© Faith

En tout bien tout honneur... ou peut-être pas en fait !
Alma C. Westerfeld & Felix Moorgate

Il y a dix ans, j'ai rencontré Alma. Et en dix ans, je ne la connais toujours pas plus que lorsque j'ai fais sa connaissance. En fait, c'était une simple rencontre autour d'un verre dans un bar de New-York, avec quelques arrières pensées pour ma part... qui s'étaient finalement réalisées. Après cette fameuse nuit, et conscient que j'avais peut-être fait n'importe quoi en réalisant l'âge qu'Alma avait, et le mien, j'étais parti pour lui éviter des problèmes avec mes parents. Parce que ma mère avait une forte tendance à fouiller dans tout ce que je faisais, soi-disant pour me protéger. Elle avait d'ailleurs trouvé le ticket de caisse du bar quand j'étais rentré à Arrowsic, et j'avais eu le droit à l'interrogatoire : "Pourquoi il y a un verre d'alcool sur ce ticket Felix ?? Le soda d'accord, mais l'autre ?"... Elle avait compris que j'avais offert un verre à une femme majeure, mais toujours dans mon mensonge sur les âges, j'avais abaissé celui d'Alma à dix-huit ans, me procurant ainsi l'excuse de "Mais elle avait deux ans de plus que moi Maman !".

Après cette soirée, j'avais finalement perdu la trace d'Alma, pendant les dix ans qui suivirent. Et il y a environ deux semaines, elle m'avait rappelé, me demandant de la rejoindre dans un bar, cette fois-ci d'Arrowsic. Elle m'annonça l'existence de ma fille, qui était justement venue avec elle et sur laquelle j'avais posé mon regard pendant un bon moment, sans arriver à me faire à l'idée que j'étais papa. Finalement, le choc passé, j'avais passé l'après-midi avec elles, puis d'autres moments, parfois avec les deux, parfois avec une seule. Aujourd'hui était un jour "avec une seule" : Alma. Puisque nous étions devenus amis depuis nos retrouvailles, j'avais décidé de l'inviter dans l'un des seuls restaurants d'Arrowsic, un dîner en toute amitié. J'avais donc soigné un peu plus mon apparence, tout en restant quand même décontracté. Je détestais passer des soirées entières dans un costume trop serré emprunté, par manque de temps pour en acheter un, au beau-frère de la belle-sœur qui ne peut pas venir à la fête. Prêt, j'étais parti un peu plus à l'avance de chez moi et étais donc arrivé bien à l'heure au restaurant. Mais plutôt que d'attendre tout seul à une table à l'intérieur, j'avais préféré attendre l'arrivée d'Alma tout seul, à l'extérieur. Elle arriva bien vite et je m'approchais d'elle, en affichant un sourire, pour lui faire la bise.

« Tu vas bien ? »

“ On fait tous au moins un vœu par an, en soufflant les bougies de notre gâteau d’anniversaire. Certains d’entre nous en font plus : pour un cil sur une joue, devant une fontaine, en voyant une étoile filante... et de temps en temps, un de ces vœux se réalise. Et après ? Est ce que c’est aussi bien qu’on l’espérait ? Est ce qu’on se laisse aller dans le rayonnement de notre bonheur ? Est-ce qu’on se rend compte qu’on a une longue liste de vœux qui attendent d’être exaucés ? ”

Alma regarda sa fille depuis la cuisine. Cette petite qui devenait de plus en plus grande. Elle avait l'impression qu'hier encore elle lui changeait les couches et pourtant,... Pourtant ce n'était pas le cas. Hier elle l'avait récupérer en fin d'après-midi alors que Carlie venait de passer un moment seule à seule avec son père. Autant dire que cette épreuve n'avait pas été simple à surmonter pour la maman. Elle qui pendant ses 10 années avait vécu une relation fusionnelle avec son enfant devait maintenant apprendre à la partager avec un autre, avec un inconnu même. Vous le comprenez, il n'y a rien de facile dans cette situation !

