« Vous avez vu le mec qui vient de descendre des montagnes russes? Je parie que tu lui files une gueule de bois et il a meilleure mine! » « Il a ta tête de tous les jours, Mike! » fit Tessa, un petit sourire en coin. « T'es chiante, Tess'! » « Ou réaliste. » fit-elle avec un clin d'oeil amusé en direction de l'un de ceux qui l'accompagnaient. « On y va! » Si Tessa accepta de suivre ses amis alors qu'elle n'était pas vraiment friande des montagnes russes, c'était principalement parce qu'elle ne voulait pas les laisser y aller sans elle. La foire amenait bon nombre d'enfants, d'adolescents et de jeunes venus crier un bon coup sous le coup de la frayeur octroyée par des descentes trop brusques ou des virages à 90 degrés qui donnaient froid dans le dos. Elle n'aimait pas particulièrement la sensation de se savoir prise au piège de l'un de ses sièges où elle ne pouvait sortir que lorsque le manège s'interrompait. Attrapant la main de l'une de ses amies afin de lui éviter de se laisser distancer, Tessa pouffa de rire devant l'une des filles de son ancien lycée, une fille qu'elle avait toujours détestée. Incapable de ne pas montrer directement aux gens le dégoût qu'ils lui inspiraient, Tessa s'était toujours révélée excessivement franche et elle pouvait, d'un simple regard, rabaisser n'importe qui, ou presque. En sa présence, certains avaient l'impression de n'être que des moins que rien, comme si elle prenait toute la place - et c'était bien ce qu'elle aimait, se sentir importante. Prenant donc les devants en se frayant un chemin dans la troupe de ses compatriotes, Tessa prit la direction de l'une des attractions les plus populaires, reléguant au dernier rang ses appréhensions.

Pourtant, une silhouette attira son regard et lui fit lâcher la main de celle qui la suivait sans vraiment en avoir le choix. Colton. S'ils se connaissaient depuis longtemps, Tessa avait parfaitement conscience du fossé qui s'était creusé entre eux, depuis le temps. Tout ce qu'elle savait - et avec conviction - c'était qu'il était devenu excessivement séduisant avec les années. « Allez-y sans moi. J'ai un truc à faire. » Se détournant finalement de ceux avec qui elle avait décidé de passer sa soirée, Tessa les planta là sans plus de cérémonie, se dirigeant vers celui qu'elle avait décidé d'emmerder un peu ce soir-là. Arrêté devant un stand de sucreries, Colton semblait attendre son tour pour choisir elle ne savait quoi et la jeune femme attendit qu'il ait enfin payé sa pomme d'amour pour s'approcher de lui par derrière. Attrapant délicatement sa main alors qu'il s'apprêtait à croquer la pomme, elle la fit dévier jusqu'à poser elle-même ses dents sur le fruit défendu. Elle leva le nez en dégustant sa bouchée et haussa finalement les épaules avant de se glisser face à Colton. « Ce truc-là c'est pas trop mal, au final. » avoua-t-elle en renvoyant sa chevelure brune sur ses épaules d'un geste assuré et volontairement sensuel. Elle n'avait pas l'intention de le charmer ou de le draguer puisque Colton la connaissait depuis trop longtemps pour s'en formaliser, mais elle pouvait tout de même tenter de le séduire un minimum, ne serait-ce que pour se rapprocher de lui. Elle préférait tout de même qu'il la croit capable d'une certaine forme de gentillesse plutôt qu'il ne la prenne pour un monstre. « Tu vas passer la soirée avec moi! » fit-elle délicatement en attirant Colton à sa suite, en direction de la grande roue.

Éternel enfant au sourire rêveur, il avait longtemps adoré ces fêtes foraines que l’on implantait le temps de quelques jours. Il y trouvait la joie de vivre qui lui manquait pour aller de l’avant et il y apercevait ce qu’il avait toujours voulu posséder. C’était une sorte de thérapie. Un mal, un bien. Un sentiment de quiétude, un sentiment de regret. Si lorsqu’il était enfant il n’y avait jamais eu droit, depuis son adolescence il avait pris l’habitude de se rendre à ce genre de festivité. Ce n’était rien, que quelques moments à passer, mais ça lui faisait du bien. Un bien qu’il ne parvenait pas à cerner, un bien étrange et incompréhensible. Parce qu’avec le temps, il s’était transformé en lassitude. Voir ces sourires sur tous les visages, ces cris amusés et apeurés, ses amants qui s’enlacent, ses amis qui se donnent la main et se chahutent… Il n’avait pas sa place dans tout cela. L’avait-il seulement eu un jour ? Soudain, il se surprit à penser que tout cela n’avait, de toute façon, aucune importance à ses yeux. Il faisait les choses pour lui, pour lui seul, alors s’il détonait et bien… Tant pis ? Oui, tant pis. Ce constat qu’il parvint à faire en fumant sa dernière cigarette sur le perron le poussa à jeter le mégot en contrebas et à regagner la maison qu’il habitait depuis peu. Chaque fois qu’il pénétrait dans les lieux, des dizaines de souvenirs le submergeait et pourtant, il ne parvenait pas à croire que c’était son chez lui. Ou plutôt, leur chez eux. Un jour, quand il en aurait la force, il partirait. Mais il savait que ce n’était pas pour tout de suite. Parce qu’il avait encore beaucoup de chose à vivre avec ce double qu’il abhorrait. « On bouge ? » La question claqua dans l’air comme un vrombissement dans la nuit, et pourtant, il n’eut que pour toute réponse un grognement. En même temps, à quoi s’attendait-il ? Qu’ils sortent main dans la main et qu’ils aillent croquer joyeusement dans une même pomme colorée de sucre rouge ? Colton soupira, odieusement agacé. Et sans même savoir pourquoi, il prit la porte. Il ne voulait pas venir ? Très bien ! Mais cela ne l’empêcherait pas de faire ce qu’il voulait.

Et il s’était retrouvé là, seul comme jamais, devant un stand de confiserie. Rêvant d’une pomme d’amour qu’il mangerait à s’en exploser l’estomac. Il la mangerait pour deux. Il partagerait ce moment avec ses plus beaux rêves et finalement, c’était peut-être la meilleure chose qu’il pouvait faire. Lorsque le forain l’interrogea du regard, Colton sourit tristement en énonçant le nom de sa friandise. Non pas qu’il avait honte, mais s’était à l’écho de ces mots qu’il se rendait compte à quel point il devait paraître pathétique. Haussant les épaules, il prit ce qu’on lui tendit et s’écarta du stand. Pendant quelques secondes, il regarda le fruit du péché en se demandant s’il y planterait ses crocs et au moment même où il se décida, il sentit une main glisser sur la sienne. Son cœur s’emballa, alors qu’il espérait déjà retrouver quelqu’un d’attendu. Mais lorsque ses prunelles glissèrent sur les lèvres traitresses, il se résigna. Comment avait-il pu être aussi naïf pour espérer encore ? Lorsque Tessa se planta face à lui, il ne réagit que trop peu, se contentant de mordiller la pomme qu’il s’était offerte. « Ce truc-là c'est pas trop mal, au final. » Il haussa les épaules. Pourquoi elle ? Cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas revus et bien que Colton trouvait la demoiselle fort sympathique, il n’avait pas une grande confiance en elle. Autant dire même qu’il la craignait ! Peu enclin à être réceptif, il remarqua à peine sa longue chevelure brune qu’elle agitait pourtant sous ses yeux. « Tu vas passer la soirée avec moi! » Colton ne résista pas vraiment alors qu’elle le trainait à sa suite. « Pourquoi pas. De toute façon, t’es peut-être la seule qui veut bien de moi. » Il n’essaya pas de l’apitoyer sur son sort, c’était loin de lui ressembler, mais il le pensait sincèrement et il disait toujours ce qu’il pensait. Parfois, si naïvement que c’était à se demander s’il ne le faisait pas exprès. Sa pomme d’amour à la main, Colton n’arrêtait pas d’entrer vivement en contact avec un nombre ahurissant de personnes. S’excusant à chaque fois, timidement, alors qu’il n’avait droit à aucune réponse. Finalement, lorsqu’ils arrivèrent au pied de la grande roue, le jeune homme ouvrit la bouche, interdit. Il avait toujours eu une frousse étouffante du vide et il n’avait jamais osé mettre un pied dans ce genre d’attraction. Craignant bien trop de rester coincer en haut des heures durant ! « Euh… Tessa, je ne monte pas là dedans moi. » Il secoua la tête vivement tout en reculant, sans même prendre la peine de jeter un œil derrière lui. Personne n’arriverait jamais à le faire grimper dans ce genre de nacelle. Même pas en rêve. Il fronça d’ailleurs les sourcils avant d’ajouter : « tu préfères pas, genre euh… les auto-tamponneuses ?! » De toute façon, la grande roue n’avait rien de drôle, il n’y avait rien à y faire. Sauf peut-être s’échanger de romantique baiser dans les cieux. Et ça, ce n’était pas à sa portée et cela ne le serait sans doute jamais. Pas question, non, non et non. Il refuserait quoi qu’il advienne !

« Pourquoi pas. De toute façon, t’es peut-être la seule qui veut bien de moi. » « Qui a dit que je voulais de toi? » fit-elle simplement en arquant un sourcil, le plus sérieusement du monde. Elle finit néanmoins par pouffer de rire face à la mine sinistre de Colton. « Relaxe! on dirait que tu vas à un enterrement! C'était une blague! » Contrairement à celui qui la suivait malgré lui, Tessa ne prenait pas la peine de s'excuser lorsqu'elle percutait les gens, pour la simple et bonne raison que si elle était dans le chemin, ils l'étaient aussi. Et à quoi bon s'excuser et demander pardon si elle ne recevait en retour qu'un vague signe de tête choqué de la part de ceux qu'elle venait de bousculer? « T'es vraiment trop sympa ... » soupira-t-elle en levant les yeux au ciel lorsqu'elle entendit la énième excuse de son nouveau partenaire. Franchement, c'en était presque pathétique. Elle n'avait pas osé lâché sa main de peur de le voir se défiler gentiment parmi la foule des gens venus profiter des attractions ou des confiseries et le forçait du même coup à la suivre alors qu'elle dandinait des hanches pour se faire une place, ses lunettes de soleil bien en place sur le dessus de sa tête. elle s'était d'ailleurs demandé, un jour, à quoi ça pouvait bien servir de les traîner avec elle si elle ne les portait pas, mais sa question s'était révélée sans réponse. C'était comme ça, point. Arrivée au pied de la grande roue, la brune s'était retournée vers Colton, se délectant de la stupeur et de la crainte qu'elle pouvait bien lire dans ses yeux. S'il y avait une attraction qu'elle aimait, c'était bien celle-là. non seulement les nacelles grimpaient jusqu'au ciel et surplombaient toute la ville, mais au vu de la lenteur du truc, ils avaient le temps d'en profiter. Se retrouver seule avec Colton était une possibilité plaisante à envisager et elle n'avait que très peu hésité quant à son choix, assurée de faire le bon. De toute façon, elle était à la foire pour y rester et elle ne quitterait les lieux que lorsqu'elle aurait essayé toutes les attractions.

