Personne ne se souvient de ce moment où vous êtes encore un bébé. Personne ne peut se souvenir de ses premiers pas, de ses premiers mots, de son premier sourire. Vous apprenez tout ça plus tard, lorsque vos parents vous montrent des photos ou des vidéos de vous et qu’ils vous racontent quelques anecdotes. Pour ma part je n’ai découvert une partie de mon enfance que bien plus tard, c’est le problème lorsqu’on se fait adopter. Avec l’aide de mes parents adoptifs, d’une autre famille et de plusieurs recherches, j’ai pu retrouver la trace de mon passé. Je m’appuyais contre la fenêtre de ma chambre, regardant au dehors et je ne pouvais que m’imaginer la scène. Mes parents biologiques étaient sans aucun doute des personnes extraordinaires. En tout cas c’est ce que j’ai envie de croire. J’aurais aimé les connaître, j’aurais tellement aimé grandir à leur côté. Mais s’il y a bien une chose que j’ai comprise dans la vie c’est qu’on ne peut pas toujours avoir ce que l’on veut et lorsque la vie a décidé de vous enlever quelque chose, elle le fait sans aucune pitié. Ils étaient journalistes, de grands journalistes sans aucun doute. Ils avaient leur toute première mission pour leur travail et ils devaient sans aucun doute être tout excités. Cette mission se passait au Mexique, à Mexico plus précisément. Bien qu’ils soient là pour travailler en priorité, ils s’étaient accordés quelques moments pour visiter la belle capitale. Cela faisait à peine trois jours qu’ils étaient arrivés et ils étaient bien décidés à nous emmener découvrir un nouvel endroit. Je ne pouvais pas m’en souvenir cependant, je n’étais consciente de rien du tout. Mon père me tenait dans ses bras et il avançait dans les rues, le sourire aux lèvres. Il était heureux à ce moment-là j’en étais sûre. Tout comme ma mère. Une magnifique sortie en famille. Elle caressait doucement la tête de mon frère jumeau qui était confortablement installé dans ses bras et elle relevait ensuite son regard vers son mari. Elle nageait en plein bonheur. Oui mais pour combien de temps ? La mort les attendait à quelques parts dans cette ville et ni l’un ni l’autre ne s’en souciait puisqu’il l’ignorait. C’est lorsqu’ils traversèrent une rue que tout bascula. J’aurais voulu leur crier de ne pas traverser, de faire marche arrière. Mais je n’étais qu’un bébé, je n’étais même pas consciente de quoi que ce soit. Je regardais simplement mon père avec mes petits yeux et je souriais bêtement. Un scooter s’arrêta, des menaces, deux coups de couteau et c’était fini. Mes parents se retrouvaient allongés dans cette rue, la gorge tranchée, se vidant de leur sang et les deux bébés qui se trouvaient là ne disaient rien. Mon frère et moi étions sans aucun doute recouverts du sang de nos parents, mais aucun de nous deux ne broncha. C’était comme ça que je m’étais imaginée la scène lorsque j’en avais su les détails. Après ça qu’est-ce qu’il s’est passé ? Et bien j’ai perdu mon jumeau, il a disparu avec je ne sais quelle famille et peu après une femme me prenait dans ses bras et m’emmenait chez elle. Personne ne semblait vraiment scandaliser par la scène qui venait de se produire, à croire que c’était une habitude dans cette ville. Deux bébés avaient été ramassés par des inconnus et ça aussi ça semblait normal. Allais-je revoir un jour mon frère jumeau ? Au fond j’en étais persuadée. Nous étions liés à jamais, nous étions faits pour nous revoir quoi qu’il arrive j’en étais sûre. En attendant j’allais grandir dans une famille qui n’était pas la mienne. Mais pendant des années je vais grandir avec la conviction que mes parents adoptifs sont mes vrais parents, que je suis mexicaine et que j’ai toujours vécu ici.

