quinn & oksana

Le ciel était d’une couleur grise à plomber le moral de quiconque regardait par la fenêtre. Oksana n’échappait pas à la règle et était déprimée d’autant plus qu’elle était le genre de fille qu’un rayon de soleil suffisait à mettre de bonne humeur. Et vu qu’il n’y en avait pas ce jour-là, la journée ne promettait pas d’être agréable pour la jeune femme. De plus, c’était une journée de travail donc elle allait encore s’ennuyer à mourir. Elle n’était pas faite pour rester plantée des heures au même endroit. Elle était faite pour bouger. Mais le boulot de serveuse était le seul qu’elle avait pu trouver en venant s’installer à Arrowsic, ayant un passé psychiatrique plutôt chargé. Au final, ça lui convenait pour le moment, puisqu’elle aimait pouvoir avoir cette réserve d’alcool sous la main. La boisson faisait partie de ses vices et ce boulot lui permettait d’avoir ce qu’il fallait à portée, même si elle devait le faire en cachette. Quand elle se leva ce jour-là, la journée était déjà bien avancée. Un autre avantage de son boulot était qu’on ne l’y attendait pas avant dix-sept heures. Et encore, elle trouva ça trop tôt pour ouvrir un bar. Mais comme elle n’avait pas le choix, la blonde se traina jusqu’à la douche. Son appartement était incroyablement calme. Elle n’avait pas eu de colocataire depuis Gareth. A vrai dire, elle n’en voulait pas, surtout si ça se passait comme la dernière fois. La culpabilité continuait de la ronger et le poids de son mensonge lors de son procès lui pesait. Elle avait préféré salir sa mémoire pour sauver sa peau, dire qu’il l’avait agressée, plutôt que d’assumer les conséquences de ses actes. Elle fit taire ses pensées en allumant le jet d’eau chaude et la laissa couler sur sa peau nue.

Une demi-heure plus tard, elle marchait en direction du Jack’s Lounge, son lieu de travail. Elle était seule à faire l'ouverture mais c'était tant mieux, elle avait besoin de sa solitude. Le temps qu'elle installe toutes les chaises et tables, mette en route les machines à café et autres, et enfin qu'elle ouvre le bar, il était dix-huit heures. Il n'y allait pas avoir grand-monde avant longtemps, mis a part les quelques ivrognes de la ville qui avaient passé le seuil à peine avait-elle ouvert la porte. Elle sombra vite dans l'ennui, à ne rien faire derrière son bar. Elle considéra se pencher pour prendre une bouteille et boire une gorgée mais ce dont elle avait vraiment envie, c'était d'aller chercher son ukulélé aux vestiaires. Mais les ivrognes étaient des clients tout de même donc elle se contenta de rester assise là, à attendre que l'un d'eux viennent lui redemander à boire. Il fallut une heure de plus pour que la porte du bar s’ouvre à nouveau. Et Oksana reconnut immédiatement la personne qui venait de franchir le pas de la porte. Quinn. Elles n’étaient pas amies, loin de là. Non, elles avaient plutôt tendance à se disputer à chaque fois qu’elles se voyaient et pour cause : les deux jeunes femmes avaient le même caractère séducteur et avaient tendance à vouloir se mettre dans la poche les mêmes mecs. C’était devenu une sorte de jeu entre elles mais ça ne rendait pas leurs rapports plus amicaux. L’ukrainienne observa sa rivale s’avancer vers le bar et donc vers elle.

« Qu’est-ce que tu fiches ici, Hepburn ? »

Pas de bonjour ni rien mais en même temps elle n’avait pas tord : l’institutrice ne venait au bar qu’avec ses amis – une bande uniquement constitués de la gente masculine, c’était pour dire – et là en l’occurrence, elle était seule. Restait donc à savoir si elle était venue boire un verre ou si elle était venue la voir, elle.

Oksana and Quinn.

DIG UP HER BONES BUT
LEAVE HER SOUL ALONE.

