« Je pourrais vous donner quatre pour votre maigre intelligence, mais remerciez votre impertinence je vous donne deux. » Deux. Louis n'a pas de deux. Non, ce n'est pas possible. Je n'ai jamais eu de note aussi médiocre. Oui, médiocre, c'est le terme. Le pire c'est que cette note compte beaucoup, elle ne me permet pas de valider ce cours et si je ne valide pas ce cours je ne valide pas mon semestre. Et si je ne valide pas ce semestre, je ne valide pas mon année. Non, je dois rêver. Ce n'est pas possible. J'ai envie de frapper ce type. J'ai envie de lui dire ce que je pense de lui et de ces méthodes. C'est vrai que je l'ai déjà fait, en partie. J'ai émi quelques doutes durant cette intéro orale sur sa capacité à raisonner, sur sa capacité à construire une théorie digne de ce nom. Pour moi, ce monsieur Bones n'est qu'un professeur de seconde main du genre celui qu'on a trouvé aux soldes ou pire, le type issu d'une pochette surprise. D'ailleurs, c'est là qu'il avait du trouvé son diplôme en lettres.

Je suis furieux, réellement furieux, mais je fais tout pour garder un semblant de calme pour ne pas aggraver la situation. Pour l'instant, il a pris une décision sur ma note, mais rien n'est jamais définitif tant que ce n'est pas inscrit dans le registre. Là, les choses deviendraient légèrement dramatique. De toute façon, si ça arrive, je réclame à ma mère mon héritage tout de suite et je file à Bali me taper toutes les belles touristes. Au bout d'un moment, il ne sert plus à rien de chercher à intégrer un monde qui ne veut pas de soi. Je suis certainement trop intelligent pour eux. Oui, c'est ça. La populasse américaine ne mérite pas ce divin penseur que je suis. Je souris presque à cette pensée. Presque, parce que l'autre prendrait encore ça pour de la provocation. Et ça en serait en quelque sorte. C'est dingue, je me fais toujours idolâtrer des profs femmelles, par contre les mâles, c'est une autre histoire. Peut-être sont-ils jaloux que je me fasse leur petites étudiantes adorées. Après tout je n'y peux rien si ils ont aussi peu de rigueur qu'ils n'ont de cervelle. « Monsieur Bones, avec tout le respect que je vous dois, je considère que votre jugement est erronné. » dis-je en le regardant bien dans les yeux. « Louis, vous n'êtes, à ma connaissance, pas très bien placé pour juger de cela. Lorsque vous aurez vos diplômes en poche - et ça ne semble pas bien parti - vous pourrez peut-être en avoir le droit. » Je n'apprécie que très peu ce ton condescendant. Et surtout le fait qu'il ait utilisé mon prénom. Ça sonne légèrement donneur de leçon, un peu comme s'il voulait rappeler sa supériorité et son pouvoir. Très peu pour moi.

Je m'apprête à rétorquer quelque chose lorsque je vois une fille avancer vers nous. Elle était restée dans l'amphi et avait assisté à toute la scène. Je la reconnais. Je l'ai croisé quelques fois en cours, les rares fois où j'y suis allé. C'est un peu madame tout le monde, rien de bien intéressant quoi. Physique normal, comportement normal, intelligence (j'imagine) normale. Rien de quoi me donner envie de fouiller en tous les cas. Et pourtant, la miss s'approche, comme si on l'avait sonné. Je soupire sans m'en cacher. Elle a certainement envie de féliciter le prof pour « son cours fabuleux ». Je suis blasé d'avance. Surtout que j'ai, personnellement, une affaire bien plus importante à régler avec Monsieur. « Euh si tu veux bien, je discute avec son altesse le professeur Bones. » dis-je sèchement. À présent, je suis bien trop agacé pour faire sembler et pour daigner user des bonnes manières. Après tout, je crois bien que les choses sont mal engagées et que je n'ai pas grandes chances de ressortir vainqueur de cet affrontement.

Ce genre de cours, où les professeurs décident de faire passer des élèves à l'oral, ça ennuie Eilidh. Déjà parce qu'elle déteste s'exprimer en public, elle est bien mieux dans son coin à rédiger des rédactions ou cocher des cases. Elle ne dit pas que les autres étudiants sont stupides et qu'il ne sert à rien de les écouter... Elle les trouve juste chiants. Le prof est passionné, il donne envie de l'écouter. Eux, ils sont là par obligation et récitent, dans l'espoir d'avoir une bonne note. Alors quand il y a un oral, elle n'écoute que d'une oreille et griffonne sur son cours. Pourtant aujourd'hui, c'est un peu différent.