« Dépêche-toi maman ! » « J’arrive ma chérie ! » Je me tenais devant la porte d’entrée, la main sur la poignée j’attendais avec impatience que ma mère arrive. Elle devait m’amener à l’école et comme chaque matin j’étais impatiente de commencer une nouvelle journée. J’adorais l’école, dès les premiers jours je m’étais fait des amis et ma curiosité me donnait toujours envie d’en apprendre plus que les autres. J’étais une élève modèle et j’aimais ma vie jusque-là. Mes parents étaient riches, très riches. Mon père possédait une des plus grandes entreprises de Mexico ce qui permettait à ma mère de ne pas travailler et de s’occuper de moi. Avec elle je me suis toujours super bien entendue, mais parfois elle m’énervait à être aussi obsédée par l’argent. Après tout l’argent ne fait pas le bonheur, n’est-ce pas ? Mais apparemment autant elle que mon père ne voyait pas les choses de cette façon, plus ils avaient de l’argent plus ils étaient heureux. Je n’avais pas besoin de ça, mais ma mère voulait sans cesse m’acheter des nouveaux habits, des nouveaux jouets et si je disais non je sentais bien son regard, comme si j’étais un monstre. J’acceptais donc au final à contre cœur, pour lui faire plaisir. Mais à part son côté snob, je l’ai toujours appréciée. Avec elle je pouvais discuter de tout et n’importe quoi et je sentais bien dans son regard, dans sa façon de me parler qu’elle m’aimait plus que tout au monde. Je ne pouvais pas en dire autant de mon père. Je ne le voyais pas souvent, il était tout le temps au travail et le soir lorsqu’il rentrait il parlait surtout à ma mère. En fait je ne connaissais pas grand-chose de lui, à part qu’il était très passionné par son travail. Quand il s’adressait à moi ce n’était jamais avec douceur, pour moi c’était certain il ne m’aimait pas depuis le début mais je n’arrivais pas à savoir pourquoi. Il avait une façon de me regarder parfois qui me dérangeait et puis cette façon de me considérer comme de la merde à chaque fois m’exaspérait. Mais je ne pouvais pas dire grand-chose. Je tenais toujours la poignée de la porte d’entrée de notre grande demeure, penser à ma vie m’arrivait assez régulièrement. Je ne pouvais pas vraiment dire que j’étais malheureuse, certaines choses pourraient être mieux, mais en même temps je n’avais pas vraiment de quoi me plaindre. J’avais tout le confort que je voulais, ma mère m’offrait tout ce que je voulais aussi et puis je ramenais des notes excellentes de l’école. J’étais douée dans tout ce que je faisais et je savais que grâce à ça un bel avenir pourrait s’ouvrir à moi. Ma mère finit par arriver. Nous grimpions toutes les deux dans la belle voiture noire garée devant la maison. Je regardais ma mère avec un petit sourire et celle-ci me regarda en fronçant les sourcils. « Qu’est-ce qu’il y a ? » « Je t’aime maman, tu le sais ça ? » Un large sourire s’étira sur le doux visage de ma mère, elle reporta son regard sur la route et démarra la voiture. « Oui je sais, moi aussi je t’aime Nora. » La voiture avançait dans les rues de Mexico, je regardais le paysage au dehors défilé. Oui je n’avais vraiment pas de quoi me plaindre. Ma vie était magnifique et à ce moment précis j’étais heureuse, très heureuse même.

« Il t’arrive des fois de penser à quoi va ressembler ton avenir ? » « Oui parfois. J’aimerais bien devenir un grand médecin ou quelque chose dans ce genre-là, mais surtout je me vois bien marié avec une magnifique jeune femme du nom de Ramirez avec deux beaux enfants ! » Je rigolais et déposais un baiser sur les lèvres de Neal. « N’allons pas trop vite non plus, mais c’est un joli tableau effectivement ! Un mari médecin et une femme avocate, c’est parfait ! » Je venais tout juste de commencer le lycée et j’avais choisi ma voie, le droit. Je ne savais pas exactement comment cette passion pour cette branche m’étais venue, j’aimais ça voilà tout. Lorsque j’avais vu les excellentes notes que j’obtenais dans cette branche et avec quelle facilité j’apprenais les différents sujets de cette branche, j’avais compris que j’allais continuer dans ce domaine et le métier d’avocate m’intéressait de plus en plus. Neal et moi étions dans ma chambre, il était allongé sur mon lit alors que je m’occupais de classer quelques-unes de mes affaires. Je lui jetais un regard et affichais un petit sourire. J’en avais fait du chemin. Depuis deux mois maintenant j’avais un petit copain, le parfait petit copain honnêtement. On s’était rencontrée au lycée et le courant est immédiatement bien passé entre nous. Après un mois nous avons décidé de nous mettre ensemble et aujourd’hui cela fait deux mois qu’on nage en pleins bonheur. Je sais bien qu’au début d’une relation tout est toujours parfait et je ne pouvais donc pas vraiment savoir ce que la suite allait donner. Est-ce que nous allions rester ensemble des années ou non. C’est pour ça que je venais de dire à Neal de ne pas trop aller trop vite quand il parlait de mariage, même si je savais qu’il avait dit ça pour plaisanter et pour me faire un compliment aussi. Mais en même temps je ne voyais pas ce qui pourrait nous séparer, même si les premières disputes n’allaient sûrement pas tarder à arriver. Encore une fois j’étais heureuse, je me transformais peu à peu en une véritable femme. Je commençais à faire beaucoup de shopping avec des amies et à sortir un petit peu, tout en restant raisonnable. Bref je goûtais peu à peu à la vie et ce que je découvrais me plaisait jusque-là.
