Sujet: I'm looking past the shadows in my mind into the truth ✎ SWANN. Jeu 6 Oct - 22:43
✎ SWANN K. RUTHERFORD & ROKSANA A. ANDERSON-LITOVSKI
Il y a des souvenirs que le temps oublie d’effacer. Des souvenirs si indélébiles qu’ils restent encrés dans les mémoires, en simples traces d’une vie désormais révolue. Alla regarda le carton qui se trouvait juste devant elle, alors qu’elle était assise en plein milieu de son petit salon, sa tenue négligée, ses yeux fatigués. Délicatement, elle fit glisser ses doigts sur la surface de la boîte, partagée entre l’envie de l’ouvrir et la crainte de ce qui allait se passer si elle cédait à sa tentation. Cela faisait maintenant six mois qu’elle n’avait plus touché aux affaires de sa mère, six mois qu’elle s’était promis de faire son deuil en évitant de trop souffrir, six mois qu’elle préférait oublier cette femme qu’elle avait chéri durant des années. C’était certainement six mois de trop. Cette après-midi là, Alla n’en pouvait plus de lutter… Elle n’en pouvait plus de se battre face aux fantômes de son passé, insaisissables, semblables à de la fumée qu’elle aurait tenté d’attraper avec les mains. Son combat était vain, tout du moins, elle en était persuadée. D’une main soudainement assurée, elle déchira le ruban adhésif qui maintenait le carton fermer, et l’ouvrit brusquement, comme si sa vie en dépendait. C’était la véritable première fois où Alla se sentait aussi mal. D’un naturel joyeux et enjoué, elle avait réussi à masquer avec beaucoup d’habilité la blessure que la perte de sa mère avait pu lui causé à l’intérieur d’elle-même. La jeune russe s’était relevée de ce coup dur comme elle avait pu le faire toutes les autres fois, en véritable battante, à la force morale à toute épreuve. Elle avait fait comme s’il ne s’était rien passé, comme si sa vie continuait son cours, cependant, cela en avait été tout autre dans son esprit… Elle avait été bien trop occupée à donner une image positive d’elle afin rassurer son entourage pour se rendre compte que, lentement, elle n’était plus qu’un champ de ruine. Esquissant un sourire, elle prit une photo déposée en haut de la pile, à l’intérieur de la boîte, et la regarda, presque nostalgique. Sur le cliché, ses parents avaient l’air incroyablement heureux, elle également. Alla se surprit de se souvenir avec exactitude de tous les traits de sa maternelle, d’avoir en mémoire les différents tics faciaux qu’elle pouvait avoir quand elle la taquinait, d’encore entendre l’accent russe qu’elle avait quand elle parlait Anglais. Dire qu’elle s’était promis de l’oublier… Dire que ses souvenirs continuaient à la pister comme s’ils en avaient après elle. Le cœur d’Alla se serra, puis elle posa la photo à côté d’elle, avant de repartir une nouvelle fois à la recherche de merveilles. La jeune femme ne savait pas exactement ce qu’elle voulait trouver, mais une chose était sûre ; elle ne faisait pas cela pour son bien, non. Bien au contraire. Elle avait presque un plaisir malsain à sentir les larmes lui monter aux yeux, à se remémorer divers évènements qu’elle avait pu vivre avec sa mère, désormais vaincue par le temps et la maladie. Les doigts d’Alla se posèrent sur une pièce de tissu, et, presque intriguée, elle sortit du carton le foulard qui se trouvait là. Le regardant pendant quelques instants, elle le porta presque avec automatisme le vêtement fétiche de sa mère à son nez, et inspira de grandes bouffées. Presque d’imperceptibles gouttes de parfum étaient encore présentes sur le tissu, mais cela suffisait à Alla pour sentir de manière extrêmement vague l’odeur de sa