Eilidh connaît Louis, pas personnellement mais elle en a entendu parler. Si les filles l’idolâtrent, les mecs sont plus réticents à lui trouver des qualités. On le dit arrogant, charmeur et hautain. Elle pose son crayon, parce qu'elle sait aussi qu'il n'est pas con comme garçon. Les rares fois où il est venu en cours et a participé, elle avait trouvé ses réponses pertinentes. Alors oui, elle veut écouter ce qu'il a à dire. En l'écoutant, elle le trouve très sûr de lui. Il est intéressant, à écouter. Peut-être un peu trop. Le Professeur Bones prend des notes, mais son expression montre bien qu'il désapprouve totalement.

Eilidh prend le temps de ranger ses affaires, elle a tendance à s'éparpiller. Elle a besoin de voir le Professeur pour trouver une date pour son oral, et si possible s'arranger pour ne pas avoir à passer devant tous les étudiants. Hors de question qu'elle se ridiculise devant tout le monde. Elle est mal à l'aise rien que de les imaginer la fixer. Mais Louis est déjà au bureau. Elle enfile sa veste, attrape son sac et descend le plus discrètement possible. Eilidh comptait rester dans son coin pour attendre patiemment son tour. Cependant, elle ne peut s'empêcher d'écouter ce qu'ils disent. Pour sa défense, ils parlent fort et il ne faut pas être devin pour savoir que c'est à propos de la note que Louis avait obtenu. Il n'est pas heureux du tout de son résultat. Deux en même temps !(Oui, elle a entendu le résultat remis en cause).  Eilidh ne comprend pas, c'était pourtant clair que Louis avait bossé, ou du moins qu'il s'y connait. Elle doute réellement qu'il bosse en dehors des cours. C'est le genre de mec intelligent qui réussit sans réviser. Il se prend une claque, il ne doit pas avoir l'habitude d'avoir une note si basse. Il est évident qu'il est énervé, sûrement parce qu'il va repiquer son année avec un résultat pareil. Elle imagine qu'il ne doit pas être habitué à être contredit, ni rien. Mais il est clair que Bones l'a pris en grippe, et vice versa.

Eilidh se décide à les rejoindre. Dans quel but ? Essayer de calmer les choses, même si les chances de se faire rembarrer sont fortes. On lui a toujours dit “qui ne tente rien, n'a rien”, alors elle va tenter. Louis la remarque et elle voit bien qu'il la juge, sa remarque est cinglante. « Euh si tu veux bien, je discute avec son altesse le professeur Bones. » Il ne fait vraiment rien pour arranger son cas. Le Professeur ne semble pas apprécier, mais il se laisse rarement décourager pour les élèves irrespectueux. Enfin, il a pas mal d'années de carrière, il doit avoir l'habitude. Elle n'ose plus trop intervenir, Louis l'a un peu vexée. Mais le Professeur lui sourit. « Eilidh, que puis-je faire pour toi ? » demande-t-il, il ignore totalement Louis. Elle se racle la gorge, jette un regard vers Louis (qui semble perdre patience chaque secondes qui passent) et se lance : « Je n'ai pas pu m'empêcher de vous entendre discuter Louis et vous, et je voulais juste dire que... » Elle cherche quoi dire. Elle aurait du le dessiner, mais elle serait passée pour une inadaptée. « Que j'avais trouvé ses propos très intéressants. » Elle commence à avoir chaud, et se devine des rougeurs au niveau du visage. « Enfin, je ne conteste pas votre note, Monsieur, mais... » Il a un sourire conciliant, et regarde ses deux étudiants. Il semble prendre le temps de réfléchir. Eilidh se demande si elle a bien fait, Bones l'aime bien mais va-t-il tolérer qu'elle se permette d'intervenir comme ça ? Il a critiqué Louis d'impertinent, mais elle vient de l'être tout autant. Pauvre fille. « J'ai peut-être une solution pour remonter la note de Louis. » Ah ? Eilidh se demande si c'est grâce à elle, et surtout s'il va la remercier. « Vous travaillerez tous les deux. Je pense qu'un travail en binôme sera bénéfique à Monsieur Moreau-Leroy. » L'emploi du nom de famille n'a rien de cordial, plutôt très ironique. Ça ne la dérange pas, surtout si ça peut lui éviter de passer un oral. Mais sera-t-il d'accord ?

