Sujet: CLIFF&TONIA ♦ the first time ever i kissed your lips Dim 19 Juin - 16:15
the first time ever i kissed your lips
Je marchais tranquillement dans les rues. Il venait de pleuvoir et le soleil se remettait à briller, faisant scintiller les flaques d’eau et les arbres trempés. J’avais beau dire ce que je voulais, Arrowsic était quand même une jolie petite ville. C’était la mort de l’âme et d’un ennui mortel, mais c’était joli, je ne pouvais rien dire contre cela. Mes parents venaient encore de me faire une leçon. Cela leur arrivait de plus en plus souvent, comme si après deux mois, ils avaient enfin réussi à surpasser leur trouille débile de me parler. Depuis que j’étais rentrée, je leur avais à peine adressé la parole et ils n’avaient pas pris l’initiative de me faire la conversation. La seule discussion qu’on avait eue avait consisté en moi, en larmes, leur demandant de me reprendre à la maison. Ca avait été difficile, humiliant et surtout un gros mensonge. Je me revoyais encore pleurnicher « je n’aurais pas dû vous tourner le dos, j’aurais dû vous écouter ». C’était vrai, j’aurais dû les écouter : le mannequinat n’était pas un métier et ça ne m’attirerait que des problèmes. On a vu où j’en étais arrivée. Mais j’avais encore la bêtise de vouloir retourner à New York, loin de cette ville ennuyeuse à mourir qu’était Arrowsic. Revenir ici, c’était une grosse connerie et je m’en rendais compte chaque jour de ma morne existence.
Cigarette aux lèvres, j’arpentais les rues de la ville en espérant faire passer le temps plus vite. Je comptais mes pas pour briser mon ennui. 487, 488, 489… Je fermai les yeux un instant et j’essayai de me rappeler des bruits de New York. Les moteurs des voitures, les klaxons des taxis jaunes dans les embouteillages, les sirènes des ambulances et des voitures de police au loin, des rires, des éclats de voix. Pour peu, je m’y serais presque crue. Et puis je rouvris les yeux et, malheureusement, je posai les yeux sur une rue on ne peut plus banale bordée d’arbres centenaires et de maisons individuelles digne des maisons de poupées les plus kitch. Ah, comme New York me manquait.
Heureusement, ou pas, pour moi, quelques personnes que j’avais connues là-bas avaient également fait leur grand retour dans ma ville natale, qui était aussi parfois la leur. Ainsi j’avais retrouvé Abbey, rencontrée au détour d’un défilé en Europe, Chaz le photographe, Félix et d’autres encore. Seulement les revoir me filait inévitablement le cafard. Les soirées me manquaient, le bruit de la ville, l’agitation et surtout les feux des projecteurs braqués sur moi sur les catwalks, les flashes des appareils photos dans les shootings, les maquilleurs et les plaisanteries entre mannequins. Ma vie me manquait. Si seulement j’avais accepté de coucher avec ce gros pervers de manager d’IMG, je serais au top de ma carrière. Seulement j’avais été trop conne.
Mon sac de danse sur l’épaule, je me rendais à mon cours de ballet. C’était la seule chose qui me rappelait le mannequinat et qui me permettait de m’évader un peu de tout cet ennui. Ah, si Iulia me voyait la cigarette au bec, elle me truciderait certainement. Iulia, c’était ma prof de ballet, une quarantenaire qui avait tenté sa chance au New York City Ballet, qui avait eu son heure de gloire et s’était fait virée il y a trois ans parce qu’elle devenait trop vieille. Elle était revenue à Arrowsic et donnait des cours particuliers. Cela me consolait de savoir que je n’étais pas la seule à avoir perdu mes rêves dans la Grosse Pomme. J’avais cours dans seulement deux heures, mais je m’étais dit qu’en marchant tout autour de la ville, je tuerais mon ennui. Raté. Jusqu’à ce que je ressente une vive douleur dans l’épaule droite et que je me retrouve presque par terre. Je parvins à garder l’équilibre et relevai les yeux.