mère. Les larmes aux yeux, elle demeura quelques instants la tête dans le foulard, comme si ce geste pouvait la ramener pendant quelques minutes à peine avec elle. Presque dans son monde, elle fût tirée de son recueillement personnel par un bruit de clef, d’une porte qui s’ouvre. Il ne lui fallut que quelques secondes pour pousser le carton dans un coin, retourner la photo de manière à ce qu’on ne puisse pas la voir, et enfouir le foulard sous un coussin. – On t’a jamais appris qu’il fallait frapper avant d’entrer ? dit-elle d’une voix qu’elle aurait voulu enjouée. Bien entendu qu’elle avait deviné qui était le visiteur surprise. Il n’y avait qu’une seule personne dans tout Arrowsic, en dehors d’elle-même, qui savait qu’elle cachait un double de sa clef d’entrée sous son paillasson. Qu’une seule personne qui avait également eu l’occasion de se foutre ouvertement de sa gueule quant à cette cachette incroyablement clichée. – Qu’est ce que t’aurais fait si j’avais été sous la douche, hm ? demdanda-t-elle, sourire léger aux lèvres. Elle évita soignesement son regard… Car Swann était très certainement celui qui la connaissait le mieux… Et qui donc pourrait facilement deviner qu’elle n’avait jamais été aussi mal qu’aujourd’hui. Et Alla ne voulait pas qu’il se donne la peine de… s’inquiéter ?
Dernière édition par Alla Anderson-Litovski le Mar 25 Oct - 18:41, édité 1 fois
Sujet: Re: I'm looking past the shadows in my mind into the truth ✎ SWANN. Sam 8 Oct - 1:27
YOU FALL LIKE AN ANGEL TO ME, AND YOU FELL AND BROKE YOUR WINGS.
Dans une chaleureuse étreinte, une élégante jeune femme d'une trentaine d'années serrait deux enfants entre ses bras. Ils devaient être âgés de neuf ans ou dix ans, et leur visage affichait un sourire béat. Un garçon, une fille. Des jumeaux. Swann et Coleen. La femme se baissa légèrement afin d’être au niveau de ses deux uniques enfants, et ouvrit la bouche. C’est à ce moment précis que Swann se réveilla en sursaut, des gouttes de sueur ruisselant sur son front et sur sa nuque. Il eut besoin de quelques secondes pour réaliser que ce rêve n’avait rien de réel, qu’il n’avait jamais entendu la voix de sa mère et qu’il ne l’entendrait jamais. Un petit rire s'échappa de ses lèvres, se moquant de la stupidité de son propre inconscient. Sa mère était morte en lui donnant la vie, et jamais il n'aurait la joie de la connaître, ni même de voir son visage ailleurs que sur de vagues photos dénuées d'émotion. Le dos redressé, les jambes encore confortablement glissées dans ses draps, Swann passa son visage dans ses mains en soupirant. Un coup d'oeil sur son portable l'informa qu'il était encore tôt, mais il savait qu'il n'arriverait plus à trouver le sommeil. La déstabilisante image de sa mère hantait toujours ses pensées lorsqu'il alla prendre une douche. Une fois habillé d'un simple jogging il reprit sa place initiale, à savoir dans son lit, muni d'un livre de Stephen King qu'il avait commencé quelques jours plutôt lors d'une folle nuit d'insomnie. Son but ? S'occuper l'esprit, l'emmener loin de cette enfance qu'il avait abandonnée depuis bien longtemps. Malgré tout il lui était impossible de se concentrer pleinement sur son livre si bien qu'une vingtaine de minutes plus tard il le troqua contre son ipod. Les yeux clos, la respiration calme et régulière, il ne tarda pas à sombrer dans un sommeil sans rêve, reposant. Il émergea quelques heures plus tard, vers le début de l'après-midi. Satisfait d'avoir rattrapé un sommeil agité, le jeune homme enfila un jean délavé, un tee-shirt ainsi qu'une veste marron claire avant de quitter la