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 my old friend. (abbey)

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MessageSujet: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyDim 22 Jan - 19:32

« Les blessures d'amitié sont inconsolables. »
de Tahar Ben Jelloun

J’avais besoin de sortir. Tout de suite. Je ne supportais plus son regard vide qui semblait traverser la fenêtre, le ciel bleu, la matière sans jamais s’accrocher à rien. Ca me rendait malade. Cela faisait bien une heure que je l’observais, essayant de temps en temps de lui faire la conversation, de la faire réagir, mais plus je restais près d’elle, plus je m’enfonçais avec elle dans cette torpeur proche du sommeil – ou du coma. Son contact était nuisible. De temps en temps, mon sang ne faisait qu’un tour alors que plus aucun signe de vie ne s’échappait d’elle, mais l’instant d’après, elle clignait des yeux ou soupirait, et un intense soulagement me vidait de mes forces. Elle me regardait de temps en temps, me souriait, avant de retourner à sa contemplation. Elle ne répondait à aucune de mes questions, comme si me faire la conversation lui semblait totalement inutile. Alors, j’avais abandonné, me contentant de garder un œil sur elle. Jusqu’à ce que je me rende compte que j’étouffais dans ce salon poussiéreux. Mon regard se fit critique autour de moi : j’avais négligé le ménage depuis trop longtemps. Je me levais enfin, contournant le fauteuil où elle était assise, lui gênant la vue, mais elle ne dit rien. J’ouvris la fenêtre. Un léger vent glacé s’infiltra dans la pièce, mais l’odeur de renfermé persistait, et j’avais la certitude que l’odeur était juste dans ma tête.

Je jetais un dernier coup d’œil au corps affalé de ma mère, soupirant une énième fois, fermant les yeux douloureusement, mais bien sûr elle ne vit rien. « Je sors. » Je n’attendis même pas qu’elle tourne son regard vers moi, encore moins qu’elle me dise quelque chose. D’un pas rapide, j’atteignis la porte, pris ma veste, et fermais la porte à clé derrière mois, sachant pertinemment qu’elle ne sortirait pas de toute façon, que je parte longtemps ou non. J’inspirais profondément, grimaçant alors que le froid mordait la peau de mon visage. Heureusement, le ciel était clair. Je relevais la manche de ma veste pour découvrir ma montre. C’était la première fois de l’après-midi que je regardais l’heure, et l’après-midi était déjà bien avancée. L’heure du goûter. L’idée me fit sourire. Les mains dans les poches, je m’avançais dans la rue déserte. Le pas rapide, je me rapprochais du centre, pas très sûr de savoir quoi faire, mais pensant déjà à écourter ma promenade, ne supportant pas le froid. Cela dit, c’était toujours mieux que de regarder pendant des heures ma mère, sans rien faire, sans rien dire. Je fronçais les sourcils, pas très sûr de vouloir penser à elle alors qu’il était clair que cette promenade visait justement à m’éloigner d’elle.

Une fois devant l’un des bars, je me rendis compte que mon porte-monnaie était bien léger. Après une grimace, je me décidais à continuer finalement ma ballade qui commençait sérieusement à me geler sur place. J’avisais alors la patinoire, et n’ayant pas d’autre idée, je pris le parti d’investir une des chaises de la cafétéria. En plus leur chocolat chaud valait le détour et ce n’était pas si cher que ça. Ne réfléchissant pas plus, je me glissais à l’intérieur, heureux de retrouver un peu de chaleur qui m’avait furieusement fait défaut. Je lançais un sourire à la serveuse, lui commandant de suite un chocolat chaud, avant d’aller m’asseoir dans un coin. Je frottais mes mains entre elle. Enfin le breuvage arriva et je fus tellement ravi que mon ‘merci’ fit rire la jeune fille. J’apportais la tasse à mes lèvres, me brûlant la langue avec délectation. Une fois réchauffé, je laissais mon regard vagabondé entre les tables, remarquant enfin que je n’étais pas tout seul. Il y avait un couple, une bande d’amis, et une présence bien plus familière qui me fit froncer les sourcils tout de suite. Oh joie. Je passais d’un problème à un autre. Je détournais le regard, me perdant dans la contemplation des patineurs, mais ce n’était pas suffisant pour l’oublier.

Mon regard se posa à nouveau sur elle. Un regard dur, sûrement, je n’arrivais de toute façon pas à contrôler mon ressentiment. Il y avait pour moi quelque chose de sacré dans l’amitié. Quelque chose qui la rendait éternelle. Il était indéniable que j’étais déçu par elle. J’avais pensé que notre amitié était importante pour elle aussi. Après tout, nous nous connaissions depuis des années. C’était réellement douloureux de se rendre compte qu’on a beau avoir des espérances, elles sont toujours bafouées. Mais étonnamment optimiste, je m’attendais toujours à ce qu’elle revienne vers moi d’elle-même. Que l’on reprenne alors cette jolie amitié qui avait été la notre. Mais non, évidemment. Je n’arrivais même plus à détacher mes yeux de sa silhouette, cherchant à capter son regard en vain. Je me demandais si elle m’avait aperçu et qu’alors elle cherchait à m’éviter. Plausible. Mes doigts pianotaient nerveusement sur la table. Il fallait que j’agisse. Mais prudent, et surtout assez lâche finalement, j’avais peur de me faire rabrouer, et je n’en avais vraiment pas envie. C’était une chose le silence complet, c’en était une autre une réponse définitive.

Lorsque ma tasse fut vide, j’avais pris ma décision. Me levant brusquement de ma chaise, je m’avançais vers elle, mon regard braqué sur elle. La chaise racla durement sur le sol lorsque je la tirais pour m’asseoir dessus. Je la dévisageais sans gêne, les yeux froids et une expression dure sur le visage. J’avais envie de déverser un flot de mots, mon ressentiment qui m’étreignait la gorge, mais j’avais peur de regretter après d’avoir tout laissé sortir, si bien que je me contenais difficilement. « Abbey. » Ca sonnait comme un avertissement, comme si je la défiais de me faire le moindre signe, de me répondre. Ce n’était pas un bonjour, je n’avais pas envie d’être poli avec elle.
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Aaron Lawford
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyDim 22 Jan - 23:38

il existe des mots dévastateurs qui rasent tout sur leur passage. comme les tornades, les ouragans. bien sûr, on voudrait rester droit, mais on ne peut pas résister. c'est impossible. ces mots peuvent faucher des montagnes. ils nous foudroient. on ne sent presque rien. mais après, ça ne vaut même plus la peine de faire semblant d'être vivant. on n'existe plus.


