1 juillet 1985, point de vue d'Ethanaël.
« Papa ! Elle est où maman ? » Sautillant jusqu'à mon père dans mon maillot rouge, je cherchais ma mère des yeux. Aujourd'hui, c'était mon jour, mon heure de gloire. J'avais travaillé tellement dûr pour en arriver là que je ne pouvais pas concevoir qu'elle ne soit pas présente. « Elle ne se sentait vraiment pas bien, Ethan, elle est donc restée à la maison. Mais ne t'inquiète pas, j'ai pensé à prendre la caméra. » C'est alors que je vis mon père lever fièrement son caméscope en l'air avec ce sourire enfantin qui faisait sa particularité. J'avais toujours été très proche de mon père, il était à la fois mon modèle, mon ange gardien et mon meilleur ami. Malgré tout, j'aurais eu besoin de ma mère en cet après-mide où les regards allaient être river sur moi.. C'était la première fois que je jouais dans une salle qui accueillait autant de monde et la peur me nouait le ventre au fur et à mesure que le temps passait. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouvais sur cette immense gymnase à courir après ce ballon orangé en essayant tantôt de faire des passes, tantôt de marquer. Je n'étais encore qu'un enfant et pourtant, je connaissais mieux le basket que la plupart des adultes, je le pratiquais depuis que je savais marcher. C'était plus qu'une passion, c'était un rêve, c'était mon avenir, c'était ma vie et je prenais très mal le fait que ma mère ne soit pas présente sauf que j'étais loin de savoir ce qu'il se passait pour elle en ce moment même. Lorsque je rentrai à la maison, le soir même, ma mère n'était pas là, elle n'avait laissé qu'un mot à mon père qui s'affola dès qu'il eut fini de le lire. Quelques jours plus tard, on me parla de bébé, d'une soeur, d'un déni de grossesse, d'une complication. Comme si je savais ce que ça voulait dire. La seule chose que je vis, c'est cette espèce de petite crevette pleine de peau qui semblait porter les mêmes vêtements que les poupées des magasins et un grand cerceuil sur lequel mon père pleurait. J'avais 3 ans, ma mère venait de mourir, ma soeur venait de naître.

3 avril 1997, point de vue d'Ellie
« Non mais tu n'aurais pas pu faire attention, petite idiote ! » En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je montai les escaliers quatre à quatre pour m'enfermer dans ma chambre, mon père à mes trousses. Plus rapide que lui, je réussis à fermer la porte de ma chambre à clé avant de pousser ma caisse à jouets devant pour être persuadé qu'il n'entre pas. Je sautai ensuite dans mon lit et attrapa le cadre qui était déposé sur ma table de nuit, il contenait une photo de ma mère, la seule qu'il me reste, mon père ayant pris possession de toutes les autres. Je la sers contre moi en essayant de ne pas pleurer mais les larmes dégringolaient déjà sur mes joues. Elle était morte en me donnant naissance et dans la famille, on avait tous vécu ça à notre façon. Alaric, mon père, a remis toute sa frustration sur moi. On peut encore voir les conséquences de sa souffrance sur ma peau blanche, j'ai tué la femme qu'il aimait et je crois bien qu'il ne me le pardonnera jamais. Ethanaël, mon frère, a vécu ça d'une façon très différente. Pour lui, je suis un peu la réincarnation de notre mère. On a toujours été très proche, il m'a toujours protégé comme il le pouvait même si c'était loin d'être facile. Il a vu mon père se détériorer, il l'a vu devenir un homme mauvais. Moi, je n'avais jamais connu que cette facette de lui et j'avais l'impression que c'était normal. J'avais tort. Assise sur mon lit, les larmes dégoulinant sur mes joues, j'entendais mon père tambouriner à la porte en me criant des injures. J'avais envie de mourir. J'avais envie de mourir et de leur rendre ma mère mais c'était impossible.. Le bruit semblait avoir cessé, mon père