« Carlie chérie, tu viens manger s'il te plait pendant que je me prépare ?! » La fillette arriva dans la seconde probablement alléchée par les odeurs des petits plats préparés avec amours. Alma laissa sa fille avec un plateau repas devant la télévision puisque c'était une soirée exceptionnelle et se dirigea vers la salle de bain. Sa robe était là et l'attendait. Elle avait choisit quelque chose de classe mais passe-partout. La tenue idéale quand on ne sait pas s'il s'agit d'un dîner habillé ou de quelque chose de plus léger. En se maquillant légèrement, la jeune blonde se demandait comment elle en était arrivée là ? Comment se retrouvait-elle entrain de se préparer pour sortir avec le père de sa fille qu'elle n'avait connue que durant une nuit avant de revenir s'installer à Arrowsic ? Vraiment parfois la vie nous réserve bien des surprises ! Quelques minutes plus tard, la voisine sonna à la porte. Elle avait eu la gentillesse de bien vouloir venir garder Carlie pour la soirée. Enfin, à 10 ans, elle n'était pas bien difficile à garder mais tout de même, elle n'était pas encore en âge de rester toute seule une soiré entière. « Tu seras sage ma puce, n'est-ce-pas ! On se voit demain matin, en pleine forme pour aller à l'école ! » Elle déposa une bise sur la joue de sa fille et prit l'escalier menant au garage.

Alma monta dans sa voiture, des pensées pleins la tête. Des pensées du passé, du présent et de l'avenir. Quelles genre de surprise lui réservait-on encore ? Surement bien plus qu'elle ne pouvait l'imaginer. Peu de temps après être partie de chez elle, la jeune femme se trouvait devant le restaurant. C'était étrange. Il y a 14 ans de cela, lorsqu'elle était partie vivre à New-York, le même restaurant était ici, à la même place, servant le même menu ! Alma ne pu s'empêcher de soupirer. Qu'était-elle réellement venue refaire dans ce trou perdu ? Elle détestait cette ville et tout ces secrets... La jeune femme ralenti doucement l'allure pour regarder autour d'elle. Elle vit alors son cavalier pour la soirée. Malgré les années, elle ne pouvait pas dire qu'il avait vraiment changé. Il avait toujours ce petit air dans le regard qui l'avait fait succomber, cette gentillesse sur le visage, et une certaine beauté qu'elle n'arrivait pas à expliquer. Ce fut lui qui vint vers elle, un ostensible sourire accroché sur le visage... « Tu va bien ? » Elle lui sourit à son tour, se penchant vers lui pour lui faire la bise. « Ma fille me manque déjà mais je compte bien tenter de l'oublier un instant cette soirée ! » Alma ne pu s'empêcher d'émettre un petit rire à cette remarque. Mal à l'aise ? Oh oui, légèrement... Et pourtant, elle savait parfaitement faire bonne figure. Mais, pour commencer, elle allait avoir besoin d'un verre ! Félix lui ouvrit galamment la porte qu'elle passa en lui faisant un petit geste de la tête pour le remercier. On les installa sur une table près de la fenêtre. Pourquoi cette habitude de places les « couples » près de la fenêtre ? Alma détestait cela... Elle avait l'impression de faire vitrine pour les passants... Mais cela était également agréable de pouvoir les critiquer au cas où le dîner devenait ennuyant ! Après avoir commander l'apéro, elle se tourna vers Félix.
« C'est marrant n'est-ce-pas ?! » Elle marqua une pause avant de continuer « Comme la situation peut évoluer en 10 ans... » Alma attrapa son verre et bu une gorgée de Martini Rosé tout en le scrutant par dessus la boisson. Avec un sourire, elle ajouta... « Quand même, comment as-tu réussit à me tromper autant sur ton âge ? »