maison de sa défunte grand-mère, qui était désormais la sienne. Sa destination était toute décidée, et ses pas le guidèrent sans difficulté vers l'appartement convoité. Il n'avait pas annoncé sa visite, mais à vrai dire il ne le faisait presque jamais. Il était bien plus naturel pour lui d'entrer sans prévenir, de faire comme s'il pénétrait dans sa propre maison. Après tout c'était un peu sa deuxième maison ici. Une fois arrivé devant la porte d'entrée il se baissa, et attrapa le double des clés caché sous le paillasson. Enfin, "caché" était un bien grand mot pour l'endroit le plus prévisible qu'on puisse imaginer, et il n'avait pas manqué de le faire remarquer à celle qui était à l'origine de cette idée. Il glissa la clé dans la serrure et ouvrit la porte avant de pénétrer dans l'appartement. Il atteignit bien vite le salon, et remarqua une fine et frêle silhouette assise au milieu de la pièce. Le jeune homme haussa un sourcil tandis qu'une voix familière s'élevait à ses oreilles. « On t’a jamais appris qu’il fallait frapper avant d’entrer ? » Si le ton de sa voix s'efforçait de paraître enjoué, c'était raté. Elle avait une petite voix qui ne lui ressemblait pas. « Peut-être. J'ai du oublier. » répliqua-t-il en haussant les épaules dans un geste désinvolte. « Qu’est ce que t’aurais fait si j’avais été sous la douche, hm ? » Il remarqua son sourire, certes faible, mais qu'il ne pu s'empêcher de lui rendre. « Hum je sais pas... Je t'aurais rejoins, j'imagine. » dit-il avec une voix exagérément pleine de sous-entendus. Sa plaisanterie fut de courte durée lorsqu'il remarqua le regard fuyant de la jeune russe. Déposant sa veste sur le canapé il s'approcha d'elle et s'accroupit à ses côtés. Il posa délicatement une main sur la nuque de la jeune femme, dont il chercha le regard, les sourcils légèrement froncés. « Qu'est-ce qui se passe Roksanna ? » Il ne l'appelait que par ce prénom, malgré l'adoption récente du deuxième, celui que portait sa mère. C'est à ce moment qu'il remarqua une boîte close dans un coin, à quelques pas de là. S'il ne savait pas ce qu'elle pouvait contenir, il ne doutait pas qu'elle était la cause du comportement inquiétant de la jeune femme.
Dernière édition par Swann Rutherford le Ven 28 Oct - 20:19, édité 3 fois
Sujet: Re: I'm looking past the shadows in my mind into the truth ✎ SWANN. Lun 10 Oct - 18:26
✎ SWANN K. RUTHERFORD & ROKSANA A. ANDERSON-LITOVSKI
Solitude, solitude. Alla était seule avec elle-même, le nez enfoui dans un tas de tissus que le temps semblait avoir oublié, assise au beau milieu de chez elle. Elle ne tenait pas compte du temps qui s’écoulait, des minutes qui passaient, du nombre incalculable de secondes qui avaient dû s’évaporer en cet instant, alors qu’elle semblait figée dans cette même position de recueillement. Elle tentait en vain de retrouver un contact aussi petit soit-il avec sa maternelle, et c’était tout ce qui comptait. Absolument tout. Alla n’était absolument pas dérangée par la solitude qui la prenait soudainement, alors qu’elle était plutôt habituée à ne jamais être ainsi. Au contraire, petite, elle avait longtemps fait partie de ces élèves qui restent tout seuls durant les récréations entières, à se faire pointer du doigt dès que leurs camarades de classe en avaient l’occasion. L’absence de présence autour d’elle ne la perturbait pas, bien au contraire, cela l’apaisait presque. La russe avait l’impression de se retrouver, de pouvoir faire le point. En l’occurrence, à ce moment là, elle s’autorisait des moments de faiblesse, sans ressentir la moindre honte et ni la moindre gêne