La vie Amish. Enfance.

Née dans une communauté Amish, cinquième enfant d'une fratrie de huit et unique fille, Ann-Esther fut aimée par ses parents et ses frères, sans aller au-delà d'une surprotection étouffante. Nul garçons n'osaient l'ennuyer à l'école, parce que cela n'était pas dans leur éducation et, surtout, parce que les bagarres étaient prohibés dans leur village. Vivre dans ce cercle fermé, coupé du monde qu'elle apprenait à connaître au travers des livres d'Histoire de l'école, Ann ne ressentit jamais le besoin d'aller à la découverte du monde moderne, et crut ne jamais en avoir le besoin.

Douce et maternelle, elle fut très vite capable d'allier à la fois l'autorité et la protection envers ses plus jeunes mais aussi le respect et la fierté pour ses aînés. Et bien qu'elle était une très bonne élève, et une enfant intelligente à qui on promettait un bel avenir – du moins aussi beau que pouvait l'être l'avenir d'une érudit chez les Amish -, elle préférait encore le contact de l'herbe chatouilleuse à l'inconfort des chaises de classe. Si elle fut aimer, mais pas choyée puisque les traditions interdisaient toute éducation conduisant au matérialisme, malgré tout son esprit libre et rêveur fut souvent brimé.
Depuis très jeune, Ann s'amouracha de l'aîné des enfants Hershberger, Jacob. Plus qu'un frère, il était un ami et se montrait être un allié imparable dans un monde où il voyait sa petite sœur s'enfermait dans ce qu'il pensait être « l'esprit étroit d'un peuple en voie de disparition ». Malheureusement, il fut le premier de la famille, et seulement le troisième de la communauté, à se voir banni.

Les lois étaient très claires ; la famille ne devait plus avoir de contact avec le membre banni. Jamais. Et si Ann n'avait jamais saisi ce terme, elle en compris toute l'ampleur ce jour où elle ne put voir que le dos de Jacob alors qu'il s'en allait, jeté comme un malpropre.
Malgré tout, elle ne parvint à en vouloir à ses parents qui continuaient leur vie, son père ne cessant son travail d'artisan - qu'elle aidait parfois, douée de ses mains pour sculpter et dessiner – et sa mère, maîtresse d'école dont elle percevait parfois la tristesse quand elle pensait que personne ne la voyait.
Ann se mit alors à réfléchir, à rêver comme jamais. A s'autoriser, en rêve, à quitter Holmes pour les grandes villes dont elle lisait les noms dans les manuels. Elle se mit à attendre impatiemment ses seize ans, l'âge où elle passerait le rumspringa, rituel qui l'autorisait à quitter la communauté Amish pour le monde moderne, pour s'autoriser une vie d'adolescente 'normale'.

Adolescence.

Elle avait attendu ce jour si longtemps, en avait rêvé, l'avait souhaité si fort et, même, avait poussé le vice à faire sa prière bien plus longtemps et plus assidument tous les soirs. Elle s'était préparée, comme s'il avait s'agit de son mariage ou autre. Mais Isaiha décéda. Son aîné de trois ans mourut dans son sommeil, après avoir été malade pendant de long mois, à son retour du monde extérieur. Nul besoin de dire que le père Hershberger, saisit l'occasion pour effrayer un peu plus les plus jeunes de ses enfants, pointant la mort de son fils comme le danger du monde moderne.
Ann, sans désir de contredire son paternel, et bien trop affligée par cette perte, refusa le rite de passage et, sous l'influence maternelle, accepta son baptême. Se liant ainsi au Amish pour la vie. L'enfant heureuse de vivre, souriante et aimante, se mua en une jeune fille plus travailleuse que jamais, silencieuse et désespérée. Elle disait non seulement adieu à un frère, à une chance d'en revoir un mais aussi à tout ses rêves.

Les trois ans de sa vie, de ses seize à ses dix-neuf ans, seront passés sous silence n'ayant aucun intérêt particulier concernant le personnage. Nous retiendrons seulement que pendant ces trois ans, elle donna des cours d'anglais à l'école où elle avait étudié, étant l'une des meilleures, qu'elle continua à dessiner, dans un carnet secrètement gardé, les villes qu'elle ne faisait qu'imaginer et, qu'avec le temps, elle fit le deuil de son frère et son instinct maternelle se développa un peu plus à l'égard de ses plus jeunes frères.

