« Et voilà ! Tu as été très courageux. » Hazel retira la seringue pour la déposer dans le petit bac sur la table mobile à sa droite, tout en appuyant un coton sur le bras du gamin de six ans assis sur la table d'auscultation. Le petit fronça le nez en observant son bras. « C'est vrai madame Hazel ? » Elle lui adressa un sourire et ébouriffa doucement ses cheveux blonds. « C'est vrai. Beaucoup d'autres petits garçons crient ou pleurent parce que l'aiguille fait mal. Mais toi, tu n'as ni pleuré, ni crié ! » Elle retira le coton pour y appliquer un petit pansement bleu, puis fouilla dans ses poches pour en retirer trois sucettes de couleurs différentes. « Laquelle tu préfères ? » Il s'empara de la sucette jaune, goût citron, qu'il déballa immédiatement pour la fourrer dans sa bouche, pendant que la pédiatre griffonnait dans son carnet de santé. « Voilà pour le rappel DTP ! Tu me fais un bisou Jayden ? » Et un gros baiser collant sur la joue plus tard, le petit Jayden et sa mère disparaissaient dans le couloir.
Hazel poussa un long soupir en refermant la porte de son bureau derrière elle. Elle n'avait que très peu dormi cette nuit-là et elle ne rêvait que d'une chose, rentrer chez elle pour aller se coucher. Mais elle devait faire ses heures, évidemment, alors autant rester à l'hôpital. Mais pour le moment, l'heure était au café ! Ce fut donc en s'étirant longuement qu'elle se dirigea jusqu'à la salle de repos du département pédiatrie pour se servir une bonne tasse de café très serré. La pièce était vide. Finalement, un peu de calme faisait toujours du bien, surtout après avoir subi les piaillements enthousiastes ou effrayés des enfants dans la salle d'attente. Elle adorait son boulot, elle adorait les enfants, mais ce brouhaha de petites voix aiguës qu'elle avait entendues ce matin-là lui avait refilé une migraine terrible. Peut-être que Ross n'avait rien à faire, là... Ce fut donc dans l'espoir de voir son cher et tendre avant le soir qu'elle se dirigea jusqu'à l'accueil de l'hôpital où elle était sûre de trouver Janice, une de leurs amies communes.
« Désolée ma belle, mais ton prince charmant n'est pas libre avant la pause de midi ! » Un petit soupir déçu échappa à la pédiatre, accompagné d'une charmante moue, pendant que l'infirmière fouillait dans une pile de dossiers. « Par contre si tu pouvais t'occuper du beau gosse qui attend des examens complets en salle 27, tu serais un ange. Ca fait une demi heure qu'il attend, le pauvre... » La brune s'empara du dossier sans l'ouvrir, en levant les yeux au ciel. « Janice, t'es mariée depuis dix ans ! » Elle n'attendit pas la réponse de son amie, préférant se diriger à grands pas vers la salle 27, tout en feuilletant le dossier qu'elle avait dans les mains. Ce fut d'un coup de hanches bien placé qu'elle ouvrit grand la porte. « Alors, un check-up complet, c'est bien ça ? » Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle releva le nez... Et écarquilla les yeux. « Lawrence ! » C'était bien le géant blond qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt, en le prenant en stop pour l'amener jusqu'à New York... Et devant qui elle s'était bourré la gueule de façon lamentable. Avec un grand sourire, elle s'approcha pour le serrer dans ses bras. « Ca fait longtemps ! Comment tu vas ? »
« Mais c’est quoi ton problème Lawrence? »Le jeune homme regardait par la fenêtre de sa voiture, silencieux tout en tenant le blackberry d’une main, une cigarette de l’autre. Pourquoi avait-il reprit cette fichue nicotine ? Neuf ans sans fumer, et voilà qu’il replongeait à peine le panneau « Maine » aperçu. C’était lamentable. La voix féminine à l’autre bout du téléphone commença à hurler dans les tympans du grand blond : « Mais putain réponds moi !!! ». Il lâcha un soupir, tournant la clef de son véhicule pour le démarrer avant de répondre sur un ton tout à fait neutre, pouvant même déceler une pointe d’amusement dans ses paroles : « Ecoute