qu’elle aurait pu avoir si elle l’avait fait ouvertement, sous les yeux de son entourage. Au moins, seuls les murs pourraient témoigner de la souffrance qui l’habitait encore, et cela l’arrangeait presque. Dans une vague précipitation due au bruit de la serrure, elle avait cependant remballé toutes ses affaires, caché tous les éléments qui auraient pu la vendre lâchement. Cela devait être la première fois qu’elle regrettait d’avoir dit à Swann (ou plutôt, de l’avoir laissé trouver) où se trouvait le double de ses clefs. Cela devait également être la première fois qu’elle avait espérer ne pas le voir, alors qu’il était certainement l’homme le plus important de sa vie, si l’on ne comptait pas son père. Son cœur commença à légèrement s’emballer alors qu’elle était toujours assise au milieu de la pièce, le regard fuyant, comme si elle aurait pu attraper la peste rien qu’en fixant Swann. Sans réellement réfléchir, elle l’accueillit avec un reproche taquin, comme si tout était normal, alors qu’en réalité, rien ne l’était. Il répondit presque d’un ton lasse, cette expression égale qui avait le don de la faire, mais celui-ci encore plus faux que tout le reste. Elle aurait aimé ne rien laisser paraître, mais elle sentait que sa crédibilité ne faisait que décroitre de façon alarmante au fil des secondes, au fil des pas que Swann pouvait faire pour se rapprocher d’elle. Elle se savait coincée. C’était une évidence qu’elle se devait d’admettre. Lentement, elle enchaina, lui demandant ce qu’il aurait fait si elle avait été sous la douche. Gagner du temps… Pourquoi pas le faire repartir comme il était venu, aussi vite que le vent. - Hum je sais pas... Je t'aurais rejoins, j'imagine. Inconsciemment, elle esquissa un nouveau sourire, qui n’apparut qu’un bref instant sur ses lèvres. D’ordinaire, elle aurait très certainement répliqué, en aurait rajouté sur les sous-entendus, mais en cet instant, elle n’avait pas trouvé les mots pour. Les phrases lui manquaient, tout comme l’air, qui semblait refuser de pénétrer dans ses poumons. Du coin des yeux, elle remarqua Swann se déplacer, et son rythme cardiaque s’accéléra au fur et à mesure des pas qu’il pouvait faire. Sa réaction était puérile, horriblement puérile. Cependant, il y avait une chose dont elle ne démordrait pas ; c’était son combat, pas le sien. Elle ne voulait pas l’embêter avec son deuil, aurait préféré qu’il n’en sache rien. Sentant sa main contre sa nuque, elle frissonna, évitant toujours soigneusement son regard. Elle était que trop prévisible. Bien entendu qu’il avait deviné que ça n’allait pas. - Qu'est-ce qui se passe Roksanna ? - Rien du tout, tout va très bien ! dit-elle d’une petite voix, qui ne la trahit qu’encore plus. Elle fit un mouvement pour l’inciter à retirer sa main de sa nuque, puis se leva, certainement avec plus de conviction que nécessaire. Debout, elle croisa les bras, enveloppée dans son pull beaucoup trop grand pour elle. Alla le regard franchement, certainement pour la première fois depuis qu’il avait mis un pied chez elle. Elle fronça le nez, avant de se mettre à jouer avec les mailles de son pull, donnant discrètement des coups de pieds dans le carton pour le glisser hors de la vue de Swann. Discrétion. Elle pensait que cela ferait l’affaire. - Tu continueras toujours à m’appeler Roksana, hein ? Pourquoi ? L’entrainer sur un autre sujet. Peu à peu, elle se sentait reprendre des couleurs, bien que son teint soit définitivement empreint d’un halo de tristesse pour le reste de la journée. Triste fatalité. Elle savait qu’elle n’aurait jamais dû craquer… Elle le savait.