« Euh… Tessa, je ne monte pas là dedans moi. » « T'es pas sérieux? Une tortue irait plus vite que ce truc-là! T'auras qu'à me regarder, tu penseras à autre chose! » Le voir ainsi reculer alors qu'elle tenait toujours fermement sa main la poussa à faire un pas en avant afin de ne pas se laisser distancer. Il ne réussirait pas à s'échapper aussi facilement, elle ne le laisserait pas faire. « Tu préfères pas, genre euh… les auto-tamponneuses ?! » Tout en poussant un soupir visiblement, mais faussement agacé, la jeune femme haussa les épaules. « On ira après, si tu veux. Deux tours. Ou trois. comme tu voudras. Mais à moins que t'aies un gène de mauviette, tu vas me suivre! C'est amusant, tu verras! » Elle s'assura, de par son regard de biche, de passer le message qui lui tenait tant à coeur; à savoir: son envie de grimper dans la nacelle qui la conduirait tout en haut, avec lui. Elle tira un peu sur le bras de Colton de façon à les placer tous les deux au bout de la file et tenta de le rassurer, son autre main glissant le long de son bras pour calmer les frissons qui semblaient avoir envahi son ami. « La vue est magnifique, tu vas adorer! Regarde, y'a des gosses de cinq ans qui y vont, tu peux bien faire un effort, non? » Tout en tentant de le convaincre en attaquant directement son orgueil de mâle - celui qui leur dictait de ne pas pleurer ou de ne jamais se montrer faible devant un autre humain, homme ou femme - elle laissait ses prunelles dévier sur le torse, les mains, les joues, la mâchoire de Colton, comme si tout ça n'était plus que tentation désormais. « Tu sauras faire abstraction de la hauteur, j'en suis persuadée. » murmura-t-elle à son oreille avec un léger sourire entendu, incapable de ne pas laisser ses pulsions et son instinct prendre le relai sur ce qu'elle s'était pourtant interdit de faire en voyant au loin la silhouette de Colton. Le draguer, lui? Et pourquoi pas, au final? Il était séduisant lorsqu'il la regardait, ébahi ou méfiant, mignon lorsqu'il faisait son timide et poli lorsqu'il s'adressait aux gens. Vraiment, c'aurait presque pu être l'homme parfait, si seulement c'était son genre ... Lui et son ami, Angus, étaient bandants dans leur genre et elle n'avait pas l'intention de laisser tomber la bataille, pas pour une grande roue en tout cas.

« Qui a dit que je voulais de toi? » Une sorte de moue désespérée apparu sur les traits déjà tiré du jeune homme. Il s’était montré présomptueux et voilà qu’elle le lui faisait clairement comprendre. Personne n’avait dit qu’elle voulait de lui. Pour la simple et bonne raison que ce n’était pas le cas. Qui aurait bien pu vouloir de lui ? Il n’était rien et dès le premier regard, il était évident qu’il n’était pas de ce genre de personnes auxquelles on s’entiche vite et dont on ne peut plus se passer. Colton était même à reléguer au rang d’inutile, de solitaire et d’incompris. Quelque peu égaré dans ses pensées, il sursauta à l’entente du rire de Tessa. Fronçant les sourcils, il l’observa, incapable de comprendre qu’il s’agissait d’une blague. « Relaxe! on dirait que tu vas à un enterrement! C'était une blague! » Sa vie tout entière ressemblait à enterrement de toute façon et chaque jour au quotidien, c’était lui-même qu’il enterrait. Ou du moins, certaines parties de lui. Son innocence et ses espoirs, par exemple. « Ca n’a rien de drôle. » hasarda-t-il entre ses dents. Ce genre de blague était bien trop subtil pour qu’il puisse comprendre et puis surtout, elle reflétait à ses yeux une vérité plus qu’évidente. Rien de drôle. Pas plus qu’être tiré par la main tel un enfant. De se voir ainsi contraint et forcé d’entrer en collision avec d’autres personnes. De choquer sa propre bulle personnelle à celle de quelqu’un d’autre. De devoir s’excuse sans arrêt alors qu’il n’y était pas véritablement pour quelque chose. Bref, une situation qui l’agaçait et fut d’autant plus troublé par le : « T'es vraiment trop sympa ... » que laissa échapper sa compagne de jeu. « Poli. Nuance. » S’était-il contenté de rétorquer, sûr de lui, alors qu’il suivait à la traine. Lorsque la première poubelle passa devant ses yeux, il y lança sa malheureuse pomme d’amour qui, de toute façon, n’avait plus aucun intérêt à ses yeux.

« T'es pas sérieux? Une tortue irait plus vite que ce truc-là! T'auras qu'à me regarder, tu penseras à autre chose! » Le problème était loin d’être la vitesse de l’engin. Le problème, c’était sa hauteur audacieuse. Vertige. Voilà un mot qu’il avait toujours eu en horreur. Lorsqu’il était gamin et que ses amis grimpaient aux arbres, Colton lui, était forcé de les regarder d’en bas, une moue boudeuse accrochée au minois. Il n’avait jamais pu profiter des choses simples et essentielles à chaque enfant. Trop peureux, trop rêveur, trop coincé… Tout simplement trop… trop. « On ira après, si tu veux. Deux tours. Ou trois. Comme tu voudras. Mais à moins que t'aies un gène de mauviette, tu vas me suivre! C'est amusant, tu verras! » « Je suis une mauviette ! » Loin d’être un héros comme elle avait sans doute pensé le trouver, Colton était l’exemple même de ce qu’elle nommait mauviette. On avait beau lui lancer des défis, ce n’est pas cela qui éveillerait davantage sa curiosité et son envie d’aller plus loin. Plutôt du genre à réfléchir avant d’agir, le jeune homme trouvait toutes les bonnes raisons du monde pour ne pas monter dans ces nacelles. Et même la regarder n’aurait pas suffit à le faire penser à autre chose. Encore une fois, il se laissa tirer sans la moindre résistance quand elle le poussa dans la file d’attente. Pourtant, crispé, Colton commençait doucement à avoir des fourmis dans les jambes et craignait que ces dernières ne le lâche. Elle avait beau lui caresser le bras dans l’optique d’apaiser ses craintes, elle ne faisait que les alimenter. Plus il se sentait entouré, plus il se sentait piégé. « La vue est magnifique, tu vas adorer! Regarde, y'a des gosses de cinq ans qui y vont, tu peux bien faire un effort, non? » Qu’est-ce que les gosses de cinq ans venait foutre dans cette histoire ? « J’en ai deux, mentalement. Contente ? » Le stress qui gagnait en intensité lui rongeait si bien son calme qu’il ne parvenait qu’à articuler avec difficulté et des phrases le plus courte possible. Il aurait aimé sortir une théorie à deux-cents litres de bave à la minute, mais cela lui semblait tout bonnement impossible. Et les regards qu’elle laissait glissé sur lui ne firent qu’accroitre son malaise saisissant. « Tu sauras faire abstraction de la hauteur, j'en suis persuadée. » Ces mots glissés à son oreille lui firent l’effet d’une gifle monumentale alors qu’il récupérait sa main vivement et tourné ses prunelles troublées vers la donzelle. « Arrête de me regarder comme si j’étais un morceau de viande, ou je ne sais pas trop quoi… Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai un bouton sur le nez ? » La file se mit en marche et, inconsciemment, Colton suivit la petite troupe. Ne se rendant même plus compte qu’il allait contre ses propres peurs. La veine tentative qu’il avait opté pour écarter Tessa de lui lui sembla soudain ridicule. Mais il devait avouer qu’il n’avait pas vraiment aimé le regard qu’elle avait porté sur l’homme qu’il était devenu. Certes, ils s’étaient quitté enfant et le temps avait son œuvre mais… « Tu veux quoi, Tess ? Parce que je peux te parier tout ce que tu veux que… je ne suis pas suffisamment intéressant pour toi. Je suis plat, terne et morne. Si tu veux du piment et des sensations fortes, je te conseille de rejoindre tes amis. Ils en valent davantage la peine. » Ils continuèrent d’avancer alors que le forain s’approcher d’eux, un grand sourire aux lèvres, les invitant à monter dans la nacelle. Colton serra étroitement les poings et essaya de faire demi-tour mais se heurta violemment avec un jeune homme qui lui fit un regard peu amitieux, ce qui le poussa à prendre vivement la main de Tessa pour la pousser à le suivre et tout en fermant les yeux avec une force qu’il ne se connaissait pas, le jeune homme s’installa dans la nacelle. Serrant férocement dans sa main les doigts fins de la jolie brune. « Me lâche pas ! » Pire qu’un gosse ! Il ouvrit un œil alors que la machine se mit en route et déjà, un haut le cœur lui lécha les lèvres.

« Je suis une mauviette ! » « N'est mauviette que celui qui veut l'être! Alors tu peux monter. Pour moi! » Philosophe à ses heures perdues, surtout lorsqu'elle tentait d'impressionner ou de charmer par des mots, il allait de soi que Tessa n'avait aucun intérêt particulier en la matière. Colton la suivait sans résister et elle en vint à croire que son petit manège était trop facile. N'importe qui d'autre aurait laissé valoir ses opinions ou se serait tiré sans même jeter un regard en arrière, mais pas lui. Il faisait ce qu'elle disait à la lettre sans prendre la peine de peser les pour et les contre ou de se demander s'il en avait réellement envie. Apparemment, au vu de la terreur qu'elle pouvait lire sur les traits de son visage, il aurait espéré être n'importe où sauf ici et la jeune femme jubilait à l'idée de le voir complètement défait lorsqu'il serait monté à ses côtés dans l'une des nacelles de la grande roue. Elle ne manqua pas de lui faire la remarque lorsqu'elle vit un petit garçon âgé d'à peu près cinq ans prendre place dans l'un des sièges. Si lui le pouvait, Colton le pouvait aussi, non? « J’en ai deux, mentalement. Contente ? » Apparemment non. La jeune femme poussa un soupir en levant les yeux au ciel, agacée. « J'aime pas les gosses. » fit-elle simplement en haussant les épaules. Ça hurle. Ça pleure. Ça bave ... Non vraiment, si elle avait voulu avoir un chien, elle en aurait eu un. Toutefois, elle tenta de rattraper son ton un peu trop brusque en faisant la moue, ses doigts agrippant délicatement la main de Colton et ses yeux de biche prenant aussitôt le relais sur l'expression dure qu'elle arborait habituellement. Ça ne servait à rien de lui répéter cent fois qu'il n'aurait pas peur, il suffirait de lui montrer. Elle ne savait pas encore comment elle parviendrait à le persuader de l'innocence de l'attraction, mais il ne faisait aucun doute qu'elle réussirait; elle le prenait comme un défi personnel. Si Tessa s'amusait de la situation, c'était principalement parce qu'elle trouvait ça marrant de voir un jeune homme apparemment en état de se défendre pleurnicher - ou presque - devant une attraction pour enfants. Elle était elle-même beaucoup trop orgueilleuse pour oser affirmer qu,elle avait peur de quelque chose et elle avait toujours cru que les hommes étaient pires, niveau orgueil mal placé. Non vraiment, elle avait la preuve toute faite, devant elle, que les exceptions gardaient ce monde puisque Colton venait de lui assurer en quelques gestes effrayés et quelques paroles tremblotantes qu'il était tétanisé.

