Swann Rutherford & Hope V. Winchester

Ça faisait quelques jours que l'hystérie avait emparé Hope. Elle ne le savait pas encore, personne ne lui avait fait remarqué. Seulement parce que les gens ne savent pas ce qu'elle a, et pensent qu'elle a une superbe journée en vue et voilà pourquoi elle est si heureuse. Ils n'ont pas vu les tas de sacs que Gizmo se plait à détruire ; elle a dépensé presque tout son argent du mois.

Ce matin, quand elle se leva, elle se souvenait très bien de ce rêve. Un rêve joyeux et totalement normal. Son rêve n'était pas hystérique, c'est juste un rêve bien, que toutes les autres personnes pas bipolaires pourraient rêvés. Mais évidemment, Hope l’interpréta d'une autre façon. Aujourd'hui, elle s'était donné comme mission de vivre comme dans son rêve. Au moins, son rêve, ce n'était pas de voler. Elle n'est tout de même pas schizophrène. Bien qu'elle ait pas le contrôle de ses émotions, elle n'ira pas à se tuer. En fait, elle pourrait risquer, mais ça serait surtout de la mal chance. Tellement heureuse qu'elle ne regardera pas pour traverser la rue et paf. Non, mais il y a quand même une conscience dans sa tête.

Donc, Hope s'habilla, déjeuna, donna de la nourriture au chaton qui était très affectueux ce matin. Comme dans son rêve. Elle était habillée pareil, un long chandail blanc lousse et un skinny noir. C'était assez simple, Hope est simple. Par contre, Hope ne se souvenait plus si elle avait déjeuné dans son rêve. Mais elle déjeuna quand même, pour sa santé.

Bref, elle quitta son appartement dans l'après-midi avec ses petites bottines et un petit sac à bandoulière qui contenait son téléphone portable, son argent et ses cartes. Sans oublier sa guitare dans son étui étoilé dans son dos. Elle se dirigeait tranquillement vers la fête foraine qui avait lieu. C'était là. Il y avait de la musique qui jouait partout, de la musique populaire. Beaucoup de gens, beaucoup d'odeur, du sucré, barbe à papa et tout, du salé, les rondelles d'oignon, le ketchup, bref, c'était tout les petit kiosque à nourriture dans un coin, les attractions dans l'autre. C'était gros, c'était beau. C'était joyeux, Hope voyait la joie et le bonheur dans les visages des enfants, et adolescents et des adultes qui avaient prit la peine de faire un tour pour s'amuser un peu, s'éloigner du travail une journée, ou n'importe quelle autre raison. De l'autre côté, une grande scène, des lumières, des micros, des instruments. Ça, ça avait attiré l'attention de Hope, chanteuse et musicienne dans l'âme. C'est ça qu'elle aimerait faire un jour. Être au milieu de la scène, jouer, chanter, se faire aimer et admirer, être dans le coeur de sa passion.

Elle disait bonjour à tout le monde, se faisait regarder bizarrement. Mais elle était heureuse. Elle s'avançait dans la foule, se dirigeant vers l'arrière de la scène. C'était là qu'elle voulait aller, là où son rêve de la veille prenait place. Elle grimpa trois marches avant de sentir une pression sur son bras, et un grand monsieur bien bâti avec un t-shirt de sécurité lui demandant ce qu'elle faisait là. Elle répondit, le plus naturellement du monde qu'elle allait faire sa chanson, mais le monsieur la tira de là, en la faisant presque tombé de ces trois marches. Hope ne comprenait pas. Pour l'instant elle était juste très fâchée à cause du monsieur. Elle lui disait même un peu de m*rde avant de partir.

Quel gâchis.

Elle retourna vers les attractions en se parlant à elle-même. Il fallait bien qu'elle change ses idées afin de ne plus être fâchée. Quand elle est fâchée comme ça, elle peut devenir dangereuse si c'est grave. Mais cette fois, elle s'était contenter de dire deux phrases vilaines au monsieur de la sécurité. De toute façon, ce monsieur là en avait entendu plein depuis l'ouverture de la fête. Elle se toruva un petit coin calme, loin des systèmes de son et du mouvement. Elle regardait les gens au loin. Elle réagissait à tout les sourires. Si elle les connaissaient un tout petit peu, elle aurait très bien pu se lever et aller à leurs rencontres, car pour elle, ses sourires là voulaient toujours dire quelque chose dans ces moments d'hystérie là. Mais elle resta assise de longue minute à regarder les gens. Elle ouvrit son étui étoilé pour sortir sa guitare et jouer un peu. Elle n'était pas pour rentrer chez elle maintenant. Elle pourrait peut-être encore risqué de se faire prendre par un mec de la sécurité, mais pas maintenant.

