Sujet: Still don't know what love is Ven 28 Oct - 23:26
Spoiler:
Louanne n’attendit pas que Garrett vienne lui ouvrir après avoir tapé trois coups secs à sa porte. Elle descendit paisiblement les escaliers, descendit l’allée, marcha jusqu’à son portail, remonta son allée et s’arrêta en plein milieu, avant de se laisser asseoir dans les herbes folles qui montaient maintenant jusqu’à ses genoux. Elle s’allongea dans l’herbe, disparaissant complètement tant elles étaient touffues, ses seuls pieds dépassant sur le gravier parsemé de petites touffes. Elle avait vécu dans une bulle ces dernières semaines aux côtés de Garrett, allant directement chez lui après le travail, y passant souvent la nuit, n’allant dans sa maison que lorsqu’il lui fallait changer de vêtements. Ainsi le lait avait de nouveau tourné dans le frigo et sa corbeille à papier débordait de journaux qu’elle n’avait pas lus. Lorsqu’elle avait quitté le lit ce matin elle avait su que cela ne pouvait plus durer. Elle devait faire face à tout ce qu’elle avait tu jusqu’à présent. Et elle devait commencer par parler à son compagnon.
Contemplant le carré de ciel bleu parsemé de brins d’herbes qu’il lui était possible de voir, elle respirait paisiblement, les mains posées sur son ventre pour suivre son lent et régulier soulèvement. Elle reconnut le pas de Garrett sur le gravier ; il devait penser qu’elle était devenue complètement folle. En réalité elle était folle depuis déjà un certain temps. Elle ne faisait que se mentir à elle-même, à lui, par la même occasion, en lui cachant toutes ces choses qu’elle avait décidé d’oublier. Mais ces choses-là ne s’oublient pas si facilement. Elle ferma les yeux, ne prêtant aucune attention au fait que la saison avait changé et qu’il faisait presque froid à Arrowsic. Il s’allongea à côté d’elle. Il n’avait pas le choix, c’était soit avoir l’air ridicule à parler à des pieds inertes ou avoir l’air ridicule à deux.
Louanne réouvrit les yeux et tourna la tête sur le côté pour voir le visage de Garrett à côté du sien entre les touffes d’herbes. Il avait l’air inquiet, c’était son droit. Elle soupira. « Tu sais quand je suis arrivée j’étais enceinte. Quand on a fait l’amour la première fois je l’étais. Mais je ne voulais pas y penser. Et puis tu es parti et je me sentais vide et je suis allée avorter. » L’infirmière avait détaché son regard de son amant – elle n’aurait pu parler sinon. Elle fixait le ciel bleu, se concentrait sur ses mains qui montaient et descendaient au rythme de sa respiration sur son ventre et continua de parler sur un ton monocorde. « Et tu as commencé à me manquer, et on s’est retrouvés, et tu as fait battre mon cœur et je me suis dit : si tu avais été enceinte de lui, jamais tu n’aurais avorté. Parce que cet homme est fabuleux, même s’il te quitte. Parce que tu voudrais garder la preuve que tu as partagé sa vie. Parce que tu en serais fière. » Elle tourna la tête. « Je ne sais pas si ce que je dis a du sens. »
Sujet: Re: Still don't know what love is Sam 29 Oct - 1:43
J'étais en train de préparer du thé au cas où Louanne passerait après son travail comme à son habitude. J'avais mis la bouilloire sur le rond et elle était en train de me crier après alors qu'on cognait trois coups secs à ma porte. Je sursautai face à cette cacophonie de sons énervants. Je me dirigeai rapidement vers la théière, l'écartai du rond pour la mettre sur un non-utilisé, puis fermai la chaleur de l'autre. Quand j'arrivai à la hauteur de ma porte, j'écartai le rideau de la petite fenêtre à côté pour me rendre compte qu'il n'y avait plus personne sur le seuil de ma maison. Je fronçai les sourcils en laissant mon regard balayer mon entrée et les fronçai encore plus lorsque j'aperçu Louanne, allongée dans l'herbe, les yeux fermés.
