Se mettre la tête à l'envers, boire jusqu'à ne plus se souvenir de quoi que ce soit, c'était l'idée brillante qu'il avait eu. Depuis qu'il était sorti de l'hôpital -soit deux jours plus tôt-, il broyait du noir, ne cessait de ruminer dans son coin tout le malheur du monde. Parce que cette fois, les médecins avaient été clairs. Parce que cette fois, c'était sûr. Il ne serait plus jamais professionnel. Sa jambe ne reprenait pas bien; sa rotule avait littéralement explosé sous le choc. Ils avaient beau avoir tout fait pour la remettre en place, pour éviter de la lui enlever complètement, ils n'avaient pas réussit. La médecine, à l'heure d'aujourd'hui, avait encore des limites; Mattia Jarvis en faisait les frais. Et ce matin-là, le médecin qu'il avait été voir, lui avait parlé d'une deuxième opération; une pallectomie. Il serait sans rotule. Il ne pourrait plus courir très vite, ne pourrait plus atteindre un meilleur niveau, mais il n'aurait plus aussi mal. D'après ses dires. Et franchement, Mattia n'avait même pas envie de lui faire confiance.

Debout, tenant ses béquilles fermement dans ses mains, il jetait un coup d'oeil dehors. La voilà, la voiture qu'il attendait. Un klaxon plus tard, il comprit que c'était bien lui. Déjà prêt depuis un bon quart d'heure, il 'marcha' jusqu'à la porte d'entrée. Ella était en train de changer Lleyton. Il hurla alors depuis la porte d'entrée un « Je sors ce soir ! Salut! » avant de claquer la porte derrière lui. Il était infect avec elle. Il ne s'occupait plus vraiment d'elle. Il râlait dès qu'elle osait lui dire quelque chose. Et pire que tout, il ne s'occupait même plus de son fils. De toute façon, qu'est-ce que Lleyton en avait à faire d'un père handicapé? Il prenait juste le temps de lui faire un petit calin, un petit bisou, et c'est tout. Il ne le changeait pas, ne lui donnait pas à manger, ne s'amusait pas à quatre pattes avec lui.. Non, il restait complètement passif de sa vie de famille depuis deux jours, depuis qu'il était sorti de l'hôpital.
Il claudiqua jusqu'à la voiture de son pote. Il ouvrit la portière, posa son derrière dedans, et lui fit un infime petit sourire tout en disant « salut ». Rien d'autre de plus. Il avait juste envie de lui demander de rouler le plus vite possible, qu'ils arrivent rapidement à cette fête, et qu'il puisse se jeter sur l'alcool. Une bouteille. Deux bouteilles. Il serait capable, ce soir, de finir par terre. « Alooors topain, motivé pour sortir ? T’es vraiment bien tombé avec ton message. ». Ouais, il avait eu de la chance. Pour une fois.. Il regarda Kavi. Il s'était fait tout beau pour cette soirée. Et pour lui dire que oui, il était motivé, il se contenta de lui faire un petit sourire. « Tu vas voir ça va être cool, c’est prévu pour voir le monde à l’envers. ». Parfait! Il ne lui fallait que ça; un truc bien hard pour l'obliger à penser à autre chose, penser à quelque chose de plus gai, penser à tout autre chose que sa vie d'avant, celle qu'il n'avait pas cessé de voir en jaune. « J'attends que ça Kavi! » Son regard se posa droit devant lui; Kavi conduisait comme un malade. Limite, il fallait s'accrocher pour ne pas avoir peur de rouler dans la voiture avec lui. Mais contre toute attente, Mattia reprit la parole. « Allez, mec, roule vite qu'on arrive rapidement là-bas!  J'ai hâte de voir ce que cette soirée nous réserve. »