Le contraste entre le professeur et moi, entre nos expressions faciales, est exquis. Il semble plutôt ravi de cette intrusion, comme si la jeune fille allait le « sauver » de cet affreux élève que je suis. Et puis, tout le monde le sait, le professeur Bones porte vraiment ses élèves (féminines) dans son coeur. La blonde ne doit pas faire exception. Et moi... Et moi, je suis énervé, agacé, irrité, fatigué, lassé, blasé et je pourrais continuer la liste encore longtemps en utilisant tous les synonymes de ces mots. « Je n'ai pas pu m'empêcher de vous entendre discuter Louis et vous, et je voulais juste dire que... » J'ai un soupir. Bien sûr que « tu n'as pas pu t'en empeché », c'est vrai que c'est tellement divertissant de voir Louis se faire descendre. Je l'admets. Je suis exaspéré, mais je me tais, j'écoute patiemment ce qu'elle a à dire. Elle semble gênée, ses joues se teintent de rouge et elle semble en plus de ça en être consciente. « Que j'avais trouvé ses propos très intéressants. » J'ouvre grand mes yeux et j'hésite à la faire répéter tellement ce que je viens d'entendre est surprenant. Je pensais qu'elle venait vanter la décision du prof, l'appuyer dans son jugement en lui disant que de toute façon je ne suis qu'un gros con arrogant. Et pourtant... Elle n'en fait rien. Non, elle me félicite. Elle qualifie mes propos « d'intéressant ». Ce qui signifie qu'elle m'a écouté (ce qui est relativement rare dans un amphi rempli d'élève inintéressés), mais aussi qu'elle a apprécié ma manière de penser, ma manière d'expliquer les choses. Mon oral lui a semblé pertinent. « Enfin, je ne conteste pas votre note, Monsieur, mais... » Pourquoi cherche-t-elle à m'aider ? Vraiment, j'ai du mal à comprendre. Il y a deux solutions ; soit c'est parce qu'elle cherche à attirer mon attention parce qu'elle me désire depuis toujours, soit... Non, en fait il n'y a que ça. La petite blonde du fond ? Mince alors, ça je n'y aurais pas pensé. Rusée la petite, de ce fait, je lui serais redevable... Oh après tout, un coup d'un soir, hein.

Le professeur reste muet un instant. Et puis, il sourit. Il sourit en affichant clairement qu'il est satisfait de la solution qu'il s'apprête à proposer. « J'ai peut-être une solution pour remonter la note de Louis. » La conversation, tout à coup, m'intéresse beaucoup plus. Cependant, je sens le coup fourré quelque part. « Vous travaillerez tous les deux. Je pense qu'un travail en binôme sera bénéfique à Monsieur Moreau-Leroy. » Pardon ? Un travail en binôme ? Je ne travaille pas avec quelqu'un d'autre. Je pense. Je pense par moi même, tout seul. Je n'ai besoin de personne. Et ça ne peut pas être bénéfique, bien au contraire. Je ne peux pas me fixer à quelqu'un, partager des idées et se mettre d'accord. Impossible. Et pourtant, je n'ai apparemment pas le choix. Je veux passé mon année. Je suis peut-être (éventuellement) prêt à quelques sacrifices. « Ok. » Tous deux semblent étonnés par ma réponse. « On peut y aller maintenant ? C'est quoi notre délai, et le sujet du travail ? » je rajoute sèchement. « Mardi prochain. Vous travaillerez sur les répercussions sociales qu'a eu l'art ces dix dernières années. » Sujet pourri en plus.

Je compte bien faire comprendre à cette sympathique jeune fille que bien qu'elle soit gentillement venue voler à mon secours, ce n'est pas pour autant qu'on ne fera pas les choses à ma façon et que l'exposé sera du Louis et pas une sorte de mixte mal propre de nos deux idées. Après, pour ce qui est de la partie de jambes en l'air on pourra toujours décider si on fait ça avant, ou après. Je verrais bien ce qu'elle veut, la petite coquine.