❧
J’avais besoin d’un remontant. Genre d’un vrai remontant. Pas d’une petite bière comme dans How I Met Your Mother, tranquillement installée dans le canapé de Norine à zapper toutes les chaînes du câble jusqu’à trouver mon bonheur. Non. J’avais besoin de quelque chose de beaucoup plus fort, de shots, de vodka ou de whiskey. Peu importe, tant que l’alcool enflamme mes veines et me change les idées le temps de quelques heures.
Je venais d’avoir une journée épouvantable. Vraiment. J’avais dû rentrer chez moi pour récupérer mes affaires et m’installer – officiellement – chez Norine, et supporter le regard de ma mère en passant le seuil de la porte avait tout simplement été au-dessus de mes forces. Sans compter mes élèves qui avaient été de véritables monstres aujourd’hui (le mot monstre n’étant pas, pour une fois, un surnom affectif) et m’en avaient fait voir un peu trop. Cela était beaucoup trop pour mes nerfs ; presque théâtrale, j’étais prête à passer ma soirée au bar à me soûler comme une perdue en espérant que cela arrangerait mes états d’âme – surtout que, désormais, j’avais le droit de le faire sans m’en prendre à moi-même et me dire que j’étais une mauvaise personne – et en me disant que demain, avec la gueule de bois que j’allais me payer, j’aurais très certainement le droit de m’offrir une journée de congé pour faire la loque dans mon lit. Cette perspective me séduisait. Incroyablement. Cela était presque flippant.
Le pas résolu, je parcourus les derniers mètres qui me séparaient du Jack's Lounge avec un entrain feint. J’avais eu la présence d’esprit de ne pas prendre ma voiture : je me connaissais, avec quelques verres dans le nez, j’aurais été capable de m’auto-déclarer parfaitement capable de prendre la route, et j’aurais fini au commissariat à appeler Lenny (comme d’habitude) en le priant de venir me chercher. J’étais incorrigible, mais j’avais fini par me faire une raison : je ne changerais jamais. Et, pour l’instant, tout ce dont j’avais besoin était d’un (voire même plusieurs) verres pour me soûler comme pas permis. Ce fût dans cet état d’esprit que je passais la porte du bar et que je me dirigeai vers le comptoir.
J’avais pensé à absolument tout : j’avais calculé la distance entre les tabourets et les toilettes lorsque j’aurais envie de dégobiller, j’avais fait attention de ne pas mettre de collants pour ne pas les effiler en faisant je-ne-sais-quoi par terre. Cependant, j’avais oublié qu’en ce jeudi soir, Oksana était de service. Comme tous les jeudis soirs depuis la nuit des temps (ou presque).
« Qu’est-ce que tu fiches ici, Hepburn ? »
J’arquai un sourcil, avant de m’installer sur un tabouret du comptoir. Je n’allais pas laisser cette garce me gâcher ma soirée de rêve par sa simple présence.
« Ça ne se voit pas ? Je suis venue faire de la broderie. » lâchai-je.
Bonjour Oksana, moi aussi ça me fait très plaisir de te voir. Bitch. Biatch. Je ne savais pas lequel de ces deux mots lui correspondait le mieux. Je la détestais, de tout mon être, sans que je sache réellement pourquoi. Enfin, si, je savais pourquoi, mais je trouvais mes réactions démesurées. Elle avait toujours les mêmes vues que moi et me les piquait dans cinquante pour cents des cas. Pire encore ; elle regardait Lenny comme si elle voulait en faire son quatre heures. Or, officiellement, Lenny et moi n’étions pas en couple. Nous nous montrions même pas en public. Alors je ne pouvais pas faire de scandale.
C’était déprimant.
« Tu me sers une vodka ou bien tu vas continuer à me fusiller du regard encore longtemps ? J’suis la cliente, je te rappelle. »
Je lui adressai un sourire hypocrite. Badass Quinn on. Comme si je pouvais réellement être badass pour de vrai.