Mattia était plus que pressé. C'était dans ses habitudes d'être comme ça. Il aimait vivre à deux-cent à l'heure -mais il adorait trouver un tout petit peu du temps pour se reposer, et continuer à speeder juste après. Et là, coincé avec une jambe en moins, et deux artificielles en plus, il mettait cinquante fois plus de temps pour faire un truc; ça l'exaspérait à chaque fois. Pire, à chaque fois, il repensait à cette chute, et à ce qu'elle allait signifier sur sa vie à lui; cette chute, c'était le synonyme de sa mort presque. Alors ce soir, il voulait dérailler. Ce soir, il voulait aller au fond des choses, oublier tout ça, et partir loin de là. Et il était bien décider à aller le faire, avec Kavichou. « Ça j’aurais pu le parier ! ». Ouais, bah là-dessus, il le connaissait assez pour savoir que des mots ne suffisaient pas à le faire sortir de sa torpeur. Il lui fit alors un petit sourire, un genre de petit merci et il lui demanda alors de rouler plus vite. L'adrénaline lui manquait. Il rêvait de ressentir cette peur, ce petit serpent qui se faufile dans le creux de notre estomac et qui nous fait paniquer. « T’es bien accroché ? ». Heureusement, Kavi était bien content! Son pote ne lui répondit pas; Mattia savait très bien que le regard qu'il venait de lui lancer, c'était clairement pour savoir si oui ou non il était attaché. En tout cas, lui, il s'en fichait. Il avait mis cette ceinture par sécurité, mais ce soir, il n'en avait strictement rien à faire. Il pourrait mourir, ou se blesser, ça ne changerait rien à son problème..« Alors c’est parti mon cap’tain ! ». Et là, à peine sorti d’Arrowsic, j’appuyais autant que possible sur l’accélérateur. Faisant péter un câble à mon compteur. Nous n’avions pas beaucoup de route. Et là franchement, ça n’allait pas être long.

Le fait de voir défiler tout ce paysage à une telle visite émerveilla Mattia. Son estomac se noua presque aussitôt que Kavi avait appuyé sur la pédale d'accélérateur. Ils se mirent à discuter, de tout, de rien, faisant oublier à Mattia l'état dans lequel il se trouvait. Allumant la musique à fond, parlant un peu d'Astrée, se rappellant de très bons souvenirs, parlant de sport, de musique, et de tout.. Et au final, le trajet s'était passé en un rien de temps. « On y est mec ! ». Mattia releva la tête et observa par la fenêtre tout ce qui se passait autour d'eux. Des jeunes dansaient dans le jardin, la musique s'entendait déjà, et un des gars venait vers eux. Mattia en profita pour sortir de la voiture, s'aidant de ses nouvelles jambes. « Eh Kavi t’as ramené de la compagnie, c’est bon ça ! ». Avec un sourire, Mattia répondit alors « salut mec! » Il n'avait pas besoin de se présenter; ce mec n'en avait rien à faire. Dans une fête, il fallait du monde, qu'importe qui c'était. Mattia claudiqua jusqu'à Kavi. Il était venu les bras chargés; vodka et bière. Rien que ça. « Et des minutions, surtout des minutions. ». C'était de ça dont ils avaient besoin, rien que de ça. Avec un grand sourire, Mattia vit Kavi se rapprocha de lui, et Mattia lui souffla un « T'assures grave! ». Il sentit la main de Kavichou sur son épaule, et il se mit aussitôt en route (avec lenteur- pour aller jusqu'à l'intérieur.« Je pense pas que ce soit l’alcool qui va manquer mais au cas où, j’ai encore des bouteilles dans le coffre. ». C'était bien ce qu'il disait juste avant; il assurait grave Kavichou !!