J’aspirais une bouffée de la nicotine qui se trouvait dans la cigarette que je tenais en main fébrilement. La substance s’insuffla alors dans mes poumons, laissant une odeur âcre dans mon palais. Je regardais avec avidité la fumée qui sortait et qui se dissipait dans l’atmosphère, lentement. Je n’avais pas fumé depuis très longtemps. J’avais arrêté, aussi facilement que j’avais commencé. Je m’étais persuadée que ce n’était qu’une chose inutile, et surtout très nocive à ma santé. Je me souviens que j’avais aspiré de cette nicotine pendant un bon moment à New York. Pourquoi ? Parce que tout le monde le faisait, et que c’était un moyen de se détendre entre deux séances photos, paraissait-il. Naïve, j’avais succombé à cette substance devenue un phénomène de mode. Et voilà que je recommençais. Je n’en avais pourtant pas envie. Je n’avais jamais ressenti le manque de la nicotine. Jamais. Mais, ces derniers temps, j’avais repris mes vieilles habitudes de New York, sans prendre conscience des conséquences. J’étais idiote, j’étais naïve, j’étais stupide, mais je n’étais pas assez forte. Pas assez forte pour résister à toutes ces merdes, pas assez forte pour arrêter de me détruire. Je vivais un inlassable cauchemar. Constamment. Et ces derniers jours, ça devenait de pire en pire. Je finis par jeter la cigarette à peine entamée dans le sable. Je n’avais pas besoin de ça. Je regardais la plage, et je laissais l’odeur de la mer titiller mes narines. Je fermai les yeux, un instant. Je pouvais entendre les vagues se jeter sur le sable, pour repartir doucement. Quelques mouettes volaient en criant des bruits étranges au-dessus de ma tête. C’était agréable. C’était cet Arrowsic calme et paisible que j’aimais. C’était cet Arrowsic qui était censé me guérir de mes blessures profondes. Alors pourquoi n’y arrivais-je pas ?

Machinalement, je quittai la plage, marchant dans les rues d’Arrowsic, sans savoir réellement où j’allais. J’avais pris l’habitude de me balader ici, même si je connaissais par cœur les moindres recoins. Tout me semblait si familier. Je me sentais bien ici. Ma douleur avait beau être grande, rien ne pouvait empêcher mon amour pour cette ville. Il était presque deux heures de l’après-midi. Je n’avais rien de spécial à faire, étant donné que c’était mon jour de congé. Je regardai alors autour de moi. Je m’étais rendue à la patinoire. La dernière fois que j’y étais venue, c’était avec mon ami Garrett. Oh, mon cher Garrett. Où était-il à présent ? Pourquoi était-il parti ? Pourquoi n’était-il plus là ? Et Louanne ? Peut-être étaient-ils partis à l’aventure, en voyage, ensemble, tous les deux. Peut-être pas. C’étaient deux personnes qui m’avaient longtemps soutenues, qui étaient restées auprès de moi, malgré tout. Ils me manquaient. Mais je n’avais plus de nouvelles d’eux depuis un bon moment. Il fallait sans doute que je tourne la page, comme je l'avais fait avec beaucoup d’autres. Je me souvins encore du bon moment que j’avais passé avec Garrett ici. Je me souvins comment il avait réussi à me faire sourire, comment il avait réussi à me faire oublier, tout, complètement. Le temps s’était arrêté. Il n’y avait eu que lui et moi. Et du bonheur, éphémère certes, mais une bouffée de bonheur qui m’avait fait renaitre, le temps de quelques instants. Mais c’était fini, et maintenant ces instants étaient devenus des souvenirs.

Nostalgique, je passai le perron de la porte, m’attardant un court instant sur les patineurs qui semblaient joyeux. Mon cœur se serra. Comme je les enviais ! Comme j’enviais leur bonheur, leur sourire, leur joie de vivre ! C’était un beau spectacle. Un spectacle auquel je n’appartenais pas. Finalement, je me dirigeai vers la cafétéria. Il n’y avait pas beaucoup de monde, et je pus m’installer sur une table, seule. Comme d’habitude. Je commandai des pains au chocolat ainsi qu’un café au lait, qui restèrent sur la table. Je n’avais pas envie de manger. Plus maintenant. Pas si c’était pour me faire vomir ensuite. Je soupirai. C’était dur. Très dur. Je savais que je n’allais pas bien, et que sourire n’était qu’un masque trop longtemps utilisé. Je savais tout ça. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Je ne pouvais pas m’empêcher de paraitre heureuse.

La silhouette d’un homme s’installa alors à une table, de l’autre côté de la pièce. Je connaissais cette silhouette, cette silhouette que j’évitais depuis un bon bout de temps. Il ne m’avait pas vu. Pas encore. Je plongeai mon regard dans le liquide sombre de mon café. Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais plus quoi faire, à présent. J’avais perdu tout contrôle, toute lucidité. Dorian était mon ami. Il l’avait toujours été. Et moi je l’avais laissé tombé, comme une idiote. En partant d’Arrowsic, j’avais renoncé à mon ancienne ma vie, car je pensais ne jamais revenir. Je pensais que j’allais entamer une vie meilleure. Mais je m’étais trompée, et il fallait que j’assume les conséquences de mon soudain départ. Alors que je voulus reposer le regard sur mon ami, je vis la table vide. Il était déjà parti me rejoindre. Mon cœur s’accéléra quand je vis l’expression de son visage. Il ne semblait pas ravi. Il m’en voulait, j’en étais certaine. J’appréhendais déjà la discussion. Il s’assit alors, ne m’adressant aucun sourire. Il s’était juste contenté de s’assoir, et me regarder comme s’il attendait quelque chose de ma part. « Abbey. » dit-il, sans vraiment d’enthousiasme. Je ne pus m’empêcher de me sentir gênée. Qu’étais-je supposé répondre ? Qu’étais-je supposé dire ? Je pris la tasse de café au lait, qui me réchauffa instantanément les mains, comme pour me rassurer. « Dorian. » dis-je, d’un ton calme. Je plongeai mon regard dans ses iris, et respira doucement quelques instants. Au bout de quelques minutes, je finis par dire : « Écoute, je suis désolé. Je suis désolé si je t’ai blessé, ce n’était pas mon intention. » Je voulais tenter un sourire, mais quelque chose me disait qu’il n’était pas d’humeur très chaleureuse. « Mais il faut que tu comprennes que ça été difficile pour moi ces temps-ci. J’étais perdue, je me sentais seule et je ne savais pas quoi faire. » Je m’étais lancée, je ne pouvais plus m’arrêter. C’était comme si j’avais besoin de dire tout ce que j’avais sur le cœur, tout d’un coup. Pourquoi maintenant, et pas avant ? Je n’en savais rien. « J’avais peur. J’avais peur que tu m’en veuilles. Je ne voulais pas que tu me détestes. Je sais que t’ignorer n’était pas la bonne solution. » Son regard sur moi me laissait fébrile. J’étais inconsciente et idiote, et je le savais. Dorian n’était pas un imbécile, jamais il n’aurait accepté mes excuses. Je voulais garder un espoir tout de même, même minime. « Je ne cherche pas à me justifier. Je n’ai pas d’excuses, en fait. Tu as le droit de m’en vouloir, c’est normal. Je sais juste.. je sais juste que je suis désolé, Dorian. » Je respirai, enfin. Je n’étais pas habituée à parler autant en si peu de temps. Je cherchai dans ses yeux, quelque chose qui me dirait qu’il ne m’en voulait pas, quelque chose qui m’aurait fait espéré que notre amitié était encore présente. Mais il n’y avait rien. Rien de cela. Juste une rancœur que je pouvais sentir jusque sous ma peau.