devait s'être calmé, tout ça pour une assiette de pâtes renversée. Je commençais à me rassurer lorsque j'entendis à nouveau tambouriner à la porte. Je sursautai de peur avant de resserrer un peu la couverture contre moi. « Lilypuss', ouvre-moi. C'est Ethan. » Au son de la voix douce de mon frère, mes battements de coeur reprirent un rytme normal. Je me précipitai vers la porte, poussa mon bac avant d'ouvrir et de sauter dans ses bras. C'était tellement apaisant d'être contre lui, à ne penser à rien d'autre. Vous savez, on dit que lorsque l'on est petite, on tombe amoureuse de son père, moi, c'était de mon frère dont j'étais amoureuse. Après une courte étreinte, il s'engouffra dans ma chambre et commença à mettre des tonnes de vêtements dans un grand sac avant de prendre ma petite main et de me faire descendre les escaliers. « Eh ! Ethan ! Tu comptes faire quoi là . » « On part, papa. On part parce que tu n'as jamais été capable de prendre soin de nous comme maman aurait aimé que tu le fasses. C'est bien beau de pleurer sa mort mais c'est encore mieux de l'honorer. On va poursuivre la vie que notre mère aurait voulu qu'on poursuive. Au revoir, papa. On t'aime mais tu nous as fait trop de mal. » Cette mine déconfite fut la dernière image que j'eus de mon père alors que mon frère m'emmenait je ne sais où. J'avais 11 ans, mon frère devenait un homme, mon père devenait un déchet.

28 septembre 2003, point de vue d'Ellie.
"Cela fait maintenant deux ans que je travaille en tant que mannequin mais maintenant, je vais pouvoir m'investir à fond là-dedans vu que j'ai terminé mes études. Je ne voulais pas être de celle qui stoppe tout sous prétexte qu'elles sont un modèle pour une grande marque. On n'est jamais sûr de rien dans la vie même si pour le moment, je supporte bien le fait que mon corps soit devenu mon gagne-pain. J'ai de l'ambition, en même temps quand on a eu une vie comme la mienne, on n'a pas trop le choix. Quand on t'a quitté, Ethan et moi, on s'est retrouvé à la rue, on y est d'ailleurs resté deux mois et crois-moi, ça nous a forgé un caractère. Malgré ça, je crois que j'aurais préféré y rester parce que lorsque les services sociaux ont mis la main sur nous, ils nous ont séparé avant de nous mettre dans une famille d'accueil. Je n'ai plus entendu parler de mon frère depuis. Je fus trimballé de famille d'accueil en famille d'accueil, il faut dire que j'étais loin d'être une adolescente obéissante. Je menais la vie impossible à chaque couple qui m'hébergeait jusqu'à ce que je finisse par prendre mon indépendance à seize ans. Depuis, j'habite dans mon appartement et gagne ma vie honnêtement. Il faut dire que la mode m'a toujours passionné et jamais je n'aurais cru pouvoir en faire mon métier. L'ambition est ce qui gouverne le monde et je suis absolument prête à tout pour réussir dans la vie. Et comme l'argent et le sexe sont les deux choses qui gouvernent le monde, je les associe. Certains appèleraient ça du chantage, de la corruption, moi, j'appelle ça les affaires. Comme aujourd'hui, je dois passer un entretien pour une grande marque de sous-vêtements féminins et je saurais user de mes charmes pour obtenir le boulot. Après tout, si l'on peut mélanger l'utile et l'agréable, pourquoi se priver ? Tu vois, papa, j'y suis arrivée. Toute seule. Comme une grande. Je ne suis certainement pas ce que tu voulais que je sois, je ne suis certainement pas ce que maman voulait que je sois mais je suis quelqu'un. Sans Ethan, je serais certainement morte sous tes coups. Mais je te pardonne, papa. Je te pardonne parce que je te comprends et parce que je t'aime. Par contre, il va falloir que tu fasses quelque chose pour moi, papa. Retrouve-le. C'est ton fils, retrouve-le. J'ai besoin de lui, je t'en prie.. Tu me dois bien ça. Ellie."