Ils arrivèrent là-bas, et Mattia jeta un rapide coup d'oeil autour de lui. C'était bondé. Les gens s'éclataient. Certains buvaient même tête en bas. D'autres s'enlaçaient dans des coins. Ca sentait la fumée. Ca puait l'alcool. Mais ça faisait du bien. Le sourire de Mattia se faisait cette fois plus grand, beaucoup plus grand. « Et c’est parti mec, qu’est-ce que je te serre ? ». Il mit un certain temps avant de comprendre sa question -la musique l'empêchait d'ouir correctement-. Il observa Kavi prendre la bouteille de Jet. Lui, il piqua celle que Kavi avait dans la main; la bouteille de vodka. Boire, il le voulait. Se défoncer la gueule, il le voulait encore plus. Et pour ça, boire de la vodka pur, c'était pas mal. Ca allait rapidement lui mettre la tête à l'envers. « J'ai trouvé, t'inquiète! » Les yeux pétillants, il délaissa une de ses béquilles, et but une gorgée de cet alcool. Sa gorge le brulait. Il se sentait vivre. Ca faisait du bien. Ca faisait grandement du bien. « Dommage que John habite loin, j'aurai aimé qu'on lui refasse une petite visite! » lui fit-il, en lui faisant un petit clin d'oeil. Et là, il eut une autre idée. Bien moins sympa cette fois. Mais sa vie était foutue, alors foutue pour foutue, autant tester ces limites. Son regard dériva vers un des gars, sur le côté. Il tenait dans sa main une cigarette. Une cigarette bien particulière. Celle-là, il voudrait peut-être l'essayer..

Il avait de la chance de l'avoir Kavi. Ce mec, il comprenait tous ces problèmes. Il suffisait qu'il dise qu'il n'en pouvait plus, qu'il avait envie de sortir que celui-ci trouvait en quelques secondes plus tard -le temps de répondre au sms- un endroit où aller. Et franchement, cet endroit déchirait. Il y avait tout ce qu'il fallait pour assurer une belle soirée; de la boisson à volonté, de la bonne musique, des nanas qui se déhanchaient (même si pour ça, Mattia ne regardait pas évidemment...). Bref, c'était l'éclate! Et Kavi avait encore une fois bien géré, apportant pas mal d'alcool. Quand une fois à l'intérieur, il en proposa à Mattia, Mattia sut rapidement quoi prendre. Il adorait boire la vodka comme ça. Il suffisait de quelques petites gorgées pour se mettre la tête à l'envers; et ça, c'était le plus important. Boire vite et se sentir bien rapidement. C'était ça ce qu'il voulait. Pour oublier tout. Ces béquilles. Ce genou. Cette vie sans tennis.
Et en une gorgée, il se brula la gorge sans le rire de Kavi. « Ah ouais ? J’avais pas remarqué ! ». Remarqué qu'il avait fait son choix. En l'entendant, ses yeux se posèrent sur son pote et il se mit à rire à son tour. Putain, ça faisait du bien! Du grand bien !! Et là, les yeux rieurs, commençant déjà à se sentir beaucoup mieux, et à sentir cette odeur de colère sortir de lui, il annonça que c'était dommage que John habitait loin. Il se souvenait encore très bien de l'amusement qu'ils avaient eu, à foutre ce jardin en l'air. « Me tente pas ! Si je me mets à boire je vais te foutre dans la voiture et nous ramener chez lui en vitesse ! ». Wahoo! C'était quoi le pire dans cette histoire? Que Kavi propose cette idée? Qu'il rêve de le refaire? Ou qu'il laisse imaginer Kavi qui conduit une voiture en étant bourré? En tout cas, en deux secondes, il mit fin à son rêve. « Ca ira! Je monte pas avec toi moi! » Il avait beau détester sa vie, la hair, espérer mourir plutôt que de vivre sans tennis, il venait de penser durant une seconde à Lleyton; pour lui, il ne devait pas monter avec Kavi en voiture...