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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyDim 29 Jan - 20:08

Peut-être la mettais-je vraiment mal à l’aise en la dévisageant ainsi, sans m’en cacher, avec dureté même. Mais c’était la seule manière d’exprimer mon ressentiment sans déverser ma rancœur à coup de mots blessants. Je sentais cependant ma patience s’amenuisait de secondes en secondes. « Dorian. » Je me décrispai légèrement, soulagé au fond qu’elle ne m’ignore pas tout simplement. Je n’aurais pu l’accepter. Cependant, le dialogue était loin d’être engagé. Mais je n’étais pas résolu à lui facilité la chose, et s’il fallait que je la fixe encore quelques minutes pour qu’elle commence à parler, je n’hésiterai pas à la faire une seule seconde. Ce fut le cas, d’ailleurs. Il lui fallut, semble-t-il, plusieurs minutes pour savoir quoi dire, ou même pour parvenir à parler. « Écoute, je suis désolé. Je suis désolé si je t’ai blessé, ce n’était pas mon intention. » Je sentis mes poils s’hérissaient, et un léger dégoût s’insinuait en moi. Avais-je réclamé des excuses ? Peut-être, oui, peut-être que venir à sa table c’était les réclamer. Et pourtant, ce n’était pas vraiment ça que je désirais. Je ne voulais pas des excuses aussi plates que le simple fait de ne pas avoir eu l’intention de me blesser. J’avais l’impression d’être pris pour quelqu’un de stupide. Oh évidemment, je me doutais bien qu’elle ne l’avait pas voulu, mais les faits étaient là, quoi qu’elle en dise. « Mais il faut que tu comprennes que ça été difficile pour moi ces temps-ci. J’étais perdue, je me sentais seule et je ne savais pas quoi faire. » Comprendre, encore et toujours. J’en avais assez de devoir me montrer compréhensif pour tout, de pardonner les pires horreurs, de juste sourire et dire que ce n’est pas grave. Minimiser l’impact que tel ou tel acte a sur moi. « J’avais peur. J’avais peur que tu m’en veuilles. Je ne voulais pas que tu me détestes. Je sais que t’ignorer n’était pas la bonne solution. » Je fermais les yeux pendant un instant. Je me connaissais : j’allais craquer face à sa fragilité, j’allais lui pardonner. Parce que je n’étais pas rancunier. Et que ça me jouait des tours. Mais cette fois-ci, je ne pouvais pas me le permettre. Et de toute façon, je n’étais pas d’humeur à être aussi clément. Pourtant, je sentais déjà la glace dans mon regard fondre doucement. « Je ne cherche pas à me justifier. Je n’ai pas d’excuses, en fait. Tu as le droit de m’en vouloir, c’est normal. Je sais juste.. je sais juste que je suis désolée, Dorian. » Cette situation n’était ni plaisante pour elle, ni pour moi. J’étais si fatigué, sur les nerfs même, que je n’arrivais pas à faire la part des choses : devais-je accepter sans me poser de questions ? Devais-je attendre pour lui pardonner ? Mieux, lui dire ses quatre vérités ? Ce n’était pas l’envie qui me manquait. J’inspirai fortement, me frottant les yeux avec vigueur, espérant trouver la force pour rester calme. Ce qui ne semblait pas évident. Je la dévisageais toujours, installant, ou gardant, cette atmosphère lourde qui nous entourait. « Je n’attendais rien d’autre qu’un signe, Abbey. Quand j’ai su que tu étais revenue, j’étais si heureux que j’aurais pu te pardonner vraiment facilement. Sans un mot, d’ailleurs. J’aurais même fait comme si rien ne s’était passé. » Et c’était la vérité. J’avais cru qu’elle viendrait me voir, qu’elle s’excuserait – ou non d’ailleurs – et que tout serait oublier. Qu’on redeviendrait les amis que nous avions toujours été. La réalité m’avait paru si décevante que je lui en voulais atrocement. Plus sûrement que de raison. « Mais au lieu de ça, tu m’as ignoré. Complètement. Et ça, c’est encore plus blessant que ta disparition soudaine. Parce que je me suis dit que, finalement, notre amitié n’avait aucune importance à tes yeux. » Dévoiler ainsi mon ressentiment était salvateur, et cela même si ça devait la faire souffrir. En réalité, à cet instant, je me fichais un peu de son état. Je ne cherchais que ma propre satisfaction. C’était sûrement égoïste. Mais il fallait que ça sorte car c’était une des choses qui me rendaient venimeux ces derniers temps, coupant mon optimisme habituel et me rendant mélancolique au possible. « J’imagine que là-bas, tu as du vivre tant de choses que tu n’as jamais pensé à moi ou à aucun de tes amis d’ici … » J’étais amer, et surtout injuste dans mes propos. Un peu cynique aussi. « Oui, définitivement, m’ignorer était la pire des décisions que tu pouvais prendre. » Mon ton était dur, et je m’en voulais un peu de lui faire subir ça, comme un procès. J’avisais la serveuse qui jetait de fréquent coup d’œil vers nous, sûrement intriguée par notre conversation étrange. « Tu veux un autre café ? » C’était juste une façon détournée de lui demander si elle souhaitait continuer cette conversation ou si elle voulait y échapper.
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Aaron Lawford
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyDim 29 Jan - 21:59

il existe des mots dévastateurs qui rasent tout sur leur passage. comme les tornades, les ouragans. bien sûr, on voudrait rester droit, mais on ne peut pas résister. c'est impossible. ces mots peuvent faucher des montagnes. ils nous foudroient. on ne sent presque rien. mais après, ça ne vaut même plus la peine de faire semblant d'être vivant. on n'existe plus.


Dorian était en face de moi, avec son visage dur et son regard angoissant. Avec ses cheveux ténébreux et son corps tendu. La situation ne semblait pas facile, pour aucun de nous deux. Et dire qu’il y a dix ans de cela, nous étions en train de jouer ensemble, naïvement, dans les belles prairies d’Arrowsic. Et dire qu’il y a dix ans de cela, nous nous donnions la main, comme si nous étions inséparables. Et maintenant, tout était parti. Comme si une tempête avait éraflé la terre, et avait tout emporté sur son visage, tout, même notre amitié pourtant si forte. Comment était-ce possible ? Comment avais-je pu laisser notre amitié s’évader si facilement, comme une pétale de rose ? Voilà où nous en étions à présent. A se regarder dans les blancs des yeux, à chercher quelque chose, l’espoir, la lumière, l’amour d’autrefois. Mais c’était le néant. Il n’y avait plus rien. Ou peut-être ne voulais-je rien voir. Il n’y avait plus que de la rancune, de la déception, des regrets, beaucoup de regrets. Les ravages du temps ne nous avaient pas laissé indemnes. A présent je ne savais même plus si j’éprouvais encore de l’amitié pour Dorian. J’avais été si blessée, si détruite, que je n’étais plus sûre de rien. Alors qu’étions-nous à présent ? Où allions-nous comme ça ? J’étais perdue, mais je crois que Dorian l’était tout autant que moi. Alors ainsi, c’était ce à quoi nous étions réduits : à se regarder dans le fond des yeux, à trouver quelque chose, n’importe quoi, et laisser le temps nous séparer pour toujours ?