Quelques jours après cette discussion je décidais de faire une surprise à Neal. J’allais passer chez lui pour lui proposer un petit dîner en amoureux, je savais que ça allait lui plaire. En arrivant devant chez lui je frappais trois petits coups, j’attendais quelques instants et j’essayais d’ouvrir la porte par moi-même. Je m’entendais bien avec les parents de mon copain et je savais qu’ils ne m’en voudraient pas d’être entré comme ça. La porte était ouverte, mais le premier étage semblait désert. Les parents de Neal n’étaient pas là et le jeune homme devait sûrement se cacher dans sa chambre en train d’écouter de la musique et de réviser. Je grimpais les étages et découvrit mon petit copain dans son lit avec une autre fille. Quelques cris, une longue dispute et un claquement porte. Je me retrouvais devant chez lui, en pleure. Neal et moi c’était fini alors que j’étais persuadée que nous étions faits pour être ensemble. Neal m’avait demandé à plusieurs reprises de coucher avec lui, mais j’avais refusé, je n’étais pas prête, je voulais encore attendre ! Je n’aurais peut-être pas dû ou peut-être que j’avais justement bien fait ! Je ne savais plus vraiment que penser, mais en tout cas je venais d’avoir ma première déception amoureuse et j’espérais que ce soit la dernière. Je me sentais totalement humiliée, je rentrais en pleure à la maison, ma mère me consola durant plusieurs minutes puis je m’étais réfugiée dans ma chambre sans manger pour le reste de la nuit. Le lendemain à l’école j’appliquais le conseil de ma mère, il ne devait pas croire qu’il m’avait détruite ! Non je marchais la tête haute dans la cours, ne prêtant pas attention aux commentaires de certaines personnes qui étaient déjà au courant. Je rejoignais mon groupe d’amies. Elles me demandèrent des détails, je racontais l’histoire en faisant bien attention de jouer la fille qui s’en fiche totalement. J’ajoutais même à la fin que de toute façon je ne l’aimais pas et je vis avec satisfaction que Neal semblait ne pas apprécier mon attitude. J’étais fière de moi et je continuais mon lycée, la tête haute. Les garçons n’étaient plus une priorité depuis ce jour. Je n’y faisais même plus très attention, l’important pour moi c’était de réussir mes études et rien d’autre. Le reste pouvait attendre encore. Que je reste une vierge jusqu’à je ne sais pas quel âge je m’en fichais ! J’avais décidé d’arrêter de porter autant d’attention à tout ceci, le jour où ça arrivera, ça arrivera et voilà ! Que ce soit un mauvais particulier ou non m’était totalement égal à présent.

« Nora tu peux venir s’il te plait ? J’ai quelque chose à te dire ! » Je dévalais les escaliers pour retrouver ma mère dans la cuisine. Elle était assise à la table et elle me regardait avec un air très sérieux. Je fronçais les sourcils et m’asseyais en face d’elle. « Il y a quelque chose qui ne va pas ? » Je plongeais mon regard dans le sien. Elle avait l’air plutôt stressée et apparemment ce qu’elle avait à me dire n’était pas facile. « Non tout va bien, mais il y a quelque chose d’important que tu dois savoir, tu devrais le savoir depuis longtemps d’ailleurs ! » Je commençais à m’inquiéter de plus en plus. Qu’est-ce qu’elle essayait de me dire ? En tout cas ça semblait vraiment très sérieux. Je plongeais mon regard dans le sien, l’encourageant à me parler. Je ne voulais pas attendre des heures et des heures comme ça, il fallait qu’elle me dise ce qu’elle avait à me dire au plus vite ou j’allais finir par devenir folle. Quand on est curieuse c’est comme ça et puis encore plus quand la personne vous dit qu’elle doit vous dire quelque chose de très important. « Je ne sais pas vraiment comment te le dire. Ce n’est pas vraiment facile alors le mieux c’est que je te le dise d’un coup et tu pourras me poser toutes les questions que tu souhaites après, d’accord ? » « Oui… D’accord. » Ma mère plongea son regard dans le mien quelques secondes, puis elle regarda ses mains, elle s’amusait avec une élastique, de toute évidence elle était mal à l’aise. « Alors voilà… Nous ne sommes pas tes… tes vrais parents ! Tu as été adoptée. » Le petit sourire que je gardais toujours sur mon visage s’effaça. Je m’appuyais délicatement contre le dossier de la chaise et je regardais dans le vide. Sous le choc je ne savais plus vraiment quoi dire. Bien sûr un tas de questions tournaient dans ma tête, mais je ne savais pas par laquelle commencé et en même temps je ne savais pas si je voulais savoir tout ça. J’étais partagée entre l’envie de lui crier dessus et l’envie de savoir les moindres détails de cette histoire. Je restais sans bruit dans cette cuisine où j’ai mangé pendant dix-neuf longues années en étant persuadée que c’était mon chez moi, que c’était ma véritable famille. Dix-neuf ans plus tard je découvrais que tout ça était faux. J’avais vécu dans le mensonge pendant tellement longtemps et en même temps j’essayais de me mettre à la place de ma mère. Ca n’avait pas dû être facile pour elle non