« Arrête de me regarder comme si j’étais un morceau de viande, ou je ne sais pas trop quoi… Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai un bouton sur le nez ? » « Tu ne serais pas à côté de moi si c'était le cas! » blagua-t-elle sans prendre en compte sa précédente remarque. Comme un morceau de viande? C'était ce qu'il était, non? Un appat, une proie, un morceau de viande. Tessa ne voyait pas pourquoi elle le verrait différemment des autres et le fait qu'elle puisse le connaître - d'il y a longtemps - ne changeait pas grand chose à la donne. Toutefois, la pudeur et la douceur de son vis-à-vis lui laissait sous-entendre que tout ne serait pas aussi aisé avec lui que ça avait bien pu l'être avec tous les autres. Tessa risquait même de se brûler les ailes, à trop s'approcher du feu. « Tu veux quoi, Tess ? Parce que je peux te parier tout ce que tu veux que… je ne suis pas suffisamment intéressant pour toi. Je suis plat, terne et morne. Si tu veux du piment et des sensations fortes, je te conseille de rejoindre tes amis. Ils en valent davantage la peine. » Pressant l'un de ses doigts sur les lèvres de Colton, Tessa le força à avancer. « Oh ... Ta gueule, Colton. Je veux passer la soirée avec toi, c'est tout ce que je veux pour l'instant. » Si Colton tenta de s'échapper lorsqu'arriva leur tour, en vain, Tessa, elle, frétillait d'impatience. Elle secoua la tête, amusée, et prit place aux côtés de son ami alors que ce dernier semblait serrer sa main dans la sienne comme si sa vie en dépendait. Lui qui n'avait pas été vraiment friand des contacts physiques semblait en redemander à présent alors qu'il donnait l'impression de vouloir réduire en miettes les os de sa main. « Me lâche pas ! » Elle faillit pouffer de rire en le voyant paniquer aussi férocement et arqua un sourcil, consciente qu'il ne faisait pas que simuler la peur, il était terrorisé. Glissant une main sur le bras de Colton alors qu'il gardait les paupières à moitié fermées, elle put se déplacer un peu de manière à effleurer de ses lèvres la peau tendre de son cou, le forçant délicatement à relever la tête pour regarder en l'air. « On a peur, quand on regarde en bas. » murmura-t-elle alors que sa main poursuivait sa course sur la cuisse de son ami, sans réelle pensée obscène. Ce n'était qu'en toute innocence, pour tenter de le réconforter, ou du moins, c'était ce qu'elle voulait qu'il perçoive. La grande roue s'était remise en marche et la main droite de la jeune femme n'avait pas quitté celle de Colton, c'était la gauche qui se montrait capricieuse. « Ferme les yeux. » siffla-t-elle en appuyant sur ses paupières de sa main libre, son propre regard dérivant au loin, attiré par les maisons et les champs qui entouraient Arrowsic. Ce ne fut que lorsqu'ils furent parvenus au point culminant de l'attraction que Tessa retira sa main des prunelles de Colton, un large sourire aux lèvres. « Regarde! »

« N'est mauviette que celui qui veut l'être! Alors tu peux monter. Pour moi! » Si Colton arqua un sourcil condescendant face à cette remarque des plus inintéressantes à ses yeux, il ne put s’empêcher de penser que la demoiselle devait avoir une confiance en elle à toute épreuve pour croire qu’il puisse faire quelque chose uniquement pour elle. Il avait beau être faible et facilement influençable, il était toutefois capable de faire ses propres choix sans être incité par qui que ce soit. Et encore moins pour elle, à vrai dire. Quelle raison aurait-il pu trouver pour s’exécuter tant une confiance béate et aveugle ? La méfiance qu’il ressentait à son égard était bien plus grande qu’on aurait pu le penser. Il y avait trop de choses dans le comportement de sa camarde qui le chiffonnait et qu’il ne parvenait pas à saisir. Il n’avait pas la prétention de se croire différent des autres à ses yeux. Alors, pourquoi se montrait-elle plus sympathique avec lui qu’avec le commun des mortels ? « Ce que vous, les gens, vous ne comprenez pas… C’est peut-être que j’en ai VRAIMENT envie. Peut-être que c’est ça que je veux. Être une mauviette, un… Non, rien, laisse tomber. Tu peux pas comprendre. » En effet, elle ne pouvait pas comprendre ce qui se passait dans sa tête et personne ne le pourrait de toute façon. Il n’avait pas envie qu’on le comprenne de toute façon, il devait d’abord faire la part des choses pour lui-même et on ne pouvait pas dire qu’il y arrivait. Il s’ouvrirait davantage au bon moment et s’il n’y avait personne à cet instant… et bien, tant pis, il s’y ferait. Il était fait pour vivre seul et il avait appris à le faire depuis son enfance. Bref, comme il l’avait dit de toute façon, il n’était qu’une sorte d’enfant. Il fallait que les gens apprennent à composer avec cela. « J'aime pas les gosses. » « Laisse-moi, alors. » Phrase à double sens, uniquement pour lui. Parfois, il rêvait simplement qu’on le lâche qu'on le laisse et délaisse, pour que la chute soit si violente qu’il ne s’en relèverait pas. Fatigué et las de se battre contre lui-même et contre cet autre qui lui bouffait son souffle de vie.

« Oh ... Ta gueule, Colton. Je veux passer la soirée avec toi, c'est tout ce que je veux pour l'instant. » C’était une drôle d’envie. Incompréhensible et tout simplement improbable à ses yeux. Mais comme elle le lui avait si gentiment demandé, Colton garda la bouche close et se contenta d’hausser les épaules. De toute façon, si elle voulait passer la soirée avec lui, pourquoi pas ? Si cela finissait par l’ennuyer et qu’elle regrettait son choix, elle ne pourrait pas dire qu’il ne l’avait pas prévenue. Quoi qu’il en soit, il s’installa dans cette foutue nacelle avec un regret évident. Son mal-être devait être plus que perceptible à ses mains crispées et à sa mine déconfite. Devenu blanc comme un linge, Colton commençait à peiner pour respirer. Le bras que Tessa posa sur lui aurait pu l’apaiser s’il n’avait pas davantage alimenté ses craintes. Il avait le désagréable sentiment qu’elle garderait cette information pour elle et qu’elle n’hésiterait pas à l’utiliser dès que possible. Criant au monde entier à quel point il était pathétique. Oh oui, comme il l’était, pathétique ! Elle déposa un baiser dans son cou qui le fit frémir alors qu’il se voyait forcer de relever la tête. « On a peur, quand on regarde en bas. » Elle pensait peut-être lui apprendre quelque chose, là ? Il n’était pas stupide, il le savait. Mais peu importe où il regardait, il se sentait vraiment au bout du gouffre, pratiquement au bord du malaise. Il se raidit alors davantage en sentant la main de la demoiselle se poser sur sa cuisse. Il aurait aimé trouver le courage de la repousser mais il ne parvenait pas à calmer les battements excessifs de son cœur. Doucement, la machine se mit en route et Colton crut qu’on lui arrachait son palpitant. Angoissé plus que jamais, le jeune homme serra encore plus étroitement les doigts de la jeune femme. Il aurait très certainement pu les briser s’il n’avait pas eu une force de femmelette. « Ferme les yeux. » Il s’exécuta au moment même où elle déposa sa main sur ses paupières. Inspirant et expirant dans un mécanisme forcé, Colton essayait de relativiser. Ce n’était rien. Un simple manège pour enfant. Et peu à peu, alors qu’il parvenait à se calmer, il sentit la roue se stopper. « Regarde! » Il ouvrit les yeux alors que Tessa retirait sa main. Il ne lui fallut qu’un bref coup d’œil à la vue aérienne qui se présentait à lui pour que la tête vienne à lui tourner. Brusquement, il était venu enfuir son visage dans la chevelure de la jeune femme, serrant davantage entre ses deux mains. « Je veux descendre ! » Inspirant le parfum délicat de la jeune femme à grande bouffée d’air, Colton était littéralement de marbre, refusant de bouger le moindre muscle. Il détestait ce moment agaçant où la roue se stoppait pour laisser profiter les gens de la vue qui leur était offerte. Certes, pour tous les couples d’amoureux c’était le moment crucial, pour lui, c’était juste son pire cauchemar. « Je déteste ! Pourquoi tu me fais ça ? POURQUOI ? » Pourquoi lui ? Pourquoi cette roue ? POURQUOI ? Il ne s’en rendait pas compte mais, doucement, calmé par le parfum sucré de la jeune fille, les palpitations de son cœur s’étaient apaisé et il était un chouya plus calme. Pourtant, il n’était toujours pas à l’aise et refusait obstinément de tourner la tête pour profiter de la vie. « Me lâche pas ! » tel un refrain de chanson trop souvent entendue, il répétait ces mots, inlassable.

Tessa ne prit pas en compte les supplications de Colton alors que ce dernier n'avait vraiment pas envie de grimper à ses côtés. Il croyait peut-être n'être qu'une mauviette, mais il n'aurait pas le choix de se montrer courageux en sa compagnie parce qu'elle n'avait pas l'intention de le laisser repartir. Elle n'avait certainement pas non plus l'intention de l'abandonner malgré son effarement, s'amusant bien plus à le regarder paniquer qu'à disparaître. Assise dans la nacelle, elle tentait de le calmer en le poussant à garder les yeux fermés, décidée à l'empêcher de vomir s'il avait réellement des nausées. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi il lui semblait si réticent puisque les attractions étaient justement faites pour effrayer un peu ceux qui osaient s'y risquer. Pourquoi était-il venu à la foire, sinon? Pour manger une pomme d'amour, non accompagné? Franchement, c'était pathétique ! Elle préférait de loin le forcer à la suivre plutôt que le laisser repartir chez lui puisqu'elle était sûre qu'il finirait par apprécier la beauté du paysage, l'ambiance de la foire ou même le vent sur ses joues généré par une descente un peu trop raide. Il suffisait qu'il le fasse une fois pour y prendre goût, c'était toujours comme ça! Pourtant, elle fut surprise de le voir complètement terrorisé lorsqu'il parvint enfin à ouvrir les yeux, alors qu'elle s'était tout de même attendue à ce qu'il écarquille les prunelles sous le spectacle qui s'offrait à lui. Même pas. « Je veux descendre ! » Levant les yeux au ciel en appuyant son dos contre son siège, elle caressa délicatement le bras de Colton avant d'hausser les épaules. « Tu peux toujours sauter, si ça te dit! » Son ami avait enfouit son visage dans ses cheveux et Tessa ne put s'empêcher de frissonner à son contact. Elle déposa un baiser sur sa nuque alors qu'elle entourait son corps de son bras. « Je déteste ! Pourquoi tu me fais ça ? POURQUOI ? » « Colton, bordel! Arrête de faire l'enfant ! Les nacelles sont bien attachées, y'a pas de risque! » Agacée et exaspérée face à l'attitude enfantine de son vis-à-vis, Tessa poussa un soupir en fermant elle aussi les paupières pendant un bref instant.