J'aimais déjà Carlie plus que tout, au point que dès qu'il lui arrivait quelque chose (ce qui arrivait souvent lorsqu'elle était avec moi...) je paniquais très facilement, m'imaginant les pires scénarios quant à son destin. Mais c'était inutile, elle n'avait jamais eu rien de grave et était toujours en vie. Mais ce soir, j'avais décidé de passer une soirée uniquement avec la mère de ma fille : Alma. Nous devions faire connaissance, puisqu'après tout nous ne connaissions pratiquement rien l'un de l'autre... à part nos corps. Et encore. Je lui avais donc donné rendez-vous au seul restaurant d'Arrowsic et l'attendais en ce moment devant la porte, étant donné que j'étais arrivé à l'avance. Je vis plusieurs voitures passer devant le restaurant, mais aucun ne s'arrêta... Finalement, Alma arriva : je ne l'avais donc pas reconnue en essayant de distinguer les conducteurs. Elle me fit la bise, puis répondit à ma question, réponse à laquelle j'affichais un léger sourire.

« Je suis sûr que tu peux le faire ! Et puis, te connaissant au moins sur ce point là, il ne peut rien lui arriver. »

Je lui ouvris alors la porte du restaurant, la laissant passer avant moi, et la suivit à l'intérieur demandant la table qui était réservée à mon nom. Le serveur nous emmena vers le fond, près d'une fenêtre, et je ne pus m'empêcher de penser que cette place faisait vraiment cliché de film, avec le couple amoureux mais trop timide pour s'avouer ses sentiments... Je gardais cette pensée pour moi et m'installais sur ma chaise, remarquant qu'Alma s'y était déjà installée. Le serveur en profita pour prendre nos commandes d'apéritif : je laissais donc la jeune femme choisir avant moi, puis commandais à mon tour. Son "c'est marrant n'est-ce pas ?" me poussa à lui lancer un petit regard interrogateur, signifiant parfaitement que je ne voyais pas de quoi elle parlait. Mais elle enchaîna tout de suite, avec les explications.

« Oui. Si tu m'avais dis il y a encore cinq ans que j'avais une fille, je crois que je t'aurais ris au nez. »

Je souris doucement, m'imaginant qu'en fait, alors que j'étais censé être papa et, comme tout père, m'occuper de ma fille, j'étais en train de m'amuser avec des amis dans des bars... ou avec des filles aussi. Mon sourire s'agrandit cependant quand elle me demanda comment j'avais réussi à la tromper autant sur mon âge. Tout en prenant mon verre de rosé - puisque j'avais opté pour la recette pure, sans Martini -, j'arborais un air faussement fier.

« Je t'ai offert un verre d'alcool... Non je plaisante ! En fait, tout le monde me disait que je faisais plus vieux que mon âge. Alors j'en profitais un peu, je l'avoue. »

Je me rappelais soudain de cette soirée où nous nous étions rencontrés, plus vaguement des dix ans qui s'en étaient suivis... et d'il y a deux semaines. Bref, je passais en revue rapidement les dix dernières années de ma vie, me souvenant aussi de ma réaction lorsqu'elle m'a annoncé l'existence de Carlie.

« En tout cas, tu a fais sensation quand tu es arrivée à Arrowsic. Je veux dire, quand tu m'as annoncé que Carlie était ma fille. Tous mes amis voulaient absolument te rencontrer, et rencontrer Carlie. Mes parents aussi d'ailleurs. Enfin, mon père avait surtout envie de me tuer quand je lui ai dit... Mais bon. »

Mon père, en effet, avait été heureux d'apprendre qu'il était grand-père... un peu moins d'apprendre que j'avais mis une femme, en plus adulte, enceinte alors que j'avais dix-sept ans. Enfin, ils étaient tous les deux pressés de voir Carlie, car ils ne l'avaient pas encore vu pour le moment. Je préférais profiter un peu d'elle, connaître Alma, avant de lui poser la question.