Sujet: « Too late to hide and too tired to care » (PV) Mer 17 Aoû - 13:22
Un simple regard confirma ses craintes. Sa mère n’allait certainement pas laisser tomber, cette fois, aussi Tessalie soupira-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine, ce qui ne fit qu’accentuer son air renfrogné. Son père se pencha sur le canapé et ajouta une couche au discours maternel avec un argument qu’il pensait probablement imparable : « Tu aimais tellement y aller, on devait même te retenir pour que tu n’y ailles pas tous les jours. » Le regard clair fixé sur la télévision éteinte, la jeune femme resta immobile un instant, recroquevillée sur elle-même, avant de lever le regard vers le sourire plein d’espoir de son père. « Entre-temps, j’ai grandi. Je n’ai plus dix ans » dit-elle avec une pointe d’agacement dans la voix. « Inutile de rouspéter, Tess, tu viens avec nous, un point c’est tout. » conclut Mme Thornfield en attrapant sa veste. « Maintenant, cesse de bouder et va te changer. » Tessalie poussa un long et lent soupir mais finit par obtempérer. Quittant sa position prostrée dans le canapé, elle se releva, révélant une tenue décontractée – un peu trop, sûrement, pour ce rendre à une fête foraine. « Je viens, mais je ne me change pas. » Tessalie n’était pourtant pas d’un naturel capricieux, mais cette sortie ne l’enchantait pas du tout. Elle n’avait pas envie de se retrouver mêlée à une foule de gens hilares et surexcités. Elle aurait volontiers troqué sa place contre une petite sieste dans le salon. Mais elle savait pourquoi ils la poussaient tant à se bouger : cela faisait trois semaines qu’elle était là et elle n’avait pas mis une seule fois le nez dehors. Il y avait pourtant du monde à aller voir, des anciens amis du lycée, sa meilleure amie d’enfance, même les commerçants du coin savaient parfaitement qui elle était. Mais elle n’avait plus jamais eu de contact avec ses amis d’école, tout comme elle avait tout bonnement cessé de donner signe de vie à sa meilleure amie. Quant aux commerçants, ils ne cacheraient pas leur méfiance vis-à-vis d’elle. Ou pire, leur pitié. Parce que tous, ou presque, savaient qu’entre elle et ses parents, l’entente n’avait pas toujours été au beau fixe ces dernières années et ils soutenaient probablement le couple qui avait beaucoup souffert de cette éviction. Et qui aurait pu les blâmer ? Mais, de ce fait, Tessalie ne voyait pas l’intérêt de s’exposer à leurs regards curieux. C’est donc bon gré mal gré qu’elle disparut à l’étage pour enfiler des chaussures et une veste légère. Elle jeta bien un regard à sa chevelure terne et décoiffée mais elle ne fit rien pour la domestiquer. Les gens pouvaient finalement bien penser ce qu’ils voulaient, elle n’avait pas le cœur à faire bonne figure.
Une heure plus tard, elle se retrouvait au milieu d’une foule d’enfants et d’adultes qui ne savaient visiblement pas où donner de la tête. Elle avait l’impression de se revoir à dix ans, quand tout ce qu’elle désirait, c’était échapper à la vigilance parentale pour se glisser dans le château de l’horreur ou dans une attraction à sensations fortes. Elle en avait maintenant vingt-quatre et avait plutôt l’air d’être accompagnée de chaperons. C’est sans un regard en direction de ses parents qu’elle s’éloigna pour se diriger vers la grande roue. Ils durent comprendre qu’elle n’avait aucune envie d’être trainée de stand en stand parce qu’ils échangèrent un regard désolé et haussèrent les épaules, sachant très bien que pour l’instant ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour leur fille. Une fois seule, Tessalie erra parmi ces visages connus et moins connus. Elle reconnaissait les traits de quelques camarades de classe, mais ils avaient tant mûri qu’elle n’était même pas certaine d’avoir le courage de leur adresser ne serait-ce qu’un simple bonjour. Peut-être qu’ils avaient discuté entre eux, eux aussi, peut-être qu’ils s’imaginaient qu’elle avait pris la grosse tête, qu’elle méprisait ceux qui étaient resté derrière. Aussi détourna-t-elle le regard quand l’un d’eux leva les yeux et la remarqua. Elle se glissa derrière une roulotte et