Lorsque la nacelle se mit à tanguer pour redescendre, Tessa allait délicatement relâcher sa prise sur Colton, mais ce dernier se mit à paniquer. « Me lâche pas ! » Un petit sourire amusé vint poindre sur les lèvres de la jeune femme alors qu'elle posait doucement ses mains sur les joues de Colton pour le repousser légèrement. « T'es mignon. Mais ça va, je te lâcherai pas, maintenant que je sais ce que tu veux! » Ses lèvres cherchèrent les siennes alors qu'elle le poussait contre son siège, l'une de ses mains glissant sur sa cuisse jusqu'à effleurer délicieusement l'entre-jambe de son partenaire d'attractions. Après un baiser qui ne dura que quelques secondes, Tessa reprit sa position initiale en riant, décidément ravie de l'expression de stupeur qu'elle venait de provoquer chez Colton. Au moins, il pourrait se vanter de l'avoir embrassée, s'il le voulait bien. Rares étaient ceux qui ne seraient pas ravis de pouvoir le faire! « Je sais pas si y'a moyen de te faire ressentir un truc ... Tu m'as pas dis, mais ... t'es asexué en fait, c'est ça? » rit-elle en tournant la tête vers lui, ses cheveux blonds voletant légèrement derrière elle, une mèche de cheveux venant agréablement chatouiller sa joue. Ses doigts n'avaient pas quitté cet endroit si stratégique censé lui procurer quelques frissons de plaisir et ses prunelles s'étaient posées au creux des siennes en un défi silencieux. Avec une légère pression, elle avait soudain cessé tout mouvement lorsque la nacelle s'était retrouvée au plus bas et entamait une nouvelle remontée, ne serait-ce que pour relever avec grâce la main en souriant de manière à saluer ceux restés en bas. Attrapant la main de Colton en la soulevant juste un peu, elle vint murmurer à son oreille quelques mots censés le remettre sur pieds. Ou pas. « Faut dire bonjour et montrer que tu t'amuses! » Son regard tentait de s'accrocher à celui de Colton, mais elle n'était pas sans savoir que son ami finirait bien vite par la détester pour cet acte délibérément malsain. Elle ne savait même pas ce qui l'avait poussée à s'y conformer, comme si ça avait toujours été prévu comme ça.

« Tu peux toujours sauter, si ça te dit! » Alors qu’il enfouissait son visage dans la chevelure brune de la demoiselle, Colton ne put s’empêcher de trouver cette idée alléchante. Et s’il sautait ? Maintenant, tout de suite, sans attendre une seconde… Ne serait-ce pas une mort des plus marquantes ? Au moins, pour une fois dans sa vie, il marquerait les esprits. Même s’il devait se montrer non conséquent et plutôt ridicule pour cela. L’idée s’immisça si bien dans son esprit qu’il se promit d’y réfléchir plus tard. Quand le moment serait véritablement venu. Peut-être que sauter du haut de la grande roue n’était pas le meilleur des suicides, alors, il faudrait qu’il trouve autre chose… Mais il trouverait et lorsqu’il se serait fixé sur son choix, peut-être qu’il n’hésiterait pas. Il était certain qu’il n’avait jamais eu le courage des guerriers et qu’il lui faudrait beaucoup de détermination pour y parvenir mais… le désespoir était son meilleur ami là où Angus le délaissait tristement. Il chercha toutefois à chasser ses idées noires avant de crier son désarroi évident face à ce manège qu’il haïssait plus que tout en cet instant. Certes, c’était une peur ridicule. Bien sûr, il avait l’air d’un pauvre gamin mais… et alors ? « Colton, bordel! Arrête de faire l'enfant ! Les nacelles sont bien attachées, y'a pas de risque! » Elle ne comprenait décidemment pas ce qui pouvait lui malmener le cœur et l’esprit. Elle pensait que sa peur n’était qu’un vague doute concernant la solidité de l’attraction ? Mais non, ce n’était pas ça. C’était la peur du vide, cette peur indécente de pouvoir tomber de haut et de se fracasser les os. Ou pire, cette peur de tomber de haut une fois qu’il se serait construit un château dans les nuages. La peur de Colton était bien plus imagé que réaliste et aucun mot ne pouvait suffire pour expliquer tout ce qu’il ressentait. Inutile, de toute façon, elle trouverait ça encore plus pathétique que le vertige à proprement parler.

Alors que la nacelle tanguait dangereusement pour regagner la terre ferme, Colton s’agita de plus belle, encore plus impressionné par ce balancement agaçant. Évidemment, comme il l’avait vu venir, cela amusait sa compagne qui lui offrit un beau sourire amusé tout en lui attrapant le visage de ses mains fines et délicates. « T'es mignon. Mais ça va, je te lâcherai pas, maintenant que je sais ce que tu veux! » Surpris, Colton eut à peine le temps de froncer les sourcils, crédule, alors qu’il vit le visage de la jeune fille s’approcher doucement du sien. Calé au fond de son siège, il ne fit que ciller au moment précis où leurs lèvres se scellèrent en une sorte de baiser forcé qu’il aurait tant aimé rejeté. Une main aventureuse glissa la long de sa cuisse et vint arrêter sa course sur la virilité du jeune homme qui, yeux grands ouverts, resta étrangement de marbre. Incapable d’exercer le moindre mouvement. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Tessa se laissa alors retomber de son côté du siège, riant alors que Colton adaptait un masque facial de stupeur effroyable. « Je sais pas si y'a moyen de te faire ressentir un truc ... Tu m'as pas dis, mais ... t'es asexué en fait, c'est ça? » Totalement interdit, Colton ne bronchait pas. Paralysé par cette main posée sur la partie de son anatomie qu’il contrôlait le moins. Aussi absurde que cela pouvait paraître, il se sentait salît et blessé dans son amour propre. Ses lèvres qu’il n’avait posé que sur celle de son autre, ses lèvres qu’il n’avait offertes à personne pendant vingt-deux ans d’existence, ses lèvres qu’il réservait à un être tout particulier… Et puis cette intimité qu’il refusait d’émouvoir, qu’il avait eu envie de mettre sous clé pour ne pas devoir y faire face. Cette virilité qu’un seul être aurait pu réveiller et qui, aux yeux de n’importe qui, semblait définitivement morte. Oui, on pouvait presque dire qu’il était asexué. Son regard plongé dans celui de la jeune femme était froid et totalement éteint. D’une voix calme et tremblante, il chercha les mots les plus claires qu’il avait en tête. « Ne me touche pas. Plus jamais. Ressentir un truc, comme tu dis si bien, c’est pas dans mes cordes. Et c’est encore moins entre tes mains que ça arrivera. Tu gardes tes mains pour toi et je garde mes lèvres pour moi. C’est clair ? » Alors que le plaisir de retrouver la terre ferme le gagnait, la roue se remit en marche et se dirigea vers les cieux. « Faut dire bonjour et montrer que tu t'amuses! » avait-elle alors glissé à son oreille alors qu’elle avait attrapé sa main pour l’agiter. Refroidit par ce manque de tact évident de la part de Tessa et par sa peur qu’il avait finalement réussi à relayer au second plan, Colton tourna les yeux vers elle alors qu’il récupéra sa main avec brutalité et complètement désespéré il lâcha : « Mais bordel qu’est-ce que tu ne comprends pas dans les termes : ne me touche pas ? » Ses yeux brillèrent soudain d’une lueur intense de peine. Oui, il avait tout gâché. Il l’avait trahi. Malgré lui. Malgré tout. Une larme s’écoula sur sa joue alors que, rageusement, il l’essuya d’un revers du poignet il soupira perdu. « J’en ai marre de n’être qu’un pantin qu’on se passe de main en main. Putain de merde, regarde-moi, je suis quoi hein ? PATHETIQUE. Vous me rendez tous tellement pathétique ! Mais qu’est-ce que je fous là, hein ? » Blasé, il détourna le regard, serrant étroitement ses bras autour de sa poitrine qui se soulevait au rythme de sa respiration mal menée.

« Ne me touche pas. Plus jamais. Ressentir un truc, comme tu dis si bien, c’est pas dans mes cordes. Et c’est encore moins entre tes mains que ça arrivera. Tu gardes tes mains pour toi et je garde mes lèvres pour moi. C’est clair ? » « Je peux toujours utiliser mes lèvres et toi tes mains, dans ce cas! » ajouta-t-elle, hilare, alors qu'elle ne parvenait pas à comprendre la réaction de Colton. Qu'est-ce qui lui prenait, franchement? Gay ou pas, asexué ou pas, ce n'était pas un geste qu'un garçon ordinaire pouvait se permettre de refuser, non? D'autant plus qu'ils étaient rares, ceux qui n'appréciaient pas qu'on touche sans demander. Incapable de savoir si ses paroles provoquaient un tel énervement de la part de son vis-à-vis, elle poussa un soupir, décidée à tenter de se faire pardonner, mais incertaine quant-à la manière dont elle devait s'y prendre. Tessa n'avait jamais été douée pour les excuses puisque ce n'était jamais elle qui les donnait; elle attendait que les autres le fassent en premier. « Oh, putain, relaxe, c'était une blague. Oui, je sais, tu vas me dire: une blague pas drôle. Mais j'en ai rien à faire. » Vexée de le savoir si peu réceptif à ses caresses alors qu'elle avait cru pouvoir s'amuser un peu, elle se renfrogna, mais n'eut qu'à apercevoir la foule qui attendait son tour en bas pour mimer la satisfaction et le plaisir, ce qui ne sembla pas, comme toujours, plaire à Colton. « Mais bordel qu’est-ce que tu ne comprends pas dans les termes : ne me touche pas ? » « Oh, ça va, rabat-joie! » Pourtant, les larmes qu'elle voyait presque perler au coin des yeux de Colton, ou qu'elle imaginait peut-être à cause de son regard de chien battu, la firent roncer les sourcils et soupirer alors que son incapacité à réconforter les gens n'avait d'égale que son incapacité à demander pardon. Franchement, elle ne voyait pas ce qui pouvait bien clocher chez lui, il ne s'amusait donc jamais? Bon, d'accord, elle l'avait peut-être traîné de force dans la grande roue, mais ce n'était pas une raison pour agir comme un enfant de cinq ans ! Il était un homme maintenant - et elle n'avait eu qu'à toucher pour s'en assurer ! - elle ne voyait pas ce qui avait bien pu lui déplaire. Et le voilà qui se mettait à pleurer. Immobile en faisant mine de ne pas l'avoir remarqué, elle baissa les yeux de l'autre côté de son siège afin d'observer faussement le paysage qui s'étendait sous elle.