plus, trouver le bon moment pour m’en parler n’est pas évident. La réalité c’est qu’il n’y a jamais de bons moments pour annoncer ce genre de choses. Je respirais profondément, remarquant que ma mère –ou du moins celle que je croyais être ma mère- avait pris soin de m’annoncer ça en l’absence de mon mari. Je savais que pour lui ça lui était totalement égal toute cette histoire, il s’en fichait de ce que je pouvais ressentir ou quoi que ce soit. Son travail était plus important. J’admirais donc quand même le courage de cette femme, de ma mère adoptive et je décidais de garder mon calme et de poser les questions qui me brûlaient les lèvres. « Où sont mes parents ? » « Ils ont été assassiné, on t’a retrouvée dans la rue, tes parents étaient mort au milieu d’une rue et on t’a prise avec nous. » J’avais encore des tonnes de questions à poser bien évidemment, mais rien que la première réponse me déchirait le cœur. Mes parents étaient morts, assassinés par je ne sais quel sadique ! Une larme coula sur ma joue et un silence s’installa dans la cuisine. Un lourd silence qui dura plusieurs minutes, seul mes reniflements venaient le rompre de temps en temps. Je laissais les larmes couler et ma mère restait là à me regarder, elle ne savait sûrement plus comment réagir à présent qu’elle ne pouvait plus se considérer comme ma véritable mère. Je finis par me lever doucement et je partis sans un mot dans ma chambre. Depuis ce jour je n’ai plus parlé de mes parents à ma mère adoptive. Je n’étais pas prête à en connaître plus à leur sujet. Je continuais mon quotidien, me comportant comme avant avec ma mère et en essayant de ne pas trop penser à tout ceci. C’était plus simple pour moi de faire abstraction de tout ça pour le moment.

Vingt-et-un ans, cela faisait un peu plus d’une année que j’étais au courant pour mon adoption et je continuais ma petite vie comme si de rien était. Tout s’était bien passé durant mon enfance à quelques détails près, ma vie était magnifique et je refusais de la gâcher à cause de cette histoire d’adoption. Je savais que moins j’en savais sur ma famille, mieux je me porterais. Je voulais d’abord m’occuper de mes études. J’étais à l’université, en droit et je comptais bien aller jusqu’au bout pour devenir une avocate. Si je commençais à poser des questions au sujet de mon adoption je savais que j’y prêterais trop d’attention et que sans m’en rendre compte je laisserais de côté mes études. Non c’était bien mieux comme ça et puis j’aurais tout le temps de m’en occuper après, parce que je comptais bien poser plus de questions un jour ou l’autre. Mais ce n’était pas encore le moment, je n’étais pas encore vraiment prête pour ça. Je continuais donc mon petit train de vie. J’étais toujours vierge, les garçons n’étaient toujours pas une priorité pour moi. Bien sûr j’avais eu quelques petites histoires avec quelques garçons, quelques bisous par-ci par-là et parfois même un peu plus loin, mais je n’avais jamais été jusqu’à coucher. Pourquoi ? Je ne le savais pas vraiment parce que j’aurais eu pleins de possibilités, mais c’est comme si j’avais un blocage et puis de toute façon ça m’était égal de coucher avec un garçon ou non. Bref, tout était comme avant. Ou presque. Une chose avait bien changée ou plutôt quelqu’un. Mon père adoptif. Beaucoup de choses avaient changées avec lui ces derniers temps et je n’arrivais pas à savoir pourquoi, mais son comportement me perturbait et me dérangeait beaucoup. Il me parlait un peu et plus qu’avant et sa façon de me regarder n’avait rien de très sain, en fait j’avais l’impression qu’il avait envie de moi et ça me dégoûtait. Puis un jour j’étais dans ma chambre, ma porte fermée. Je me changeais pour sortir leur soir avec quelques amies. Sans prévenir il entra dans ma chambre. Ce qu’il ne faisait jamais et je m’empressais de cacher mon corps presque nu avec la robe que je comptais mettre. Il resta planté là à me regarder quelques secondes, puis il sortit avec un sourire satisfait. Depuis là je prenais soin de fermer la porte à clé. Un autre jour je prenais ma douche, j’avais aussi pris soin de fermer la porte à clé, ce que je ne faisais jamais avant puisque jamais je n’aurais imaginé qu’il rentrerait, mais maintenant je me méfiais. Je sortais de la salle de bain quelques minutes plus tard, mon linge autour de la taille et en le voyant monter les escaliers j’avais couru dans ma chambre. Il commençait à me faire réellement peur et je ne savais pas ce qu’il cherchait, je ne savais pas pourquoi il agissait comme ça ! Tout ce que je savais c’était qu’il fallait que je l’évite le plus possible. Ma mère adoptive ne voyait rien, elle n’était plus autant présente qu’avant puisqu’elle avait trouvé un travail et en plus elle sortait souvent en soirée avec ses collègues de boulot. Je ne me sentais plus vraiment en sécurité et à plusieurs reprises j’avais hésité à en parler à ma mère, mais à chaque fois je m’étais ravisée. Grave erreur et je n’allais pas tarder à en payer le prix.