Ils burent un peu, et là, horreur! Mattia n'avait pas mal le gosier. Il avait mal ailleurs; aux oreilles plus précisément. C'était quoi ça? La chanson de Justin Bieber? Ils étaient où? Dans une fête pour ados prépubères? Posant son regard sur Kavi, il s'aperçut que lui aussi était choqué. « Who mec, je vais gérer la sono là parce que ça va pas le faire, et après on va au salon, tu vas voir que sans danser on peut s’éclater aussi ! ». Un clin d'oeil plus tard, il s'était sauvé.
Jetant un regard autour de lui, Mattia décida d'aller faire un tour. Il attrapa ses béquilles, sa bouteille de vodka -il se l'était approprié-, et commença à marcher, essayant de se frayer un chemin. « salut beau mec. ». Regardant la fille qui venait de lui dire ça, Mattia haussa les épaules, répondit un « Au revoir meuf » avant de s'éclipser. Il avait eu envie de lui dire un au revoir pouffiasse, mais bon, si jamais c'était la soeur du mec qui organisait la soirée, il serait viré.. Alors, autant rester poli. Il claudiqua comme il pouvait jusqu'à une autre salle. Le salon. Et là, là, son regard se posa sur quelques mecs; des gars complètement stone. Ils tenaient dans leurs mains un 'sandwich'. Les yeux de Mattia eux, ne cessèrent de les observer. Il n'avait jamais eu envie d'y toucher; il avait même plusieurs fois refuser assez violemment. Il ne pouvait de toute façon pas se le permettre: il était censé rester pro. Mais là, à ce moment-là, pour de bien obscures raisons, il avait envie de mettre la main dessus. « Hey mec! T'es le tennisman qui s'est pété le genou? » Ferme la. Le regard noir, Mattia ne répondit pas; visiblement, il sembla comprendre pourquoi. « désolé.. Tu viens t'asseoir? » S'asseoir avec eux, les types avec qui il avait toujours évité de trainer. S'asseoir avec les types qui puaient la beuh. « ouais. »

Il posa ses fesses à coté d'eux. « T'en veux? » Et il fit un truc qu'il n'aurait jamais pensé faire. Il prit ce qu'il lui tendait dans sa main. Et pire il attrapa le briquet qu'on lui filait. C'est là qu'il entendit un « Eh mec, qu’est-ce que tu fous ? ». Machinalement, dès qu'il reconnut la voix de Kavi, il ferma ses mains histoire de cacher le joint et le briquet. « Hé mec! Qu'est-ce t'as? » « ouais, si t'as pas envie de venir là, va voir ailleurs! » Voyant que ça commençait à chauffer, Mattia sourit et regarda les deux acolytes. « Je gère, laissez.. » Les deux mecs ne se firent pas prier, et s'éloignèrent un petit peu. Levant les yeux vers Kavi, Mattia, qui jusque-là, n'avait encore pas adressé la parole à Kavi lui répondit.

« T'en veux? On partage si tu veux! » Son ton était innocent, son regard complètement ailleurs. Il souffrait. Il voulait absolument tout faire pour éviter de ressentir cette douleur lancinante qui le tuait petit à petit. Il y pensait à chaque instant. C'était comme si quelqu'un poignardait son genou et lui hurlait Le tennis c'est fini! Le tennis c'est fini! Le tennis c'est fini!. Alors là, oui, maintenant que sa vie était fini, il faisait tout ce qu'il ne pouvait faire. Même fumer un joint. Et c'était tout naturellement qu'il en proposait à son pote.

Qu'est-ce qu'il foutait là? Avec ces types peu fréquentables qu'il détestait? Qu'il avait aimé détester avant? Il ne savait pas pourquoi, mais ce soir-là, il avait envie de tester ses limites. De tenter une chose qu'il n'avait jamais pu faire. Etait-ce le goût de l'internet? Etait-ce le goût amer de sa chute? Il n'en savait trop rien. Le résultat était cependant là; il se trouvait assis sur un canapé, un joint dans sa main droite, un briquet dans sa main gauche. Dès qu'il s'aperçut que cette personne hurlant presque n'était autre que Kavi, il cacha par réflexe ce qu'il tenait dans ses mains, espérant de tout coeur que celui-ci ait le nez bouché, et la vue brouillée. Qu'il ne sente pas cette odeur caractéristique. Qu'il ne l'ait pas vu. Peine perdue.. Dès qu'il ouvrit la bouche, Mattia comprit que le temps -pas si lointain que cela pourtant- de son « Mais je conduis comme un dieu ! » était révolu. Là, Kavi ne semblait pas très heureux de retrouver son pote, entouré de deux types peu fréquentables. D'ailleurs aussitôt, les types prirent la mouche. Et aussitôt, Mattia s'y opposa. Comme ces deux jeunes hommes étaient d'adorables copains, ils lâchèrent Mattia. Peu gêné, celui-ci fit comme si de rien n'était.. et proposa de partager son butin. Comme ça. D'une voix simple. D'un regard doux. Vraiment pas gêné..

