Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je me suis inscrite à ce fameux événement dont plusieurs parlent depuis quelques jours. C’est une décision à laquelle je n’ai pas vraiment réfléchi, c’était plutôt un coup de tête en fait. C’est pour une œuvre de charité, alors ça en vaut la peine. C’est pour venir en aide aux enfants dans le monde qui n’ont pas accès à l’éducation. C’est une cause importante selon moi. Certes, la manière qu’ils ont choisie pour ramasser des fonds est assez originale et même un peu étrange. Une vente humaine, ça ne court pas les rues ! Mais par vente humaine, il ne s’agit pas de prostitution loin de là. C’est plus comme un petit rendez-vous avec quelqu’un qu’on ne connait pas et qui ne connait pas notre identité avant de nous avoir rencontré. Effectivement, la personne qui avait acheté un rendez-vous avec moi ne sait pas du tout qui je suis. Cette personne ne sait pas mon nom ni mon âge ni rien de tout ça. Elle n’a que des indices qui se retrouvaient dans le formulaire de vente. Pour l’élément, j’avais choisi l’eau. Pour la saison, j’ai toujours préféré l’automne. Pour une chanson, j’avais opté pour celle qui me trottait dans la tête cette journée-là, au moment que je remplissais le formulaire. Quant au personnage de fiction, je n’avais aucune idée quoi répondre. Vraiment, je n’avais pas d’inspiration pour cette question alors j’ai choisi un personnage que j’aime bien dans l’une des séries télévisées que j’écoute. Puis, pour la couleur, j’ai pris l’une de celles que j’aime le plus.

On m’avait attribué un rendez-vous près du lac pour pêcher. Ça pourrait être intéressant étant donné que je n’ai jamais pêché. Par contre, j’avais un peu peur d’avoir l’air idiot. Je n’avais aucune idée qui serait là, pour ce rendez-vous. Un homme ou une femme ? Qui sait… Et puis, peut-être que je tomberais sur quelqu’un que je connais, ça pourrait être drôle. Comment devait-on s’habiller pour un soit disant rendez-vous près d’un lac ? J’ai donc opté pour un chandail à manches longues, pour ne pas avoir froid et des pantalons beiges. Le tout était à la mode et assez joli. J’avais aussi décidé de laisser mes cheveux lousses, frisés au fer, comme je les préfère. Je m’étais maquillée, mais assez simplement.

J’ai pris mon sac à main avant de partir, assez en avance. Je déteste arriver en retard, ça me met mal à l’aise et ça part assez mal pour une bonne première impression. Je me suis alors rendue vers la destination en question. J’étais un peu à l’avance. Je suis donc sortie de ma voiture et j’ai marché tranquillement vers le point de rencontre qu’on m’avait décrit. Je distinguai le drap posé sur le sol avec le panier de pique-nique. Juste à côté se trouvait un homme vêtu d’une chemise. Il fixait l’écran de son portable, attendant que j’arrive. Je commençais à stresser un peu et à me demander si c’était une bonne idée d’y aller. Cet homme paraissait vraiment plus vieux que moi. C’était encore le temps de faire demi-tour, comme il ne m’avait pas encore vue. Malheureusement, cet homme avait payé pour cette cause de charité. Je ne pouvais pas laisser tomber les pauvres petits enfants. J’ai donc pris mon courage à deux mains, et je me suis avancée vers cet homme. « C’est une blague ? » Il semblait aussi dégouter que moi à l’idée d’avoir un rendez-vous avec quelqu’un qui est loin d’être de son âge. « J’n’ai pas payé pour faire du babysitting, alors demoiselle, j’espère que tu n’es pas le lot… » Regardant la carte avec le portrait chinois, il ajouta : « 2. Parce que sinon, je crois qu’on va avoir un problème. » Un problème ? Oui, le problème c’est la politesse qu’il ne semble pas connaître. N’ayant pas l’habitude de me laisser marcher dessus, j’ai rapidement riposté. « Ce que vous êtes charmant. J’espère que les petits enfants dans le besoin vont vraiment avoir de l’aide parce que je n’endurerai pas ça pour rien. » J’ai alors pris un faux sourire, avant d’ajouter : « Je suis enchantée de vous connaître, monsieur. » J’avais pensé l’appeler vieil homme, pour le piquer, faire exprès quoi… Mais je m’étais ravisée, je ne me rabaisserai pas à son niveau.

