oublier. Je n’étais pas venue pour qu’il pense tout cela. J’étais simplement venue pour le mettre au courant. Je n’avais pas pensé aux conclusions qu’il allait pouvoir en tirer.
    « C’est pas tout à fait ça. » dis-je tout bas, plus à mon attention plutôt qu’à celle de Rudy.
    Que pouvais-je bien lui dire ? Qu’à chaque fois que je voyais son frère j’avais une foule de sentiments qui m’envahissant dont les seuls que j’arrivais à identifier étaient 1) le malaise et 2) l’envie de lui sauter dessus ? Je ne tenais pas spécialement à me faire écorcher vive. Je ne tenais pas spécialement à faire sortir ces pensées là de ma tête, non plus.
    Je finis par lui faire des excuses. Parce qu’au fond, il n’avait rien demandé. J’ajoutai même que nous étions toujours les trois supers potes d’avant, mais que nous allions simplement avoir besoin de temps, avec Lenny. Encore des mots de travers, je le compris quand Rudy reprit la parole pour me décrire sa situation à lui dans les semaines à venir, me proposer de lui présenter toute sa promo. Je ne faisais que cela, de toute manière, dire des choses de travers. Il y avait des personnes qui étaient douées pour faire passer la pilule à certains, et il y avait… Moi. Moi avec mes grands sabots, venant tout saccager sur son passage malgré tous les vains essais pour être subtile.
    Rudy se mit juste en face de moi. Je me forçai à relever le regard.
    « On a toujours regardé les Spiderman que tous les deux. Ces Marvel ont toujours emmerdé profondément Lenny. » marmonnai-je.
    Je me gardai bien de lui dire que la dernière fois que nous nous étions vus, j’avais presque forcé l’aîné Gavennham à regarder le premier lors de notre soirée pizza-DVD. Et que, accessoirement, cette nuit-là, il m’avait embrassé, avant que je ne prenne la fuite le lendemain. Vu l’état de Rudy, je jugeai nécessaire de ne pas lui en parler tout de suite, principalement pour ma simple survie. Cependant, j’avais presque l’impression de voir Rudy partager entre deux parents divorcés. Un coup chez l’un, un coup chez l’autre. C’était presque pareil.
    Cette pensée aurait pu me faire sourire. Mais non.
    « Je suis pas venue te dire qu’on allait se marier, avoir plein d’enfants et vivre heureux ever after. Je ne m’intéresse pas à lui, comme je ne m’intéresserais certainement pas aux gars de ta promo. » dis-je. « Tu sais très bien comment je suis. Je fuis les relations comme la peste. J’ai pas choisi. Ca m’est tombé dessus. »
    Je m’arrêtai, constatant que mes paroles pouvaient être mal prises. J’eus une petite moue.
    « Cette situation m’est tombée dessus, plutôt. » éclaircis-je. « Mais je me mets à ta place. Je comprends. J’aurais eu la même réaction. »
    Je ne voulais surtout pas parler sentiments avec lui, surtout quand il s’agissait de Lenny. Je n’y pensais pas moi non plus. Même si l’esprit de Rudy s’autorisait à penser aux sujets que mon cerveau avait désigné comme tabous, j’étais très loin de vouloir parler de ça.
    Dire que je ne m’intéressais pas à Lenny avait du faux, également.
    Je me sentais plus basse que terre. Je lançai un regard tout triste à Rudy, avant de lui demander d’une voix adorable ;
    « Dis, tu me fais un câlin ? »
    Il avait dit qu’il n’allait pas m’en vouloir éternellement. C’était très mal venu de ma part. Cependant, à cet instant précis, j’en avais bien besoin. Et puis, j’espérais hisser le drapeau blanc avant que l’envie lui prenne de m’arracher les yeux.
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyLun 24 Sep - 19:36

Peu à peu il comprenait que Quinn n'arrivait tout simplement pas à trouver ce qu'il y avait entre elle et Lenny. C'était ce à quoi il servait dans cette discussion habitée par le manque de confiance, et la déception cinglante que Rudy avait pour sa meilleure amie. Elle était incapable de décrire la relation qu'elle avait avec son frère. Incapable de mettre un mot sur ses sentiments, ignorant totalement ces émotions nouvelles, ou non d'ailleurs. Mais il n'avait jamais connu cette Quinn sensible à ce qu'elle pouvait ressentir pour un homme. Elle avait en quelque sorte changé. Elle était passée du garçon manqué à l'aise au milieu d'une fratrie masculine à la femme désirant un peu plus qu'un esprit amical. Ses attentes n'étaient plus les mêmes. Et elle allait jusqu'à risquer une amitié de longue date, à savoir celle qu'elle avait avec Rudy, pour mettre à plat ses profondes pensées vis à vis de Lenny. Et il voyait qu'elle ne voulait en aucun semer la pagaille. Qu'elle n'était pas là pour s'attirer ses foudres, ni son regard noir. Elle n'était pas là pour une quelconque vengeance, ou pour tout bonnement l'emmerder. Elle était là par sincérité, par amitié. L'honnête Quinn qui venait se confesser pour alléger le fardeau qui pesait sur ses épaules depuis ce dérapage avec Lenny. Pour alléger le poids d'un mensonge trop bien dissimulé. Elle était là en paix, brandissant le drapeau blanc au-dessus de son visage affichant une petite moue presque attendrissante. Elle était désolée, et ça se voyait dans son regard implorant le pardon.