Il sut que c'était une mauvaise idée au moment même où il observa la figure défaite de son meilleur pote. Ses yeux fuyèrent son regard. « Tu te fous de ma gueule là ? Je te préviens je te le dirais pas deux fois mecs, rends leur cette saloperie. ». Dès qu'il entendit ses mots sortirent de sa bouche, il releva le regard vers lui et lui lança un regard noir. Il se prenait pour qui? Ils étaient amis, mais il n'avait aucunement le droit de lui dire ce qu'il devait faire! « Tu déconnes grave mec ! Que tu te bourres la gueule en soirée pour oublier tes emmerdes c’est un fait mais que tu te drogues… Et puis merde c’est tellement pas toi ! Il est passé où Mattia là ? Le vrai Mattia je veux dire. ». Le vrai Mattia? C'était lui qu'il voulait? Bah lui, là, le vrai Mattia, comme il disait si bien, celui qui brillait au tennis, celui qui enchainait les kilomètres de course à pied sans souffrir, celui qui pouvait faire des abdos facilement, bah ce type là, il était mort! Complètement mort! Il y avait un avant, et un après. Comme il eut deux enfances. Une première, très heureuse, avec des parents adorables, et une deuxième, une enfance de merde dès que son père avait fermé les yeux. Et puis, il y eut encore un après. Un « après cette chute », qui marqua le début de sa vie des plus merdiques. A choisir, il préférait encore retourner deux ans en arrière, à l'époque où il se faisait tabasser pour n'importe quelle connerie, mais à l'époque, au moins, il avait une raison de respirer; le tennis.
Hochant doucement la tête, Mattia attrapa la bouteille d'alcool -vodka- qui trainait là, et en but une gorgée puis deux. Il se releva ensuite avec grande difficulté, fourrant le briquet et le joint dans sa poche, et attrapant ses béquilles pour se mettre debout. « Le vrai Mattia, il n'existe plus, faudra t'y faire. » marmonna-t-il alors. Une fois debout, appuyé sur ses deux autres jambes, face à Kavi, il reprit aussitôt la parole. «Putain, tu saoules Kavi. T'es pas mon père, t'as rien à me dire. » Sa réaction l'énervait; à ce moment-là, il était capable de dire beaucoup de choses qu'il pourrait regretter. t'es pas mon père. C'était sa façon à lui, de lui dire qu'il n'avait rien à dire. Il n'était pas son père, ni son tuteur. Il n'avait donc rien à faire, juste à se taire. D'une voix sèche, il rajouta alors aussitôt, le regard rivé sur lui. « Je fais ce que je veux Kavi. Si j'ai envie de le faire, je le fais. Et puis, si ça peut te rassurer, je ne vais pas me droguer.. je vais juste fumer. Toi, t'as qu'à aller faire un tour ailleurs. Je sais pas, va danser, va boire, va voir des meufs, baises en une, et reviens me voir après.. d'ici une heure ou deux, ce sera parfait! Mais fous moi la paix en attendant! » Laisse moi planer.. Il secoua la tête, lui jeta un dernier regard noir, et commença à claudiquer pour aller plus loin. Pour aller loin de lui et ses discours moralisateurs. Loin de lui et de son reflet qu'il lui renvoyait; sur Mattia le tennisman, Mattia l'antidrogue.