Définitivement, cette soirée commençait très mal. Je ne regrettais pas de m’être inscrite, parce que ça allait aider des enfants, comme cette activité est là pour ramasser de l’argent… Mais quand même, ça n’allait pas être plaisant. Il avait amplement le droit d’être déçu face à une jeune fille comme moi qui arrivait alors qu’il devait s’attendre à une femme de son âge. Mais il me manquait totalement de respect avec ce qu’il me disait. Mais étant comme je suis, je ne me laisse pas impressionner et je ne me laisse encore moins marcher sur les pieds. Il désirait jouer dur, j’allais embarquer. Je ne sais pas ce qu’il a en tête, mais il avait du pain sur la planche avant que je me mette à douter de moi-même devant lui. Il me fit un sourire, je ne sais pas trop pourquoi. Mais je ne me posais pas trop de question, ce n’est surement qu’un vieux fou. « J’ai payé, alors pour l’aspect ‘’aide’’ tu n’as pas à t’en faire, Petite. Je ne vais pas aller réclamer mon fric parce qu’on m’a foutu dans les pattes une ado en mal-être. Je ne suis pas si cruel. » Je me sentais un peu comme avec Kavi, un ami. On se lance des piques tout le temps, sauf qu’avec Kavi, c’est un jeu et on rigole. Avec cet homme, c’est assez différent. « Une ado en mal-être ? Excusez-moi, mais vous ne savez absolument rien de moi, très cher. Et puis, il ne faut pas leur mettre la faute sur le dos, c’est vous qui m’avez choisie, et non eux. » C’est vrai quoi, il a choisi un lot… C’est à lui à faire avec ! C’est lui qui avait des attentes, alors qu’il aurait pu se douter que ça n’allait pas se passer comme il le croyait. Rien ne se passe jamais comme prévu dans la vie…

« Épargne-moi le passage de courtoisie, demoiselle. Ce n’est pas comme ça que le temps va filer plus vite. » J’ai décidé d’ignorer ce qu’il venait de dire. « Au fait, cher monsieur, il se trouve que j’ai un nom, Hazel. Je sais que vous n’en avez rien à foutre, mais c’est ça qui est ça. » Le vieux irrespectueux pris place pour le pique-nique. Je m’assis aussi, seulement parce que j’étais tannée de rester debout. « Il n’y a pas de limonade pour toi, c’est dommage. » Il faisait semblant de s’inquiéter, j’haussai un sourcil. « Et ça fait quoi? C’est censé me faire quelque chose ? Désolée de vous décevoir. » De toute façon, je n’avais pas soif. Et il est hors de question que je touche à l’alcool. J’avais déjà donné dans l’alcool, et c’est terminé pour moi. Je ne toucherai plus à ça. L’alcool ne sert que d’échappatoire à ceux qui n’en peuvent plus de leur vie, et ce n’est pas un bon moyen pour être heureux. Quand ça ne va pas, il faut travailler sur soi et sur la cause de notre malheur, au lieu de s’apitoyer sur son sort. C’est ce que je fais, dans la vie de tous les jours depuis cette cure que j’ai suivi… Je ne le connais pas cet homme, mais il ne sait pas non plus à qui il a à faire… Il n’a aucune idée de ce qui s’est passé dans ma vie. Je suis peut-être jeune, mais j’en ai vécu des choses… Le destin s’est amusé avec moi auparavant…