C’était un vendredi soir, je devais sortir avec deux trois copines en boîte. J’avais enfilé une jolie robe noire, décolletée et assez courte, elle m’allait comme un gant. Je sortais de ma chambre après l’avoir ouverte à clé et je tombais en face de mon père. Ma mère n’était pas là, elle avait une soirée avec des collègues et mon père puait l’alcool. Je lui passais à côté sans rien lui dire, mais lorsque je sentis sa main venir se poser sur mes fesses dans une petite claque je me retournais d’un coup. « C’est quoi ton problème ? » Un claquement retentit et je posais ma main sur ma joue, il venait de me gifler. « Tu me parles sur un autre ton jeune fille, tu me dois le respect ! » J’ouvrais la bouche pour répliquer quelque chose, mais je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il se jetait déjà sur moi. Jamais je ne pourrais oublier cette terrible scène. Elle passe en boucle dans mon esprit, je me rappelle de chaque seconde, de chacun de ses gestes, de chacune de ses horribles paroles. Il m’avait attrapée et il m’entraînait de force dans ma chambre. Mes cris ne servaient à rien, personne ne pouvait les entendre. Je me débattais tout ce que je pouvais, mais il avait beaucoup plus de force que moi et je me retrouvais allongée sur mon lit. Des larmes coulaient sur mon visage et je continuais de me débattre et de crier, mais il s’en fichait il ne m’écoutait pas. Il me déshabilla en déchirant ma robe et je dû subir la pire humiliation de ma vie. Je le voyais au-dessus de moi, prenant son pied et me regardant avec ce sourire de pervers qui me donnait envie de mourir. Tout dura beaucoup trop longtemps, de toute façon ça n’aurait pu durer qu’une seule seconde que ça aurait été déjà trop. Une fois son affaire terminée il partit, il était sorti de la maison et je priais le ciel pour ne plus jamais revoir sa tête. Mon premier réflexe fut de courir sous la douche, je m’empressais de me nettoyer comme si ça m’aiderait à oublier. Puis je retournais dans ma chambre, enveloppée dans ma serviette et je me mis à trembler sur mon lit. Je pleurais sans arrêt et les images de ce terrible moment tournaient en boucle dans ma tête. Je revoyais à chaque fois son visage et j’entendais mes cris désespérés qui ne servaient à rien. Je me remis à pleurer toutes les larmes de mon corps, je tremblais sans arrêt et j’étais persuadée que jamais je ne pourrais me remettre d’une telle atrocité. Pourtant le lendemain il faudrait que je descende et que j’affronte la vérité. J’étais bien décidée à appliquer le conseil que ma mère adoptive m’avait donné il y a si longtemps, ne pas lui donner la satisfaction de me voir souffrir. J’allais descendre la tête haute, affronter cette journée et dès que je me retrouverais seule avec ma mère je lui raconterais l’histoire. Elle était la seule à pouvoir m’aider dans cette situation et à pouvoir vraiment m’écouter. Ensuite je poserais les questions dont j’avais besoin à propos de ma famille et je partirais de cette maison. J’irais chez une amie qui à son propre appartement et qui est assez éloigné de cette fichue maison et je pourrais alors peut-être envisager l’idée de tout reprendre à zéro, d’oublier, d’avancer, même si en cet instant précis tout ça me paraissait plus qu’impossible.