Elle chanta sa chanson toute seule. Mais elle était quand même joyeuse à l'idée que les gens pouvait l'entendre et venir la voir. Puis à la fin, quand elle avait fini sa dernière note, elle regarda les gens. Elle vit un mec qui était planté là. Peut-être qu'il regardait quelque chose, une attraction, ou le panneau de ce qu'il servait au kiosque de rondelles d'oignons, de pogos et de pizzas. Mais ce garçon là disait quelque chose à Hope. Elle l'avait certainement vu quelque part. Au bar où elle travaillait de temps en temps, dans les rues, le parc, elle ne savait pas. Elle resta un moment là à réfléchir là-dessus. Elle était complètement perdue ailleurs, dans la lune, dans l'espace. Elle pensait à toute sorte de chose. Et si jamais le garçon se retournait et la regardait ? S'il venait ? Ou s'il partait ? Pour elle, tout voulait dire quelque chose. Mais ce n'était pas de sa faute, elle était à ce moment même en pleine hystérie, et elle ne le savait pas. Saleté de bipolarité qui sort de nulle part.

Hope était dans la lune depuis une bonne minute, assise la guitare sur ses genoux, le bras devant, prête à jouer des notes. Elle devait avoir l'air intelligente...

Étendu dans son jardin, les pieds nus plongés dans une touffe d'herbe légèrement humidifiée par la rosée du petit matin, Swann inspira une grande bouffée d'air. L'odeur d'herbe fraîche s'introduisit dans ses narines, titillant délicatement ses sens. Les yeux fermés, le jeune homme repensait à son enfance à Londres. Il songeait à toutes ses années passées auprès de cet homme qu'il appelait papa mais pour qui il n'avait jamais éprouvé la moindre affection. Cet homme à qui il en avait fait voir de toutes les couleurs, réfléchissant chaque jour à un nouveau moyen de le torturer psychologiquement. S'il ne lui avait pas adressé la parole depuis deux ans, il éprouvait parfois des remords pour la façon dont il l'avait traité. Après tout il ne méritait peut-être pas ce harcèlement quotidien. C'était un homme blessé, brisé par la mort de sa femme bien aimée. Ils devaient certainement former couple heureux avant sa naissance, avant qu’il ne cause la mort de sa propre mère. La culpabilité rongeait les tripes du jeune homme. Il tentait de se rassurer, se répétant sans cesse que ce n’était pas de sa faute et qu’il n’avait jamais reçu une quelconque marque d’amour de sa père. De plus, la mort de sa mère n’était pas de sa seule responsabilité : sa sœur jumelle portait également ce fardeau. Coleen, sa petite moitié. Celle avec qui il avait passé neuf mois dans le ventre de leur mère. Seulement très peu de gens sont aptes à comprendre un lien aussi fort que celui-ci, et personne ne pourra jamais l’expliquer avec de simples mots. Le sommeil emporta le jeune homme et il se n’émergea qu’en début d’après-midi. Le soleil l’éblouit quand il ouvrit les yeux. La rosée du matin avait disparu en quelques heures. Swann se redressa, les cheveux ébouriffés et les yeux plissés pour échapper à l'agressivité soudaine du jour. Il s'empressa de rentrer à l'intérieur et de prendre une longue et tonifiante douche. Il avait depuis quelques jours l'intention de faire un tour à la fête foraine, qui lui rappelait bien des souvenirs. Ayant lieu tous les trois ans, Swann avait souvent eu l'occasion de s'y rendre quand il était jeune. Au départ avec ses grands parents et sa soeur, puis seulement avec sa soeur. Sur le chemin il regretta que cette dernière fut restée à Londres. Cette séparation avait été déchirante, mais le jeune homme ne pouvait supporter l'ambiance familiale désastreuse qui régnait. La décision de s'installer à Arrowsic ne fut pas évidente, mais il ne la regrettait pas pour autant. Quelques accords de musique de manèges se glissèrent dans ses oreilles, et il quitta ainsi ses pensées lointaines. Des dizaines de sourires et d'airs ébahis se dessinèrent devant ses yeux. Il se sentait un peu con, seul et mal coiffé au milieu de tous ces gens accompagnés. Indifférent aux regards étonnés que lui jetaient certains forains, Swann s'avança près d'une attraction où la plupart des occupants étaient des adolescents. Elle devait être réservée aux estomacs solides. Il détourna les yeux. Ses derniers se posèrent sur une silhouette assise dans l'herbe, une guitare sur les genoux. Logiquement elle aurait du être en train de jouer, pourtant elle semblait distraite et décalée, les mains prêtes à jouer mais demeurant étrangement immobiles. Fronçant un sourcil le jeune homme s'approcha de l'inconnue - tout du moins elle lui semblait inconnue. Il se planta devant elle et dut baisser les yeux avant de demander soudainement mais sans la moindre agressivité. « Tu joues ou t'attends le dégel ? »

Quelle chanson allait-elle jouer ? Pas une chanson triste, Hope allait super méga hyper bien aujourd'hui. Tout en étant dans la lune, comme à son habitude, Hope chercha dans son répertoire une chanson qui aurait de l'allure.