quinn & oksana

Oksana n’avait jamais eu de rêve particulier pour son avenir. Mais devenir serveuse n’avait jamais été dans ses plans. Seulement, lorsqu’on sort d’un hôpital psychiatrique et qu’on s’installe dans une ville où les offres sont relativement réduites, le nombre d’opportunités baisse considérablement. Elle n’avait jamais eu l’occasion de faire des études supérieures, bien qu’elle ait eu son diplôme à la fin du lycée, ce qui était une surprise pour tous. Son état psychologique et son incapacité à savoir ce qu’elle voulait faire ne lui avait donc pas permis de s’inscrire à l’université. De plus, les événements récents auraient coupé court à tous ses efforts si jamais elle s’était lancée dans cette voie-là. Elle était donc bien contente de ne pas perdu son temps et son argent. D’un autre côté, elle aurait adoré étudier un sujet qui la passionnait et travailler dedans plus tard. Elle avait beau être à moitié folle aux yeux de tout le monde, elle avait aussi des rêves d’une vie où tout lui souriait. Mais elle ne se faisait pas d’illusion. Maintenant il était trop tard et elle n’était pas douée pour quoi que ce soit. Donc elle se contentait de servir des verres au Jack’s Lounge – et de s’en servir par la même occasion.

Cependant, avant qu’elle ne se décide à attraper une bouteille derrière elle – après tout, les rares ivrognes présents n’y verraient que du feu – la porte du bar s’ouvrit et un visage familier fit son entrée. Quinn. Oksana était loin de la porter dans son cœur et vice-versa. Elle laissa donc retomber son bras : elle ne lui donnerait pas une autre raison pour l’insulter. La blonde, pourtant habituée à saluer tous les clients de la même manière, ne lui adressa pas un bonjour et lui demanda sèchement ce qu’elle fichait là, alors que son ‘‘ennemie’’ prenait place sur un tabouret du comptoir. Génial, cette morue allait lui imposer sa compagnie. La question avait beau être stupide en soit, elle n’était pas totalement dénuée de sens. Quinn-la-trainée – adjectif assez risible vu les passe-temps de la blonde – ne venait en effet jamais seule et surtout, jamais aussi tôt. Il n’y avait pas vraiment de raison pour qu’elle soit là à part a) venir la faire chier ou b) il lui arrivait une merde et elle avait besoin de se vider le crâne. Si c’était la deuxième option, Oksana aurait bien aimé savoir qui tourmentait la brune pour pouvoir le remercier. Celle-ci prit un malin plaisir à se foutre gentiment de sa gueule en répondant à sa question.

« Ça ne se voit pas ? Je suis venue faire de la broderie. »

Elle ne lui dit pas bonjour non plus. Après tout, l’ukrainienne n’arrivait même pas à se souvenir de la dernière fois où elles s’étaient saluées poliment. Les premières paroles qu’elles échangeaient tenaient plutôt du « Touche pas, il est à moi ». Elle lui fit un sourire hypocrite et posa les mains sur le comptoir, tapant des doigts en attendant qu’elle lui dise sa commande. Elle aurait bien aimé lui dire qu’elle se dépêche, qu’elle n’avait pas que ça à faire mais c’était bien évidemment faux. Elle n’avait que ça à faire, vu comme le bar était rempli à presque dix-neuf heures. Malheureusement, le reste des clients n’arriveraient pas avant deux heures à peu près. Bien qu’on était en semaine, les habitants d’Arrowsic aimaient tous venir prendre un verre après diner, avant d’aller se coucher.

« Tu me sers une vodka ou bien tu vas continuer à me fusiller du regard encore longtemps ? J’suis la cliente, je te rappelle. » lâcha Quinn, la sortant de ses pensées.

Oksana pencha la tête, un sourire mauvais aux lèvres.

« T’as de la chance qu’on soit pas que toutes les deux. Faudrait pas non plus croire que je suis ton chien, » déclara la blonde.

Elle attrapa la bouteille de vodka derrière elle et servit le minimum possible sans qu’on le remarque. Pas question qu’elle soit généreuse avec cette poufiasse. Elle rangea la bouteille, non sans avoir eu envie de s’en servir un peu et appuya ses coudes sur le comptoir, faisant face à celle avec qui elle était constamment en compétition.

« Alors mon chou, t’as des peines de cœur ? C’est qui l’idiot qui te fait pleurer ? Que j’aille le remercier, à ma manière bien sûr, » demanda Oksana, prenant une voix qui lui faisait clairement comprendre qu’elle se fichait d’elle.