La vérité était dite, ma mère adoptive m’avait regardé dans les yeux durant toute mon explication. Elle n’avait rien dit, elle ne m’avait pas interrompue une seule fois et au final elle m’a crue. Ce fut un soulagement lorsque je l’entendis parler des prochaines mesures que nous allions prendre. Je faisais une déposition à la police et mon père adoptif se retrouva derrière les barreaux pour viol. C’était fini. Il n’était plus là et pourtant je n’arrivais plus à vivre dans cette maison. Chaque fois que je montais dans ma chambre, chaque fois que je posais le regard sur mon lit je le voyais et je n’arrivais plus à le supporter. Cela faisait trois semaines que c’était arrivé, procédure avait été rapide, mon beau-père n’avait pas nié ce qui avait simplifié les choses. Je décidais donc de prendre mon envol pour de bon. Je savais que je partirais depuis que c’est arrivé, je savais que je ne tiendrais pas, mais j’avais quand même voulu essayer pour ma mère. Je finis par préparer mes valises et je quittais ma mère pour emménager chez cette fameuse amie qui avait son propre appartement à Mexico. J’étais toujours dans la même ville, mais tellement loin de chez moi en même temps. Je savais que je continuerais à écrire à ma mère adoptive de temps en temps, je ne pouvais pas rester sans nouvelle d’elle trop longtemps, mais en même temps j’avais envie de m’éloigner le plus possible de cette vie. En fait je m’étais fixée un nouvel objectif à présent, retrouver mon frère jumeau. Ce fut un sacré choc quand j’appris la nouvelle. Avant de partir j’avais pris soin de poser les dernières questions que j’avais sur ma famille. Je voulais savoir leur nom et prénom, où est-ce qu’on avait vécu et ce qui les avait menés ici à Mexico. Au final j’avais pu avoir toutes les informations que je souhaitais, en effet lorsque que ma mère biologique m’a trouvée elle en a profité pour fouiller les poches et les sacs de mes parents et elle a pu dénicher pas mal d’informations. De plus avec les technologies d’aujourd’hui on peut en savoir beaucoup sur quelqu’un rien qu’en ayant son nom de famille et prénom. Elle avait donc fait quelques recherches parce qu’elle savait qu’un jour je lui poserais un tas de questions à leur sujet et elle voulait avoir le plus de réponses possibles à me donner. Mais dans tout ça le moment qui me marqua le plus fut lorsqu’elle m’avoua que j’avais un frère jumeau. « Quand je t’ai vue il y avait une autre famille qui prenait ton frère avec, c’est ton frère jumeau d’après les informations que j’ai trouvée. Je ne connais pas vraiment cette famille, je les connais de vue et je sais où ils habitent. » J’avais un frère. Il faut bien avouer que depuis que je suis toute petite j’ai toujours voulu avoir un frère ou une sœur et voilà qu’aujourd’hui ce rêve devenait réalité. A la seule différence que je ne connais absolument rien de lui et que plus de vingt ans sont passés sans que je puisse lui parler une seule fois. Ce n’est pas exactement la vision que j’avais d’un frère quand je rêvais d’en avoir un. Après avoir recueilli ces informations, je prenais l’adresse de la famille de mon frère, j’en aurais sans doute besoin et je quittais ma maison définitivement.

Les mois passèrent sans que je ne fasse quoi que ce soit. J’avais pris une décision, les études avant tout. Je voulais terminer mon université avant de partir véritablement à la recherche de mon frère. Je faisais cependant régulièrement des recherches sur ma famille et j’essayais de trouver des informations sur mon jumeau, mais je ne trouvais absolument rien du tout. Je savais cependant que les personnes qui pourraient me donner le plus d’informations à son sujet étaient ses parents biologiques. Je gardais cette visite pour la fin, une fois mon diplôme un poche je pourrais aller les voir et plus rien ne m’arrêterais pour le retrouver à partir de là. Je continuais donc ma petite routine non sans difficultés. J’étais complètement détruite par cette histoire de viol, à l’université il m’arrivait de me faire draguer par des garçons lors de soirée entre étudiants ou je ne sais quoi, mais j’étais bloquée, à chaque fois que les choses commençaient à aller plus loin les images de mon viol m revenaient à l’esprit sans que je puisse les en empêcher. C’était terrible et j’en venais à me demander si j’arriverais à avoir un petit ami un jour ou non. Mais enfin la vie devait continuer et c’était comme ça. Pour ce qui était des cours tout se passait toujours aussi bien. J’arrivais peu à peu au bout de mes études, mes gros examens de fin d’université approchaient à grands pas et je commençais sérieusement à stresser. Mais au final tout ce stress était pour rien puisque j’avais réussi mon université haut la main. J’étais une des meilleurs de mon année et j’étais vraiment fière de moi. Je rentrais de la remise des diplômes un sourire aux lèvres, mais à peine avais-je franchis la porte de mon appartement que ma gorge se serra. Je posais mon diplôme dans ma chambre et j’attrapais les quelques feuilles où étaient notées les informations sur ma famille adoptive. Je les relisais quelques secondes et je finis par tomber sur l’adresse de la famille adoptive de mon frère jumeau. Il était temps. Je m’étais promis d’attendre la fin de mon université, mais à présent je ne voulais plus attendre une seule seconde. J’avais vingt-trois ans et il était vraiment temps pour moi de rencontre mon véritable frère. Je conduisais donc dans les rues de Mexico et je finis par