Dernière édition par Alla Anderson-Litovski le Mar 25 Oct - 18:42, édité 1 fois
Sujet: Re: I'm looking past the shadows in my mind into the truth ✎ SWANN. Sam 15 Oct - 20:46
YOU FALL LIKE AN ANGEL TO ME, AND YOU FELL AND BROKE YOUR WINGS.
La visite du jeune homme ne s'annoncerait pas aussi joyeuse que les autres. Il l'avait su dès qu'il avait aperçu le doux visage d'Alla, assise au milieu de son salon. Elle n'était plus joyeuse et son calme rassurant semblait l'avoir quittée. Son visage affichait un stress et des émotions inhabituelles, qu'elle n'arrivait visiblement pas à gérer. Swann se mit à regretter pendant quelques instants d'être rentré aussi facilement que d'habitude chez le jeune russe, sans la prévenir. Bien qu'il ai toujours agit ainsi avec elle, il se rendait compte qu'il aurait parfois été plus intelligent de l'appeler. D'un autre côté, s'il n'était pas intervenu soudainement, il n'aurait certainement jamais su ce qui la tracassait, et c'aurait été bien pire. Leur échange taquin qui était normalement habituel sonnait faux et ne semblait pas à sa place dans l'ambiance tendue qui régnait dans l'appartement. De plus, il remarquait que ses sourires étaient quelque peu contraints. Il était désormais accroupi aux côtés de la jeune femme, une main posée sur sa nuque. Mais cette dernière le força à la retirer quelques secondes plus tard. Il n'avait pas l'habitude d'être ainsi repoussé, tant ils étaient habituellement tactiles et complices. Cela ne fit que l'alerter un peu plus. Elle n'était décidément pas du tout en forme. « Rien du tout, tout va très bien ! » répliqua-t-elle avec un entrain minablement imité. Alla se leva et se posa de tout son long au milieu de la pièce. Swann l'imita, et ils se retrouvèrent l'un en face de l'autre, quelques mètres les séparant. La distance qui se creusait lentement entre eux était autant physique que morale. Il la toisa avec une soudaine sévérité. « Arrête de me mentir. » Il la connaissait par coeur, et sa prétendue bonne humeur ne parvenait pas à le bluffer. Il ne pouvait s'empêcher d'être blessé par son insistance à éluder. Etait-ce un manque de confiance, ou n'avait-elle tout simplement pas envie d'en parler avec lui ? Si c'était le cas, il lui suffisait de lui dire clairement, mais il n'avait pas l'intention d'abandonner tant qu'elle continuerait à prétendre que rien ne clochait. Baissant les yeux, le jeune homme remarqua la même boîte en carton qu'elle avait auparavant tenté de dissimuler. Elle continuait à la cacher, y donnant de légers coups de pieds qu'elle voulait discrets. Il fronça de nouveau les sourcils, prêt à l'interroger. Mais il l'oublia complètement quand elle lui posa brusquement une question, plus proche du reproche que d'une simple interrogation. Tu continueras toujours à m’appeler Roksana, hein ? Pourquoi ? » Peut-être essayait-elle de changer de sujet, et si c'était le cas, sa tentative réussissait à merveille. Tout d'abord désarçonné par cette question qu'il jugeait étrange, il finit néanmoins peu à peu par en comprendre la raison. Sa mère, c'était évident. Comment avait-il pu ne pas y penser tout de suite ? Bien sûr qu'elle souffrait de la mort de cette dernière, comment aurait-il pu en être autrement ? Il se mordit la lèvre avec colère. Quel abruti fini. Le silence s'installa, tandis qu'il réfléchissait au meilleur moyen de rattraper sa gaffe. La situation aurait pu être ridicule, si elle n'avait pas été si grave. Debout, face à face, l'une le regard fuyant, l'autre en proie à une violente colère contre lui-même. Retrouvant finalement sa voix, celle-ci s'adoucit, mais demeura ferme. « Parce que c'est comme ça que tu t'appelles. » Hésitant, il poursuivit, avec encore plus de douceur, presque désolé. « Utiliser son prénom ne la ramènera pas. » Il fit un pas prudent dans sa direction, ne sachant pas comment elle réagirait. Il la fixait intensément, guettant une quelconque réaction. Même s'il l'a connaissait depuis plusieurs années, il n'avait jamais réussi à prévoir ses actions, ses paroles ou même ses gestes. Elle était imprévisible, et bien que cela l'effrayait parfois, c'était une des raisons de son si profond attachement pour elle.