« J’en ai marre de n’être qu’un pantin qu’on se passe de main en main. Putain de merde, regarde-moi, je suis quoi hein ? PATHETIQUE. Vous me rendez tous tellement pathétique ! Mais qu’est-ce que je fous là, hein ? » « C'est toujours la faute des autres, c'est ça? Ça te plaît d'être pathétique ou quoi? Non, mais je te demande parce qu'une mauviette pathétique, ce serait la grande classe! » Elle avait tourné le regard vers lui suffisamment tôt pour le voir serrer ses bras étroitement autour de son corps, comme un enfant effrayé ou malmené. Mais quel âge avait-il, bon sang? Il était terrorisé par une main un peu baladeuse ou par un baiser un peu trop entreprenant? Il y avait longtemps que Tessa n'était plus traumatisée par ce genre de choses et c'était bien ce dont il avait l'air, traumatisé. Découragée de le savoir aussi frigide alors que l'un de ses amis se serait certainement porté volontaire pour lui rendre la fougue de son baiser au sommet de la grande roue, elle se mordit la lèvre pour ne pas le lui dire clairement et en pleine face. Non. Elle devait se calmer et surtout: calmer le jeu. Elle n'avait pas envie de se mettre Colton à dos et elle préférait rester en bons termes avec lui plutôt que de se disputer. « Écoute ... Si jamais y'a un truc dont tu veux parler ... Je ne peux pas me sauver, donc tu peux te lâcher. Si c'est ... la peur de ne pas être à la hauteur, saches que ça m'avait l'air bien, tout à l'heure! » Oh et puis merde! Au lieu d'essayer de regagner des points, elle risquait encore d'en perdre et elle ne pouvait décidément pas se le permettre si elle voulait rester dans le positif. Saloperie de frigidité, quand même! Elle avait déjà vu des filles prudes et sages, mais c'était de plus en plus rare. Autant dire que chez les hommes, c'était inexistant. Colton devait être un petit chenapan en fait et il cachait bien son jeu, c'était la seule chose crédible qu'elle ait pu inventer pour tenter d'expliquer son comportement et il ne devait pas s'aviser de la contredire s'il voulait garder un semblant de dignité. « Au moins, ça a le mérite de te faire penser à autre chose ! Tu regardes en bas, là, Colton ... » Assumant une vérité qu'il ne semblait pas avoir prise en compte, Tessa eut un petit sourire destiné à s'attirer la sympathie de Colton, un sourire qui mimait une excuse déguisée.

« Je peux toujours utiliser mes lèvres et toi tes mains, dans ce cas! » Alors que la demoiselle semblait ravie de sa plaisanterie, Colton se contenta de la fusiller du regard. Il ne comptait pas s’adonner à ce genre de chose avec elle et profiter de sa faiblesse évidente n’était pas la meilleure chose à faire. Déjà porté sur les nerfs à cause de la hauteur, voilà qu’en plus il fallait qu’elle palpe les parties inviolables, non, pas question. À la fois blessé dans son propre égo et blasé par cette facilité que les gens avaient de lui ruiner le moral, il se contenta de chercher à oublier. Mais comment le pouvait-il ? Il avait encore cette sensation dérangeante de sentir la chaleur de sa main sur ses parties intimes, il avait encore l’impression que ses lèvres brûlaient les siennes. Si tout cela était un jeu pour elle, il n’en était pas de même pour lui. Colt s’était toujours méfié de Tessa et s’il n’avait jusqu’ici rien eu à lui reprocher, elle venait littéralement de franchir la barrière de non retour. Il serait très certainement incapable de lui pardonne ces gestes. Ou, du moins, il lui faudrait un petit temps d’adaptation avant de voir les choses d’une manière plus sereine. « Oh, putain, relaxe, c'était une blague. Oui, je sais, tu vas me dire: une blague pas drôle. Mais j'en ai rien à faire. » Et bien ces blagues n’étaient tout simplement pas au goût du jeune homme. Qu’est-ce qu’il y avait de drôle à vouloir l’exciter sur une nacelle paumé au milieu des cieux ? Il avait beau y réfléchir, il ne trouva aucune réponse digne de logique, aussi laissa-t-il tomber. « Laisse tomber. » marmonna-t-il entre ses dents, plus pour lui-même que pour elle, d’ailleurs. Il n’avait plus vraiment envie de parler de ça alors que de stupides larmes menaçaient d’abîmer ses traits déjà fortement tirés.

« C'est toujours la faute des autres, c'est ça? Ça te plaît d'être pathétique ou quoi? Non, mais je te demande parce qu'une mauviette pathétique, ce serait la grande classe! » Et bien, oui, très exactement ! C’était la faute des autres s’il était devenu ce qu’il était. Il n’avait pas demandé à se faire abîmé de la sorte, à la naissance. Il aurait adoré être différent. Un peu comme Tessa, une vraie garce mais qui, au moins, ne se prenait que rarement la tête pour des broutilles. Si ça lui plaisait d’être pathétique ? Certainement pas, non. Mais il n’avait pas la moindre idée pour changer cela. Il s’était si bien coulé dans son moule qu’il était presque impossible de l’en déloger. Voilà qu’il était dit, en tout cas, il était une mauviette pathétique et il avait la grande classe. Que tout le monde acclame sa grandeur Colton, sacré meilleur marionnette de l’année. Mieux qu’une Barbie ou un Action Man, il avait les émotions en plus ! Soupirant, il se renfermait chaque secondes un peu plus, enlaçant étroitement son corps de ses bras. « Écoute ... Si jamais y'a un truc dont tu veux parler ... Je ne peux pas me sauver, donc tu peux te lâcher. Si c'est ... la peur de ne pas être à la hauteur, saches que ça m'avait l'air bien, tout à l'heure! » Mais, bon sang, le faisait-elle exprès à la longue ? Une larme s’écoula lentement sur sa joue alors qu’il la maudissait intérieurement pour ce tour horrible qu’elle lui faisait endurer. Il n’avait pas envie de répondre à quoi que ce soit qui venait d’elle. Se terrant dans un mutisme sans fin, il ne daignait même pas porter son regard sur elle. Observant la foule tout en bas, il rêvait d’être là-bas à leur côté, sauvé de cette tigresse aux ongles manucurés. « Au moins, ça a le mérite de te faire penser à autre chose ! Tu regardes en bas, là, Colton ... » Il avait détourné le regard juste à temps pour voir le petit sourire qu’elle lui offrit. S’il s’agissait là d’une manière de s’excuser, Colton ne la vit pas et se renferma de plus belle. Silencieux, il constata qu’elle n’avait pas tort. Il regardait en bas, il ne lui fallut qu’un quart de secondes pour réaliser et une demi pour paniquer de nouveau. Sa respiration s’accéléra rapidement alors qu’il attrapa la main de Tessa pour la serrer entre les siennes. Fermant les yeux, il respira profondément afin de retrouver le calme si vite perdu. Et ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’il y parvient. Rouvrant les yeux, il constata à regret le geste stupide qu’il avait eu en lui agrippant la main. La relâchant sans délicatesse, il tourna à nouveau le regard et refit comme si de rien n’était. Pourtant, ses pensées étaient bien trop malmenées pour qu’il se taise. « Tu crois que j’ai envie de te dire quoi que ce soit alors que tu te sers de moi ? Si t’es en manque, ma jolie, trouve-toi un gigolo ou un petit con suffisamment aveugle pour ne pas voir à quel point tu es détestable. » Le ton de sa voix démontrait un certain calme alors que c’était tout un volcan qui sommeillait en lui. Il était bien sourire conscient d’aller loin et d’être même véritablement méchant mais… pour tout ce qu’elle devait faire subir aux autres, elle ne devait certainement pas l’avoir volé ! Toutefois, il fut forcé de s’admettre qu’elle avait toujours été incroyablement délicate avec lui et que donc, elle ne méritait pas autant de reproche. Tournant la tête pour finalement déposer ses prunelles dans les siennes, il susurra timidement : « Désolé. C’est pas ce que je voulais dire… » Et au fond, c’était bien vrai. Avait-il pensé ce qu’il avait dit ? Oui, sans aucun doute. Mais il n’avait pas le droit de le dire d’une manière aussi éhontée. Et dans un geste qui se voulait être un pacte de paix, il s’approcha doucement d’elle, laissant ses yeux dérivés sur ses lèvres alors qu’il souffla quelques paroles sarcastiques. « Promets-moi de ne pas tomber amoureuse de moi. » Et il vint, délicatement et avec douceur, déposer ses lèvres sur celle de la jeune femme. Son baiser s’éterniser un peu plus que celui qu’elle avait pu lui offrir mais il s’écarta bien rapidement, détournant à nouveau le regard, honteux de s’être fait prendre au piège et de jouer dans son jeu malgré lui.

Apparemment, Colton ne la détestait pas tant que ça puisqu'il s'était jeté sur sa main dès lors qu'elle lui avait fait remarquer, en toute innocence, qu'il avait les yeux rivés sur les petites personnes, tout en bas, qui attendaient leur tour ou qui profitaient du soleil. Surprise, ses doigts serrèrent doucement les siens alors que Tessa était tout ce qu'il y avait de plus détendue. Colton venait de la relâcher et elle poussa un soupir inaudible, comme désespérée par le comportement du jeune homme. N'aimait-il pas les contacts physiques à ce point-là? Tessa était peut-être une garce, mais ce n'était pas vraiment dans son genre d'aller contre la volonté et les valeurs des autres. Elle pouvait tenter de manipuler pour obtenir ce qu'elle voulait - et souvent, ça marchait! - mais elle n'était pas non plus une violeuse. « Tu crois que j’ai envie de te dire quoi que ce soit alors que tu te sers de moi ? Si t’es en manque, ma jolie, trouve-toi un gigolo ou un petit con suffisamment aveugle pour ne pas voir à quel point tu es détestable. » Surprise par le ton avec lequel il s'adressait à elle, elle n'en fut que plus vexée et ne prit pas la peine d'essayer de démentir les propos qui la qualifiaient apparemment à ses yeux. « J'y travaille. » Ça ne servait à rien de tenter de ramasser les pots cassés puisque Tessa savait mériter ce qu'il venait de lui balancer à la gueule. Pourtant, les critiques et les reproches ne lui faisaient pas peur, habituellement, puisqu'elle savait ne prendre que ce qui l'intéressait - le meilleur, cela dit - et rejeter ce qui ne lui plaisait pas, mais cette fois, elle avait la désagréable impression de le prendre un peu trop à coeur, comme si la voix de Colton comptait pour deux. Détestable... Sans doute l'était-elle un peu, après tout, mais ce n'était sans doute pas le qualificatif qu'elle aurait choisit pour se désigner en premier lieu. Garce. Bitch. Égocentrique. Égoïste. Mais détestable? Elle plissa le nez, visiblement choquée du terme et soutint néanmoins le regard de Colton.