Ce n’était pas comme si ça l’intéressait vraiment. Enfin, s’il y avait un mec dans l’histoire, peut être que si.

Oksana and Quinn.

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LEAVE HER SOUL ALONE.

❧
Je ne détestais pas grand monde dans cette ville. A vrai dire, j’avais fini par me faire à certains des habitants, me disant que de toute manière je n’avais pas tant le choix : je finirais probablement ma vie dans mon petit village, jusqu’à avoir une tombe à mon nom dans le cimetière, donc il valait mieux pour moi de supporter toutes les âmes perdus d’Arrowsic si je souhaitais vivre en paix. Cependant, Oksana était une exception à la règle. Mais je me disais que cela n’était pas très grave puisqu’elle ne venait pas véritablement d’ici. Je ne pouvais pas la voir ni la sentir. Sa simple chevelure blonde m’agaçait. Elle m’hérissait tout simplement le poil, nos compétitions puériles prenaient des allures de jeux olympiques tellement nous nus y jetions corps et âmes, comme si notre vie en dépendait. Je me serais très bien passée de la voir ce soir ; à vrai dire, j’aurais très certainement mieux fait de me terrer dans un coin en attendant le lendemain. Cependant, j’avais besoin de me changer les idées. Le Jack’s Loundge me semblait être un passage indispensable, et ce malgré Oksana. Ce n’était pas cette biatch qui allait m’empêcher d’aller boire un coup, quand même. Hors de question que je lui fasse ce plaisir-là.
Je poussais un soupir en m’installant sur un tabouret au comptoir, tentant le tout pour le tout. J’avais peut-être une chance d’en ressortir indemne… Mouais. Cela allait être un combat de chats, et j’en avais pleinement conscience. Après notre échange de salutations – à notre manière – je finis par perdre patience pour lui rappeler qu’elle était là pour me servir, et non pas pour me fusiller du regard. Oksana eut un sourire mauvais en entendant ma réflexion. Elle avait presque des allures de psychopathe, comme cela… Mais j’avais toujours su qu’elle n’était pas très nette dans son esprit, après tout.
« T’as de la chance qu’on soit pas que toutes les deux. Faudrait pas non plus croire que je suis ton chien. »
Je levai tout simplement les yeux au ciel. C’était elle qui osait me dire cela ? Sur le principe de mes paroles, je n’avais pas tort. Je poussai un long soupir tandis qu’elle me servait – enfin – un verre ridicule de vodka, avant de se poster en face de moi en me défiant du regard. Elle n’allait pas me lâcher. Cela aurait été trop beau. J’étais entrée dans son antre ; elle devait certainement être en train d’imaginer dix-huit manières de me tuer différentes. Je ne lui donnerais pas le plaisir d’y parvenir. Pas ce soir.
« Alors mon chou, t’as des peines de cœur ? C’est qui l’idiot qui te fait pleurer ? Que j’aille le remercier, à ma manière bien sûr. » finit-elle par dire.
J’haussai un sourcil en buvant une gorgé de mon verre. Sincèrement, la vodka n’était pas très agréable à boire, mais peu importe.
« Rappelle-moi les raisons qui justifient que je te le dise ? » demandai-je d’une voix détachée.
Je levai la tête en l’air en faisant mine de réfléchir.
« Ah oui, c’est vrai, il n’y en a pas. »
Je lui fis un sourire hypocrite avant de replonger mon nez dans mon verre. Sincèrement, elle avait cru que j’allais lui expliquer pourquoi j’étais d’une sale humeur et que je tirais une tête de six pieds de long ? Il était hors de question que je lui parle de l’épisode je-suis-peut-être-enceinte, ou encore celui du je-suis-partie-de-chez-moi-en-claquant-la-porte, ou alors mes-élèves-sont-de-vrais-monstres.
C’était bien au-dessus de mes forces.
« Pourquoi cela serait forcément dû à des peines de cœur ? Contrairement à toi, ma vie sentimentale va très bien. » ajoutai-je. « Ou alors, tu es tellement en manque que tu ne vois plus que cela partout. »
Je continuai de la fixer avec les sourcils haussés en portant mon verre à mes lèvres. C’était de la méchanceté gratuite mais elle me le rendait bien ; et puis, j’avais passé une si mauvaise journée que mon humeur était si mauvaise qu’elle avait atteint des profondeurs abyssales. Je posais mon verre avant de soupirer une nouvelle fois. Peut-être aurais-je mieux fait de prendre mes jambes à mon cou.