Franchement, Kavi le saoulait là! Pour qui se prenait-il au juste? Il ne pouvait tout simplement pas aller voir une fille, se la taper, et revenir plus tard? Histoire qu'il ait bien le temps de prendre son pied, et de fumer ce putain de joint qui trainait dans sa poche. Mais non, évidemment, il fallait que Kavi reste là, qu'il le regarde, qu'il lui fasse la leçon. Mais merde quoi! Il voulait juste être libre. Au fond, c'était aussi une des choses qu'il lui manquait. Durant des années, il n'avait pas été libre, contraint de suivre ce que son beau-père lui disait. Et puis, quand il était hors de son emprise, il fallait qu'il ne fasse pas ça, et ça. Parce qu'il avait une image à respecter. Parce qu'il ne devait pas boire devant du monde. Parce qu'il ne devait pas fumer à cause des contrôles. Il fallait toujours qu'il surveille ces moindres faits et gestes. Et maintenant que tout cela était fini, il n'était pas pour autant plus libre. Kavi, le chewing-gum indien, était là. Et pire que tout, il restait coller à sa semelle; impossible de s'en défaire !!

A peine lui avait-il tourné le dos, claudiquant aussi rapidement qu'une tortue, que Kavi, tel un boomerang, était revenu devant lui. Se plantant là. L'empêchant de passer. Putain ! Il avait envie de balancer par terre ces deux béquilles, de gueuler un bon coup, de laisser exploser toute sa colère. « Je ne suis pas ton père mais j’suis ton meilleur pote, jt’ai vu en couche culotte mec ! Je te connais assez pour te dire que t’es en train de faire une putain connerie ! Tu vas faire que fumer ? Ah ouais, bizarre c’est pas ce que tu disais quand t’as appris que je fumais de ça à la mort de ma mère. T’as été le premier à m’en foutre plein la gueule alors aujourd’hui je peux te dire merci et te renvoyer la pareille. ». Il n'avait pas faux. Il avait même très juste.

Quand sa mère était morte, et que pour oublier ce malheur, Kavi voulait fumer, Mattia l'en avait empêché. Pensant que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire pour lui. Il s'était défendu bec et ongles, pour qu'effectivement, il ne pose pas ce joint sur ses lèvres..
Mais là, parce qu'il s'agissait de lui, Mattia Jarvis, c'était différent. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Là, c'était pareil. Si il avait décidé qu'il irait fumer, il allait fumer. Un point, c'est tout. « Je ne suis peut-être pas ton père mais, toi, tu es père… réfléchis-y deux secondes. Quand il dira papa, tu lui répondras que son père n’existe plus ? ». Bon sang ce que Kavi était chiant. Chiant et emmerdant! Emmerdant et chiant ! Mattia secoua la tête, et lui lança un regard noir. Il n'aimait pas vraiment l'entendre parler comme cela de son fils, comme si son fils n'avait plus de père. Il était bien conscient que si Kavi disait cela, c'était à cause de lui, mais c'était un peu comme recevoir une baffe; il prenait ça en pleine figure.
Il ouvrit la bouche pour lui répondre d'aller voir ailleurs, lorsqu'il fut coupé dans son élan par une autre voix. Une voix à qui il savait à qui elle était. « Eh t’as pas entendu ce qu’il t’as dit ? Fous-lui la paix. ». Et là, BAM, Kavi se retrouva un coup de poing dans le nez. Le regard rivé vers son pote, Mattia se retourna vers celui -le drogué- qui venait de lui en coller un. Il se mit à hurler alors. « Putain, t'es con ou quoi? Je t'avais dit quoi moi? Que je gérais!!! Alors, casse-toi maintenant! Casse-toi putain!!! » De très mauvais poil, énervé par Kavi, et encore plus énervé par ce type qui venait de frapper son meilleur pote, Mattia se rua vers lui, et le repoussa. Une fois. Puis, là, d'un coup, il lui balança son coup de poing dans la figure. A chacun son tour ! « Tu comprends mieux là? » « connard! » « Connard toi même! »

Deux secondes après, Mattia ne comprit pas vraiment ce qu'il se passait. Une horde de personnes se trouvait devant lui. Ou plutôt entre lui et le type en question. Il se prit un léger coup de poing. Probablement du type qui s'était relevé. Et qui essayait de se rapprocher. En tout cas, Mattia était balloté. Sa jambe lui faisait terriblement mal. Des mains le retenaient. Il entendait des arrête, des calme-toi, et d'autres trucs, mais tout était mélangé.
Jusqu'à ce que -il ne savait guère comment-, il se retrouve sur le canapé. Il passa sa main sur son visage, se mordant les lèvres pour ne pas hurler de douleur tellement son genou lui tirait. Il jeta un coup d'oeil autour de lui, et vit apparaître Kavi, lui aussi accompagné de mec. Se relevant alors, il s'approcha de lui, se mordant les lèvres dès que son pied se posait sur le sol. « Kavi.. Ca va? » demanda-t-il alors. Gêné parce qu'il venait de faire. Emmerdé par le coup que s'était pris Kavi, à cause de lui.