J'ouvrai la porte sans faire trop de bruit et, sans souliers, en simple bas, je me rendis jusqu'à elle. Il faisait un peu froid avec seulement mon chandail à manches longues gris, avec l'hiver qui arrivait, mais peu important. Je m'allongeai sans réfléchir aux côtés de ma petite amie. Je tournai la tête vers elle et la regardai un moment en silence. Elle tourna finalement la tête vers moi et remarqua mon air inquiet. J'avais peur des raisons de sa venue. Habituellement, lorsqu'elle venait chez moi après avoir passé l'avant-midi à l'hôpital, elle entrait chez moi et nous nous collions amoureusement pendant une bonne heure avant de se décider à faire quelque chose de constructif, soit aller nous balader, regarder des films, faire la cuisine, etc.
Aujourd'hui, l'ambiance n'était pas du tout la même. Elle ne m'avait même pas embrassé, et j'étais trop inquiet et décontenancé pour le faire maintenant. Louanne soupira et sans bonjour, sans explication, se lança dans un torrent d'idées confuses, de révélations troublantes. J'avais probablement les yeux ronds et la bouche entrouverte sans vraiment m'en rendre compte. « Tu sais quand je suis arrivée j’étais enceinte. Quand on a fait l’amour la première fois je l’étais. Mais je ne voulais pas y penser. Et puis tu es parti et je me sentais vide et je suis allée avorter. » J'avalai difficilement ma salive. Enceinte de qui ? De ce connard de musicien qui avait gâché des années que j'aurais pu avoir avec elle ? Et pourquoi ne pas m'en avoir parlé ? Pourquoi ne pas m'avoir demandé de l'accompagner à l'avortement si vraiment c'était la seule solution ? J'étais confus, c'était un trop plein d'émotions. Rien ne sortait de ma bouche, cependant. Elle continua donc. « Et tu as commencé à me manquer, et on s’est retrouvés, et tu as fait battre mon cœur et je me suis dit : si tu avais été enceinte de lui, jamais tu n’aurais avorté. Parce que cet homme est fabuleux, même s’il te quitte. Parce que tu voudrais garder la preuve que tu as partagé sa vie. Parce que tu en serais fière. (...) Je ne sais pas si ce que je dis a du sens. » Je tournai la tête vers le ciel à mon tour. Je ne savais pas vraiment quoi dire. « Du sens ? ... Oui et non ... Enfin oui, bien sûr ce que tu dis se tient mais ... disons que ça soulève beaucoup de questionnements et ... » Je fronçai les sourcils et laissa ma tête tomber vers elle. Je la regardai. « ... c'est ... c'est pas comme si tu ne pourras jamais être enceinte de nouveau, tu sais ... c'était pas ta seule chance ... je ... nous ... il y a peut-être une famille qui nous attends, plus tard ... » Je ne sais pas trop pourquoi je disais ça. Pour la rassurer peut-être. J'étais trop gêné alors je fixai le ciel de nouveau. « Pourquoi me dire ça maintenant ? Maintenant que c'est fait et que tu ne peux plus retourner vers l'arrière, et que ça ne change rien que je le sache ou pas ? »
Sujet: Re: Still don't know what love is Sam 29 Oct - 22:21
Le poids sur le cœur de Louanne ne s’était allégé en rien après cette confession expéditive. Elle pensait qu’elle se serait sentie mieux, mais ce n’était pas le cas. Elle n’avait fait que percer l’abcès, il fallait maintenant qu’elle draine tout ce qu’elle avait gardé caché sous sa peau, sous son sourire, sous ses yeux brillants. De toute façon, elle craignait de ne pouvoir se faire comprendre de son petit ami. Il ne connaissait que la face la plus brillante de la médaille et même, aux yeux de Louanne, elle restait bien terne. Mais peut-être comprendrait-il pourquoi elle ne lui avait pas rendu son « je t’aime », du moins pas encore. Car ça aussi, c’était une connerie à ajouter au chapelet des conneries de la vie de la dernière des Ginsberg. « Du sens ? ... Oui et non ... Enfin oui, bien sûr ce que tu dis se tient mais ... disons que ça soulève beaucoup de questionnements et ... » Leurs regards se croisèrent lorsqu’il tourna la tête à son tour vers elle mais ce qu’il disait les embarrassa tous les deux. Elle l’avait pris de court, elle le savait et s’en voulait pour ça, mais elle ne voyait aucun moyen d’introduire ce qu’elle venait d’avouer. Alors elle détacha son regard du