Eilidh n'est pas intimidée par le professeur. Non, lui est toujours très sympathique et avenant. Pour être franche, elle est intimidée par Louis, parce qu'il est Français, et à cause de ce qu'elle a entendu sur lui. A côté de lui, elle n'est pas grand chose. Il ne doit pas franchement apprécier qu'elle s'incruste comme ça dans leur discussion. Elle-même n'aurait pas apprécié. Autant Professeur Bones a l'air ravi de la voir, Louis semble saoulé. Mais non, elle ne se démonte pas, elle se lance (avec quelques difficultés) pour donner son avis. Et son camarade semble d'ailleurs très surpris d'entendre des avis positifs sur son travail. Le pauvre devait se penser incompris, ou trop intelligent pour qu'on puisse comprendre et approuver son avis. Eilidh est pas qu'un peu fière, mais elle essaie de rester discrète. Il devait la prendre pour une midinette qui venait féliciter le professeur dans l'espoir de voir son note gagner quelques points supplémentaires, mais c'est qu'il la connaît mal. Ou alors, il est juste surpris de la voir prendre sa défense. En général, Eilidh se fait discrète. Louis ne devait même pas l'avoir remarqué avant cet instant. Mais elle aurait pu rester dans l'anonymat, ça ne l'aurait pas dérangé. Elle a juste envie de rendre service. Il semble d'ailleurs également très perplexe sur son intervention, Eilidh se demande ce qu'il imagine. Mais il est malin, il doit avoir pigé. « Vous travaillerez tous les deux. Je pense qu'un travail en binôme sera bénéfique à Monsieur Moreau-Leroy. » Ça ne la dérange vraiment pas, pour elle ça ne peut-être que positif dans ses résultats. Pour Louis, ça peut lui sauver la peau, et son année. Elle s'imagine qu'il va l'envoyer chier, lui dire qu'il refuse, qu'il ne veut pas travailler avec elle. « Ok. » Elle se tourne vers lui, elle se demande si elle na va pas finir par gober une mouche. Elle se ressaisi et souri, ça devrait convenir pour un oui. Elle a l'impression d'en avoir déjà trop dit. « On peut y aller maintenant ? C'est quoi notre délai, et le sujet du travail ? » Louis doit se sentir obligé d'en rajouter, d’aggraver son cas, de se faire encore plus détester par le monde entier, de se faire remarquer. Elle le trouve désagréable, un peu. Au moins, elle n'a pas à demander elle-même le sujet. « Mardi prochain. Vous travaillerez sur les répercussions sociales qu'a eu l'art ces dix dernières années.  » Eilidh n'est pas convaincue par ce sujet, mais elle va devoir faire avec : le sujet et le binôme. Elle aura un bon karma, sûrement. Et une bonne note aussi, ça serait pas mal. « D'accord, c'est noté ! » Elle essaie d'avoir l'air enjoué, mais même pour elle ça sonne atrocement faux. Dans quoi c'est elle embarqué ? Remarque, ça va être l’occasion de se faire un nouvel ami. « Bon, maintenant, filez ! Vous avez un travail me rendre et j'attends de vous qu'il soit bon. »

Elle sort de l'amphi, elle ne sait pas vraiment comment aborder le sujet de ce travail en binôme avec Louis. Même s'il a accepté, ça a l'air de le faire royalement chier. « Tu sais, ce n'est pas en étant aussi désagréable que Bones va remonter ta note. » Elle ne le regarde même pas, cette remarque est juste sortie toute seule. Il faut bien lui montrer qu'elle veut l'aider, elle-même ne sait pas pourquoi. Eilidh est juste serviable, c'est ça. Elle s'arrête et se tourne vers lui. « Je peux peut-être te donner mon numéro ? » Elle sort un bout de papier, griffonne des chiffres sous son prénom et lui tend : « Qu'on puisse s'organiser, pour le devoir. » Eilidh se sent obligée de préciser pourquoi, elle a toujours peur qu'on interprète mal ce qu'elle dit. Elle se rend compte qu'elle ne s'est même pas correctement présentée, et elle rougit. « D'ailleurs, moi c'est Eilidh. Enfin, je ne m'étais pas présentée donc. Eilidh Dunbroch. » Elle lui donne enfin son numéro. Il doit encore plus détester le fait de devoir bosser avec elle à cet instant.

Spoiler:

Travailler en binôme ! Là, Monsieur Bones a trouvé l'idée du siècle, vraiment. Et il n'en semble pas peu fier. J'ai l'impression qu'il m'a percé à jour, que même s'il joue à l'idiot avec moi, il sait parfaitement à quel genre de personnage il a à faire. Il a compris que j'aurais horreur de devoir faire un devoir avec quelqu'un donc il me l'impose. J'ignore quel genre de leçon stupide il cherche à me donner, mais en tout cas cela ne m'amuse pas du tout. La fille, elle, accepte docilement. Evidemment, elle ne semble pas du genre rebelle, même pas du tout. Ça m'énerve d'accepter à mon tour, mais je le fais malgré moi parce que je ne pourrais supporter l'humiliation de rater mon année. Les élèves brillants n'échouent pas. On m'a toujours dit que j'avais du génie. Oui, un génie incompris c'est ce qui me définit le mieux. Je ne peux vraiment pas échouer, non.