Dernière édition par Swann Rutherford le Ven 28 Oct - 20:18, édité 2 fois
Sujet: Re: I'm looking past the shadows in my mind into the truth ✎ SWANN. Mar 25 Oct - 21:13
✎ SWANN K. RUTHERFORD & ROKSANA A. ANDERSON-LITOVSKI
Alla avait toujours été une fille secrète, une fille aux tendances solitaires, une de ces personnes qui n’étaient qu’un vaste mystère pour les autres, un océan à la fois insaisissable et lointain. Elle avait un monde, un univers qui lui était propre, et peu de personnes étaient autorisées à franchir les frontières de son jardin secret. On lui avait souvent reproché, d’ailleurs, d’être aussi fermée, aussi peu encline à accepter de nouvelles personnes dans sa vie. Beaucoup lui en avait voulu de ne jamais parler d’elle, de ne jamais faire confiance aux autres pour faire part de ce qu’elle pouvait penser ou interpréter. Elle avait eu des amis, oui, mais pas suffisamment proches pour qu’ils puissent connaître tous les détails de sa vie. On lui avait souvent répété que cela conduirait à sa perte, qu’elle ne pouvait pas tout faire toute seule, qu’elle ne pouvait pas tout encaisser comme une personne mure et responsable… Et pourtant, c’est ce que la jeune Russe avait réussi à faire, durant toute son enfance et toute son adolescence. Elle avait su prouver au monde qu’elle se débrouillait très bien toute seule, merci pour elle, qu’autour d’elle la jeune femme n’avait pas forcément besoin d’amis trop proches. Très peu de personnes avaient été conviées à savoir ce qu’il se passait dans sa tête, très peu de personnes avaient eu l’occasion d’entre apercevoir comment la russe pouvait penser. Et le seul homme à avoir reçu cette confiance avait été Swann, actuellement dans le salon même de la demoiselle, alors que celle-ci venait de lâchement de rendre les armes pour sa mère. Fatalité. S’il avait été quelqu’un d’autre, s’il n’avait pas été Swann Rutherford, s’il n’avait pas été cette personne si importante à ses yeux, elle n’aurait très certainement eu aucune pitié pour le mettre dehors sans plus d’explication, sans lui accorder ne serait-ce qu’un seul regard, un seul sourire. Mais là… Elle ne pouvait tout simplement pas. Rien que le fait de le rejeter lui saisissait le cœur ; rien que le simple mouvement d’épaule qu’elle avait fait pour l’inciter à opter sa main d’elle la dégoutait profondément. Ce n’était pas normal d’agir ainsi envers lui. Elle s’en voulait presque. Dans une vague d’espoir, elle lui jura que tout allait bien, mais elle avait conscience que cela n’aurait aucune crédibilité pour lui. Alla savait qu’il la connaissait que trop bien pour ne pas se laisser prendre au piège… Même quelqu’un qui ne la fréquentait pas aurait pu savoir que quelque chose allait littéralement de travers. C’était d’une évidence presque enfantine… - Arrête de me mentir. Alla frissonna, comme si ses paroles avaient été une véritable claque, alors qu’elle se relevait tout juste afin d’être debout et surtout de paraître moins frêle. Le ton de Swann était presque accusateur, et avait eu le don de lui glacer le sang jusqu’au plus profond d’elle-même, mais d’un certain côté, elle le comprenait. Ils avaient toujours été proches, il avait toujours été le seul à savoir ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait, à un tel point qu’il avait lui-même deviné que pour elle, il n’était pas qu’un simple ami. Là, il était relégué au même rang que les autres personnes, là, il n’était qu’une simple connaissance en qui elle n’avait