sien pour ne pas le gêner plus. « ... c'est ... c'est pas comme si tu ne pourras jamais être enceinte de nouveau, tu sais ... c'était pas ta seule chance ... je ... nous ... il y a peut-être une famille qui nous attends, plus tard ... » Un sourire fébrile caressa ses lèvres. Il était déjà sa famille. « Pourquoi me dire ça maintenant ? Maintenant que c'est fait et que tu ne peux plus retourner vers l'arrière, et que ça ne change rien que je le sache ou pas ? » Elle était bien, allongée dans l’herbe comme ça. Sa main courut au travers de toute la végétation pour chercher celle de Garrett. Leurs deux peaux étaient fraîches. « Ca change tout, » murmura-t-elle alors, « ça change tout parce que tu sais maintenant que je suis complètement dingue, mais aussi le moment où j'ai compris que je suis amoureuse de toi. » Elle roula sur le côté de façon à se retrouver sur le flan, saisie d’une assurance nouvelle, alors qu’elle serrait un peu plus la main de son voisin dans la sienne. « C’était ma dernière connerie. Depuis que je t’ai j’ai arrêté d’en faire. Parce que je t’aime et que je ne veux pas te perdre. » Depuis le soir où il lui avait dit qu’il l’aimait et qu’il l’avait attendue, il ne l’avait plus jamais répété. Elle le savait, elle le sentait, dans chacun de ses baisers, dans chaque étreinte, chaque respiration dans son cou, mais il n’avait plus rien dit à ce sujet. Par respect, par… amour pour elle, mais elle voulait l’entendre maintenant, elle était prête à l’entendre, à l’assumer, et à lui répondre.
Sujet: Re: Still don't know what love is Jeu 3 Nov - 16:20
Elle avait été si heureuse durant les derniers jours. Nous avions été insouciants, totalement passionnels, vivant la vie au jour le jour, ensemble. Elle ne s'était encore pas tout à fait installée dans sa maison, d'ailleurs elle passait le plus clair de son temps dans la mienne. Toutefois dans ma tête cela ne changeait pas grand chose, tant qu'elle était à mes côtés. J'étais loin d'imaginer qu'elle cachait ses problèmes dans notre amour. Quand elle était avec moi, elle oubliait. Voilà pourquoi elle était constamment chez moi, pendues à mes lèvres. Quand elle arrivait chez elle, elle revoyait la maison vide et inerte. Elle se souvenait de ses parents, des erreurs qu'elle avait commises, de la vie à Arrowsic qui ne l'avait pas attendue et qui l'avait presque oubliée, excepté quelques personnes comme moi qui l'aurait toujours conservée comme un beau souvenir. En plus de cela, maintenant je savais qu'elle avait eu cette grossesse et cet avortement et qu'elle avait dû y faire face seule. Je voyais maintenant l'autre côté de la médaille du monde de Louanne. Le côté rouillé, le côté terne, le côté vieilli et usé, celui qui est essoufflé d'avoir vécu. Nous en avions tous un. Le sien me semblait cependant bien plus terni maintenant que j'ouvrais mes yeux à la réalité. « Ca change tout, » Elle avait raison, ça changeait tout. Absolument tout. Je baissai les yeux. « Ça change tout parce que tu sais maintenant que je suis complètement dingue, mais aussi le moment où j'ai compris que je suis amoureuse de toi. » Mes yeux se relevèrent tout d'un coup. Avais-je tout inventé ? Une hallucination auditive ? Non, elle était bien là, j'étais réveillé - je le sentais - et elle me regardait avec assurance. J'étais trop ému, trop chambardé, pour répondre quoi que ce soit. Je serrai toutefois sa main avec des yeux brillants et un sourire qui voulait tout dire. « C’était ma dernière connerie. Depuis que je t’ai j’ai arrêté d’en faire. Parce que je t’aime et que je ne veux pas te perdre. » Cette fois elle l'avait vraiment dit. Avec les mots tels que je les avais sortis quelques semaines plus tôt. J'avais attendue qu'elle soit prête. Je n'avais pas mentionné le mot "amour" durant tout ce temps. Louanne devait prendre son temps et j'avais compris. Et l'attente en valait franchement la peine. « Alors il va falloir que tu restes pour toujours avec moi, pour être certain que tu ne feras plus de conneries. Pour ça il faudrait que je t'épouse. » Lançais-je à la légère, un peu à la blague. Je lui souris. « Redis-le encore. » Que tu m'aimes.