« Bon, maintenant, filez ! Vous avez un travail me rendre et j'attends de vous qu'il soit bon. » dit-il en montrant une fois de plus sa fierté. Il se sent vainqueur. C'est vrai, il l'est un peu. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Sans me faire prier plus, je m'éloigne de l'amphi avec la blonde sur mes pas. Je n'ai pas envie de rester une seconde de plus avec ce crétin de professeur. « Tu sais, ce n'est pas en étant aussi désagréable que Bones va remonter ta note. » J'ai donc affaire à miss je sais tout donneuse de leçon maintenant ? Super. Je fais ce que je veux. Je dis ce que je veux. Et ce n'est pas cette fille-là qui va me faire la morale et m'apprendre la vie. Je ne réponds rien du tout, terriblement lassé par les évènements des minutes précédentes. Mon aptitude à lancer des pics à même disparu, ce qui est plutôt rare. Bref, je laisse couler. « Je peux peut-être te donner mon numéro ? » Ah oui, bien sûr. J'en ai presque oublié la raison de cette aide «si précieuse». Encore une qui veut passer du bon temps. « Qu'on puisse s'organiser, pour le devoir. » Mais oui, c'est ça bien sûr. Ça, j'en suis sûr, ce n'est que secondaire. Mais bon, c'est vrai qu'elle est pas mal, plutôt sexy et séduisante. Je serais pas contre. C'est vrai que d'habitude, je me fais pas des filles comme ça et juste comme ça, on dira que c'est l'exception qui confirme la règle.

« D'ailleurs, moi c'est Eilidh. Enfin, je ne m'étais pas présentée donc. Eilidh Dunbroch. » Eilidh, mouais. Je suis casiment certain de ne pas me rappeler de ce prénom. Trop compliqué. Et puis, c'est pas comme si c'était important. Elle me tend son numéro de téléphone et semble un peu déstabilisée par mon mutisme qui dure depuis quelques minutes déjà. Au fond, il n'y a qu'une seule chose que j'aimerais savoir. Je n'ai qu'une question à lui poser. « Juste pour que ce soit clair, tu veux qu'on couche ensemble avant ou après le devoir ? Parce que je suis pas du genre à tourner autour du pot moi. »

Il ne dit rien. Eilidh ne sait donc pas quoi ajouter face à ce mutisme, évidemment elle se doute qu'il est énervé de devoir faire ce travail supplémentaire, surtout avec elle. Mais après tout, il n'a pas refusé. Elle sait qu'il en a besoin, et même si ça ne va pas être une partie de plaisir, elle va l'aider. C'est pas son genre de laisser les gens dans la merde. Qui sait : il est peut-être gentil au fond ? Pas juste arrogant et sûr de lui. Peut-être que si ils s'investissent de la même façon tous les deux, Professeur Bones sera satisfait. Louis semble aimer diriger, sauf que là, ça ne va pas être possible. Eilidh n'est pas grande gueule, mais elle va essayer d'imposer ses idées aussi. Elle n'est pas stupide, elle sait qu'il va vouloir faire tout comme bon lui semble, et rarement prendre en compte ses idées. Il n'a sûrement jamais fait de devoir en binôme à tous les coups.

Et son silence l'énerve un peu. Elle n'est pas du genre à aimer faire la conversation toute seule, faire la conversation tout court. Alors, elle comble maladroitement les blancs. Donner son numéro de téléphone, se présenter correctement comme ils le font si souvent dans les films. Eilidh a l'impression que Louis ne cesse de la juger. Elle le trouve très étrange en fait. C'est bizarre. Impossible de savoir ce qu'il pense. Bien qu'elle ait la désagréable impression qu'il la trouve à la ramasse. Au pire, ce ne serait pas la fin du monde, mais s'ils doivent bosser ensembles, elle aimerait bien un minimum d'entente.

« Juste pour que ce soit clair, tu veux qu'on couche ensemble avant ou après le devoir ? Parce que je suis pas du genre à tourner autour du pot moi. » Elle s'attendait à tout sauf à ça ! Coucher ensembles ! Eilidh ne sait pas si elle est mortifiée ou si elle a envie de lui rire au nez. Une chose est sûre, elle est devenue cramoisie. Parce qu'elle n'a eu qu'un seul petit-ami, et coucher avec n'importe qui lui est inconcevable. Donc mathématiquement, elle n'a fait l'amour qu'avec une seule personne. Et voilà, non vraiment, d'où lui vient cette idée ? Louis est si dépravé que ça pour s'imaginer qu'elle ait envie de baiser avec lui ? Elle passe une main dans ses cheveux, n'ose pas vraiment le regarder pour quelques raisons stupides. « Pardon ? » C'est stupide, cette histoire est stupide. « Pourquoi devrions-nous coucher ensembles ?! » Est-ce qu'il s'imagine que toutes les filles désirent se retrouver dans son lit ? Bien qu'il soit mignon garçon, Eilidh n'y avait même pas pensé une seconde. Non, elle n'a jamais eu l'idée de coucher avec lui. Elle ne le connaît même pas ! Louis pense sûrement qu'elle est le genre de nana qui cache bien son jeu, prête à tout pour avoir une petite gâterie. Si c'est le cas, était-il le seul à la croire comme ça ? Eilidh a sérieusement besoin de se remettre en question, si c'est le cas. Elle a l'impression d'être dans une mauvaise série TV, où le bad boy veut dépraver la jeune vierge (bien qu'elle ne soit plus vierge). Çà va vraiment être une partie de plaisir ce devoir, sans mauvais jeu de mot.

