Silas Wilhelm vit le jour dans l'un des quartiers huppé de Detroit . C'est d'ailleurs dans cette ville qu'il passera la plus grande partie de sa vie. Fils d'une institutrice du dirigeant d'un puissant empire financier constitué de plusieurs maisons d'édition, l'existence du jeune homme s'annonçait marquée du sceau du luxe. Seulement, il allait vite se rendre compte du prix à payer.
Le grand tournant de son existance eut lieu lors de son cinquième anniversaire, lorsque ses parents apprirent qu'il était précoce. A l'époque, son père voyait ce fait comme une benediction: il voyait déjà son fils unique comme son successeur. A cette époque là, le jeune garçon ne réalisait pas que ces discours sur son avenir tout tracé étaient le signe avant coureur des changements à venir. A partir de ce jour, les manifestations de douceur se firent de plus en plus rares. Seule comptait l'excellence, celle à laquelle ses parents aspiraient. Celle qui devait être innée pour lui. Le monde ne semblait pas se rendre compte du sacrifice que cela impliquait pour le petit garçon ou alors il s'en moquait éperdument puisque les dix années qui suivirent furent une torture sans nom pour Silas .
Pour ses camarades, il était la proie idéale étant gâté à la fois par la naissance et par la nature. Pour ses parents, il était "l'héritier" , "le successeur" , celui qui ne pouvait faire un pas sans être surveillé, celui dont on devait explorer et repousser les limites encore et encore. Quant à ses professeurs, quand bien même ils tentaient de tempérer ses relations avec le monde extérieur, ils devenaient ceux qui'il haissait le plus. Pour eux, il devait continuer à être l'élève parfait, accepter sans broncher que ses parents corrigent sa façon de penser, de marcher, de respirer de sorte à ce qu'elle leur donne l'image de parents idéaux. Se rendaient-ils comptent qu'en l'encourageant à continuer sur la voie de l'excellence et en lui reprochant sans cesse de ne pas donner le meilleur de lui même, ils encourageaient sa descente aux enfers ? Pourquoi ne lui épargnaient-ils pas la souffrance de devoir payer pour sa différence avec ses camarades?
Seule la haine lui donna une réponse à ces questions. On le privait du droit de vivre. Il était condamné à exister pour avoir un parcours sans accrocs. Il devait être l'archétype de l'enfant parfait. Ensuite, il deviendrait un membre éminent de la société dont on vanterait les facultés de réflexion et l'argent. Ce que ses parents avaient présenté comme un rêve lui semblait être un cauchemar sans fin. Il se sentait condamné à vivre tiraillé entre cette impression d'étouffer et la peur de faire face aux conséquences d'une éventuelle rébellion. Seule la violence le sortit de ce dilemme.
Il finit par entrer dans un cercle de brutalité,. Pour ceux qui lui refusaient sa liberté, il devint un monstre d'agressivité, que ces personnes soient les professeurs qui voulaient le pousser plus loin, les élèves qui lui refusaient le respect qu'il demandait ou même les parents qui tentaient de canaliser son agressivité. Ces derniers furent condamnés à étouffer ses frasques. Et elles furent nombreuses.
Ce fut de plus en plus difficile pour ses parents de lui épargner les conséquences d'une telle attitude. Tout comme il devenait impossible de reconnaître ce garçon dont la seule préoccupation fut de rendre ses parents fiers. Et ce n'était pas pour déplaire au jeune homme. Ne voulant continuer à rester spectateur de la crise de leur fils, qu'il jugeaient trop dégradant pour quelqu'un qui était l'archétype de la jeunesse dorée, ils optèrent de lui promettre , pourvu qu'il décroche un diplôme de lui offrir un tour du monde avant sa majorité. Ainsi, ils faisaient en même temps oublier les rumeurs qui couraient sur lui, et évoluaient avec l'espoir enfouit de voir leur fils murir au cours de ce voyage.
C'est ainsi que le jeune Rutherford voyagea durant presque un an et demi . Tâchant d'oublier les responsabilités qui finiraient par le rattraper tôt ou tard , Silas se découvrit une passion jusqu'alors insoupçonnée pour l'écriture ; il constitua d'ailleurs un carnet de voyage et mémoire dans lequel il confiait ses impressions quant aux différents pays et découvertes qu'il pouvait faire. Son voyage arrivant à son terme , il redouta bientôt de devoir supporter un climat familial hostile, et décida de postuler pour une prestigieuse université , à des centaines de kilomètres de chez lui . Sa candidature fut acceptée et la présentation de son carnet de voyage lui permit même d'obtenir une bourse. La satisfaction d'avoir accompli quelque chose de lui même ne fesait que l'encourager à poursuivre son ascension.