Et elle tenta ainsi de le rassurer, lui disant qu'elle ne comptait pas se marier avec Lenny, faire des enfants et terminer sa vie comme un conte prônant l'amour niais et la recherche du prince charmant aurait pu se clore. Non. Quinn subissait peut-être ces nouveaux sentiments, mais elle était certainement encore loin de la vie de couple à long terme qui va avec. Elle ne prenait pas le pack « famille nombreuse » avec pour le même prix « amour jusqu'à la fin de vos jours ». Elle séparer les morceaux, prenant son temps pour ingurgiter chaque élément. D'abord on couche ensemble. Puis on voit ce que ça donne. Si nos intérêts collent. Puis on laisse éventuellement l'autre oublier sa brosse à dent, qui prendra finalement sa place définitive dans le gobelet de sa propre salle de bain. Après on fait une petite place dans son dressing, et on partage ses croissants. On offre un double des clés, et on finit par vendre son appartement pour habiter ensemble. Si on ne claque pas la porte, on s'autorise à se fiancer, à arrêter la pilule. On fait un dépistage du Sida et on annihile toute barrière à la procréation pour se marier la veille de l'accouchement. Mais visiblement, Quinn n'était encore qu'à la première étape. Il lui fallait du temps, beaucoup de temps, avant de laisser un individu pénétrer pleinement dans son jardin intime. Du moins c'était comme ça que Rudy voyait les choses. Et au final, la voir changer, ça estompait sa colère. Car il se disait que lui aussi avait peut-être grandi de la même manière. Et qu'avec Helena, ce n'était pas terminé.

« Je t'en veux pas. T'as raison, c'est pas ta faute. Tu n'as qu'à géré ça comme tu le sens. Je veux juste que tu saches que je ne prendrai pas parti si jamais vous vous... “séparer”. Je pourrai pas. » Il s'autorisa à relâcher ses muscles faciaux qui entouraient sa bouche. Il détendit son visage et laissa un sourire percer au milieu de ses sourcils froncés. Il soupira, comme soulagé de laisser cette haine s'évaporer. Il n'était pas capable de faire la gueule bien longtemps à Quinn, et lui montrer un soupçon de soutien était certainement bien mieux que de l'envoyer boulet, la laisser paître dans son merdier. Elle, était venue lui annoncer la vérité, pas comme d'autre, pas comme Lenny, pour ne citer personne.

Sa voix hésitante étira d'autant plus son sourire. Elle lui demandait un câlin. Comme si elle venait d'avoir un mauvaise note, réclamant un peu de chaleur humaine pour combler l'absence de points. Rudy étira alors ses bras, les brandissant de part et d'autre de sa meilleure amie, l'enlaçant ainsi, en signe de trêve. Il la relâcha ensuite, lui adressa un rictus un peu moins grave et austère que celui qu'il arborait durant le dernier quart d'heure de leur conversation quelque peu agitée et tenta de détendre l'atmosphère par un détournement de discussion. « Et sinon... tu vas bien ? Les gamins sont pas trop chiants à l'école ? » Parler de la pluie et du beau temps, c'était au final bien sympa pour dévier les foudres.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Good morning view (Quinn)   Good morning view (Quinn) EmptyVen 28 Sep - 0:21