« P*****, tu peux pas regarder où tu vas ? » Je me massai l’épaule pour faire passer la douleur et fusillai le maladroit du regard. Et puis je le reconnus. Cliff Hurshwood, ce satané Cliff. Un gars que j’avais connu un jour dans le Bronx alors que je m’étais complètement gourée de ligne de métro. Je regardai autour de nous. « Tu as encore des flics à tes trousses, t’essaies pas de m’embrasser pour sauver ta peau, cette fois ? » Je lui souris largement. Sa présence ici me rappelait les bons souvenirs de ma courte expérience new yorkaise. Je me demandai s’il allait me reconnaître. Mais c’était clair que j’avais changé depuis mes débuts enthousiastes à New York. Maintenant j’avais maigri, mannequinat oblige, et j’étais nettement moins pétillante.
credit image : tumblr
Dernière édition par Tonia Hasbrough le Dim 26 Juin - 16:15, édité 2 fois
Sujet: Re: CLIFF&TONIA ♦ the first time ever i kissed your lips Mer 22 Juin - 11:08
Trempé jusqu'au os, je trouvais refuge sous l'auvent d'une boucherie. Mes dents commençaient à claquer, la chair de poule à apparaître. Je ressemblais à ces chiots qui attendent béatement sous la pluie, pas très fut-fut pour rejoindre sa mère dans la niche. J'étais pas une flèche, pas bien méchant mais pas toutes les cases alignés dans le bon ordre. On s'y faisait à la longue aux regards moqueurs, aux textes qu'on ne captait pas avec des mots imprononciables. Les adultes pensaient qu'en me couvent, il ne pourrait m'arriver de mal, du moins, je marcherai droit. Il avait tort, les interdits attirent, mon père m'a longuement interdit de regarder la télé le soir, ça ne me posait pas de problème pour descendre tard dans la soirée alors que mes parents ronflaient paisiblement dans les bras de Morphée pour rejoindre le canapé défoncé. Le son au niveau O, je tombais la plupart du temps sur des films X. A huit ans on ne comprend pas tout ce que font les grands mais on reste béat devant la télé, la bouche grande ouverte. J'étais déjà un salle gosse.
La pluie avait cessée depuis dix minutes déjà, les oiseaux recommençaient à chanter, le boucher sorti de l'arrière-boutique, posant ses yeux injectés de sang sur moi, se demandant surement ce que je foutais béatement devant sa boutique. Sa moustache trémoussait, il attrapa une batte de baseball planquée derrière sa caisse, me regarda fixement avec Il devait surement avoir les pétoches qu'un brânleur du Bronx viennent lui voler ses saucisses ou une entrecôte. Le con. Je ne bougeais pas, plongeant mon regard dans le sien et je lui lançais mon plus grand sourire, un petit geste de la main et je décampais. Cela aurait pu être marrant s'il se serait mis en tête de faire de mon gras du bide un jolie pâté, me coursant dans les rues vides d'Arrowsic mais il ne broncha pas. En plus d'être con il était trouillard.
J'avançais dans la rue déserte sans porter attention où je posais mes pieds, un sourire jusqu'aux oreilles, parfait doux débile content de sa "provocation". Je me serais fait descendre pour moins que ça à New york, la vie était vraiment différente ici ... « P*****, tu peux pas regarder où tu vas ? ». Sans faire attention, je venais de bousculer une grande brune qui tenait à peine sur ses jambes. Lorsqu'elle posa son regard sur moi, je me plongeais dans ses grandes mirettes bleues. Je l' avais déjà croisé, dans une situation similaire. « Tu as encore des flics à tes trousses, t'essaies pas de m'embrasser pour sauver ta peau, cette fois ? ». Tonia me sourit largement, elle n'avait pas changé d'un pouce, si ce n'est ses joues un peu plus creuse et ses yeux ... blasés. A elle aussi, l'animation de la Grosse Pomme devait lui manquer. « Mmh ... cette fois-ci c'est un boucher qui me menace avec sa batte de baseball mais rien de bien alléchant pour t'embrasser en fait ... Je t'ai pas fait mal au moins ? ».Je lui présentais ma main, pensant qu'elle s'en serve pour reprenne équilibre et qu'elle ne la laisse pas pendre vainement. Malgré son air supérieur que je lui trouvais, elle n'était pas bien méchante, je lui avais fait visiter quelques endroits calmes du Bronx, on aurait dit une gamine au zoo qui découvre que les singes peuvent avoir un museau bleu ou des fesses roses écarlates ...
