Parce que je ne faisais jamais rien comme tout le monde, je m'étais réveillé ce matin là non pas grâce à mon réveil ou bien à cause du bruit de la circulation des voitures au dehors ... en même temps je vis à Arrowsic, alors je vous laisse imaginer l'intensité du trafic automobile au dehors, même pour moi qui habitait dans un appartement en centre-ville. Et ce n'était pas non plus l'odeur du café ou du pain grillé qui m'avait réveillé, puisqu'il aurait pour cela fallut quelqu'un me le prépare et il n'y avait plus que moi depuis ... bref. Plus que moi, et Hibiscus, le volatile qui me servait d'unique colocataire et qui était justement la raison pour laquelle j'avais été réveillé vingt-cinq minutes en avance, d'après mon réveil. Je n'étais pas quelqu'un de paresseux, mais pour autant je détestais être réveillé brusquement et si cet animal n'était pas devenu le meilleur des compagnons probablement que mon oreiller aurait déjà atterri dans sa cervelle de moineau ; Pardon, d'Ara bleu, car oui Hibiscus n'est rien de moins qu'un perroquet. Vous raconter comment il avait atterri chez moi serait bien trop long à vous expliquer pour l'instant, mais sachez que cette petite bête était beaucoup plus intelligente qu'on ne pourrait le croire et qu'elle était d'une compagnie étonnante. Du moins quand elle ne me réveillait pas à coup de croassements à vous secouer les tympans. « Oh Hibis' ça va pas non ?! » Dès qu'il m'avait entendu l'animal avait posé son regard perçant sur moi et m'avait gratifié d'un nouveau croassement outré avant d'y ajouter « HIBIIIIIS, non, noooon » qui m'obligea à me lever et à le menacer avec le journal de la veille (comme si j'allais le frapper, il n'était pas très futé quand même). « Ma parole ferme là, tu vas réveiller les voisins et on va encore avoir des problèmes ! C'est la météo qui te met dans cet état ? » Machinalement j'avais regardé par la fenêtre en disant cela et ... quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'il avait neigé durant la nuit et que les rues étaient recouvertes d'un épais manteau blanc. Enfin, ce n'était pas une surprise en soi puisque la neige était courante, voir même obligatoire dans le Maine à cette période de l'année, mais enfin c'était une façon de parler. L'oiseau s'étant plus ou moins calmé, il ne me restait plus qu'à espérer que la vieille bique qui me servait de voisine de droite ne viendrait pas encore se plaindre ... Avec tout le boucan que faisait son affreux clébard elle était mal placée pour parler, mais pourtant elle était d'ordinaire loin de se gêner. Gardant ma couette autour de mes épaules pour sortir de mon lit - quel gros bébé je pouvais faire parfois - je m'étais dirigé d'un pas peu motivé vers le coin cuisine de mon appartement, constitué en fait d'une pièce faisant office de chambre, de salon, de salle à manger et de cuisine ... Ouais, j'étais pas crésus, surtout depuis que mon divorce m'avait obligé à revendre les parts de l'ancienne maison que je partageais avec Neelah. Mettant la cafetière en route et des toasts dans le grille pain, j'avais sortit un mug d'un des placards, avait grimacé en y trouvant un moucheron au fond et l'avait passé sous l'eau avant de le poser à côté de la cafetière et de retourner à la fenêtre regarder le paysage d'un air pensif. Il n'y avait pas un chat dehors, au sens propre comme au figuré, et j'avais comme le sentiment que ma journée de boulot ne serait pas des plus riches en relations humaines ... Mais ce n'était pas forcément pour me déplaire, j'avais beau être un employé sérieux m'occuper des clients n'était pas ce qui me passionnait le plus et je préférais mille fois ranger les livres dans les étagères ou faire du tri dans l'arrière-boutique, j'y étais plus tranquille.