    « GOOD MORNING VIEW »
    RUDY&QUINN

    C’était horrible. Absolument horrible. Quoi que je dise et quoi que je fasse, j’avais l’impression de ne faire qu’empirer la situation, de n’ajouter que de l’huile sur le feu, encore et encore. Je ne savais plus quoi répondre. Quoi faire. Quoi lui dire. Je me perdais dans mes propres explications et me noyais dans mes confessions. J’étais bien incapable de mettre des mots sur ce que je ressentais pour Lenny et dire de manière claire et précise ce que cette situation m’inspirait. Tout ce que je trouvais à lui répondre était que je n’avais pas prévu de me marier avec, que notre situation était beaucoup plus compliquée que ce qu’il pouvait imaginer et que non, je n’avais absolument pas cherché à m’intéresser sérieusement à son frère ni même à aucun autre garçon vivant dans notre petit village. Malgré toute ma bonne volonté, j’avais l’impression d’être la méchante de l’histoire. Je lui imposais toute cette pagaille en manquant presque de tact, en lui balançant énormément d’informations sans vraiment prendre la peine de réfléchir à deux fois à l’impact qu’elles allaient bien pouvoir avoir dans son esprit. J’aurais certainement dû m’y prendre d’une autre manière… Mais je n’arrêtais pas de me dire que cela aurait eu le même résultat, au final. Après tout, les faits demeuraient les mêmes. L’histoire n’aurait pas changé pas même si je m’étais appliquée à la narrer d’une autre manière. Et puis, même si nous avions eu l’intelligence de lui dire tout de suite, il y aurait forcément eu quelque chose qui serait allé de travers. Fatalement.
    Je fus presque soulagée lorsque je me rendis compte que Rudy semblait se calmer, légèrement. J’attendis patiemment une réaction de sa part suite à mon petit discours, espérant réellement qu’il finisse par me comprendre, par un peu mieux réagir. C’était beaucoup demandé en vu de ma position face à tout cela. Mais c’était beau d’avoir de l’espoir. Même dans cette situation.
    « Je t'en veux pas. T'as raison, c'est pas ta faute. Tu n'as qu'à géré ça comme tu le sens. Je veux juste que tu saches que je ne prendrai pas parti si jamais vous vous... “séparer”. Je pourrai pas. »
    Cette phrase me donna des frissons. Imperceptiblement, j’hochai la tête. Nous séparer. Je voyais parfaitement ce qu’il sous-entendait. Ne plus se voir du tout. Ne plus se parler. S’éviter. Ne plus rien avoir à se dire. Oublier nos souvenirs communs. Continuer sa vie sans se retourner. Finir par oublier le prénom de l’autre cinquante ans plus tard. Ne même pas pleurer à son enterrement. Toutes ces pensées me donnèrent presque le tournis. Cela me faisait mal de penser une chose pareille. Cela me faisait mal dans chaque pore de ma peau.
    Parce qu’au fond, c’était ce qui nous était arrivé durant quelques mois. Nous nous étions plus vus. Plus du tout. Séparés.
    « C’est normal. » articulai-je simplement d’une petite voix.
    Bien entendu que c’était normal. Une nouvelle fois, l’image de l’enfant en plein milieu du divorce de ses parents me vint en mémoire. Alors, tu préfères papa ou maman ? Je secouai la tête, tentant en vain de chasser toutes ces idées.
    Je poussai un soupir triste, relevant la tête vers Rudy. La tempête était passée, j’en étais presque convaincue, puisque Rudy semblait presque avoir retrouvé le sourire. Ce fut donc en toute innocence que je lui demandais s’il voulait bien me faire un câlin, cherchant avant tout un signe d’affection quelconque pour essayer de ne pas perdre le pied. J’en avais marre de ce ton froid, marre de cette conversation qui me rendait presque malade. Je fus presque persuadée pendant un instant qu’il allait refuser. Mais il ouvrit ses bras. Je me réfugiai contre lui. La paix était déclarée. Je restai quelques instants à le serrer contre moi sans ajouter un mot, profitant de cette trève, puis il finit par se détacher comme s’il s’était (presque) rien passé.
    Il changea radicalement de sujet. Je lui lançai un regard reconnaissant tandis qu’il évoquait les gamins dont je m’occupais à l’école primaire, puis je lui adressai un petit sourire gêné. Il me fallait toujours un temps d’adaptation entre une discussion sérieuse à la limite de la dispute et une conversation tout à fait banale. J’avais du mal à m’en remettre, en quelque sorte.
    « Oh, ça va tu sais. J’ai l’habitude. » lâchai-je avec un petit sourire.
    J’effleurai des articles du bout des doigts, cherchant surtout à m’occuper les mains plutôt qu’à tester chaque matière sur ma peau. Ma voix avait été hésitante, blanche, guère naturelle. Je fermai les paupières, pris une grande inspiration avant de relever la tête.
    « Ils ont encore du mal à comprendre que c’est moi qui commande. » me plaignis-je. « Mais j’ai prévu de faire plein de choses avec eux. A la base je voulais enseigner le russe en complément à ma classe, plus en mode « découverte de la langue » mais la direction n’a pas voulu. »
    Moi et mes idées. Rudy s’en fichait très certainement, cependant j’avais besoin de parler, encore et encore. Parce que j’étais stressée. Parce que j’étais encore sous le coup de l’émotion.
    Et c’était bien connu : Quinn se transformait en véritable moulin à parole dans ces moments-là. J’étais pathétique.
    « Enfin au final je leur ai fait la crise du siècle et ils ont accépté d’ouvrir une session spécial dans l’école, je me retrouve donc à enseigner le russe à des élèves de tout âge. L’ère Quinn a enfin commencé. Je vais révolutionner l'enseignement. »
    Dire des conneries pareilles, c’était presque pas humain. Je n’avais plus qu’à aller me laisser crever dans un coin. Cela arrangerait certainement tout le monde.
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