me parquer devant une petite maison à l’adresse que ma mère adoptive m’avait indiquée. Je frappais trois coups à la porte d’entrée et une femme fini par m’ouvrir. J’affichais un petit sourire. « Etes-vous bien Madame Gonzalvo ? » « Oui c’est bien moi et vous êtes ? » « Nora Ramirez, j’aurais besoin de votre aide ! » Madame Gonzalvo fut bien évidemment surprise qu’une inconnue vienne lui demander son aide, mais elle me laissa tout de même entrer chez elle, sans doute intriguée par ce que j’avais à lui demander. Elle me proposa quelque chose à boire et une fois mon café posé devant moi, je me lançais directement dans mon récit. Je lui expliquais ma situation sans trop entrer dans les détails et je lui parlais de son fils –ou plutôt l’enfant qu’elle a adopté- j’avais besoin de savoir si elle avait bel et bien trouvé son fils dans la rue alors que ses parents venaient de se faire assassiner. En entendant sa confirmation je lui expliquais alors que je voulais retrouver mon frère et elle accepta de m’aider. Je la remerciais une bonne centaine de fois et elle m’expliqua qu’elle avait reçu une lettre de sa part il y a de ça cinq jours. Jusque-là elle ne savait pas vraiment ce qui lui était arrivé, mais de toute façon je n’étais pas là pour lui poser des questions à propos de sa vie passée, je les poserais directement à mon frère quand je le retrouverais. Tout ce que je voulais savoir c’était où il se trouvait. La réponse se trouvait dans cette fameuse lettre. Elle me la tendit et je la lisais attentivement, essayant de me souvenir d’exactement chaque mot. Mais au final ce qu’il y avait d’important à retenir c’était qu’il se trouvait dans un tout petit village du nom d’Arrowsic dans le Maine. Je remerciais encore la mère adoptive de mon frère jumeau et je rentrais à la maison. J’allais partir là-bas et le plus tôt possible. Je commençais directement à préparer ce départ ! Je commençais par contacter quelques personnes du village et après trois semaines de préparations je me trouvais dans l’aéroport avec une tonne de valises. J’avais tout préparé comme il faut, je savais qu’en arrivant là-bas j’aurais un endroit où habiter et je savais aussi qu’après une semaine je commencerais à travailler dans un petit cabinet d’avocat qu’il y avait dans la petite ville. Je prendrais le temps de m’installer comme il faut avant de m’occuper de trouver mon frère, je savais que ça ne serait pas trop difficile, d’après ce que j’avais compris tout le monde se connaît à Arrowsic.

Un tout nouveau départ dans ce merveilleux endroit qu’était Arrowsic. Franchement, je ne pouvais pas rêver mieux. J’avais pris l’avion jusqu’à l’aéroport le plus proche et j’avais rejoint la ville dans un bus. Une chose était certaine ma vie allait change dans cet endroit qui est nettement plus petit que la grande capitale qu’est Mexico. Mais je savais que j’allais m’y plaire. Dès mon arrivée un jeune homme s’était approché de moi alors que j’étais en train de monter difficilement mes nombreuses valises à l’intérieur de l’appartement. « Besoin d’aide ? » Je me retournais et affichais un immense sourire en voyant le charmant jeune homme qui se trouvait devant moi. « Et bien si ça ne vous dérange pas ce serait avec plaisir ! » Il attrapa deux de mes valises et je le regardais emmener le tout chez moi avec une telle facilité que s’en était presque déroutant. Pour ma part j’avais de la peine à porter une seule valise, mais disons que la masse musculaire du jeune homme était plutôt impressionnante. J’entraînais ma valise à l’intérieur alors qu’il revenait pour prendre le reste et une fois à l’intérieur je m’effondrais sur mon canapé dans un soupir. Le jeune homme déposa la dernière valise dans l’entrée et me lança un sourire qui en aurait fait craquer plus d’une, je sentis mes joues s’embraser et je me levais d’un bon. « Vous voulez quelque chose à boire ? » « Je prendrais volontiers un verre d’eau. » Je me dirigeais dans ma nouvelle cuisine et préparais deux verres d’eau avant de revenir dans le salon, un sourire aux lèvres. « Merci de m’avoir aidée en tout cas, c’était vraiment gentil de votre part ! » Le jeune homme continuait de me sourire. « C’était un plaisir et je m’appelle Roman si jamais ! Si vous avez besoin de moi pour quoi que ce soit je peux vous aider, je connais plutôt bien cette ville et j’habite tout près de chez vous ! » « Moi c’est Nora et encore merci, je n’y manquerais pas ! » Quelques minutes plus tard Roman sortait de chez moi, nous avions échangé quelques banalités et je le regardais s’éloigner avec un sourire aux lèvres. Il ne faisait aucun doute que j’allais me plaire dans cette ville. Tout le monde semblait se connaître, tout le monde semblait sympathique –ou presque- bref c’était le genre d’ambiance qui me plaisait beaucoup. En plus après cette rencontre avec le charmant Roman j’avais hâte de connaître les autres habitants, mais surtout de le connaître mieux lui. Oui parce que je ne pouvais pas le nier, il m’a tapée dans l’œil dès que j’ai posé mon regard sur lui. Je n’arrive pas vraiment à l’expliquer, c’est comme ça, je suis tombée sous son charme et j’avais déjà hâte de le revoir. Je m’asseyais sur mon canapé dans mon nouveau chez moi. J’avais encore du boulot, mes valises à vider, de la décoration à faire, mais au moins j’avais la chance d’avoir pu trouver un endroit en grande partie meublé, il y aurait peut-être juste quelques armoires ou autres à ajouter par-ci par-là, mais rien de bien urgent.