Et j'avais encore une fois vu juste, après avoir englouti mon petit déjeuner, pris une douche et remplacé ma couette par des habits propres, j'avais quitté mon appartement sans oublier ni de remplir la mangeoire d'Hibiscus ni de prendre mes gants, mon écharpe et mon bonnet, mais en oubliant ostensiblement de faire la vaisselle. D'ordinaire j'aimais bien aller courir sur la plage après le boulot, mais aujourd'hui je ne savais pas si j'aurai le courage, surtout si la plage était recouverte de neige ... Le sable et la neige ne faisaient pas un mélange des plus sympathiques. Une fois dehors j'avais tiré sur mon bonnet afin de couvrir au mieux mes oreilles puis j'avais commencé à remonter la rue. Il était encore relativement tôt - pour Arrowsic j'entends - huit heures à peine, et d'ordinaire je n'arrivais jamais à la boutique avant neuf heures, celle -ci ouvrant à dix heures. Mais hier le vieux Bart - c'était ainsi qu'était surnommé le vieux monsieur qui m'employait dans son magasin, de son véritable nom Bartholomew Ignatowski - m'avait demandé d'arriver une demi-heure en avance ... je ne savais pas vraiment pourquoi, mais cela ne me gênait pas réellement, d'autant plus que le chauffage fonctionnait beaucoup mieux au magasin que dans mon appartement. Jusqu'au bout de la rue je n'avais croisé que mes traces de pas, puis arrivé au croisement quelques traces de voitures souillaient la neige au milieu de la chaussée, et les deux jeux d'empreintes que je rencontrais à la sortie d'un immeuble indiquait d'un homme était allé promener son chien. Moins de vingt minutes plus tard - et encore c'était parce que sur la neige j'avais veillé à ne pas glisser et m'estropier bêtement - j'étais devant l'enseigne vieillissante (mais tellement rassurante à mon sens) de Le rouge et le noir, qui n'était autre que le nom du bouquiniste chez qui je travaillais ... Un nom de magasin en français, pour un endroit où des milliers d'auteurs et de nationalités se côtoyaient.
« Monsieur Bart ? » Me servant de ma clef, j'étais entré malgré la pancarte "we're closed" affichée sur la porte vitrée. Les marmonnements provenant de l'arrière-boutique m'indiquèrent que le vieux Bart était déjà là, et en effet quelques secondes plus tard il déboulait dans la boutique, son habituel imperméable vert bouteille sur les épaules et une chapka sans doute aussi vieille que lui sur la tête. Je me retenais de rire, ne voulait pas le vexer. « Ah, c'est toi gamin ! » Allumant la lumière du magasin, il s'était à nouveau tourné vers moi et avait ajouté « Je te laisse la boutique pour aujourd'hui, c'est pour ça que je t'ai demandé de venir plus tôt ... Vu le temps je ne pense pas que ça sera une grosse journée, mais il y a l'inventaire à terminer et les rachats d'hier à mettre dans les rayons ... je peux compter sur toi ? » Intérieurement j'étais à la fois gêné et honoré que Bart me fasse assez confiance pour me laisser sa boutique toute une journée. Ce type avait l'air de m'apprécier c'était certain, mais il semblait donc aussi me faire confiance. « Oui, oui bien sûr ! » Je ne savais pas quoi dire d'autre, le remercier ? Je ne savais pas comment m'y prendre, et il ne m'en laissa finalement pas le temps « Parfait, je te fais confiance ! Je te laisse je ne veux pas me mettre en retard, il reste des chouquettes dans le sac en papier derrière la caisse. » Et telle une vraie pile électrique, il ne m'avait même pas laissé le temps de dire ouf et avait quitté la boutique pour rejoindre sa vieille voiture ... là aussi aussi vieille que lui, je me demandais comment elle pouvait encore rouler.