Années 2010 & 2011, point de vue d'Ellie.
« Je peux vous offrir un verre, peut-être ? » Accoudée au comptoir d'un bar lounge très réputé de la ville, je me retournai pour voir qui m'adressait la parole. Un homme d'une quarantaine d'années se trouvait devant moi, il était plutôt élégant dans son costard noir et à première vue, il semblait être assez aisé financièrement, le bon parti parfait. Sans oublier qu'il avait un fils absolument charmant que j'ai appris à connaitre au fils du temps. Avec le papa, je faisais bonne figure, j'étais là pour l'image pour qu'il se sente plus jeune et surtout pour que je me remplisse les poches. En effet, il m'offrait sans arrêter des tonnes de cadeaux et avait fait mettre sa carte bancaire à nos deux noms. Que demander de plus . Du sexe, de la fraicheur, du plaisir. J'étais en manque et son fils était là alors, je n'allais pas me gêner. On a commencé à avoir des rapports de plus en plus fréquents. C'était simple, j'avais le père pour le fric, le fils pour le choc. Sauf qu'un beau jour, je me fis surprendre dans le lit du jeune homme par son père, je vous laisse imaginer le carnage. Il m'a fait mettre dehors en me donnant du liquide pour que je n'ébrouitte pas cette affaire, il ne voulait pas ruiner sa réputation. Et moi, ça m'arrangeait plutôt bien. Seulement, cette situation me fit remonter des souvenirs en tête. J'avas déjà agis de la sorte hormis que c'est avec le père que j'avais couché et non avec le fils. Chaz.. Le seul garçon que je n'ai jamais aimé et que j'avais eu l'indécence de tromper parce que ça n'allait pas assez vite à mon goût. Nous n'étions que des pré-adolescents quand on a commencé à sortir ensemble mais je me suis mordu les doigts de notre rupture. Il me comprenait et ne me jugeait pas, notre histoire d'amour était puéril mais terriblement sincère et jamais je n'ai retrouvé ça chez un homme. Je ne l'ai jamais vraiment cherché non plus. Il y a deux ans, je l'ai recroisé par hasard lors d'une séance photos. Il était derrière l'objectif et j'étais devant. Je le trouvais magnifique et il avait acquis une certaine maturité et une virilité qui m'attirait encore plus. Jouant de mes charmes, j'ai réussi à l'avoir dans mon lit malgré ses réticences. Mais le lendemain matin, lorsque je me réveillai, il était déjà parti. C'était assez étrange vu qu'en général c'était moi qui partais de chez mes aventures au petit matin. On se revit, à plusieurs reprises, faisant toujours la même chose : baiser et uniquement baiser. Il ne voulait rien d'autre et moi je m'en contentais même si je dois avouer qu'il avait réveillé mes sentiments éteints ou du moins une partie. Il faut avouer qu'il était très mignon et que sa fortune ne faisait que le rendre un peu plus charmant. Seulement voilà, il y a une semaine, Chaz a décidé de ne plus continuer cette relation ambigu en nous. Sa raison ? Il en aimait une autre. Qui ? Lucy. Mais ça ne va pas se passer de cette façon, je suis bien décidé à récupérer ce qui m'appartient, Chaz en l'occurrence. Devant sa porte, je me refais une beauté avant de finir par toquer. À peine quelques secondes après, je le vois ouvrir la porte. Il n'a pas l'air enchanté de me voir, il a même plutôt l'air surpris. « Coucou, chéri ! Je sais que tu ne voulais pas me voir mais j'ai un truc important à te dire. » Remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille, j'avance d'un pas vers lui, me retrouvant seulement à quelques centimètres de son visage. « Je suis enceinte. Et c'est toi le père. » Fière de mon effet de surprise, je le regarde un moment avec ce sourire mesquin qui m'est propre. Il est sur le cul, pour le coup. Mon plan marche à merveille.