I'm tired of looking 'round rooms wonder what I gotta do.

Que faisais-je, à marcher dans les rues d’Arrowsic, les vêtements trempés par la pluie, le corps refroidi par le froid, et les membres endoloris ? Je n’en savais rien. Je ne savais pas ce que je faisais là, alors que j’aurais très bien pu rester dans mon lit à dormir tranquillement. Tout ce que je savais, c’est que ce soir-là, je n’avais ni envie de dormir, ni envie de rester chez moi seul. Tout ce que je voulais, c’était prendre l’air, et respirer. Il faisait nuit, et je ne distinguais pratiquement pas ce qui se tenait devant moi. J’aurais très bien pu me prendre un arbre dans la tête, mais heureusement, je connaissais assez bien Arrowsic pour me diriger lentement vers le trottoir, et non ailleurs. Je marchais, tel un vagabond, sans but, sans envie, sans pensées. Je marchais, tout simplement. La pluie battait sur mes épaules, et c’était comme si elle m’enfonçait peu à peu dans cette ville que je détestais tant. Et moi, je me laissais faire, comme un imbécile. Je laissais Arrowsic m’emprisonner, et m’empoisonner, jusqu’au dernier cheveu de mon corps. C’était une fatalité. Je n’avais pas d’autres explications. Et à force, j’avais fini par accepter. J’avais fini par accepter cette situation, bien qu’horripilante à mes yeux. Je détestais vivre ici. Je ne me sentais pas chez moi. Je n’étais pas à ma place. Mais, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, c’était comme si j’arrivais à y vivre. Comme si je commençais à m’y habituer et à apprécier ce cadre de vie. Cela me terrifiait et me fascinait à la fois. J’étais complètement perdu, oui, mais je devais faire avec. C’était comme ça.

Et puis, le choc. Je revins à la réalité, aussi vite que je m’étais égaré dans mes pensées. Un coup. Et pas un simple coup. Plutôt brusque. Assez pour me réveiller et me laisser un peu secoué. Et puis une voix se fit entendre. « Désolée, je ne voulais pas vous bousculer, j'espère ne pas vous avoir fait mal. » Une toute petite voix, certes, mais une voix quand même. Une voix de fille, plutôt juvénile. Je n’arrivais pas à distinguer son visage avec la pleine ombre et la pluie battante mais je pouvais très clairement dire que cette fille avait peut-être treize, quatorze, peut-être quinze ans. En tout cas, elle était jeune. Et elle était seule, ce qui était plutôt étrange pour une fille de son âge. D’ailleurs, je fus assez interpellé parce qu’elle me vouvoyait, ce qui était assez atypique, à vrai dire. Mais bon. Je lui répondis d’un ton assez effacé et négligé : « Non c’est bon. Il m’en faut plus que ça. » Un silence régna ensuite. Seul la pluie faisait office de son. Je n’avais pas grand-chose à lui dire, moi, mais pourtant elle ne bougea pas. Peut-être avait-elle besoin d’aide ? Que savais-je ? Sans savoir pourquoi, je lui demandai : « Tu viens d’arriver ? »