Ce fut à ses vingt ans, que sa vie prit un tournant décisif. Elle entretenait depuis un an une relation, sans grande passion ni grand avenir pour elle, avec le fils d'un camarade de son père qui travaillait avec à l'atelier d'artisanat. Il ne l'intéressait pas tant que ça, était beau garçon et gentil, mais pas assez intelligent pour toucher le cœur d'Ann. Ce fut lorsqu'il lui fit sa demande, qu'elle réalisa qu'elle voulait plus, beaucoup plus.
Evidemment, elle eut d'abord honte d'avoir de telles pensées égoïstes et alla se confesser dans les jours qui suivirent la demande, qu'elle accepta à contre-coeur. « C'est ton devoir de femme, » lui dit sa mère, en trouvant un jour Ann sous un arbre, pleurant des larmes de sincère tristesse et honte.
Cette réflexion, si elle eut dut l'apaiser, ne fit que l'épouvanter un peu plus. Ce n'était pas ce qu'elle voulait, vivre par devoir. D'une nature douce et calme, elle se découvrit un instinct aventurier et dur.
Elle partirait. Peut être qu'en s'expliquant on la comprendrait. C'était sans compter son plus jeune frère qui la surprit à faire ses sacs et prévint ses parents.

Elle fut arrêtée à la limite de Holmes, et la sentence ne tarda pas à tomber. Bannie. Comme son frère aîné avant elle. Ann tenta de s'expliquer la colère laissant place à la peur de perdre sa famille et se retrouver seule dans l'inconnu. Les larmes coulèrent à flots, elle s'agita comme un diable mais personne ne la regarda, ne lui adressa un mot et elle parti, sa valise à la main, son sac sur l'épaule.

La vie Moderne.

Ann ne sut jamais qui avait glissé un papier dans sa poche, sur lequel on indiquait qu'aux dernières nouvelles son frère se trouvait dans une ville non-loin. Par chance, ou alors par un coup du destin – nommez le comme vous le souhaiterez -, le premier bus dans lequel la petite rousse mit les pieds se trouva être conduit par un homme charmant. L'apparence un peu « père noël » mit immédiatement notre petite ingénue en confiance, et ce-dernier, devant son air hagard et son visage salit par les larmes, lui posa bons nombres de questions. Montrant le papier au chauffeur, ce-dernier lui promit de l'emmener jusqu'à son terminus et, de là, avec sa propre voiture il la mènerait jusqu'à la ville dont il était question puisque, de toute façon, son ex-femme y vivait et qu'il devait aller chercher ses enfants et blahblah.
Ann ne l'écouta plus, trop heureuse de découvrir qu'elle ne finirait pas sous un pont à mourir de froid.
L'homme tint parole, bien qu'une fois qu'il eut déposé il tenta bien un petit quelque chose mais l'air un peu niais de la jeune fille l'empêcha d'être trop entreprenant. Ann se retrouva donc devant la porte d'appartement de son frère, angoissée et excitée comme un matin de Noël.

Malheureusement, ce ne fut pas lui qui lui ouvrit mais une femme qui lui apprit que l'ancien locataire avait changé d'immeuble et lui donna la nouvelle adresse.
Après quelques tours de la ville inutiles, Ann finit par retrouver l'immeuble et son frère et put enfin avoir une vraie nuit de sommeil dans des draps propres et doux. Comme elle n'avait pas fait d'études en dehors de Holmes, qu'elle ne connaissait rien aux habitudes du monde moderne, Jacob s'occupa d'abord d'échanger ses vieux vêtements Amish contre quelques tenues plus .. Appropriées aux mœurs du nouveau monde qui s'ouvrait à elle.
Il fut difficile de la faire pencher en faveur des jeans, mais Jacob n'était pas homme à se laisser abattre. Routier, s'occupant de livraison dans certaines villes, il fut obligé de repartir sur les routes et emmena une Ann suppliante avec lui. Elle se fit discrète et bonne élève, notant dans son calepin noir – tout neuf – tout ce qu'elle notait de la vie de ces habitants du monde contemporain.

Elle suivit son frère pendant un an et demi, jusqu'à Arrowsic où Jacob retrouvait régulièrement quelques amis routiers. La ville était petite et les habitants assez proches les uns des autres pour rappeler à Ann son Holmes natal. Inutile de dire que son cœur s'emporta pour ce petit coin et qu'elle demanda de l'aide à son frère pour pouvoir s'y installer.
Bien que l'idée ne fut pas des plus plaisante à Jacob, effrayé de laisser sa sœur ici, il trouva un compromis en entendant un de ses amis dire qu'il restait pour quelque temps, ayant de la famille dans le coin et un problème à y régler. Après de multiples accords, Dane accepta de prendre Ann sous son aile et l'hébergea même dans un loft qu'il loua pour elle. Ce fut lui qui lui trouva une place de serveuse, persuadé que c'était le meilleur moyen pour elle de s'intégrer à la ville, après tout le bar était le lieu de rencontre de tout le monde.

Maline et vive, Ann entreprit donc de mettre de côté chaque pourboire et paie pour ensuite pouvoir s'offrir une réelle éducation à l'université, désireuse d'en apprendre plus sur les arts qui la fascinaient depuis toute petite. Malheureusement, malgré ses grands sourires et son intonation chaleureuse, rien ne pouvait l'empêcher de sombrer en pensant à cette famille qu'elle n'avait plus droit de contacter. Mais elle était forte, elle parviendrait à se créer une nouvelle famille dans ce monde.