quinn & oksana

L’ukrainienne n’avait emménagé à Arrowsic que depuis peu mais elle s’y sentait déjà étrangement chez elle. Il faut dire qu’elle avait trouvé du travail facilement et que tous les habitants avaient été accueillants. Tous sauf Quinn, avec qui elle ne s’était pas entendue à la seconde où elle l’avait rencontrée. Alors que tout le monde disait du bien de l’institutrice et l’adorait, elle avait choisi Oksana comme seule et unique ennemie – ou du moins, c’était l’impression qu’elle donnait. C’en aurait été presque vexant si la blonde ne détestait pas autant Quinn de son côté. Au lieu de quoi, elle prenait un malin plaisir à faire de sa vie un enfer. Ou presque. La jeune femme ne se souvenait même plus d’où cette compétitivité presque maladive été née. C’était tellement... enfantin. Mais tellement jouissif également pour l’ukrainienne lorsqu’elle parvenait à rentrer chez elle avec leur ‘‘cible’’ à son bras avant Quinn. Et elle se doutait que c’était pareil dans l’autre sens, lorsqu’elle ressentait une vive amertume et une haine encore plus vivace pour son ennemie.

C’est donc à contre cœur qu’elle réalisa qu’elle allait devoir réaliser ses moindres désirs – du mois, de ce qui relevait de la boisson – puisqu’elle devait considérer Quinn avant tout comme cliente. Cela dit, elle n’était pas sure de parvenir à garder son sang-froid si elle la cherchait trop. Elle savait très bien qu’elle pouvait péter un plomb à tout moment et encore plus lorsqu’il s’agissait de l’institutrice. Elle essaya de ne pas penser à ce genre de fatalité et tenta de se montrer amicale. Tentative qui dura exactement deux secondes, le temps de commencer à lui demander ce qui n’allait pas. C’était plus fort qu’elle. Lorsqu’il s’agissait de Quinn, elle ne pouvait tout simplement montrer une once d’amabilité. Oksana prit donc un malin plaisir à se foutre de sa tête tandis qu’elle lui demander si sa vie sentimentale lui posait problème.

« Rappelle-moi les raisons qui justifient que je te le dise ? Ah oui, c’est vrai, il n’y en a pas, » lança amèrement Quinn, fière de sa réponse.

L’ukrainienne retint un rire, amusée qu’elle l’ait prise au mot.

« Ma pauvre Quinn, c’est pas comme si j’en avais vraiment quelque chose à faire. Ta vie est inintéressante au possible, asséna-t-elle. « J’avais juste peur que tu sois jalouse de tous les pauvres types à qui je fais la conversation. T’es pas si différente d’eux il faut dire. »

Ce n’était pas le mieux qu’elle puisse faire également mais bon, la méchanceté gratuite faisait du bien. Elle observa la blonde en face d’elle. Ce n’était pas comme si elle le cherchait pas non plus. Elle s’était installée au bar au lieu d’aller seule à une table, loin d’Oksana.

« Pourquoi cela serait forcément dû à des peines de cœur ? Contrairement à toi, ma vie sentimentale va très bien. » continua Quinn. « Ou alors, tu es tellement en manque que tu ne vois plus que cela partout. »

Oksana pris son temps pour répondre, essuyant de l’eau là où n’y en avait pas sur le comptoir.

« C’est pas ce qu’on m’a dit, » répondit-elle, omettant volontairement d’en dire plus. A vrai dire, elle ne savait pas grand-chose. [color=lightslategrey] « Et non, je ne suis pas en manque. Ton meilleur ami s’en assure, tu sais. »

La blonde avait relevé les yeux tout en prononçant ces mots, défiant du regard celle à qui elle faisait face. Elle savait très bien que la relation qu’avait Quinn avec son meilleur ami ne reposait pas que sur de l’amitié. Et admettre qu’elle lui tournait autour ferait sans aucun doute rager l’institutrice. Bon, elle avait techniquement menti, puisqu’il ne s’était rien passé entre elle et Lenny. Mais elle y travaillait.