Second Go.

Au même moment, un gars - non, LE gars - s'approcha d'elle.

« Tu joues ou t'attends le dégel ? » dit-il, normalement.

Hope leva la tête. Le garçon avait l'air d'un géant d'où il était. Il n'avait pas l'air méchant, ni même gentil. Il avait cette émotion du rien au visage. Un peu comme Hope, juste avant de l’apercevoir. Elle rit un peu, puis répondit tout en grattant les cordes de sa guitare accoustique :

« Ahaha non, en fait je réfléchissais à tout plein de choses. »

Elle commença sa chanson, mais sans les paroles. Juste pour mettre une certaine ambiance s'installer, car le garçon ne semblait pas vouloir partir maintenant, ce qui faisait le bonheur de Hope. Il y a des jours comme ça où elle se sent seule, mais que son humeur ne le lui montre même pas. C'est une des raisons pourquoi elle sort souvent se promener, pour se trouver un petit endroit publique. Aujourd'hui elle a décidé de se diriger dans un gros endroit publique par contre. Mais comme la fête foraine n'est pas là à tout les jours...

« Que fais-tu ici tout seul ? » demanda-t-elle au garçon.

Ce garçon lui disait quelque chose. Pourtant, elle ne se souvient pas de l'avoir vu quelque part. C'est marrant... et tout de même troublant. Elle n'osa pas lui dire. C'était une information superflue selon elle.

Elle poussa l'étui de sa guitare pour faire de la place au garçon inconnu ou presque, même s'il ne l'avait pas demandé. On ne sait jamais. Hope le trouvait pas mal mignon avec son style. Mais elle n'est pas du genre à se fier seulement à l'apparence. Enfin... peut-être maintenant, car elle n'est pas dans sa phase de normalité. Mais puisque personne à Arrowsic le sait... ce n'est pas important pour elle. Ce n'est pas quelque chose qu'elle dirait à une première rencontrer. « Ah salut, moi c'est Hope, 23 ans, bipolaire. » Non. Ça ne fonctionne pas, personne n'est attiré par une fille bipolaire. De toute façon, ce n'est pas du speed dating aujourd'hui. Mais quand même, ce n'est pas un truc cool à dire.

Planté devant la jeune femme, Swann attendait qu'elle se mette à jouer, ou au moins qu'elle réagisse. Il ne connaissait pas la raison qu'il l'avait poussé à venir l'aborder ; encore un accès de spontanéité qui le prenait sans prévenir. Le visage dénué d'expression, il fixait l'inconnue sans ciller. « Ahaha non, en fait je réfléchissais à tout plein de choses. » Il fronça les sourcils, perplexe. On aurait dit qu'elle se faisait une blague à elle-même. « Je vois. » répondit-il en souriant légèrement. Elle était étrange, mais lui inspirait de la sympathie. Ses mains finirent enfin par s'agiter sur sa guitare. Une musique agréable s'en dégagea, quelque peu masquée par les nombreux bruits aux alentours, mais néanmoins agréable. Il prêta une oreille attentive à cette musique, attendant la fin sans intervenir. Quand elle eut terminé, Swann haussa les épaules et son sourire s'élargit quelque peu. « Pas mal. » En vérité c'était plus que pas mal, mais il ne jugea pas utile de s'extasier avec une hystérie exagérée. « Que fais-tu ici tout seul ? » questionna-t-elle en faisant de la place à ses côtés. Le jeune homme vint s'assoir devant elle, pliant sa jambe droite afin de poser un coude sur son genou. « Et bien on va dire que je me promène. » Ce qui était vrai, d'ailleurs. La solitude ne le dérangeait pas, et faire un petit tour à la fête foraine lui avait semblé être une bonne idée, peu importe qu'il soit accompagné ou non. Il s'apprêtait à lui poser la même question quand il se rendit compte que ça aurait été très stupide. La raison de sa venue ne faisait aucun doute, non ? Elle était venue jouer de la guitare à l'air libre, ce qui paraissait tout à fait logique. « Au fait, je m'appelle Swann. » Le concerné tendit la main vers la jeune femme dans un geste naturel, un sourire sympathique aux lèvres.

(J'ai pas vraiment fait mieux ! On se rattrapera )