« Désolé. C’est pas ce que je voulais dire… » Elle haussa les épaules comme si elle en avait strictement rien à foutre, mais conserva ses prunelles au creux des siennes afin de ne pas être celle qui abandonnerait en premier. « Promets-moi de ne pas tomber amoureuse de moi. » Prête à s'esclaffer devant l'ironie de cette phrase, elle accueillit néanmoins les lèvres de Colton sur les siennes avec délice, alors qu'elle ne l'aurait pas cru suffisamment décoincé pour oser faire le premier pas, surtout pas après ce qu'il venait tout juste de lui dire. Posant sa main avec délicatesse et fougue à la fois sur la nuque de Colton, elle l'attira contre lui alors que la grande roue atteignait de nouveau le sommet, ne relâchant son étreinte que lorsqu'elle sentit qu'il s'éloignait. Les lèvres agréablement rosies et les pupilles pétillantes d'une nouvelle joie, Tessa se mordit la lèvre alors qu'elle caressait du bout du doigt l'épaule de son partenaire. « Je ne tombe jamais amoureuse. » avoua-t-elle avec malice avant d'attraper son visage de manière à le tourner de nouveau vers elle. Sans gêne, leurs lèvres s'unirent de nouveau sous l'assaut de la brune, sa langue forçant le passage pour rejoindre celle de Colton en une danse effrénée et sensuelle. Mordillant délicatement la lèvre inférieure du jeune homme, elle ne défit leur étreinte que lorsqu'elle fut à deux doigts de manquer d'air, se rendant compte du même coup que la nacelle s'était arrêtée et que le forain gravissait les marches pour venir les en déloger. Jouant le jeu jusqu'au bout en attrapant la main de Colton, Tessa le tira avec elle, ses cheveux voletant au vent alors que son rire s'évanouissait derrière elle. Sûre d'elle, amusée et le coeur battant à tout rompre alors qu'elle n'avait pas vraiment eu le temps de reprendre son souffle, elle passa devant la file des gens qui attendaient et s'arrêta finalement, la main de Colton toujours au creux de la sienne, devant un stand de tir. En fait, il suffisait aux participant de faire éclater des ballons, accrochés au mur devant eux. Tessa déposa dans la main de la personne chargée du kiosque la somme demandée pour les trois essais réglementaires et se tourna vers son partenaire de fête foraine en l'attirant contre elle. « T'as dis que tu passerais la soirée avec moi et que t'avais rien de mieux à faire, c'est ça? » Dénichant l'une des fléchettes en arquant un sourcil intéressé, elle le lança sur les ballons, mais ne parvint pas à faire éclater le rouge qu'elle avait visé. « Et bien c'est à ton tour ! » Elle déposa la seconde fléchette dans sa paume en s'éloignant légèrement pour lui laisser suffisamment d'espace pour le tir.

Plus il cherchait à comprendre son geste et ses paroles, moins il parvenait à en saisir leur sens. Quelques minutes auparavant, il avait laissé une larme ruisseler le long de sa joue parce qu’il s’était sentit quelque peu souillé et qu’il avait eu l’impression de trahir son bien aimé et voilà qu’il se jetait, au sens propre du terme, dans la gueule du loup. Décidément, la fête foraine n’avait pas que des effets négatifs sur sa personne. Il semblerait que l’enfant en lui s’abandonne à quelques plaisirs malins bien que trop compliqués pour lui. Pourtant, lorsqu’il avait déposé ses lèvres sur celle de Tessa et qu’elle avait glissé une main dans sa nuque pour les unir davantage, il n’avait pas reculé comme il aurait pu le faire en temps normal. Il avait accueillit ce baiser comme… une marque d’affection amicale ? S’il devrait le qualifié plus tard, c’est probablement ce qu’il dirait, cependant il n’était pas certain qu’il s’agisse vraiment de cela. Il s’était alors écarté et avait légèrement détourné le regard, intimidé par les gestes qu’il avait pourtant lui-même posé. Il sentit les doigts de son amie glisser le long de son épaule, un frisson le parcouru. « Je ne tombe jamais amoureuse. » « C’est ce qu’elles disent toutes… » Et contre toute attente, il ne résista pas lorsqu’elle s’empara de son visage pour unir à nouveau leurs lèvres. Si toutefois il ne s’était pas attendu à sentir sa langue caresser la sienne, il ne s’en formalisa pas et pris plaisir à goûter à ces nouveaux délices. Il avait parfois du mal à accepter ce genre de démonstration d’affection mais il se voyait très mal repousser la jeune femme alors qu’il avait lui-même relancé le jeu. Et puis, peut-être qu’il ressortirait cette information en temps voulu et peut-être que cela serait une défense contre Angus. Pour une fois dans sa vie, Colton Aames ne s’était pas montré coincé et avait apprécié la valse langoureuse de deux langues en pleine chorégraphie. Le baiser s’interrompit au moment exact où la nacelle s’était arrêtée. Colton attendit sagement que le forain vienne enfin le libérer de cet horrible cauchemar et fut soulagé de toucher le sol de ses pieds. Soudain apaisé et décontracté, Colton se laissa agripper la main et suivit Tessa dans sa course folle. Dans son optique actuelle des choses, elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait de lui, il n’était pas loin de lui offrir le monde sans confession.

Elle s’arrêta alors devant un stand de tir et Colton ne put s’empêcher de faire la moue en voyant qu’elle venait de s’offrir trois fléchettes. Il espéra intérieurement qu’elle ne lui demande pas de gagner quoi que ce soit, sinon, il se taperait probablement la honte de sa vie. Il n’avait jamais été du genre très habile de ses mains et il était tout sauf bon viseur. Autant dire que ses chances de victoire étaient vraiment minces. « T'as dis que tu passerais la soirée avec moi et que t'avais rien de mieux à faire, c'est ça? » Un petit sourire taquin traversa le visage du jeune homme alors qu’il rectifia ce qu’elle venait d’affirmer. « Je n’ai pas dit que je n’avais rien de mieux à faire. Il y a toujours mieux à faire que de trainer avec Tessa Abrams. » Peut-être qu’il s’était énervé trop vite et qu’il le regrettait. Voilà sans doute pourquoi essayait-il de détendre l’atmosphère comme il put. Il observa la jolie brune se mettre en position et plissant les yeux, il admira le geste avec beaucoup d’attention. Il laissa échapper un rire enfantin en voyant que la fléchette n’avait pas atteint sa cible. « T’es trop nulle ! » « Et bien c'est à ton tour ! » Et voilà qui lui apprendrait à jouer au plus malin. Sa fléchette dans la main, il posa son regard dans celui de Tessa, gêné de devoir avoué sa nullité évidente dans tous les domaines, il se racla la gorge et rompit l’espace qu’elle avait creusé entre eux. Glissa sa bouche à l’oreille de la jeune fille, il souffla : « Euh… tu ne préfères pas le faire ? Parce qu’une fille qui ne sait pas viser, c’est normal. Mais alors un type qui vise de traves, c’est la honte ! Je voudrais ne pas te mettre dans l’embarras, tu vois ? » S’écartant légèrement, il prit sa main entre les siennes et y déposa la fléchette avant de la refermer. Toutefois, il ne relâcha pas son étreinte et laissa son regard coulé dans celui de la demoiselle. Il ne s’était jamais vraiment rendu compte qu’elle était jolie et qu’elle pouvait être sympathique. Les filles, c’était vraiment bizarre. « Pourquoi tu fais ça ? Je veux dire… la fille que rien ne peut atteindre ? Pourquoi ? » La question l’intriguait vraiment. Plus que ce maudit stand de tirs où il aurait l’air ridicule si elle insistait pour le voir lancer au moins l’une de ses armes.

« Je n’ai pas dit que je n’avais rien de mieux à faire. Il y a toujours mieux à faire que de trainer avec Tessa Abrams. » Amusée alors qu'elle arquait un sourcil appréciateur, elle n'avait pas l'intention de laisser passer cette provocation sans réagir, bien qu'elle sache pertinemment qu'il n'avait pas vraiment tort. Quand on traînait avec elle, on s'assurait d'être au top, pendant quelques mois, mais également de retomber de haut lorsqu'elle aurait décidé que le temps était venu pour elle de passer à autre chose. Elle pouvait vous lâcher sans scrupule, haussant simplement les épaules avant de tourner les talons pour de bon. Nombre de ceux qui avaient espéré la fréquenter s'y étaient brûlé les ailes alors qu'ils avaient néanmoins cru qu'elle aurait une once de remords en les envoyant pompeusement balader, mais non. Jamais elle ne s'abaisserait à admettre qu'elle ait eu tort. Jamais. « Et j'imagine que c'est pour ça que t'es venu manger une pomme d'amour, tout seul? » fit-elle avec un petit sourire en coin, glissant une main compatissante sur l'épaule de Colton. Elle ne pouvait pas vraiment se montrer compréhensive lors de ce genre de situations puisqu'elle ne comprenait même pas ce qu'il pouvait ressentir. Il ignorait ce qui se passait dans la tête de Colton et elle ignorait également celle ou celui pour lequel il se renfrognait ainsi. Elle était prête à parier qu'il y avait quelque chose de plus fort qu'une simple amitié entre son ami et le colocataire de ce dernier, mais elle n'avait jamais ressenti une telle chose. Le désir. L'envie. Ça oui ! Mais l'amour? Jamais. Ou du moins, elle avait cru bon de refermer son coeur et de ne pas laisser ce sentiment la submerger. Sans doute aimait-elle Clyde - ou peut-être même Simon - mais ce n'était pas du tout la même chose. Déstabilisée, elle s'assurait de garder une certaine distance mentale avec eux, ne serait-ce que pour ne pas souffrir de l'une de leur perte et c'est précisément ce qu'elle faisait avec tout le monde, tout le temps.

« Euh… tu ne préfères pas le faire ? Parce qu’une fille qui ne sait pas viser, c’est normal. Mais alors un type qui vise de travers, c’est la honte ! Je voudrais ne pas te mettre dans l’embarras, tu vois ? » « Et la prochaine fois que je viserai un mec avec un revolver, j'attraperai les couilles au lieu du coeur, c'est ça? » La proximité de Colton la fit frissonner légèrement alors qu'elle penchait la tête de côté en tentant d'analyser la situation et les ballons toujours en place, un petit sourire aux lèvres. Elle ne fit rien pour le repousser lorsqu'il glissa dans sa main la fléchette pour laquelle elle avait payé et se contenta de plonger son regard dans le sien lorsque la main de Colton se referma sur la sienne. Comme toujours, il lui sembla soudainement être prisonnière des prunelles du jeune homme et releva la tête pour lui voler un rapide baiser avant de se détacher de lui, les yeux de nouveau rivés sur le stand. « Pourquoi tu fais ça ? Je veux dire… la fille que rien ne peut atteindre ? Pourquoi ? » Reportant son attention sur lui, silencieuse, elle prit un moment de réflexion pendant lequel elle décida de lancer la fléchette sur le mur du stand, réussissant de ce fait à faire éclater un ballon bleu. Ravie et fière de son coup, elle revint finalement se glisser dans les bras de Colton, ses mains se posant sur la taille de ce dernier en le caressant doucement. « Parce que je t'aime bien. Je m'ennuyais avec eux. » fit-elle, malicieuse, alors qu'elle approchait de nouveau ses lèvres de son oreille en osant un baiser délicat. « En vrai, c'est un secret, mais ... Le rollercoaster me fout la trouille. » Aucunement honteuse d'avouer une telle chose puisqu'elle était presque sûre qu'il ne la croirait pas, elle se mit à rire avant d'attraper sa main et d'y glisser la dernière fléchette, comme il l'avait fait avec elle. Lui massant le dos avec fougue comme l'aurait fait un entraîneur de boxe sur son participant relativement en bonne position pour remporter le tournoi, elle s'assura de le faire frissonner en frôlant le bas de sa nuque, se postant juste derrière lui. « C'est facile, tu vas voir. Tu peux garder le bras bien mou. Contrairement à autre chose, c'est même encouragé. » fit-elle en riant, amusée de sa propre provocation.