Si Mattia souffrait énormément à sa jambe, il ne souffrait pas moins moralement. Son meilleur pote venait de se prendre un coup bien placé par sa faute. Ca, il ne pouvait que s'en vouloir. Ce ne serait pas un ami pour rien. Kavi faisait tout pour qu'il évite de faire une connerie, et lui, il s'en fichait. Il préférait détruire encore un peu plus sa vie plutôt que d'écouter quelqu'un, qui lui aussi a tenté avant de se rendre compte que ça ne servait à rien. Non. Mattia restait aveugle, aveuglé par la colère qu'il ressentait face à cette impuissance; face à ce vide dans son futur.
Il avait tenté de prendre la défense de son meilleur pote, et s'était retrouvé lui aussi blessé. Blessé par cette putain de jambe qui se foutait complètement de savoir qu'il avait besoin d'elle. Sans trop savoir comment ni pourquoi, il s'était retrouvé sur le canapé, entouré de quelques personnes. Il ne savait même pas combien de temps il était là. Par contre, il avait bien repéré l'indien qui revenait. Il ne lui avait fallut que peu de temps pour se lever, souffrir de martyre à cause de sa jambe, et aller lui demander si lui, il allait bien. Quelque peu honteux. Quelque peu désolé. Quelque peu énervé contre lui-même. « C’est plutôt à toi qui faut demander ça. ». Lui? Kavi, c'était bien lui là. Celui qui ne se préoccupe que peu de lui, mais qui demande des nouvelles des autres. Lui, si il avait mal, ce n'était pas grave. C'était mérité; c'était de sa faute après tout. Si il n'avait pas fait l'idiot; si il avait enfin compris ce que disait Kavi, peut-être bien que tout ça ne serait pas arrivé. Alors, il haussa juste les épaules, et tenta de lui faire un petit sourire. Histoire de le rassurer, et de lui dire que oui, tout allait bien. Même si il crevait là; tellement la douleur dans son genou était insupportable..

Mattia était prêt à aller s'asseoir, histoire de retrouver un appui sur ses fesses, fesses qui lui faisaient beaucoup moins mal que d'avoir un appui sur ses pieds, quand il entendit Kavi parler. « Allez, mec, on retourne à la voiture. ». Relevant la tête vers lui, il croisa son regard. Putain, Kavi pouvait faire flipper en un simple regard. Enfin, du moins, il aurait pu faire peur si il n'arborait pas un petit sourire. « Et discute pas ! ». Mattia lui rendit son sourire. « Bien chef » Il commença alors à claudiquer vers la sortie, non sans lancer un regard noir au type qui se trouvait, quelques mètres plus loin, sur leurs gauches. Ah ! Si il avait une jambe parfaite, il irait sans doute lui en remettre une ! Mais bon, ce n'était pas le moment là.
Une fois dehors, arrivés près de la voiture, Mattia s'arrêta un instant, repensant à ce qu'il avait fait du joint. Il posa une béquille sur le voiture, et commença alors à fouiller sa poche. Rien. Il n'y avait rien. Merde!!! qu'est-ce qu'il en avait fait?? Relevant un air inquiet sur son meilleur pote, il demanda alors. « Kavi.. j'ai fait quoi de.. du joint? » Il tatonna encore sur sa poche, mais ne trouva encore rien. Rien de rien. Il fouilla alors la deuxième. Puis les poches de derrière. « Merde.. » lâcha-t-il alors. Il releva les yeux vers lui. « Il est où? C'est pas pour le fumer, hein.. C'est juste que j'ai pas envie qu'Ella, ou Ashton quand il rentrera, tombe dessus... » Ca, c'était vrai. Si il le cherchait, c'était à cause d'eux. Parce qu'il n'avait, à cet instant précis, plus aucune envie de fumer.