J'ai posé une question simple, très simple. Alors pourquoi Eilidh ou je ne sais quoi me regarde comme si j'avais parlé chinois. Elle ne semble pas comprendre, du moins elle joue à celle qui n'a pas compris et ça a le don de m'agacer encore plus. C'est bon blondasse, t'es assez grande pour comprendre, non ? Je soupire et je ne cache pas mon exaspération. « Pardon ? » Oui, c'est ça, excuses toi de jouer à l'idiote. De mieux en mieux, vraiment. Bref. « Pourquoi devrions-nous couchés ensembles ? » demande-t-elle d'un air légèrement offusqué, qui je dois l'avouer me vexe un peu. Elle est sérieuse là ou c'est une mauvaise blague ? Cette fois, c'est moi qui ne comprend pas. Pourquoi aurait-elle fait ça, pourquoi se serait-elle imposé entre le professeur et moi si ce n'étais pas pour se faire remarquer, si ce n'était pas pour que je la mette dans mon lit ? 

Je me fais silencieux, ayant bien remarqué que ça la stressait, d'autant plus que là, elle semble encore plus anxieuse qu'auparavant. Je la regarde de haut en bas, plusieurs fois. Non, c'est vrai, elle ne semble pas être le genre de fille qui couche juste comme ça. Mais pourquoi m'aide-t-elle ? C'est trop étrange. À présent, j'ai l'impresson que c'est moi qui est dans la position de l'idiot. Oui, elle m'a presque ridiculisé à me faire poser cette question tout haut, alors qu'elle n'en a pas envie. Enfin, ça ça reste à prouver. « En général, les filles qui me rendent des services veulent coucher avec moi. » je commence par dire après cinq bonnes minutes de silence. « Et puis là, l'histoire de la note et tout, ça me semblait évident. » Je semble la choquer. Elle ne me comprend pas. C'est bien, c'est réciproque.

Je me mets à marcher à nouveau, elle me suit alors même qu'elle n'était pas obligée. Tout porte à croire qu'elle souhaite continuer cette conversation. Du coup, je continue. « Pourquoi tu m'aides alors ? Tu veux quoi en échange ? » À part le sexe, je ne vois pas. C'est pas comme si j'allais lui donner de l'argent ou encore... Je ne sais pas. Vraiment, je ne vois pas ce qu'elle peut bien vouloir, mais il doit forcément y avoir quelque chose, forcément.

Il serait impossible des deux de savoir qui est le plus vexé. Louis ne semble pas apprécier de la voir aussi surprise. Eilidh est juste outrée qu'il ait pu imaginer qu'elle voulait du sexe en échange de son aide. Il la prend pour un genre de pute bon marché ? Il l'agace. Elle voulait juste être serviable, gentille et essayait d'arranger sa note à elle aussi. Certes, elle n'est pas complètement altruiste mais il est bien pire. Ce n'est qu'un arrogant, petit... Un abruti. Elle lui répond, presque choquée, au point de passer pour une pauvre petite innocente. Il faut dire qu'il la prend au dépourvue.

A nouveau, il reste silencieux. Eilidh l'observe. Louis a une expression qui est difficile à analyser. Il l'observe. Elle a la désagréable impression d'être un insecte, d'être disséquée et d'être écrabouillée. Elle déteste ça. Elle se sent minuscule, encore plus insouciante qu'elle ne l'est habituellement. Certaines filles trouvent peut-être ça flatteur d'être observées comme ça par Louis, elle n'aime pas. Elle reste impatiente de comprendre d'où lui vient cette idée, mais il reste dans son mutisme, se contenter de la regarder. Elle arque un sourcil, soupire pour montrer qu'elle attend une réponse. « En général, les filles qui me rendent des services veulent coucher avec moi. » Elle grimace, énervée par la stupidité et le peu d'estime qu'ont certaines filles. « Et puis là, l'histoire de la note et tout, ça me semblait évident. » Vraiment ? Il s'imagine tout obtenir en échange de sexe ? Eilidh se dit qu'il a un sérieux problème, il devrait peut-être avoir un psy, ou au moins de vrais amis.