heuu… Louise, c’est ça ? Là je suis en Amérique, ok ? Ta facture va être salé. Et puis à dire vrai, tu as une joli voix quand tu ne cries pas, mais… Je ne me souviens pas de toi, ni même d’avoir oublié quoi que ce soit chez toi. Allez, bonne journée, et à la prochaine ! » « Son of the b…. », commença-t-elle à jurer avant qu’il ne raccroche en grimaçant. Non, il ne se souvenait pas d’elle on ne pouvait pas le blâmer non plus. Combien de femmes se souvenaient de lui après une partie de jambe en l’air, des mois après ? Certainement très peu. Il lâcha un court soupir et quitta sa place de parking. Le matin venait à peine de se lever, et le jeune homme était réveillé depuis déjà quelques heures. Il n’arrivait jamais à prendre un rythme de civil, habitué à se lever à des heures avant le jour, dormir était pour lui tabou. Sa dernière grasse matinée devait remonter au lycée. Le jeune homme roulait dans les rues vides d’Arrowsic quand il reçu un mail sur son téléphone. Il profita d’un feu rouge pour le lire : rendez-vous à l’hôpital à 9h pour un check-up complet. Il afficha une moue dégoutée en lisant les quelques mots envoyés par son chef de régiment. Bon, et bien il avait trouvé quoi faire ce matin.
Lawrence se présenta à l’accueil avec un petit sourire, montrant le mail envoyé par ses supérieurs afin de justifier sa présence ici. La jeune femme de l’accueil commença à lui raconter sa vie, et lui poser des questions sur sa vie de militaire avec une pointe d’excitation dans la voix quand Lawrence répondit en levant un sourcil, un sourire léger sur le visage : « J’ai rendez-vous à neuf, mademoiselle, et il est déjà dix… ». Elle s’arrêta dans son élan, affichant un petit sourire gêné avant de le diriger vers une salle. Le jeune militaire la remercia avec un sourire avant de disparaitre dans le couloir indiqué. Il ne connaissait que trop bien cet hôpital. Il avait fait de nombreux séjour par le passé, étant plutôt casse-cou mais surtout à cause des nombreuses bagarres. Mais malgré tout, le bâtiment avait évolué, il s’était même agrandit à première vue. Lawrence s’installa sur une chaise de la salle qu’on lui avait indiquée, s’affala complètement dessus en lâchant un petit soupir. Il s’en serait bien passé malgré tout, d’être là. A Arrowsic. Ce n’était pas une bonne idée dans le fond, il détestait cette impression d’être un intru dans la ville, ne pas se sentir à sa place. Peut être qu’il dramatisait, parce que les personnes avec qui il avait discuté l’avaient bien accueilli mais malgré tout il avait du mal… Neuf années s’étaient écoulées depuis son départ. La porte s’ouvrit à la volée, le sortant de ses pensées. Il se leva en voyant le médecin rentrer, un petit sourire aux lèvres qui s’élargit quand il reconnu Hazel. Il la serra légèrement dans ses bras tout en répondant :
« Holy Shit, le monde est petit dis moi ! Et bien à priori, ça va. Mais oui, check-up complet obligatoire, avec l’armée… », surtout avec la section dans laquelle il travaille, il savait qu’il aurait droit aussi aux rendez-vous psychologiques et tout le bazar comme lorsqu’il a signé son contrat. « Qu’est-ce que tu fais dans un trou paumé comme Arrowsic, hein ? J’te voyais bien à la grey’s anatomy tu sais, dans un grand hosto où tous les médecins se font des coups bas pour avoir telle ou telle opération… »
Arrowsic était un petit patelin, même si l’hôpital prenait certainement les patients des villes voisines, il n’y avait pas beaucoup d’établissements médicaux dans le coin. Mais ça lui faisait plaisir de la voir, une tête connue il y a peu. Hazel traversait une crise dans son couple, lui avait eu des soucis avec sa voiture de location lors d’une permission en début d’année, et tous deux avait passés quelques jours ensemble à déconner, sans rien faire de mal. Juste rire, plaisanter, faire les cons, se détendre pour repartir dans leur chemin de vie séparément. Et à présent, ils se retrouvaient, ici, ça faisait du bien.