Le sourire qu'arborait Kavi le rassurait. Au moins, ce oui chef! les avait quelque peu rapproché. Même si, honnêtement, Mattia espérait ne jamais avoir Kavi comme chef au travail.. enfin bref, ces mots avaient eu au moins le bonheur de refaire sourire Kavi, et au fond, c'était ça le plus important; le faire bicher. Juste pour qu'il oublie le mal qu'il avait eu. En marchant à ses côtés, portés par ses béquilles, Mattia jetait de temps en temps des coups d'oeil à son meilleur pote. Vu de profil, son oeil n'était pas top. Il allait arborer un cocard dans peu de temps..

Arrivé à la voiture, c'est là que Mattia se rendit compte qu'il avait perdu ce joint. Il avait beau fouiller dans ses poches, il n'arrivait pas à trouver ce machin de malheur! Merde. Il flippait déjà. Cherchait partout. Questionnant Kavi. D'ailleurs, il ne tarda pas non plus à expliquer un peu plus précisément pourquoi il recherchait ce joint. Parce que vu la tête que faisait son meilleur ami, et le regard qu'il lui lançait, Mattia était heureux qu'il n'ait pas de fusil à la place de ses yeux. En plus, l'indien poussait un soupir de soulagement! Qu'il en pousse un! Mais lui, là, l'ex-tennisman, il flippait énormément! Il n'arrivait pas à mettre la main dessus.. Mais si Ella le trouvait? Là, ça allait être autre chose.. Déjà qu'en ce moment, entre elle et lui, rien n'était simple, mais si en plus, elle trouvait de la drogue dans ses vêtements, il n'osait imaginer la suite.. Quant à Ashton, c'était peut-être pire.. Alors, ouais, il fallait absolument qu'il retrouve ce joint, pour le déchirer, le couper en mille morceaux, jeter cette herbe dans une pelouse -pourquoi pas celle de John-, bref, réduire en miettes ce joint. « T’inquiète, les mecs l’ont repris quand t’étais dans les vapes sur le canap. ». Là, enfin, il soupira de soulagement, et lança un regard noir à Kavi. Parce que son sourire amusant n'avait pas lieu d'être. Qui se serait fait tuer, hein? Pas Kavi en tout cas! Ca se voyait sur sa gueule! « Allez en voiture ma chérie ! ». Pff! Ce mec était intenable! Et le pire, c'est que son rire était communicatif! Mattia lâcha un petit rire, et fila alors dans le voiture, s'installant confortablement. « En route mon coeur! » Une fois installé, Mattia se demanda comment on avait pu lui faire les poches sans qu'il s'en rende compte. Enfin bon, il s'en foutait; au moins, il n'avait plus cette merde sur lui.

Démarrant en trombes, Mattia se demanda si ils allaient arriver vivants.. « Bon on va se contenter d’une soirée à deux. Mais, je suis sûr qu’on va trouver de quoi faire. ». De quoi faire? Ils trouvaient toujours quelque chose à faire, ça, c'est sûr! « Ma tante baise son truc chez lui ce soir, si tu veux on va picoler dans ma chambre ? ». Sa chambre? Ouais, tant que sa tante était parti baiser son oncle d'un soir chez lui.. « A moins que t’ais une autre idée ? » Posant son regard sur Kavi, Mattia secoua la tête. Il passa alors sa main dans les cheveux de son meilleur pote, et avec un sourire en coin, lui dit. « On rentre, on va dans ta chambre.. je préfère qu'on passe une soirée en amoureux! » Il délaissa alors sa touffe de cheveux, et reposa son regard sur la route. Au moins, dans la chambre de Kavi, ils n'allaient pas faire de conneries.. Même si l'envie de passer une soirée à dégueuler chez John était forte, il préférait rester dans un endroit calme, où ses béquilles ne lui coûteront pas la vie..