Il ne lui laisse pas le temps de répondre qu'il se remet à marcher, alors n'a pas d'autre choix que de le suivre. Enfin, elle veut qu'ils s'expliquent. Histoire de partir sur de bons termes, sans ça ils ne pourront jamais avoir une bonne note. Il a dû remarquer qu'elle marche derrière lui parce qu'il lui dit : « Pourquoi tu m'aides alors ? Tu veux quoi en échange ? » Qu'est-ce qu'elle veut ? Elle-même ne le sait pas vraiment, elle a juste eu envie de l'aider parce qu'elle trouvait sa note injustifiée. « Sûrement que je suis une Sainte. » répond-elle sarcastiquement derrière lui. Elle le rattrape pour se mettre à sa hauteur. « Je voulais juste aider. Mais si ça ne te plaît pas, on peut aller dire au Prof que tu as changé d'avis. » Il ne va certainement pas dire non, hein ? Elle avait repris un peu d'assurance, face à un Louis perdu face à une fille qui n'ait pas envie de coucher avec lui. « Les filles te rendent vraiment service en échange de sexe ? Et toi, tu acceptes ? » Oui, ça la choque. Il profite un peu de ses pauvres filles, ça la révulse même. Non mais c'est quoi ce comportement de goujat ?

Je ne comprends pas, non vraiment, je ne comprends pas. Je ne crois pas aux actes désintéressés, qu'on se le dise. Je pense qu'on fait tout pour une raison, pour un motif. Les gens sont égoïstes, ils n'aident pas si ils ne sont pas sûrs que l'autre aura quelques comptes à leur rendre. J'en suis réellement persuadé. Mais puisque Eilidh ne décolle pas, je pose LA question. Je lui demande finalement pourquoi elle m'aide, quelle est cette mystérieuse raison ? « Sûrement que je suis une Sainte. » lance-t-elle derrière moi. Je ris presque tant cette remarque semblait tout à coup ironique. Pour m'avoir approché, pour m'avoir parlé, cette fille ne peut pas être une Sainte. Tout le monde connait ma réputation et les saintes nitouches n'osent même pas me regarder.

« Je voulais juste aider. Mais si ça ne te plaît pas, on peut aller dire au Prof que tu as changé d'avis. » Elle arrive à ma hauteur et me semble à demi sérieuse. Je doute qu'elle ait envie de passer pour une idiote à aller embêter le prof à nouveau. Pourtant, je me sens obligé de rétorquer : « Non, non, c'est bon. » Cette situation bien qu'agaçante m'arrange quand même sacrément bien, il faut l'admettre. « Les filles te rendent vraiment service en échange de sexe ? Et toi, tu acceptes ? » La jeune femme semble totalement indignée, ce qui a presque le don de me faire rire.

Je fais quelques pas un peu plus rapide espérant rien que le temps d'une seconde la semer pour ne pas avoir à répondre à cet interrogatoire, mais je comprends vite que c'est peine perdue. Eilidh semble bien décidée à obtenir ses réponses. « Ça m'est arrivé hyper souvent, oui. » dis-je en laissant planer quelques instants le mystère sur ce que je réponds habituellement à ce genre de filles. « Et puisque ça t'intéresse, généralement je refuse parce que je n'aime pas me faire aborder. C'est moi qui décide. » En gros, là, je viens clairement d'avouer que j'aurais été d'accord avec elle, que je l'ai considéré de manière différente. « Avec toi j'aurais été d'accord parce que tu es mignonne et intelligente. » Je fais une légère pause avant de conclure mon explication. « Je n'aime pas les filles qui n'ont rien dans la cervelle. »

Il semble rire de sa remarque sur le fait d'être une sainte. Eilidh n'est pas une sainte, elle le sait. Elle n'a pas envie de l'être, mais elle n'a pas non plus envie d'être l'exact opposé. Mais Louis a sûrement compris le sens de sa réponse. Sa question est aussi stupide que la réponse qu'elle vient de lui donner. Elle n'aime pas les injustices, c'est tout. Elle n'est pas croyante, mais elle croit en ce commandement "aide ton prochain", c'est bien ça, non ? Voilà, elle est serviable. Et ce n'est pas totalement désintéressé, puisque ça l'arrange aussi pour sa propre note. Mais si ils ne se mettent pas sur la même longueur d'onde, ça risque d'être difficile pour faire ce devoir.

Elle arrive à le rattraper. Il peut pas juste l'attendre pour qu'ils puissent discuter vraiment ? Mais Eilidh sait qu'il a besoin de remonter sa moyenne, qu'il ne peut pas refuser son aide, quant bien même il en ait envie. Elle en profite pour se moquer de lui, ça ne doit pas lui arriver souvent de dépendre de quelqu'un... Voir jamais même. Eilidh ne veut pas lui faire le plaisir de s'intéresser à lui, elle s'imagine qu'il doit être le genre à aimer avoir tous les yeux vers lui, mais il l'intrigue pour ne pas lui poser des questions.