Les chouquettes du vieux Bart, rien que l'idée m'arracha un léger rire tandis que je retirais mes gants et mon bonnet. Ce bonhomme était toujours plein de surprise, et bien que pour autant que je sache il vivait seul, il arrivait tous les matins avec des chouquettes - un truc qu'on ne voyait même pas dans ce pays quoi - faites maison, c'était ce qu'il disait. Je ne savais pas si c'était vrai - faut dire que j'avais du mal à imaginer un grand cuisinier derrière sa silhouette de petit homme trapu - mais en tout cas c'était toujours fichtrement bon ces cochonneries. Et c'est donc en en mâchouillant une ou deux que j'étais allé terminer l'inventaire dans la réserve en attendant dix heures et l'ouverture du magasin.
Bart avait vu juste, je n'avais croisé presque personne de toute la journée, que ce soit à l'intérieur de la boutique ou bien à travers la vitre de la devanture, les gens ne semblaient pas décidés à mettre le nez dehors avec ce froid, d'autant plus que nous étions encore en période de vacances et qu'il avait recommencé à neiger en début d'après-midi. Vers quatorze heures je m'étais installé à mon aise derrière le comptoir avec une pomme et j'avais passé le temps en lisant - ou plutôt en relisant - Twelve Angry Men (Douze hommes en colère), une pièce de théâtre que j'avais déjà lu ... un certain nombre de fois pour être honnête. Lorsque j'avais relevé la tête de ma lecture à seize heures trente passées, personne n'avait encore franchi le seuil de la boutique et je commençais à me résigner à ne pas croiser un seul client de toute la journée. Refermant le livre et retournant le ranger au rayon pièces de théâtre, j'étais retourné dans l'arrière-boutique pour y faire un peu de rangement afin de m'occuper ... cet endroit était un véritable gourbi, des cartons, des livres empilés et formant des colonnes qui menaçaient de s’effondrer, et même un vieux vélo tellement rouillé qu'il ne devait certainement plus rouler, bref on se serait cru dans un véritable grenier de grand-mère. Moins de dix minutes plus tard cependant l'improbable se produisit, et le tintement de la clochette de l'entrée retentit et me sortit de ma rêverie, bientôt suivi par le tintement de la sonnette posée à même le comptoir de caisse et permettant aux clients de signaler leur présence ou leur besoin de renseignement.
« Une seconde, j'arrive ! » lançais-je presque à tue-tête tandis que mes mains étaient prises par une pile de livres que je ne pourrais décidément pas déplacer en une seule fois. En reposant la moitié à même le sol, je n'en prenais finalement qu'une petite dizaine et à moitié caché derrière cette pile j'avais fait irruption dans le magasin. « Désolé, je suis à vous tout de suite. » Slalomant précautionneusement jusqu'au comptoir, je m'apprêtais à y poser ma pile de livres tout en ajoutant à l'intention du ou de la cliente « Qu'est-ce que je peux faire pour ... » BOUM, ma pile de livre avait atterrie sans aucune cérémonie sur le sol au moment où j'avais découvert l'identité de la dite cliente « ... vous ? ... »
J'étais sous le choc, littéralement ... j'avais l'impression de voir un fantôme, et c'était en quelque sorte un peu le cas. Elle était là, devant moi, celle que dont je n'avais pas eut de nouvelle depuis plus de six ans maintenant, celle qui m'avait laissé en plan du jour au lendemain sans la moindre explication, celle qui m'avait obligé à grandir en me réduisant le cœur en miettes une première fois. Elle, Charlie Hepburn. Et je venais ni plus ni moins de me ridiculiser devant elle comme le dernier des imbéciles. Pourquoi était-elle ici ? Quand je disais ici je voulais dire Arrowsic, pas simplement ma boutique, mais à vrai dire les deux réponses m'intéressaient ... Pourquoi était-elle revenue ? Ou plutôt non, pourquoi était-elle partie la première fois ? J'avais tout à coup tellement de questions qui se bousculaient dans ma tête que j'étais tout bonnement incapable de dire quoi que ce soit d'autre, et pour tenter de cacher mon trouble je m'étais agenouillé derrière le comptoir pour ramasser prestement les livres que je venais de faire tomber. J'étais tout bonnement pathétique, et la situation m'aurait tout bonnement fait ricaner tant j'étais nerveux, si la surprise ne m'avait pas coupé tous mes moyens.