« Je n’attendais rien d’autre qu’un signe, Abbey. Quand j’ai su que tu étais revenue, j’étais si heureux que j’aurais pu te pardonner vraiment facilement. Sans un mot, d’ailleurs. J’aurais même fait comme si rien ne s’était passé. » Je baissais les yeux. Je savais que j’étais en tort, que tout était de ma faute. Le problème c’est que je ne savais pas comment je pouvais régler ça. Dorian semblait très contrarié, et c’était tout à fait plausible. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Ainsi, c’était ce qu’il attendait. Un signe ? Juste un signe ? Et moi, comme une idiote, j’avais pensé qu’il fallait m’éloigner quelques temps pour le laisser réfléchir. Mais à quoi pensais-je ? Je m’en voulais tellement. « Et je suppose que maintenant c’est trop tard, c’est ça ? Est-ce que si je te demandais de faire comme si rien ne s’était passé, tu le ferais ? » Je ne le quittais pas du regard. Je voulais croire qu’il y avait encore de l’espoir. Je voulais y croire. Mais plus les secondes passaient, plus cet espoir se consumait. Comme un arbre qui perd ses feuilles en automne. Doucement, sans que personne n’y fasse attention. « Mais au lieu de ça, tu m’as ignoré. Complètement. Et ça, c’est encore plus blessant que ta disparition soudaine. Parce que je me suis dit que, finalement, notre amitié n’avait aucune importance à tes yeux. » Mon cœur s’accéléra. C’était exactement le contraire de ce que j’avais pensé. Alors nous nous étions éloignés à ce point-là ? A tel point de ne plus pouvoir se comprendre ? Sans réfléchir, je pris sa main chaude dans la mienne, et la serra très fort. « Dorian, si je t’ai ignoré, c’est parce que je pensais que tu voulais que je te laisse du temps. Je pensais que tu m’en voulais, alors j’ai préféré m’éloigner quelques temps et te laisser réfléchir. Je sais que ça peut sembler idiot, mais c’est réellement ce que je pensais. » Sans lâcher sa main, je continuai : « Et tu te trompes, notre amitié compte encore pour moi. » Est-ce que je le pensais réellement ? Ça n’était pas si sûr. Je voulais y croire, un petit peu, même si je savais pertinemment que plus rien ne serait comme avant.

Finalement, je lâchai mon emprise, et me réinstalla sur ma chaise. Je savais que ce n’était que le début, et qu’il fallait que je tienne bon. Maintenant qu’il était là, je ne pouvais plus fuir. Plus maintenant. « J’imagine que là-bas, tu as du vivre tant de choses que tu n’as jamais pensé à moi ou à aucun de tes amis d’ici … » Je restais silencieuse, quelques instants. Il ne savait pas. Il ne savait pas à quel point penser à New York me blessait et me serrait le cœur. Il ne savait pas que j’avais été complètement démolie, comme un château de cartes. Alors oui, j’avais vécu des choses formidables. Mais j’avais aussi passé des moments désastreux, et c’était ces moments que je retenais le mieux dans ma tête. J’inspirais profondément. Ce n’était pas facile. Pas du tout même. « Ce n'est pas ce que tu penses. Si tu penses que je me suis éclatée comme une folle, à tel point d’en oublier mes amis, tu te trompes lourdement. Au début oui je l’avoue c’était bien. Mais ensuite.. » A présent, je déviais le regard de Dorian. J’avais besoin de m’exprimer, pour moi, pour lui, mais je n’avais pas besoin d’affronter son regard insistant. « Ensuite ça s’est dégringolé et je ne pouvais même plus m’occuper de moi-même. » Je pris une gorgée de mon café. Penser à tout ça me faisait constamment mal. Quand est-ce que la douleur allait s’atténuer, ne serait- ce qu’un tout petit peu ? « Je ne sais même pas pourquoi je te dis ça, en fait. Je ne veux pas que tu aies pitié de moi. J’aimerais juste que tu me comprennes, un peu au moins. » C’était sans doute trop lui demander. Mais tant pis, au moins j’aurais essayé.

« Oui, définitivement, m’ignorer était la pire des décisions que tu pouvais prendre. » Que pouvais-je répondre à ça ? Je l’avais déçu, et par-dessus tout, je l’avais blessé. Ce n’était pas ce que je voulais, mais le mal était déjà fait. Et à présent, il était trop tard pour reculer. Maintenant il fallait assumer les conséquences. Mais quelles étaient les conséquences ? La fin de mon amitié avec Dorian ? Oui, sans doute. Mais je ne le voulais pas. Vraiment pas. Pourtant, je ne m’étais jamais sentie aussi éloignée de lui qu’à ce moment-là. « Tu veux un autre café ? » Je restais perplexe. Qu’attendait-il exactement de moi ? Pourquoi ce soudain élan d’amitié ? Je n’arrivais même plus à comprendre ce qu’il voulait. Je haussai finalement les épaules. Ça ne pouvait pas me faire de mal. « Je veux bien oui, merci. » Je n’avais pas soif, et je n’avais pas faim non plus. Depuis un bout de temps d’ailleurs. Mais ce n’était pas grave, il fallait bien que je fasse des efforts. J’irais aux toilettes après, s’il le fallait. Ça non plus, il ne savait pas.


Dernière édition par Abbey Jill Strugatsky le Ven 24 Fév - 15:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyJeu 2 Fév - 17:39

Je jetais un léger regard à son visage pour la trouver assez surprise de ma proposition. Je détournais les yeux, ne voulant pas qu’elle y décèle ne serait-ce qu’une minuscule faille, et qu’elle l’exploite, qu’elle s’y faufile, pour faire défaillir ma froideur, et me rendre trop compatissant. Même si, au fond, je savais très bien qu’elle ne le ferait pas. Peut-être même qu’elle ne voyait pas dans mon regard cette fêlure, cette envie d’oublier ce qu’elle avait fait, de tout lui pardonner, par ennuie, par fatigue, et aussi parce qu’il me semblait de plus en plus que tout accepter était bien plus simple. « Je veux bien oui, merci. » J’hochais simplement de la tête avant de me tourner vers la serveuse qui vint précipitamment, ses petits talons claquant durement sur le sol. « Deux cafés. » Elle partit tout aussi vite, le visage fermé à cause de mon ton froid. Je n’avais même pas fait l’effort de paraître agréable. Pourtant, c’était bien loin de mon attitude habituelle. Je soupirais. J’allais finir par ne plus me reconnaître avec tous ces éléments qui pesaient sur mes épaules, et qui s’enchainaient, qui s’accumulaient. J’attendis qu’elle revienne pour déposer les boissons sur la table pour reprendre la discussion là où elle était restée. Je ne savais pas vraiment comment débloqué la situation, comment la rendre plus vivable pour nous deux. Et puis, je ne pouvais pas faire fi de ses révélations sur son séjour à New York.

De ce que j’avais compris, ça n’avait pas été une partie de plaisir, finalement. J’évitais cependant de montrer mon trouble, mon hésitation. « Oui, j’aimerais comprendre Abbey, vraiment. J’aimerais savoir ce qui t’as poussé à tout quitter pour aller là-bas. J’aimerais que tu m’expliques pourquoi tu n’as pas pensé à me contacter quand ça allait mal. » Je secouais la tête. Non, ça c’était évident. La réponse coulait de source : elle allait dire qu’étant partie sans rien dire, elle ne pouvait pas revenir avec ses problèmes. Logique en soit, mais je n’avais pas envie de l’entendre, pour ne pas me fâcher un peu plus. « Non, laisse. De toute façon, je ne suis même pas sûr que j’aurais été une oreille attentive … » C’était faux évidemment. J’étais suffisamment humain pour faire fi de ma colère, de ma déception pour aider. Surtout elle, mon amie. Et j’étais encore plus amer de constater qu’elle n’y avait probablement même pas pensé. Nier que j’aurais pu l’aider, c’était construire un barrage suffisamment dur pour qu’elle ne pense même pas y voir un quelconque regret de ne pas avoir été à ses côtés.