Oksana and Quinn.

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Je ne savais pas pourquoi je restais là, en face d’Oksana, alors que je la détestais et qu’elle me le rendait bien. Je n’avais pas spécialement envie de changer de place – cela serait comme rendre les armes et lui accorder une victoire trop facilement – et je ne voulais pas rentrer tout de suite. Je me disais, au fond, que me prendre la tête avec elle serait sans doute le meilleur moyen de me changer les idées du gros qu’était ma vie en ce moment même. Alors j’étais encore là. Je demeurais assise en face d’elle, alors qu’elle m’observait avec ses yeux froids et son regard glacial, alors qu’elle me posait des questions à propos de choses qui ne la concernaient pas et qui ne l’intéressaient pas non plus. Je ne pouvais pas la sentir, je ne pouvais pas la voir. Mais je me disais que j’avais touché le fond, alors l’emmerder se révélait être une activité très intéressante.
J’avais une longueur d’avance sur elle en sachant que j’étais sa cliente et que, par conséquent, elle me devait du respect. Cependant, Oksana restait Oksana, et ce n’était pas ce détail-là qui allait l’arrêter.
« Ma pauvre Quinn, c’est pas comme si j’en avais vraiment quelque chose à faire. Ta vie est inintéressante au possible. » me déclara-t-elle en parlant de mon refus de lui parler de ma vie sentimentale. « J’avais juste peur que tu sois jalouse de tous les pauvres types à qui je fais la conversation. T’es pas si différente d’eux il faut dire. »
J’haussai un sourcil, esquissant un sourire narquois. Je me fichais bien de ce qu’elle pouvait bien dire sur ma vie. Ce n’était pas comme si son avis avait une quelconque valeur. En sa présence, j’avais ce sentiment hostile de supériorité, qui m’énervait en temps normal mais qui me semblait légitime à quelques mètres d’Oksana.
La pauvre, après tout. Elle ne parlait qu’à des ivrognes, ce n’était pas comme si elle avait quelque chose à m’apprendre sur une vie inintéressante. Elle devait les supporter du matin au soir, je n’avais absolument rien à lui envier… Je me contentai donc de lui dire, en ignorant sa dernière remarque, que ma vie sentimentale allait très bien, alors qu’elle s’acharnait à essuyer des tâches imaginaires.
« C’est pas ce qu’on m’a dit. » répondit-elle, presque vicieuse. « Et non, je ne suis pas en manque. Ton meilleur ami s’en assure, tu sais. »
Je fronçai les sourcils, piquant soudainement un far. Mon meilleur ami s’en assurait ? Vraiment ?
« Ça m’étonnerait. Il n’est pas branché blondasses-langues de vipère qui passe ses journées à tenir compagnie aux ivrognes de la ville et qui n’ont rien d’autre de mieux à faire que d’allumer tout ce qui bouge. »
Mon ton était devenu acide, tandis que je sentais le venin monter en moi. Ton meilleur ami s’en assure. Tout en parlant, mon esprit était resté focaliser sur cette phrase sans que je puisse rien n’y faire. Je ne voulais pas imaginer ce qu’elle sous-entendait là-dedans. Je savais comment était Lenny. Je savais comment elle était elle.
Alors, forcément, mon esprit s’imaginait tout un tas de choses.
J’étais jalouse, mais je ne voulais pas lui laisser le plaisir de le remarquer. J’étais jalouse et cela me rongeait, je devais m’être vendue sans m’en rendre compte. Je poussai un soupir en finissant mon verre cul-sec, et je reposai avec violence sur le comptoir
« La même chose, s’il te plait. » lâchai-je. « Mais si j’étais toi, je resterais loin de lui. »
Pleine d’arrogance, je penchai ma tête sur le côté d’un air hautain. Combat de chats. Ou presque. Je me détestais de perdre mon calme de cette manière, mais c’était beaucoup plus fort que moi.