Dernière édition par Leslie C. Whitaker le Dim 1 Jan - 20:31, édité 1 fois
Leslie Christofer Whitaker & Charlie Allyson Hepburn
“There is no love without forgiveness, and there is no forgiveness without love.”
« Chérie, tu te lèves ? » La voix de Joshua était arrivée aux oreilles de Charlie comme si il était très loin. Non, aujourd’hui, elle ne voulait pas se lever. Elle sentit alors qu’il posait leur fille sur le lit et cette dernière se jeta sur sa mère. « M’man ! » Charlie devait bien admettre qu’elle ne résistait pas à sa fille alors elle s’assit dans le lit et tendit les bras afin qu’Emma vienne s’y blottir. Ce qu’elle fit sans plus de cérémonie. Après avoir déposé un bisou sur les cheveux de la petite fille, Joshua avait embrassé sa femme. « Je l’emmène à l’école ce matin, tu vas la chercher ce soir. » Charlie avait acquiescé d’un signe de tête. L’homme avait alors repris Emma dans ses bras. « Je t’ai préparé du café. » avait-il ajouté en sortant de la chambre. La dessinatrice sourit. « Merci. » Quelques minutes plus tard, elle décida quand même de se lever, et se dirigea vers la salle de bain. Pendant qu’elle se déshabillait, elle entendit un « à ce soir chérie. Je t’aime. » Suivi d’un « Pouah… Tu l’dis tout l’temps… » Charlie lâcha un rire. « J’vous aime aussi. »
Charlie finit de se déshabiller et prit sa douche. Elle n’était pas en retard mais il fallait tout de même qu’elle se dépêche, elle avait rendez-vous à neuf heures pour montrer ses dernières plaquettes de dessins de son dernier livre pour enfants. A dire vrai, elle était plutôt fière de ses derniers dessins. Emmalee l’avait inspirée ainsi que la période de Noël. C’était l’histoire d’une petite fille espérant un miracle de Noël. Evidemment, ce miracle finissait par arriver. Charlie aimait écrire et surtout dessiner des livres pour enfants, elle avait l’impression de sortir du monde d’adulte et de revenir dans sa propre enfance. De revenir en arrière, du temps où sa sœur et elle étaient les meilleures amies du monde. Avant que sa jeune sœur lui en veuille de son départ, lui en veuille d’avoir abandonné Leslie. Lily-Rose avait toujours adoré ce dernier. Même lors du mariage de Charlie avec Joshua, la jeune fille s’était mis un point d’honneur à faire avouer à Charlie les sentiments qu’elle gardait toujours pour Leslie. Ce qui avait eu pour seul effet de faire s’effondre la mariée dans les toilettes de la salle qu’elle avait louée. Tu parles du plus beau jour de sa vie. Quoi qu’il en soit, elle finit de s’habiller de son tailleur noir, et alla se coiffer d’un chignon simple mais élégant toutefois. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant de partir. Elle s’était alors dirigée vers la cuisine où elle se servit une tasse du café préparé par son mari. Une fois bu, elle posa sa tasse dans le lave-vaisselle et récupéra son sac où elle y fourra son Blackberry. Elle enfila ses escarpins, prit ses clés et c’était parti. Comme à son habitude, elle arriverait pile à l’heure à son rendez-vous. S’il y avait bien une chose qu’on ne pouvait pas lui reprocher, c’était son manque de ponctualité. Elle avait mis un peu de musique dans sa voiture, histoire de se détendre, bien qu’avec le temps, elle connaissait de moins en moins ce stress qui la prenait au ventre lorsqu’elle avait débuté. Aujourd’hui, elle était beaucoup plus confiante sur son talent. Elle était donc arrivée à l’heure. Presque tous ses éditeurs étaient là, installés autour de la table de la salle de réunion, elle s’était installée, après avoir déposé sa chemise contenant ses planches de dessins.