Elle ne peut s'empêcher de soupirer en voyant son rictus quand elle lui demande si tout s'échange contre du sexe avec lui. Oui, ça l'indigne, peu fière de voir à quel point les filles peuvent être vraiment... stupides ? Pourquoi certaines se battent pour donner une image différente de la femme, une femme plus forte et non plus un objet sexuel ? Surtout si c'est pour coucher avec le premier venu ? Même si dans le cas de Louis, il est plutôt mignon et sa réputation n'est pas des moindres. Eilidh ne cautionne pas ce genre de comportement, c'est tout. Mais après, c'est aussi une question de sensibilité sûrement. Elle revint à ses esprits, quand il lui répondit : « Et puisque ça t'intéresse, généralement je refuse parce que je n'aime pas me faire aborder. C'est moi qui décide. » Elle n'avait même pas écouté ce qu'il venait de lui dire. Alors en plus, il se croit au magasin et se permet de choisir ? Elle croise les bras, comme pour montrer que non, non, elle ne cautionne toujours pas, et qu'avec elle il aurait toujours pu courir. « Avec toi j'aurais été d'accord parce que tu es mignonne et intelligente. » Est-ce un compliment ? Eilidh ne se sent même pas offusquée, alors qu'elle devrait sûrement l'être. Mais le fait qu'il la trouve mignonne et non pas bonne, ça fait plaisir. Louis la décrit aussi comme intelligente, alors qu'elle s'est toujours trouvé dans la moyenne. Elle allait lui répondre mais il finit par conclure : « Je n'aime pas les filles qui n'ont rien dans la cervelle. » Elle se rendit compte qu'elle n'avait rien dit depuis plusieurs minutes, qu'elle était encore partie bien trop loin dans ses pensées et qu'en plus de ça : elle rougissait. Eilidh redevenait elle-même, un peu timide et un peu désarmée par les propos de Louis. Elle se racla la gorge. « Je vais prendre ça comme un compliment, je suppose... » Hors de question qu'elle passe pour la pimbêche de service à le remercier et à rigoler comme une écervelée. Ja-mais. Elle décroisa ses bras, fouilla dans son sac et sorti son agenda, elle feuilleta dedans. « Bon, c'est pas tout mais il faut qu'on voit pour ce devoir. J'aime pas laisser traîner les choses.  » Elle s'arrêta à une page vierge, elle lui désigna pour voir si ça lui convenait. Elle ne put s'empêcher d'ajouter tout bas. « C'est pas en me complimentant comme ça qu'on me fait perdre ma culotte. Les mecs. »

Je m'explique sur ce léger petit malentendu. Je lui fais part de mes relations habituelles avec les filles, bien qu'à mon avis elle doit déjà en connaître pas mal via des rumeurs. Mais je réponds tout de même à ses questions, sans trop broncher. Je coopère parce que malgré tout, elle vient peut-être de sauver mon année et je ne peux pas être trop dur avec elle pour cette raison. Louis, sympathique ? Louis, aimable ? Louis, poli ? Ce sera bien la première fois.

« Je vais prendre ça comme un compliment, je suppose... » Elle parle bien évidemment du fait que j'ai précisé ne coucher qu'avec des filles inelligentes et que je considère qu'elle fait parti de cette catégorie. Bien qu'elle ne se montre pas intéressée, je ne peux m'empêcher de constater qu'elle a quelque peu rougit.

Je la vois farfouiller dans son petit sac et en sortir ce qui ressemble à un agenda. « Bon, c'est pas tout mais il faut qu'on voit pour ce devoir. J'aime pas laisser traîner les choses. » dit-elle tout à coup beaucoup plus sûre d'elle. Je souris tout en restant stoïque. Moi, je n'ai pas d'agenda. Je n'en ai pas besoin. Je vis au jour le jour. Je n'ai jamais de rendez-vous. Je vois les gens lorsque j'en ai envie. Mais aujourd'hui, pour cette occasion, je suis prêt à faire un effort et à laisser mes attitudes de goujat de côté. « Ce sera quand tu voudras Eilidh. » dis-je en étant extrêmement fier d'avoir réussi à retenir son prénom. « Par contre, évitons d'aller chez moi ou chez toi. Je préfère qu'on bosse en terrain neutre. Ne sait-on jamais, si tout à coup tu étais tentée... » dis-je avec un clin d'oeil taquin. Evidemment, je plaisante. Evidemment, je suis intimement persuadé qu'elle ne comprendra pas la blague et que ça la dérangera un peu.