« Et j'imagine que c'est pour ça que t'es venu manger une pomme d'amour, tout seul? » Colton ne réagit pas à cette main qui se posait sur son épaule et à cette provocation verbale qu’il avait méritée. Alors qu’il essaye de passer à autre chose, cette phrase résonnait immanquablement dans son esprit. Lui rappelant qu’il était venu ici seul et qu’il repartirait seul. Que sa vie était un long moment de solitude et qu’il devrait en fait remercier Tessa de combler ce qui lui semblait être une interminable soirée. Certes, elle n’agissait pas avec lui d’une manière tout à fait respectueuse et amicale, mais au moins elle, elle ne le dédaignait pas. Contrairement à celui qu’il aime et celui qui bâtissait son univers. Angus avait toujours tout représenté et pourtant, il ne s’était jamais montré autant intéressé que Tessa. Bien sûr, son comportement le gênait. Il n’était pas véritablement à l’aise avec les contacts physiques en tout genre, mais à force de trainer avec elle, peut-être qu’il s’y ferait rapidement. Et peut-être qu’elle lui donnerait goût à tout cela, qui sait ? « On fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut ! » avait-il alors lâché, un sourire contrit aux lèvres. Jamais une phrase ne lui avait parue plus fataliste que celle qui venait de prononce et jamais il ne s’était montré plus sincère. Il avait rarement eu ce qu’il voulait, en règle générale, il se contentait de ce qu’on lui donnait. C’est-à-dire peu de choses. Et il s’en était très bien accommodé. Sauf que, voilà, il avait peur qu’au contact de Tessa il finisse par vouloir réclamer trop de choses aux autres. Tout comme elle lui réclamait des choses qu’il ne pourrait probablement jamais lui donner… « Et puis, j’ai pas d’amis ! J’y peux rien si je ne me suis pas fait une place à coup de griffes manucurées. » A son tour de frapper. De rappeler que le peu de personnes qui pouvaient s’intéresser à elle n’était en fait que des peureux motivés par le manque de délicatesse de la jeune fille. Il doutait que cela l’atteigne mais, après tout, c’était donnant-donnant, elle l’avait mérité.

« Et la prochaine fois que je viserai un mec avec un revolver, j'attraperai les couilles au lieu du cœur, c'est ça? » Colton soupira face à cette remarque et mi-amusé, mi-agacé, il secoua la tête en signe de dénégation. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle reporte tout à cela ? N’y avait-il donc qu’une chose qui l’intéressait ? De toute façon, il était évident que viser les couilles plutôt que le cœur serait une punition bien plus affligeante pour la plupart de la gent masculine. Mais de là à le dire aussi ouvertement. Ses prunelles ne quittaient pas celle de la jeune fille alors qu’il haussait les épaules avec nonchalance. « Du moment que ce n’est pas moi que tu vises, tu fais ce que tu veux ! » Il avait toujours été un peu peureux et l’idée de se trouver face à une Tessa armée ne le charmait pas. Bien au contraire, on pouvait même dire que cela le terrorisait. Mais elle ne lui ferait probablement jamais ça et comme pour appuyer ses pensées, elle avait délicatement posé ses lèvres sur les siennes. Le baiser fut rapide mais Colton ne put s’empêcher de soupiré, troublé et fatigué. Il lui avait donné trop d’espoir avec son brin de bravoure et voilà qu’elle pensait sans doute avoir des droits sur lui et son corps. Sauf qu’il refusait obstinément de se voir palper, bécoter et choyer pour une fille dans son genre. Ou par une quelconque personne, à vrai dire. Non. Pourtant, il garda ce malaise pour lui. Observant la demoiselle s’éloigner pour éclater un ballon à l’aide d’une fléchette. Joueur, il applaudit et la félicita d’un lever de pouce ridicule. « Douée ! » Il fallait avouer que lui-même n’en n’aurait jamais été capable. Normal qu’il soit donc si étonné par cette réussite. Lorsqu’elle vint se serrer à nouveau contre lui, glissant ses mains à sa taille, Colton frissonna mais se garda bien de toute réaction. « Parce que je t'aime bien. Je m'ennuyais avec eux. » Un pâle sourire glissa sur le visage enfantin du garçon. Parce que lui n’était pas ennuyeux sans doute ? Sans doute bien plus que la plupart des amis de la jeune fille. Sans doute bien plus que n’importe qui. Oui, c’est vrai qu’il était joueur et pouvait se montrer d’une agréable compagnie mais… Sa vie le rendait si morne et sans vie que ces moments étaient devenus rares. Le baiser qu’elle déposa sous son oreille le fit légèrement frémir alors qu’il écouta avec attention l’aveu de la demoiselle. « En vrai, c'est un secret, mais ... Le rollercoaster me fout la trouille. » Désabusé, il roula des yeux et la repoussa légèrement avant de déclarer avec un dédain feint : « Euh… si je crois celle-là, tu m’en racontes une autre ? La seule chose dont tu dois avoir peur c’est… En fait, je n’en sais rien. De quoi avez-vous peur mademoiselle Abrams ? J’aimerais bien tester vos capacités à ce niveau. » ajoutant à cette réplique un haussement de sourcils amusé et taquin. Il aurait donné n’importe quoi pour trouver les failles de Tessa et il espérait pouvoir en jouer. Peut-être qu’en trouvait ses faiblesses, il comprendrait enfin qui elle était. Puisque jusqu’ici ça avait été totalement impossible pour lui. Elle lui glissa cependant la dernière flèche entre les mains et vint lui malaxer les épaules, afin de le motiver, sans doute. Se coulant derrière lui, elle parvint à lui faire avoir la chair de poule qui lui parcourra tout le corps et redressa quelques poils sur le haut de son crâne. « C'est facile, tu vas voir. Tu peux garder le bras bien mou. Contrairement à autre chose, c'est même encouragé. » Colton qui était près à jouer le jeu, se retourna et vint se plaquer très étroitement à elle. Fougueux, il lui attrapa l’arrière de la nuque et approcha ses lèvres très dangereusement des siennes avant de souffler : « Si tu parles encore une fois de mon entre-jambe, je te promets que je t’étrangle avec. Est-ce clair ? » Se rendant compte de l’horrible chose qu’il venait de dire, il se mit à rougir rapidement et relâcha prise, tournant le dos afin qu’elle ne voit pas qu’il avait été plus que ses propres limites. Gêné, il lança la fléchette en direction d’un ballon jaune et… ô surprise, il parvint en éclater un. Certes, ce n’était pas celui qu’il visait mais qui s’en souciait. Ravi, il leva les bras en signe de victoire avant de s’approcher à nouveau d’elle et d’oser un : « C’est qui le plus fort ?! » Et par pur réflexe, il glissa son bras autour de ses épaules. Hello Colton, mais qu’est-ce que tu fous ?

« Euh… si je crois celle-là, tu m’en racontes une autre ? La seule chose dont tu dois avoir peur c’est… En fait, je n’en sais rien. De quoi avez-vous peur mademoiselle Abrams ? J’aimerais bien tester vos capacités à ce niveau. » Et voilà. Il ne l'avait pas crue. En même temps, Tessa devait avouer que ça l'arrangeait assez bien puisqu'elle n'était pas vraiment certaine d'être prête à lui avouer un truc dans le genre. Elle le lui avait confirmé sur le ton de la blague et s'il croyait qu'elle venait de lui mentir, elle n'allait certainement pas dire le contraire. Pourtant troublée par la question de Colton, elle resta silencieuse un moment, partagée entre l'envie de lui dire la vérité et celle, beaucoup plus réaliste et posée, de lui dire qu'il avait raison et qu'elle n'avait peur de rien. Optant finalement pour la solution la plus simple, elle haussa les épaules, laissant planer le doute. « Si tu penses que je vais te le dire! Tu vas mettre des araignées dans mon lit et des cafards dans mon placard, c'est ça? » fit-elle en riant alors que les insectes ne l'avaient jamais vraiment effrayée. Enfant, elle s'amusait à les capturer et à les observer à travers la vitre ou le plastique de son insectarium fait maison, ce qui l'avait davantage intéressée que terrorisée. Elle n'était pas sans savoir que Colton, comme bien d'autres avant lui, aurait aimé découvrir ce qui se cachait sous ses airs de petite garce endimanchée, mais il devrait faire l'effort de tout découvrir par lui-même si c'était réellement ce qu'il voulait. Elle n'allait certainement pas lui donner et lui dire tout ce qu'il recherchait puisque ses secrets étaient relativement bien gardés et qu'elle préférait que ça reste comme ça.

Abasourdie lorsqu'elle le vit se retourner vers elle, elle crut presque qu'il allait l'embrasser et se mordit la lèvre sous l'excitation qui venait de s'emparer de la moindre fibre de son corps. « Si tu parles encore une fois de mon entre-jambe, je te promets que je t’étrangle avec. Est-ce clair ? » Ravie de voir qu'il avait sans doute pensé à la même chose qu'elle de par les rouguers qui venaient d’apparaître sur les joues de Colton, elle faillit pouffer de rire en imaginant ce que pouvait bien donner un étranglement de ce genre. Un sourcil haussé en guise d'étonnement et d'intérêt, elle allait s'abstenir de tout commentaire jusqu'à ce qu'il se retourne subitement afin de cacher sa timidité à sa vue, timidité qui se voyait à des kilomètres à la ronde, tout comme une verrue au beau milieu du front. « Je parie que t'as jamais eu l'occasion d'étrangler quelqu'un avec ... » Moqueuse, elle suivit des yeux la trajectoire de la fléchette et eut un sourire amusé lorsqu'il parvint à éclater l'un des ballons. De toute façon, si les enfants pouvaient le faire, il le pouvait aussi. « C’est qui le plus fort ?! » « Moi. » murmura-t-elle à son oreille alors qu'elle n'avait eu qu'à relever doucement la tête pour l'atteindre, Colton ayant glissé son bras autour de son épaule. La proximité aurait pu s'avérer dérangeante, mais au contraire, Tessa avait l'agréable impression d'apprécier ce moment passé en sa compagnie. « Tu sais qu'on pourrait passer des heures à essayer de gagner ne serait-ce que le plus petit des dragons. Emmène-moi quelque part. C'est toi qui décides! » Alors qu'elle l'avait forcé - et c'était le cas de le dire! - à grimper dans la grande roue, elle n'allait pas exclure la possibilité qu'il décide de l'entraîner vers le rollercoaster afin de s'assurer qu'elle ne mentait pas lorsqu'elle affirmait en avoir peur. Pourtant, elle n'avait pas l'intention de mettre des conditions puisqu'elle-même n'avait pas hésité à le pousser au creux de ses retranchements, alors qu'il lui avait bien spécifié qu'il n'aimait pas les attractions en hauteur. De toute façon, tout ce qui était bon pour les autres n'étaient pas bons pour Tessa et c'aurait été son genre de n'accepter de faire que ce qui l'intéressait malgré tout. « Alors ... T'habites avec Angus? Pourquoi il est pas venu avec toi? » demanda-t-elle sur le ton de la conversation, comme si de rien n'était. Elle ne voulait pas le provoquer et, curieuse, préférait de loin avoir la réponse à sa question plutôt que de le sentir se braquer.