ressortit ailleurs. Que faisait-elle là, franchement ? Pourquoi avait-elle seulement pris la peine de venir ? Elle passa devant une petite échoppe de bonbons et s’arrêta, le regard vide. Sans grande conviction, elle attrapa un sachet en plastique et le remplit au fur et à mesure de petites gommes vertes, bleues, roses, oranges. Elle poursuivit méthodiquement sa tâche, bien qu’elle n’aimât pas spécialement ce type de friandises, et ne s’arrêta que lorsqu’elle estima avoir un poids suffisant. Elle tendit son butin au vendeur et lui donna un billet. Puis elle tourna les talons et s’éloigna en ignorant le « et votre monnaie ?! » qu’il lui lança. Elle chercha et trouva un petit banc isolé sur lequel elle s’installa, les jambes en tailleurs, avant de commencer à farfouiller dans le sac plein de sucreries. Ah, elle devait avoir l’air en forme, habillée comme elle l’était, ses cheveux fins et emmêlés tombant de chaque côté de son visage, à triturer un sachet en plastique coloré. Mais Tessalie s’en fichait. Elle n’en avait plus rien à faire de grand-chose, de toute façon.
Sujet: Re: « Too late to hide and too tired to care » (PV) Mer 17 Aoû - 15:33
Romeo avait déjà participé à toutes sortes de fêtes. Des fêtes sur la plage, des fêtes entre amis, des fêtes dans les bars, des fêtes au grand air et même à certains carnavals, puisque ce type d'évènement était à répercussions nationales dans son pays d'origines. Dans ce sens, on pouvait donc dire qu'il était un fêtard accompli. Et pourtant ... Jamais encore il n'avait mis les pieds dans une fête foraine, le fait étant que le quartier dans lequel il avait grandi n'était pas reconnu pour les sommes d'argent que ses habitants étaient prêts à dépenser dans leurs loisirs pour la simple et bonne raison que lorsqu'on est pauvre, on s’accommode d'avantage des loisirs gratuits que de ceux qui, comme c'était le cas de la fête foraine, requéraient un capital dépense relativement conséquent. D'aucun auraient pu croire - et à juste titre d'ailleurs - que ce n'était pas le manque d'argent qui aurait pu arrêter le jeune Romeo à l'époque où sa vie ne se résumait pas encore à la navigation solitaire, mais ceux là se devaient de savoir que si notre jeune voyou n'avait jamais mis un pied dans une fête foraine c'était aussi et surtout parce qu'aucun d'entre elles ne s'était jamais installé à proximité de chez lui.
Aussi, en ce jour où il n'avait pourtant pas plus d'argent qu'à l'époque, décida-t-il de sauter sur l'occasion pour goûter - un peu tard peut-être, mais mieux valait tard que jamais - aux joies des manèges et autres attractions venues momentanément s'installer en ville. Confiant, il ne s'inquiétait pas d'arriver les mains dans les poches et se savait capable de plus d'une ruse pour jouir à l’œil des plaisirs de cette fête qu'il aurait adoré connaître étant enfant, quand chaque structure aurait pu lui paraitre dix fois plus magique et imposante qu'elle ne lui paraissait déjà ce jour là, alors qu'il déambulait gaiment dans les allées du site aux couleurs multiples et aux odeurs sucrées. Tout ce monde et tout cet enthousiasme ambiant, il n'en fallait pas plus pour le mettre de bonne humeur. Un morceau de barbe à papa chipé sur le bâton d'un enfant inattentif et un tour de train fantôme frauduleux grâce à sa capacité à se faufiler partout où on ne l'attendait pas avaient suffi à faire naître un sourire satisfait sur son visage juvénile si bien qu'il s'étonnait encore de constater qu'être bloqué dans cette petite ville depuis l'ouragan qui avait malmené sont bateau pouvait s'avérer plaisant et enrichissant. Tout à sa contemplation des lieux et des activités qui l'entouraient, il ne vit pas le temps passer et déambula en long en large et en travers de la fête jusqu'à ce que naisse en lui l'intime conviction d'en avoir fait le tour. Là, pris d'un coup de mou post-découverte, il décida de s'éloigner un tantinet et de retrouver un peu de calme avant de retourner à l'appartement où Phoenix, sa colocataire, risquait fort de ne pas lui laisser une seule seconde de répit si, par malheur, il s'avérait qu'elle ne fut pas de garde ce jour là.