Néanmoins, au fond, j’étais toujours attaché à elle, et cette partie voulait en savoir plus. Je savais très bien dans quel état il fallait être pour ne plus pouvoir s’occuper de soi-même, ma mère étant un très bon exemple. Un exemple que j’avais tous les jours sous les yeux, et faire correspondre cette image en remplaçant le regard vide de ma mère par celui d’Abbey, c’était comme reconstitué une réalité, et l’image était douloureuse. « Quant au fait d’avoir pitié de toi, c’est une excuse pathétique pour ne rien raconter. Je ne me rappelle pas d’une seule fois où j’ai pu exprimer de la pitié à ton égard, et je ne vois pas pourquoi ça commencerait maintenant. Alors si tu confonds compassion et pitié, très bien. » C’était sûrement déformer ses propos. C’était dénaturer son besoin de ne pas être vue comme une petite chose. Et c’était sûrement cruel de dénigrer ce besoin. Mais c’est le genre de paroles que l’on ne réfléchit pas sur le moment, mais qui viennent écorcher vos propres oreilles après. Je ne me savais pas aussi rancunier. Ou aussi amer. Pour me donner un peu plus de contenance, je bus quelques gorgées de café. J’essayais de me réchauffer, si ce n’est moralement, au moins physiquement.
c'est tout court ._.
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptySam 4 Fév - 10:43

il existe des mots dévastateurs qui rasent tout sur leur passage. comme les tornades, les ouragans. bien sûr, on voudrait rester droit, mais on ne peut pas résister. c'est impossible. ces mots peuvent faucher des montagnes. ils nous foudroient. on ne sent presque rien. mais après, ça ne vaut même plus la peine de faire semblant d'être vivant. on n'existe plus.


Plus les minutes passaient, et plus je sentais que la distance qui s’était créée entre Dorian et moi s’accumulait, non sans me laisser indemne. J’étais rongée par les regrets et par la douleur. Les fautes que j’avais commises par le passé revenaient à la surface en même temps et manquaient de m’abattre avec un coup sanglant. Et moi, je n’avais qu’une envie : fuir, partir, m’évader, et vite. Pour ne pas faire face à la réalité, encore une fois. J’étais faible, et je le savais. Je n’étais pas assez forte pour affronter les périples de la vie, les conséquences de mes actes. Je préférais la facilité qui consistait à me cacher et à me faire toute petite. Mais avec Dorian, ça ne marchait pas. Alors je devais me montrer forte, même si je ne l’étais pas vraiment. Et faire semblant devenait de plus en plus difficile.

Finalement il commanda deux cafés et je pris la tasse que la serveuse avait posée sur la table, silencieuse. Le goût âcre du liquide s’encrait dans toute ma gorge. « Oui, j’aimerais comprendre Abbey, vraiment. J’aimerais savoir ce qui t’as poussé à tout quitter pour aller là-bas. J’aimerais que tu m’expliques pourquoi tu n’as pas pensé à me contacter quand ça allait mal. » Oui, qu’est ce qui m’avait pris ? Pourquoi étais-je partie ? Encore aujourd’hui je me posais ces questions. Je passais mon temps à regretter mes choix, à regarder dans la passé alors qu’il était déjà terminé. Je savais qu’il ne fallait pas que je m’enfonce dans ce passé qui me tirait vers le bas. Pourtant, je ne pouvais m’en empêcher. Et si je n’étais pas partie ? Et si j’étais restée à Arrowsic ? Et si j’avais eu un autre rêve ? Et si j’avais contacté mes anciens amis ? Et si je ne les avais pas complètement ignorés ? Des questions qui me hantaient la tête constamment, et auxquelles je n’avais aucune réponse. J’avais agi comme une idiote, je m’en rendais compte à présent. A vrai dire, je ne savais pas quoi lui répondre, et c’était très frustrant. Il allait encore croire que je l’ignorais, que je ne voulais rien lui dire, ce qui n’était pas du tout le cas. Mais je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche que lui déjà ajoutait : « Non, laisse. De toute façon, je ne suis même pas sûr que j’aurais été une oreille attentive … » Je baissais les yeux. Il était plein d’amertume, ce que je pouvais parfaitement comprendre. Mais je n’aimais pas sa façon de se comporter avec moi. Il ne m’avait jamais parlé comme ça auparavant. A croire que le temps avait détruit notre lien qui était pourtant si fort.

Le silence. C’était quelque chose que je redoutais, et qui m’effrayait à la fois. Mais dans ce cas, je préférais de loin le silence aux paroles dures de Dorian que je devais encaisser. « Quant au fait d’avoir pitié de toi, c’est une excuse pathétique pour ne rien raconter. Je ne me rappelle pas d’une seule fois où j’ai pu exprimer de la pitié à ton égard, et je ne vois pas pourquoi ça commencerait maintenant. Alors si tu confonds compassion et pitié, très bien. » J’en avais assez. J’en avais assez qu’il me parle ainsi, même si je le méritais, au fond. Sans réfléchir, je répondis : « Qu’est-ce que tu veux Dorian, hein ? De toute évidence tu ne veux pas m’écouter. C’est ça que tu cherches ? Tu cherches juste à me dire tout ce que tu penses de moi, et c’est tout ? Ça te soulage, c'est ça ? C'est tout ce que tu souhaites ? Et après ? » Je ne réfléchissais même plus, ma tête était déjà partie très loin. J’étais comme transportée dans un élan que je ne contrôlais pas. « Tu veux que je te raconte, c’est ça ? Tu veux que je te raconte quoi ? Que ça été un cauchemar ? Que j’ai tout gâché ? Que j’ai tout détruit ? Que j’ai été une idiote ? Que mon rêve s’est complètement effondré ? Que j’ai souffert jusqu’à en crever ? Que parfois j’avais envie de lâcher prise et mourir sur place ? » Les larmes montaient à mes yeux, mais je ne pouvais pas les laisser couler. Pas devant lui non, il en avait déjà assez gros sur le cœur. Alors je sais que je n’aurais pas dû lui infliger ça, lui balancer tout ça d’un coup, mais il ne m’avait pas vraiment laissé le choix. « Alors voilà la vérité. Maintenant t’en fais ce que t’en veux. » C’était insupportable. De faire face à la réalité. C’était tellement douloureux, que j’en avais mal à la tête. « Je sais que j’ai été égoïste, je sais que j’ai fait n’importe quoi, Dorian. Tout ça, je le sais. Sauf que maintenant je suis coincée dans mes erreurs et j’ai l’impression que je ne pourrais jamais en sortir. » J’avais besoin de lui dire tout ça. Comme je le faisais avant. Même si je savais que c’était déjà trop tard. « Tu peux m’en vouloir toute ta vie si tu veux, je te comprendrais. » Était-ce la fin ? Était-ce la fin de notre histoire ? A l’évidence je ne le souhaitais pas, mais parfois, il y a des choses qu’on ne pouvait arrêter. Comme s’il y avait une force surhumaine qui nous dirigeait, et à laquelle nous ne pouvions strictement rien faire.
Spoiler:


Dernière édition par Abbey Jill Strugatsky le Ven 24 Fév - 15:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyMer 22 Fév - 17:33

Je regardais ailleurs, et c’était lâche. Parce que si j’avais osé poser mon regard sur elle, j’aurais du enduré la souffrance de ses traits, ou alors sa colère. Et la mienne me suffisait. Egoïste en cet instant, je ne pensais qu’à ma propre rancœur. « Qu’est-ce que tu veux Dorian, hein ? De toute évidence tu ne veux pas m’écouter. C’est ça que tu cherches ? Tu cherches juste à me dire tout ce que tu penses de moi, et c’est tout ? Ça te soulage, c'est ça ? C'est tout ce que tu souhaites ? Et après ? » Je fronçais les sourcils, mon regard fixant ma tasse de café. Elle avait raison, mais je n’étais pas suffisamment calme pour en prendre conscience. Il me semblait même naturel que je déverse un peu de mon ressentiment, que je lui dise tout, maintenant. Parce que ça commençait à m’étouffer tout ça, tous ces sentiments, qui s’empilaient. Mais elle avait tort, ça ne me soulageait pas tant que ça. Mais je n’eus même pas le temps de répliquer qu’elle continuait sur sa lancée. J’avais réussi à la mettre en colère. « Tu veux que je te raconte, c’est ça ? Tu veux que je te raconte quoi ? Que ça été un cauchemar ? Que j’ai tout gâché ? Que j’ai tout détruit ? Que j’ai été une idiote ? Que mon rêve s’est complètement effondré ? Que j’ai souffert jusqu’à en crever ? Que parfois j’avais envie de lâcher prise et mourir sur place ?» Surpris d’un tel aveu, d’une telle douleur, je levais rapidement la tête, tombant sur la tristesse inondant ces yeux. Le souffle coupé, j’avais presque honte. Mais je l’avais voulu, au fond, non ? J’avais tout fait pour la pousser à bout, pour qu’elle raconte, oui, qu’elle raconte tout. Ce n’était pas une curiosité mal placée, c’était juste une envie de comprendre pour se sentir soulagée. Pour retrouver l’amitié qui nous liait.

J’avais besoin de savoir, et pas de deviner. J’en avais assez de me faire des films tous les cinq secondes, constamment. Mais face à sa détresse, j’étais totalement désarmé. « Alors voilà la vérité. Maintenant t’en fais ce que t’en veux. » J’étais estomaqué. Les informations atteignaient une à une mon cerveau engourdi par la rage. Et tout doucement, je me rendais compte de l’horreur qu’elle avait pu vivre. J’en avais la nausée. J’étais si mal à l’aise que je n’osais dire un mot. Partie la colère. Restait seulement le remord, le regret, celui de ne pas avoir été présent. « Je sais que j’ai été égoïste, je sais que j’ai fait n’importe quoi, Dorian. Tout ça, je le sais. Sauf que maintenant je suis coincée dans mes erreurs et j’ai l’impression que je ne pourrais jamais en sortir. » Je me sentis légèrement paniqué. Je n’avais pas envie qu’elle s’effondre maintenant, pas alors que j’étais encore si amer. Pas alors que je venais de lui reprocher tout et n’importe quoi. Mais je devais faire face à ce que j’avais souhaité. Je lui avais bien demandé de raconter. « Tu peux m’en vouloir toute ta vie si tu veux, je te comprendrais. » Et ça me révulsait. Parce que même si c’était une chose que j’aurais aimé faire – lui en vouloir toute ma vie – j’en étais incapable. Pas alors qu’elle s’était confiée. Pas alors qu’elle était là, face à moi, vulnérable. Las, je passais ma main sur mon visage, ébouriffant mes cheveux au passage, désabusé. Je me sentais mal, et le goût de café dans ma bouche me dégoûtait. Cependant, je restais là, devant elle, attendant quelques secondes, quelques minutes. « Arrête, c’est bon, je baisse les armes. » Je me passais à nouveau une main dans les cheveux. Je ne savais même plus quoi dire pour calmer la situation. Je ne voulais pas le faire pleurer. Je ne voulais plus la faire souffrir. Je voulais juste que ça cesse, tout ce flot de haine, de rage, de colère, de douleur. Stop. « Oui … Je voulais que tu me racontes tout ça. Comment tu peux garder ça pour toi, Abbey ? Tu l’as déjà dis à quelqu’un au moins ? Je veux dire, on devient fou quand on intériorise. » J’essayais de ne faire transparaître aucun ordre, aucun reproche, mais j’étais toujours un peu froid. Il était dur de lui en vouloir toujours et pourtant de se préoccuper d’elle. C’était assez paradoxal.

Mais le souvenir de notre amitié était toujours présent, et les vieux réflexes faciles à retrouver. Lui demander de se confier, la rassurer. Ca semblait naturel, presque facile. Cela semblait même plus à ma portée que de me mettre en colère contre elle. « C’est faux, ce que j’ai dit avant. Je t’aurais écouté. Comme maintenant tu sais. Tu crois réellement que je pourrais t’en vouloir toute ma vie ? Je t’en veux déjà beaucoup moins … Et je t’en ai voulu sûrement exagérément, je le reconnais. » J’essayais d’aller de l’avant, d’alléger une de ses problèmes. Le souvenir de ces jours affreux devait toujours être vif dans sa tête. Ca devait la maintenir dans une douleur permanente, latente, qui la rendait vulnérable comme à présent. Je ne voulais pas être celui qui l’enfoncerait dans cette souffrance. Elle n’avait sûrement pas besoin de mon petit cœur blessé et déçu. Je refoulais l’amertume, la colère, la rage, la déception. J’étais exténué émotionnellement. Je regardais par la fenêtre de la cafétéria qui donnait sur la patinoire. Des enfants y jouaient, et subitement, comme toujours, les souvenirs affluaient dans mon cerveau. Nostalgique. « C’était mieux avant, non ? Quand on nous croyait trop petit pour comprendre. Au moins, on était protégé de tout. » Et le regret rendait ma voix rauque et presque rêveuse. J’idéalisais sûrement nos jeunes années, mais elles semblaient dix fois plus enviables que nos vingt ans.
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyLun 27 Fév - 18:16

on ne reconnaît pas les instants marquants de notre vie au moment où on est en train de les vivre. on s'habitue à tout, les choses, les idées, les gens mais on ne se rend pas compte de notre chance parfois. c'est seulement lorsqu'on risque de perdre quelque chose qu'on se rend compte à quel point on y tient, à quel point on en a besoin, à quel point on l'aime.