Silas n'a donc que 20 ans lorsqu'il fait ses bagages pour s'installer à long terme dans le Connecticut . Là-bas, il étudia la littérature américaine sous tous les angles , mais surtout , il fit la connaissance de Callie Richards.
***
Silas l'avait remarqué dès les premiers temps - étudiant la même matière, la plupart de leurs cours étaient communs. Aussi, l'idée de lier conversation avec elle avait surgit rapidement dans l'esprit du jeune homme , chose qui n'était pas aussi simple qu'il n'y paraissait. En effet , la jeune fille n'était jamais seule , le plus souvent escortée par une horde d'amis , Silas se voyait mal faire interruption au milieu de ce cercle là pour demander à lui parler , son orgueil ne lui permetterait pas. Aussi se contentait-il de la dévisager furtivement de loin . Leur véritable rencontre eut cependant lieu quelques mois après , au cours d'une soirée et contre toute attente, ce fut elle qui s'approcha de lui . Elle s'était gentiment moquée de son manque d'audace avec une malice enfantine et pour la première fois, Silas s'était sentit perdre ses moyens .
Et pourtant , cette soirée fut le prologue de leur relation. Une relation qui dura près de quatre ans , se soldant même par un mariage. Apprécié de tous , enviés aussi parfois, aucune ombre ne semblait pouvoir tenir ce tableau . Et pourtant ...
Tout bascula le
01 Janvier 2006 . Silas et Callie revenaient d'un reveillon chez des amis et alors qu'ils traversaient l'allée , une voiture surgissant de nulle part les faucha tous les deux. Ils furent immédiatement transportés aux urgences de l'hôpital le plus proche. Silas malgré la douleur qui engourdissait ses membres était cependant toujours conscient , Callie , elle , avait perdu connaissance. Une fois arrivé on leur fit un bilan , celui du jeune homme était sans appel : un traumatisme, plusieurs contusions et quelques fractures qui allaient necessiter quelques jours d'hospitalisation. Mais concernant Callie, rien était encore prononcé , son état critique avait contraint le personnel en charge à l'envoyer directement au bloc opératoire. Ce fut le début d'une attente interminable pour le jeune homme . Enfin au bout de près de six heures d'attente , le verdict . Et la nouvelle resonna comme un cri : Callie avait succombé à ses blessures. Silas n'avait pas réagit , comme si son cerveau avait refusé de se résoudre à cette fin. Pas avoir de l'avoir constaté de ses propres yeux. Mais lorsqu'il la vit, étendue sur un lit , froide et inerte , ce fut le choc, brutal, fatal voir mortel. Son visage se décomposa comme un verre que l'on aurait jeté sur le sol. En mourant , Callie avait emporté une partie de lui avec elle.
***
Silas demeura en état de choc durant plusieurs jours, perdant , et la parole et l'appétit. Lorsqu'il sortit de l'hôpital , il ne trouva pas la force de rentrer chez lui et de retrouver un lieu où
elle régnait encore. Vagabondant dans différents lieux de la ville, cherchant à noyer son chagrin dans divers alcools , son errance depressive dura près de 3 semaines après quoi, il prit la décision de quitter la ville. N'ayant cependant pas d'idée où aller , il pensa d'abord à retourner à Detroit, chez ses parents. Mais la perspective de revoir ces derniers, lui afficher une compassion forcée l'en dissuada. Et après une petite reflexion , il décida de demander à son grand-père de l'heberger quelques temps. C'est ainsi qu'il prit la route pour Arrowsic. Une petite ville ne comptant pas plus de 500 ans habitants , mais que Wilhelm Rutherford Senior n'avait jamais voulu quitter , ressentant une affection particulière pour celle-ci. Silas ne s'apprêtait pas à découvrir la ville, en fait , il la connaissait par coeur . Il avait passé presque tous les étés de son enfance à en parcourir les rues et les recoins , à l'époque où ses parents preferaient voyager autour du monde sans s'encombrer de la présence de leur progéniture.
Son grand-père l'accueilli les bras ouverts , constatant que son petit fils avait bien grandit depuis le temps , mais aussi que le chagrin avait assombri les yeux rieurs du gamin qu'il avait été. En apprenant la mort de Callie, son grand-père n'avait pas cherché à lui sortir des phrases clichées et denuées de sens, pas plus qu'il ne l'avait encouragé à partager son ressenti. Il s'était contenté de l'écouter simplement , chose qui n'était pas donné à tous le monde de nos jours.