Ses pas nonchalants l'entrainèrent à l'écart de la fête où le banc qu'il convoitait était déjà occupé par une fille à l'air pensif. Non content d'avoir fraudé durant une partie de l'après-midi, il n'envisagea même pas la possibilité de laisser cette jeune femme à sa méditation et s'approcha avec assurance et bonne humeur jusqu'à se laisser tomber à ses côtés, une idée derrière la tête. « Salut ! » Attaqua-t-il, jovial, en lui décochant un sourire éblouissant. « Je m'appelle Romeo. Ils ont l'air bon tes bonbons ... » Intéressé par les couleurs qui se mélangeaient dans le plastique de l'inconnue, il y jeta un coup d’œil et finit par ajouter, avec une franchise que certains auraient pu qualifier de désarmante : « C'est la technique pour que tu m'en offrir un, tu remarques ? » Nouveau sourire Colgate, c'en n'était que plus contrastant comparé à l'air triste et mélancolique de la fille, tandis qu'une variation d'au moins trois ou quatre teintes devait séparer son bronzage des tropiques de la blancheur spectrale de la peau voisine.
Dernière édition par Romeo M.-Casador le Dim 28 Aoû - 14:36, édité 1 fois
Sujet: Re: « Too late to hide and too tired to care » (PV) Dim 28 Aoû - 13:32
Les couleurs avaient beau être diverses, le vert pomme, le bleu turquoise, le jaune citron, aucun de ces coloris ne donnait du baume au cœur à la jeune femme qui gardait cet air lugubre sur le visage. Installée à l’écart, enfin tranquille, elle fixait un point inexistant devant elle, le regard perdu dans le vide, glissant entre ses lèvres des petites boules sucrées sans vraiment apprécier leur goût ni leur saveur. C’était un geste machinal qui remontait à son enfance, un geste qui aurait pu la réconforter si cela avait été un petit chagrin qui lui ratatinait le cœur et l’esprit. Mais il y avait davantage à son malheur et quoi qu’elle fasse, le sucre ne serait pas suffisant pour lui redonner le sourire. Sa mère avait bien tenté une cure au chocolat, sous toutes ses formes, espérant obtenir une réaction, même si c’était des pleurs, de sa fille. Mais rien, le délicieux cake ne lui procurait aucun plaisir et les effets magiques du chocolat se révélaient impuissants sur la demoiselle. Perdue dans ses sombres pensées, elle ne prêtait plus aucune attention à tout ce qui pouvait bien se tramer autour d’elle et ne remarqua donc pas la haute silhouette qui s’approchait. Il aurait pu y avoir un troupeau qui passait par là qu’elle aurait pu ne pas le remarquer tant elle avait acquis cette faculté à créer un mur autour d’elle, inconsciente, insensible aux autres, elle était devenue un fantôme. Elle avait atteint l’objectif qu’elle s’était mis en tête après son accident : disparaitre, devenir complètement invisible à la face du monde. Qu’on l’oublie. Qu’on ne lui rappelle pas combien elle avait pu être naïve et stupide en tombant amoureuse d’un junkie mauvais à tous points de vue. Elle était convaincue que si elle parvenait à s’isoler, non seulement dans la vie réelle mais également dans sa tête, on la laisserait en paix, on oublierait même ses erreurs, on ne les lui rappellerait pas à tout bout de champ. Elle savait qu’ils n’avaient pas conscience de ce qu’ils faisaient, qu’ils ignoraient que leurs regards consternés, leurs gestes protecteurs faisaient tout sauf l’aider. Chaque fois que quelqu’un tâchait d’être tendre avec elle, elle sentait ses poils se hérisser. Elle ne voulait pas attirer la pitié. Elle ne voulait pas qu’on la plaigne. Elle était fautive, elle le savait parfaitement. Elle n’avait pas la solution à son problème. Il faudrait bien qu’elle remonte à la surface, tôt ou tard, mais pour l’instant, elle se laissait porter par les méandres de sa dépression. « Salut ! Je m’appelle Romeo. Ils ont l’air bon tes bonbons… » Si la voix parvint bien jusqu’à ses