J’avais l’impression de parler dans le vide. J’avais l’impression que, peu importe ce que je disais, Dorian était de marbre. Une pierre incassable. Un gros rocher. Mais, à ma grande surprise, il se détendit, et je vis dans ses gestes une certaine douceur, comme s’il avait brisé son masque de fer en un instant. Et puis il prononça quelques mots. Quelques mots qui sonnèrent comme une légère brise dans mon esprit. « Arrête, c’est bon, je baisse les armes. » Alors ainsi, il s’était retenu ? Il avait fait comme s’il s’en fichait alors que ça n’était pas le cas ? Tout d’un coup, je m’en voulais d’avoir pensé que notre amitié était terminée. De toute évidence, elle ne l’était pas. Il y avait encore de l’espoir. « Oui … Je voulais que tu me racontes tout ça. Comment tu peux garder ça pour toi, Abbey ? Tu l’as déjà dis à quelqu’un au moins ? Je veux dire, on devient fou quand on intériorise. » En fait, Dorian voulait juste que je me confie. Comme je l’aurais sans doute fait à l’époque où nous étions heureux et innocents. J’avais été stupide de m’éloigner de lui. Il voulait juste être là pour moi. Et je crois que j’avais besoin de lui, moi aussi. Parce qu’il faisait partie de mon passé, de mes beaux souvenirs du passé que je ne voulais pas oublier. Jamais. « J'en ai parlé à quelques personnes, plus ou moins. Tu sais bien, je n’ai jamais vraiment aimé parler de moi. » Je me sentais plus apaisée, plus sereine. Son visage qui se détendait n’y était pas pour rien d’ailleurs. Je soupirais. Oui, il avait entièrement raison : j’allais devenir folle. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Montrer ma douleur à la face entière du monde, c’était comme avaler des petits pois la tête à l’envers : c'était impossible.

« C’est faux, ce que j’ai dit avant. Je t’aurais écouté. Comme maintenant tu sais. Tu crois réellement que je pourrais t’en vouloir toute ma vie ? Je t’en veux déjà beaucoup moins … Et je t’en ai voulu sûrement exagérément, je le reconnais. » Un sourire effleura mes lèvres. Je ne voulais pas que Dorian soit en colère contre moi. C’était la dernière chose que je souhaitais. Le fait qu’il soit prêt à m’écouter, c’était vraiment précieux à mes yeux. Je me sentais plus en sécurité, moins vulnérable. « Je ne sais pas quoi te dire.. A part merci, infiniment. Je ne comprends pas pourquoi je t’ai ignoré. Je fais des choses bêtes, souvent. » Je souris, fébrilement, mais au fond je savais que ça n’allait pas. Néanmoins, j’étais énormément reconnaissante envers Dorian. « T’avais raison de m’en vouloir, mais ce n’est pas bien grave. » C’était moi qui l’avais rejeté, pas lui. Pendant tout ce temps nous ne nous étions pas parlés, et malgré tout il était toujours là pour moi. Je ne savais pas comment on pouvait remercier ces gens aussi gentils. Oui, je m’estimais heureuse d’avoir Dorian en face de moi, même s’il m’en voulait encore. « C’était mieux avant, non ? Quand on nous croyait trop petit pour comprendre. Au moins, on était protégé de tout. » Je partageais son sentiment. Tout était plus facile avant. A l’époque où nous n’avions qu’une chose dans la tête : profiter de l’instant présent. On ne se préoccupait pas des choses futiles, on se fichait de tout et on pensait que le monde était à nos pieds. On avait tout pour être heureux. Comment tout cela avait-t-il pu changer ? Pourquoi n’avions-nous pas gardé notre insouciance qui nous décrochait des beaux sourires ? Oui, pourquoi ? « M’en parle pas. Je donnerais n’importe quoi pour retourner dans le passé, même un instant, juste pour profiter du soleil sur ma peau, et ne penser à rien d’autre. » Rien que d’imaginer la situation me réchauffait le cœur. « Tu te souviens quand on arrêtait pas de se chamailler à la cantine du collège ? C’était bien. » Je ne pus m’empêcher de lâcher un léger rire. Ces souvenirs, ils étaient si beaux, si magiques, mais en même temps ils me paraissaient si difficiles à attraper. Comme une plume qui se laissait emporter par le vent.
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptySam 17 Mar - 15:44

J’avais la sale manie de tout ramener au passé, d’y voir des rêves bafoués, des moments apaisants qui n’existeraient jamais plus. J’avais énormément de regrets. J’étais tout simplement mélancolique à longueur de temps, et plus je vieillissais, plus je regardais en arrière. Et là, j’amenais Abbey à faire la même chose que moi, l’entraînant dans un retour en arrière teintée d’aigreur. Ce n’était pas une bonne chose, ce n’était ni utile, ni réconfortant. C’était même tout le contraire, et pourtant j’étais soulagé de parler de ça. Parce que je m’y retrouvais, c’était mon passe-temps favori après tout. « M’en parle pas. Je donnerais n’importe quoi pour retourner dans le passé, même un instant, juste pour profiter du soleil sur ma peau, et ne penser à rien d’autre. » Un léger sourire encore crispé s’épanouit sur mes lèvres, alors que je posais mon regard sur elle. Oui, c’était ça, exactement. Il semblerait que notre enfance n’avait été faite que de repos, de chaleur. Et ça embaumait mon esprit, mon cœur, jusqu’à m’en écœurer. J’hochais de la tête. On n’était sûrement pas les seuls à vouloir tout donner juste pour être insouciants encore quelques secondes. Le pire dans tout ça, c’est que ça me semblait légitime d’avoir un tel vœu, et ça me semblait d’autant plus injuste de ne pas l’obtenir. « On en profiterait bien plus maintenant que quand on était tout jeune. Avant, ça nous semblait normal, maintenant ce serait juste divin. » Juste un peu de repos, de candeur. A cet instant, je détestais ma condition d’adulte responsable que l’on m’avait imposé. Ou plutôt que je m’étais imposé inconsciemment. Le résultat était le même de toute façon. J’étais exténué, roué de coups mesquins des responsabilités et couvert des petites blessures du quotidien qui n’arrivaient pas à cicatriser. « Tu te souviens quand on arrêtait pas de se chamailler à la cantine du collège ? C’était bien. » Et même son rire, léger et fragile, nous ramenait des années en arrière. Je ne pouvais que me joindre à elle, d’un rire nerveux mais présent. L’instant était doux, bien qu’amer. J’étais surpris de voir qu’on pouvait tout de même partager ça, même si je lui en voulais encore, même si je l’avais fait presque pleurer. L’exactitude du souvenir était très loin d’être juste, et peut-être magnifiais-je la beauté de ces petits moments passés. Pourtant, c’était suffisamment enivrant pour me détendre, un peu.