Sujet: Re: CLIFF&TONIA ♦ the first time ever i kissed your lips Dim 26 Juin - 15:04
Mes baskets claquaient sur le sol mouillé et pour peu, je serais bien retombée en enfance à sauter dans les flaques les pieds joints. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où je m’étais sentie un peu insouciante, où je n’avais pas eu d’énormes remords, où j’avais eu des pensées positives. Depuis que j’étais à Arrowsic, je me sentais complètement inutile et morte. Mon esprit vagabondait quelque part loin de moi et c’était mon corps vide qui se levait chaque matin pour arpenter les rues mornes de la petite ville, c’était mon corps qui me portait dans ce bar pourri où je bossais, c’était encore mon corps qui acceptait qu’un inconnu d’une quarantaine d’années pose ses mains sur moi, me colle contre un mur et me saute comme une poupée gonflable. J’imaginais que je me sentirais vivante si j’arrivais à ressentir un peu de plaisir, de la chaleur humaine, mais rien. Pas la moindre petite étincelle de vie, encore moins de plaisir ou de joie. Où était donc passé mon esprit ? A croire que je l’avais rangé dans un tiroir pour ne pas avoir à penser, à réfléchir, à faire face.
Tomber sur Cliff, ou plutôt que Cliff me tombe dessus, c’était inattendu. Et d’un coup, j’avais senti mon esprit réintégrer ma tête trop vide. Mes souvenirs de notre petite expédition dans le Bronx me revinrent en mémoire. Cliff, je ne l’avais vu qu’une fois, l’espace d’une seule journée, mais il avait changé quelque chose dans ma vie. Je ne saurais pas dire quoi, mais ce gosse de deux ans de moins que moi, avec sa tronche de délinquant et ses manières de racaille m’avait remuée. Qui eût cru qu’il allait réapparaître dans ma vie, et encore moins dans ce trou perdu. Pour sûr, il n’avait certainement pas choisi de venir ici de lui-même. On l’y avait sûrement traîné par les pieds. Comme il devait s’ennuyer ici, peut-être encore plus que moi. Qu’y avait-il d’intéressant pour un gars de 18 ans qui était habitué à foutre le bordel à New York ? Au moins, il avait réussi à s’attirer les foudres du boucher, ça avait dû l’occuper quelques minutes.
J’acceptai son aide et prit sa main pour récupérer un semblant d’équilibre. J’étais maigre et faible. Même pour un mannequin, c’était trop. Un coup de vent un peu trop fort suffisait à m’ébranler. Alors un ado du Bronx en pleine cavale pour éviter les coups d’un gros lourdaud armé d’une batte de baseball… autant dire que j’avais eu du mal de ne pas me retrouver par terre. « Tu m’as fait plus mal au cœur qu’à l’épaule, Cliff Hurshwood. Moi qui espérais tant que tu m’embrasses encore. » Je souris, sans doute la première fois depuis longtemps. Et la première fois aussi que je retrouvais un semblant de sens de l’humour. J’étais devenue aussi terne que mes cheveux. Elle était loin la fille qui illuminait une séance photo de ses grands yeux bleus et de son sourire rayonnant. J’étais une épave, et pour peu, j’aurais pu passer pour la droguée de service. Malheureusement pour moi, je n’en n’avais que l’air et je regrettais bien de ne pas pouvoir planer. « Mais dis-moi, qu’est-ce qui t’amène ici dans le trou du cul du monde ? C’est bien loin du Bronx… » Je jetai un œil à ma montre et me remis en marche, m’assurant d’un regard en arrière que Cliff me suivait. « Si ça te dérange pas de discuter en marchant, j’ai un truc à faire et je peux pas être en retard. » Pourquoi ne pas lui avoir dit que j’avais un cours de danse ? Aucune idée. J’avais juste l’impression que la danse c’était mon jardin secret et je n’avais pas envie de partager ça d’emblée avec un type qui m’avait bousculée deux fois de façon assez violente et qui m’avait presque démis l’épaule cette fois-ci.