Aujourd’hui cela fait un mois que je suis arrivée à Arrowsic. J’ai commencé à prendre mes marques, à mieux connaître certaines personnes et je me plais vraiment dans ce merveilleux endroit. J’ai commencé à travailler en tant qu’avocate dans le petit cabinet local et autant vous dire que j’adore mon métier. Chez moi tout est enfin terminé, mes valises ont été vidées, mes affaires rangées dans leurs armoires. Tout est décoré avec soin et quelques nouveaux meubles ont fait leur apparition. Bref, je vis dans un petit paradis. Toute cette préparation m’a presque fait oublier la véritable raison de ma venue dans ce petit coin de paradis. Enfin je l’avais quand même gardé en tête, mais durant mon installation je n’en avais pas fait une priorité. Je préférais d’abord bien m’intégrer et faire les choses comme il faut. Mais au fond je savais aussi que si je repoussais toujours le moment où j’irais le retrouver c’était parce que j’avais peur. Je ne savais pas exactement comment je devrais lui présenter les choses, je ne savais pas exactement comment lui allait encaisser le coup non plus et tout ce mystère m’effrayait un petit peu. Après tout, tout comme moi Joaquin avait vécu toutes ses années sans savoir qu’il avait une sœur, quand je l’ai appris ça avait été un sacré choc pour moi et puisque je ne sais absolument pas comment il est, je ne peux pas vraiment prévoir quel sera sa réaction face à cette grande nouvelle. Je repoussais donc sans arrêt ce moment où j’irais le voir et puis il y a de ça deux jours je m’étais décidée à poser une question que je voulais poser à Roman depuis un moment. Depuis mon arrivée je lui avais demandé beaucoup d’aide, non seulement parce que j’étais quand même un peu perdue dans ce nouvel endroit, mais c’était aussi une excuse pour pouvoir le voir le plus souvent possible et apprendre à mieux le connaître. Plus le temps passait et plus il me plaisait, mais en même temps je savais que jamais je n’oserais faire le pas. A cause de mon passé je ne savais même pas si je serais capable d’avoir un copain un jour. Mais enfin pour le moment je ne le connaissais que depuis un mois, je ne le connaissais pas encore beaucoup et puis ça ne servait à rien de précipiter les choses. Surtout que je ne savais même pas ce que lui pouvait ressentir pour moi. Ce que j’avais remarqué à son sujet en fait, c’était qu’il aimait beaucoup les femmes. Combien de fois je l’ai vu en faire rougir une avec un petit compliment bien placé. Il n’y a pas à dire il sait y faire avec la gente féminine et je devinais donc que c’était un coureur de jupons ou quelque chose dans ce genre-là. Raison de plus pour ne pas tenter ma chance ou je risquais réellement de me prendre une claque. Enfin bref, j’avais donc posé cette fameuse question qui me brûlait les lèvres. « Dis-moi Roman, tu connais Joaquin Gonzalvo par hasard ? » « Oui bien sûr, il est mécano, pourquoi il te plaît ? » Je sentais une pointe de jalousie dans sa question et j’affichais un petit sourire amusé. « Non pas du tout, je voulais juste lui poser quelques questions. » « Et bien il te suffit de passer au garage tu tomberas forcément sur lui. » Et voilà, à présent plus rien ne me retenait pour retrouver mon frère jumeau. J’avais réussi à le retrouver grâce aux différentes informations que m’a fournies mon entourage. Il n’y avait plus qu’à faire le pas et c’était bien ça le plus difficile.