Normalement, j’aurais du avoir une vision en retrait de ma vie passée, de mes jeunes années, mais rien à faire, je n’avais aucun recul. Et je revoyais cette cantine, j’entendais sa voix taquine, la mienne qui lui répondait sur le même ton, les gestes, les rires. C’était un brouhaha d’images et de sons totalement incroyable et extrêmement plaisant. « C’était atrocement bien. Je me rappelle que je racontais mes délires à ma sœur. Elle ne comprenait strictement rien. Elle nous prenait pour des fous. On l’était un peu, je pense. » On avait des souvenirs d’adolescents normaux, avec leurs délires et leurs faiblesses, des choses simples. Et maintenant … « Maintenant on en parle comme des petits vieux. » J’avais un sourire en coin, ironique. Parce que c’était pathétique. On était pourtant jeune, non ? Nous n’avions que vingt ans et quelques, et on était là, assis, une tasse de café à la main, à se rappeler le bon vieux temps. Le genre d’attitude qui n’avait rien à envié à celle des papis qui rodaient dans les jardins publics, assis sur leurs bancs habituels. « Tu sais ce qui se passe après ça – parler des vieux souvenirs - ? C’est Alzheimer ma chère, et je n’ai pas très envie d’expérimenté ça aussi tôt. » Je lui fis un petit sourire, pour alléger mes paroles. Comme si j’avais envie de finir ce sujet aussi vite. Et c’était sûrement mon intention. Parce qu’après ces souvenirs-là, il y avait son départ, la maladie de ma mère, son retour, ma rancœur, ma colère, ses larmes. Et franchement, je n’avais pas envie de me rappeler de ça pour l’instant. Je songeais avec justesse qu’il nous faudrait peut-être des souvenirs nouveaux aussi joyeux que ceux passaient dans cette cantine prou retrouver notre complicité d’antan. Je pointais la vitre du doigt, montrant la patinoire juste à côté. « Tu sais toujours bien patiné ? Personnellement, je suis toujours aussi nul. » Et ce n’était pas peu de le dire.
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MessageSujet: Re: my old friend. (abbey)   my old friend. (abbey) EmptyJeu 19 Avr - 23:43

on ne reconnaît pas les instants marquants de notre vie au moment où on est en train de les vivre. on s'habitue à tout, les choses, les idées, les gens mais on ne se rend pas compte de notre chance parfois. c'est seulement lorsqu'on risque de perdre quelque chose qu'on se rend compte à quel point on y tient, à quel point on en a besoin, à quel point on l'aime.


J’avais toujours été une grande rêveuse. M’imaginer des idéaux farfelus, m’imaginer une vie belle, magnifique et parfaite, m’imaginer des tas de choses qui ne se réaliseraient sûrement jamais. Encore aujourd’hui je continuais à rêver comme une petite enfant. Je rêvais de liberté, de bonheur, d’amour. Et à ce moment-là, je rêvais de prendre la main de Dorian, fermer les yeux, et retourner dans la cour de récréation, avec lui. Cette époque de ma vie me paraissait si lointaine, si évasive. Quelques souvenirs étaient restés, mais d’autres étaient très flous, à mon plus grand regret. Je ne voulais pas oublier. Je ne voulais pas oublier ces années-là, peut-être les plus épanouies de toute ma vie. Ces années où je pensais encore que le monde était beau et que tout était possible. « On en profiterait bien plus maintenant que quand on était tout jeune. Avant, ça nous semblait normal, maintenant ce serait juste divin. » J’acquiesçai d’un signe de tête. On ne se rendait pas compte que ces instants étaient merveilleux, magiques, formidables. On ne se rendait pas compte à quel point on pouvait être heureux et innocents. Et à présent, à présent que tout cela était passé, on ne demandait qu’une chose : y retourner. Ce qu’on pouvait être idiots et imbéciles parfois ! Moi la première. « C’était atrocement bien. Je me rappelle que je racontais mes délires à ma sœur. Elle ne comprenait strictement rien. Elle nous prenait pour des fous. On l’était un peu, je pense. » Un sourire effleura mon visage. Les moments que j’avais passé avec Dorian étaient.. inoubliables. Il égayait ma journée, il était toujours là pour rire avec moi, et même si parfois il m’énervait avec ses remarques, je l’adorais, vraiment. Il était devenu comme indispensable à ma vie. Il était celui qui me donnait envie de profiter de la vie. En fait, Dorian avait été une de ces personnes qui marquaient votre vie, et qui laissaient une trace à leur passage. « Surtout toi. » dis-je, en guise de réponse. Je baissai la tête, un peu mélancolique. Oui, nous avions peut-être été un peu fous. Mais qu’est-ce que ça avait été agréable ! Rire aux éclats, faire tout et n’importe quoi, s’imaginer des choses ridicules, inventer des mots bizarres, s’insulter et se faire un bisou après, se faire passer des mots en classe, rire pour un truc complètement débile ; tout ça me manquait terriblement. Mais ces moments, ils étaient gravés à tout jamais dans mon esprit. « Maintenant on en parle comme des petits vieux. » Je soupirai. Il avait raison, encore une fois. C’était fou à quel point le temps pouvait passer vite. On ne s’en rendait pas toujours compte, mais le temps s’écoulait, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, chaque milliseconde. Alors parfois, on aimerait bien l’oublier, mais il est toujours là, toujours là à nous attendre et à nous ramener à la réalité. « J’espère que je ne suis pas si vieille que ça, tout de même. » J’adressai un regard attendri à Dorian. C’était mieux comme ça. C’était mieux de se parler comme de vieux amis qui se retrouvaient. Lui tenir tête, c’était tout simplement.. insupportable. Je crois que je tenais encore à lui, peut-être même plus que je ne le pensais.

Je pris ma tasse de café qui avait refroidi et la finit d’une traite, laissant le liquide réchauffer ma gorge, et reposai mon regard sur Dorian qui s’apprêtait à reprendre la parole. Je ne pus m’empêcher de penser qu’il était très charmant. « Tu sais ce qui se passe après ça – parler des vieux souvenirs - ? C’est Alzheimer ma chère, et je n’ai pas très envie d’expérimenté ça aussi tôt. » « Oh, moi non plus ! » Il m’adressa un sourire, et j’en étais heureuse. Je ne voulais pas qu’il me regarde comme une amie qui l’avait trahi, même si c’était un peu le cas. Je me demandais ce qu’il avait vécu pendant toutes ces années. Ce qu’il s’était passé. Je me demandais si lui aussi, avait connu le chagrin. Je me demandais s’il était toujours le même. Je me demandais s’il avait rencontré quelqu’un, s’il avait trouvé un boulot, s’il était heureux. En fait, je me posais plusieurs questions à son sujet, et j’aurais adoré le questionner, mais il était encore trop tôt. Et de toute façon, j’avais assez de temps pour le découvrir. Je l’espérais de toutes mes forces, en tout cas. Je le regardai un instant, puis je scrutai la salle, attentivement. C’était un endroit plutôt mignon et agréable. « Tu sais toujours bien patiné ? Personnellement, je suis toujours aussi nul. » Je reportai alors mon attention vers Dorian. J’hésitai un instant, avant de dire, en souriant : « A vrai dire, je ne sais pas trop. Je manque d’entrainement. » Une idée me traversa alors l’esprit, et je crois que cette même idée flottait dans sa tête également. « Je sais à quoi tu penses.. » D’un air taquin, je me levai, prit sa main chaude et l’amenai dans les vestiaires, sans même demander son avis. De toute façon, je n’avais pas besoin de sa réponse, je la connaissais déjà. C’était beau. Malgré tout le mal fait, malgré les années passées, notre complicité, elle, était restée. Et ça en était presque magique tellement c’était beau. Je chaussai alors mes patins, un peu excitée. J’attendis qu’il fasse de même pour l’amener sur la piste. « Prêt ? » J’attendis son signe de tête pour m’avancer. Et voilà. Nous y étions. Main dans la main. Ensemble. Le sourire aux lèvres. Les yeux brillants. Comme des enfants.
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