pas suffisamment confiance pour tout dire, tout avouer. Alla fit son possible pour l’entrainer sur un autre sujet, tenter de lui faire oublier l’état dans lequel il l’avait trouvé. Elle savait que toutes ses tentatives seraient vaines, mais elle voulait au moins se donner la peine d’essayer. La Russe ne voulait pas l’embêter avec son deuil, c’était bien la dernière chose qu’elle voulait faire. Vraiment la dernière chose. Elle lança alors une remarque sur sa manie de l’appeler encore Roksana, première idée qui lui vint à l’esprit ; cherchant à le piquer pour qu’il réagisse au lieu de s’inquiéter pour elle. – Parce que c'est comme ça que tu t'appelles. Alla soupira, lasse, comme si cette fatalité l’agaçait et que cette réponse ne la satisfaisait pas. Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais Swann enchaina, le ton plus doux, comme s’il savait qu’il s’aventurait sur un terrain instable. – Utiliser son prénom ne la ramènera pas. Roksana leva les yeux vers lui, le regard à la fois suppliant et fatigué, l’esprit confus et les sentiments emmêlés. Lutter devenait de plus en plus difficile, et avoir Swann dans les parages ne l’aidait en rien. La Russe hésitait entre éclater en sanglots maintenant pour enfin pouvoir se réfugier dans ses bras protecteurs, ou bien tenter de poursuivre ses efforts. Elle était tellement déchirée qu’elle restait là, immobile, sans que le moindre geste trahisse le combat qui faisait rage dans son être. – Je sais. dit-elle simplement. Sa gorge était serrée, à un tel point que son accent russe, si longtemps enfoui dans ses racines, était ressorti, aussi clair que de l’eau de roche. Elle baissa son regard, observant le carton qu’elle avait tenté de dissimuler, parfaitement consciente que Swann l’avait vu. Elle écrasa une larme solitaire qui commençait à couler sur sa joue, puis saisit la boîte contenant toutes les affaires de sa mère, mouvement de détresse et impulsif. Dans son esprit, tout était embrouillé, c’était la première fois qu’elle se laissait souffrir ainsi. Dotée d’une force morale à toute épreuve, elle avait par le passé réussi à se remettre de toutes les situations, sans trop souffrir par la suite. Là, c’était la première fois… Et Alla se sentait dépassée, perdue, seule. Seule. – Tu sais ce qui m’énerve le plus ? Tu sais ce qui me met en rage ? C’est que c’est toujours les meilleures personnes qui s’en vont de cette putain de Terre avant les autres. Toujours ! Elle ouvrit rageusement le carton, puis le renversa dans la pièce, les larmes coulant toujours sur ses joues, le bruit des objets tombant contre le sol assourdissant ses oreilles. Elle ne contrôlait plus ses gestes, n’était même plus sûre d’être à l’origine de ses paroles. Alla lança le carton vide dans son salon, certainement avec plus de force que nécessaire, puis marcha sans aucun remord sur les photos, les bijoux, les carnets qui gisaient sur le sol, pour se rapprocher de Swann et se mettre à sa hauteur, les yeux débordant de larmes. Excès de fureur qui ne lui ressemblait pas non plus. A vrai dire, elle n’avait même pas l’impression d’être elle-même. – Elle avait pas le droit de mourir. Elle avait pas le droit de partir comme ça, elle… Elle… Elle me manque, Swann. Elle me m…manque tellement. Elle porta une main à sa bouche comme pour étouffer ses sanglots, ne chercha même pas à se réfugier dans ses bras. Elle se sentait faible, presque sale de souffrir autant. C’était la première fois. La toute première fois.