oreilles, elle ne réagit pas pour autant. Loin d’en être venue à se méfier de parfaits inconnus, elle ne lui adressa pas immédiatement un coup d’œil. Peut-être qu’il s’adressait à une tierce personne qu’elle n’avait pas remarquée. « C’est la technique pour que tu m’en offrir un, tu remarques ? » Difficile de ne pas noter l’accent du jeune homme qui parlait tout seul et elle tourna la tête pour voir à quoi il ressemblait. Le sourire qu’il lui lança la laissa perplexe. Trop franc, elle estima qu’il n’avait pas l’air sincère mais pour avoir côtoyé des gens venus de tous horizons quand elle était à l’université, elle savait que selon la culture, la façon d’interagir avec les gens différait. Sans mauvaise foi aucune mais sans non plus exprimer quelque contentement de partager ses sucreries, elle tendit le bras dans sa direction lui offrant l’ouverture béante du sachet, le laissa picorer comme il le désirait, puis reposa le sachet sur ses jambes croisées. Elle ne chercha pas à entamer la conversation, n’ayant rien à dire à personne, encore moins à un inconnu.
Sujet: Re: « Too late to hide and too tired to care » (PV) Lun 29 Aoû - 14:23
Ravi de voir qu'on répondait favorablement à sa requête, Romeo ne se fit pas prier pour attraper quelques bonbons dans le fond du sachet tout en ne se formalisant pas de l'air toujours aussi morose de sa propriétaire. Gourmand, il s'enfila la moitié confiseries ainsi récupérées et profita comme un gosse des nombreuses saveurs que chaque coup de dents faisait se rencontrer sous son palet. Tranquillement, il s'enfonça confortablement au creux du banc et étendit ses longues jambes devant lui tandis qu'il gardait, au creux de sa main elle-même posée sur sa cuisse, ce qu'il lui restait de vivres à disposition. Quiconque serait passé par là et aurait pris le temps d'observer la paire qu'ils formaient à cet instant se serait probablement fait la réflexion qu'on ne pouvait imaginer deux auras plus diamétralement opposées. Là où celle de l'inconnue paraissait froide, terne et négative, celle de Romeo, en revanche, brillait comme un soleil, irradiant tout sur son passage et provoquant - à juste titre parfois - l'exaspération des plus mal lunés.
Sans envisager que sa présence puisse s'avérer indésirable aux yeux de celle avec qui il partageait ce qu'il considérait désormais comme étant " leur " banc (et non plus " celui de la fille "), Romeo décida que le silence qui s'installait n'était pas une façon neutre et courtoise de lui faire comprendre que s'il dégageait, ç'aurait été aussi bien, voir même mieux. Calme et serein, il mastiqua encore une ou deux sucreries avant de tourner à nouveau son regard en direction de sa voisine inexpressive. « Alors quoi ? Tu déprimes toute seule sur un banc alors que tout le monde fête dans la foire ? » Questionna-t-il en léchant discrètement les grains de sucre restés accrochés au bout de son indexe. « Et après tu vas grossir avec le sucre et déprimer encore plus et manger encore et ça verra jamais la fin ... » Autant dire que sa vision des dépressions féminines se nourrissait de clichés vieux comme le monde, mais il ne semblait pas avoir envie de réviser son jugement en constatant que cette jeune femme avalait effectivement les bonbons à la chaine sans même manifester le moindre plaisir pour leur goût pourtant savoureux. « Ou bien tu es sourde ? »
Saugrenue, cette idée lui traversa l'esprit et l'incita à se décoller un tantinet du dossier contre lequel il était lourdement appuyer pour passer une main dans le champ de vision de l'inconnue et la secouer de haut en bas, histoire de vérifier si elle se rendait bien compte qu'il s'adressait à elle. « Ça bien tomber ... » Ronchonna-t-il dans sa barbe en marmonnant comme pour lui même qu'il ne savait pas parler le langage des signes.