Sujet: Re: Still don't know what love is Lun 7 Nov - 21:23
Dire à Garrett qu’elle l’aimait, ce n’était pas qu’être fidèle à ce qu’elle ressentait, unir ce qu’elle lui montrait et ce qu’elle ressentait, mais c’était aussi admettre qu’elle avait eu tort. Toute sa vie elle s’était trompée, elle avait cru que cette admiration aveugle qu’elle portait pour son rockeur était de l’amour, et maintenant elle admettait qu’aimer Garrett, c’était un peu comme aimer ses parents, s’en souvenir ; il était ce qu’elle avait de plus précieux maintenant, il était celui qui ne la jugerait pas, qui l’aimerait toute entière, même lorsqu’il la haïrait. Il avait attendu son retour, comme ses parents. Et il ne lui en voulait pas, d’être partie si longtemps, tant qu’elle était revenue. Malheureusement pour elle, contrairement au fils prodigue dont le père l’attendait les bras grand ouverts, Louanne était rentrée pour trouver une maison vide. Ses parents l’avaient quittée. Mais pas lui. Et elle ne comptait plus le quitter non plus ; il la guérissait. Elle lui faisait une confiance aveugle pour ne pas briser son cœur meurtri.
« Alors il va falloir que tu restes pour toujours avec moi, pour être certain que tu ne feras plus de conneries. Pour ça il faudrait que je t'épouse. » Un peu émue, elle sourit à son tour. « Il faudrait. » « Redis-le encore. » Louanne se rapprocha de lui et posa ses doigts sous sa mâchoire. « Je suis bonne à interner et je t’aime. » Avec douceur elle vint poser ses lèvres sur les siennes, après quelques respirations où ils se cherchèrent et où ils étirèrent le moment dans le temps ; elle ne se lassait pas de l’embrasser, de la chaleur que ses baisers répandaient dans son corps et autour de son cœur, le rendant léger, vaste, si grand qu’elle avait l’impression qu’elle pouvait le dévider et enrouler Garrett dans son affection. Elle s’éloigna de lui et se retourna sur le dos pour contempler le ciel. Comme pour anticiper une prochaine question elle dit : « Je voulais me rouler dans l’herbe avant que tu ne la tondes. Je me demandais ce que ça ferait. » Avec une étincelle de malice dans le regard, elle tourna rapidement la tête vers Garrett avant de regarder de nouveau au-dessus d’elle. « Je vais avoir besoin de toi pour remettre la maison en ordre. » Son cœur se serra un peu à cette idée ; laisser la maison à l’abandon, c’était comme attendre le retour de ses parents. Mais ils ne reviendraient pas, et elle en était propriétaire maintenant. Elle devait y faire sa vie, et cela voulait dire mettre les affaires de ses défunts parents dans des cartons. Elle n’avait plus qu’à se convaincre que ce n’était pas aussi y mettre les souvenirs qu’elle avait d’eux.