« Si tu penses que je vais te le dire! Tu vas mettre des araignées dans mon lit et des cafards dans mon placard, c'est ça? » Colton eut un sourire de biais et un regard espiègle pour seule réponse. Il est vrai qu’il aurait adoré découvrir les faiblesses de Tessa, qu’il aurait aimé apercevoir une vraie lueur d’humanité en elle et qu’il aurait tout simplement parié sa chemise pour savoir. Mais il n’était pas vraiment le genre de type a tester les autres, dans le fond, il s’en moquait un peu qu’elle ait peur de telle ou telle chose. Ce qu’il voulait savoir, c’est si, oui ou non, elle était semblable à n’importe qui. Jusqu’ici, il l’avait toujours considérée différemment. À ses yeux, elle n’avait rien de toutes ces filles qu’il avait pu croiser au cours de son existence, elle semblait sourde à toute compassion et c’était bien cela qui l’intriguait. Maintenant, qu’elle ait peur d’une attraction ou non, et bien, c’était son problème pas le sien. Et au vue de ses propres peurs, non, il n’allait certainement pas s’amuser à cela. Il haussa soudain les épaules et avec une indifférence feinte, il laissa glissa son regard sur elle. Il l’examina de haut en bas, avec une lueur de dédain dans les prunelles. Puis, un léger sourire étira le coin de ses lèvres. « Tout ça parce que tu veux me mettre dans ton lit, avoue ! » Colton n’était pas véritablement à l’aise avec ce genre de discours mais puisque Tessa s’amusait si bien à toujours le lui rappeler, autant entrer dans son jeu. Bien que quelques rougeurs vinrent à nouveau empourprer ses joues. Comme si on parlait à un enfant d’une bêtise qu’il avait fait, comme celle d’uriner dans ses draps. Non, vraiment, il ne serait jamais un homme s’il continuait à se montrer aussi prude.

Mais encore une fois, il avait prouvé qu’il était bien incapable d’aborder un tel sujet sans en rougir et sans éprouver une certaine honte. Après tout, il n’y connaissait rien et la moindre chose qu’il pourrait dire à ce sujet pourrait très bien le faire passer pour le plus parfait des crétins. Non pas que cela avait une réel importance à ses yeux, il n’avait pas vraiment honte d’être ce qu’il était mais… Pour une fille comme Tessa, la virginité devait être une tare ! Comme elle aurait pris davantage d’amusement à ses dépends. Il la soupçonnait cependant d’avoir déjà compris, mais préféra se figurer que ce ne fut pas le cas. « Je parie que t'as jamais eu l'occasion d'étrangler quelqu'un avec ... » Colton secoua la tête comme pour chasser ses mots qui s’imprégnait dans son esprit. Et décontenancé, il se contenta de lancer sa fléchette, cherchant à tout prix à détourner l’attention de sa petite virilité mal mené par des propos des plus tendancieux. Et visiblement, cette gêne lui fut profitable car il avait réussi à éclater un ballon ! Satisfait et inconscient, il avait glissé son bras autour de Tessa avec une nonchalance qui l’étonna lui-même. De toute façon, si ce n’était pas lui, c’était elle qui aurait trouvé le moyen de les rapprocher. Du moins, c’est ce qu’il préféra se répétant tout en omettant le fait plausible qu’elle puisse avoir un effet attractif sur lui. « Tu sais qu'on pourrait passer des heures à essayer de gagner ne serait-ce que le plus petit des dragons. Emmène-moi quelque part. C'est toi qui décides! » Colton eu un sourire mais dans le fond, il n’avait plus qu’une envie : rentrer chez lui se terrer dans son lit. Non pas que la compagnie de Tessa lui soit insupportable mais il avait l’impression d’avoir déjà passé trop de "bon temps" non mérité et il préférait de loin retourner chez lui pour se morfondre. Mais il se voyait très mal abandonner la charmante demoiselle au beau milieu de la fête. D’autant plus qu’elle avait quitté ses amis pour lui ! Serrant les dents, il amorça la marche sans lui dire où il allait. « Ferme les yeux, ce sera une surprise. T’inquiète, je ne te lâcherai pas. Promis ! » Colton tenait toujours ses promesses, bien que parfois cela lui soit douloureux. Elle pouvait donc avoir une confiance aveugle en lui. Il ne l’emmènerait pas au bord d’un ravin pour l’y précipiter. À vrai dire, il ne savait pas du tout où l’emmener. Par surprise et pour se jouer d’elle, il aurait très bien pu l’emmener dans ce manège qu’elle avait prétendu craindre mais… Non. Si elle avait vraiment peur – bien qu’il n’en crut pas un mot – il ne voulait pas la forcé comme lui-même l’avait été. Il avait alors choisi, pour se moquer d’elle, le tunnel des amoureux. Quelle ironie n’est-ce pas ? Et alors qu’ils étaient pratiquement arrivés, il fallut qu’elle brise tout en une fraction de seconde.

« Alors ... T'habites avec Angus? Pourquoi il est pas venu avec toi? » Colton se raidit soudain face à cette question et rompit sa promesse très rapidement. Dégoûté au possible, il relâcha la jeune fille et s’écarta d’elle aussi loin et vite qu’il le put. Ses mains se mirent à trembler et sa mâchoire se contracta. Pourquoi fallait-il toujours qu’on lui rabâche les oreilles avec ce maudit Angus ? Sa souffrance n’était elle déjà pas suffisamment palpable pour que chacun prenne encore le soin de lui rappeler sans cesse ? « Mais qu’est-ce ça peut bien te foutre ? Quoi, il te branche lui aussi ? Si tu veux, je te donne son numéro de téléphone hein ! » Le ton de sa voix était cinglant alors qu’il refusait obstinément de se calmer. Mais de toute façon, elle avait franchit la barrière de non retour et là, elle avait tout perdu. Le regard froid de Colton glissa dans ses prunelles avec une indifférence évidente, il lâcha sobrement : « Je me casse, on s’est suffisamment amusé pour aujourd’hui. Et bonjour chez toi. » Écœuré, Colton tourna le dos et partit à rapide enjambé, ne souhaitant pas se voir rattrapé par cette fille aussi déstabilisante qu’insupportable.

« Tout ça parce que tu veux me mettre dans ton lit, avoue ! » « Ça me donnerait quoi? » demanda-t-elle en arquant un sourcil, visiblement sceptique à propos de l'intérêt qu'elle avait de se le faire. Non, mais elle aimait tout de même obtenir quelque chose en échange, peu importe ce que cela pouvait être d'ailleurs. Elle n'avait pas envie de lui laisser croire qu'elle pouvait être intéressée par sa personne davantage que ce qu'elle montrait ce jour-là, décidée à ne pas lui donner une bonne raison de se réjouir - et ce même si elle avait l'impression qu'il ne serait pas aussi heureux que les autres de l'apprendre. Préférant ainsi lui demander de la guider alors qu'elle n'avait pas l'intention de rester des heures devant ce kiosque de tir de fléchettes, elle resserra sa prise sur la taille de Colton. « Ferme les yeux, ce sera une surprise. T’inquiète, je ne te lâcherai pas. Promis ! » « Fais tout ce que tu veux! » proposa-t-elle en haussant les épaules, fermant les paupières sans réellement s'inquiéter. Ce n'était pas qu'elle lui faisait entièrement confiance - puisqu'elle n'excluait pas l'idée qu'il puisse lui faire un sale coup - mais Tessa n'avait quasiment peur de rien et raffolait des défis en tout genre. Ce n'était certainement pas le genre de choses qui allaient l'arrêter, mais ce fut la main de Colton quittant son corps qui lui fit prendre conscience que sa question, bien que posée sur le ton de la précédente conversation, avait sans doute été de trop. Presque ravie de voir qu'elle attisait une certaine colère chez le jeune homme, elle en vint à la conclusion qu'elle avait vu juste; il n'aimait pas les femmes et surtout, il aimait Angus. Le Angus qu'elle s'était amusée à draguer des jours et des jours plus tôt. L'attirance qu'il éprouvait pour Angus lui apparut comme une évidence alors qu'il venait de se trahir en réagissant aussi promptement. Tessa, les yeux désormais grand ouverts, fixait Colton, à une distance plus que respectable de sa personne.

« Mais qu’est-ce ça peut bien te foutre ? Quoi, il te branche lui aussi ? Si tu veux, je te donne son numéro de téléphone hein ! » « T'es vulgaire quand t'es amoureux! Et j'ai déjà son numéro de téléphone. » Ou pas. Cherchant simplement un moyen de lui faire payer sa connerie, elle arqua un sourcil pour dire genre: « T'as vu, j'ai pas besoin de ton aide et il baise comme un Dieu ton pote! » un petit sourire en coin. Néanmoins consciente d'aller trop loin, elle comprit au ton de sa voix qu'il n'avait pas apprécié sa remarque, mais à bien y penser, ça ne changeait pas grand chose à sa vie. Elle n'avait jamais eu à cacher une relation ou une attirance quelconque et elle ne voyait pas l'intérêt de le faire, non plus. « Je me casse, on s’est suffisamment amusé pour aujourd’hui. Et bonjour chez toi. » La jeune femme attendit, les sourcils froncés, qu'il se fut éloigné avant de croiser les bras, boudeuse. « C'est ça, casse-toi! T'as qu'à lui dire que tu l'aimes! Il va peut-être arrêter de coucher à droite et à gauche! » Virulente, elle tourna les talons afin de se diriger elle aussi vers la seconde sortie du site, n'ayant aucunement envie de le suivre à la trace. Les sourcils haussés en une moue relativement féroce, elle ne fit pas attention aux gens qu'elle bousculait sur son passage, lâchant des « Fais donc attention! » et des « Putain tu veux m'arracher le bras, ou quoi? » à ceux et celles qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin. Tant pis pour la fête foraine, elle reviendrait plus tard.