« Vous avez fait du bon travail avec ces planches, Charlie. Bien sûr, il y quelques modifications à faire mais ça ne devrait pas prendre trop de temps avant qu’il soit entièrement terminé. » La jeune femme eut un sourire. Elle était contente que ces planches leur plaisent. Parce qu’il fallait avouer que le fait qu’elles lui plaisent à elle-même était une chose mais il fallait surtout qu’elles plaisent à ses éditeurs. « Nous les publions sous quel nom ? » Charlie n’hésita pas une seconde avant de répondre. « Comme d’habitude, Ally Hepburn. »
Charlie écrivait sous ce pseudo depuis son premier bouquin, que ce soit son premier bouquin pour enfants, que son premier roman. En rejoignant son bureau, elle n’avait pu s’empêcher de penser à son premier roman. Elle avait mis à peine deux mois à l’écrire. C’était juste après sa fuite d’Arrowsic. Comme elle le disait parfois, ce livre était une sorte de « Comment j’ai bousillé mon futur mariage en dix leçons ? » ou encore un « Comment faire la plus grosse erreur de votre vie par Ally Hepburn, pro du genre ? » Ouais, son roman, c’était purement et simplement ça. Une fille paumée qui doutait tellement d’elle-même et de tout ce qui l’entourait qu’elle a préféré fuir plutôt que d’affronter les choses. Elle avait appelé ce bouquin La fuite du temps, sans doute parce qu’à l’époque elle avait l’impression de grandir trop vite, de ne pas avoir eu le temps de vivre. Ce livre avait eu son petit succès. Il avait été édité par Joshua, qui avait été son premier éditeur. Evidemment, ayant lu ce livre, Joshua savait très bien les sentiments qu’éprouvaient la jeune femme à l’égard de son ex-fiancé même si elle ne lui avait pas avoué de suite que ce roman rempli de regrets, d’amertume, de tristesse et qui finissait mal, était sa propre histoire. Elle avait tout de même fini par le lui dire. « Tu devrais aller faire un tour chez le bouquiniste, ton nouveau roman est sorti, comme prévu » Un de ses éditeurs lui avait dit cela en passant devant sa porte. Logiquement, Charlie n’était pas sensée travailler dans les locaux de sa maison d’édition mais elle avait demandé si il était possible qu’on lui fournisse un bureau. Disons que ça lui donnait beaucoup plus l’impression d’avoir un boulot que si elle devait rester chez elle. Par chance, ils avaient accepté et lui avait fourni ce bureau qu’elle adorait. « Oh, okay, j’irais tout à l’heure. » Elle fit un sourire à l’homme avant qu’il parte. Elle était surprise, elle pensait que la sortie de son livre avait été retardée. Elle haussa les épaules avant de se remettre sur ses planches de dessin. Lorsqu’elle releva la tête de ses dessins, il était déjà seize heures. Elle devait aller chercher Emma à l’école avant de passer chez le bouquiniste. A seize heures quinze, elle était devant l’école, comme d’autres parents. Dix minutes plus tard, elle avait récupéré son bout de chou de fille. « On va aller te chercher un livre pour que maman te lise une histoire ce soir » avait prévenu Charlie alors qu’elle était en train d’attacher la ceinture de sécurité d’Emma. Pendant le trajet, la jeune maman écouta sa fille lui raconter sa passionnante journée tout en mangeant les cookies que sa mère lui avait donnés pour le gouter. Il devait être pas loin de dix-sept heures quand elles franchirent le pas de la porte du bouquiniste d’Arrowsic. C’était le genre d’endroits où Charlie se sentait comme chez elle. Au lieu de chercher, elle se dit qu’elle allait demander directement au bouquiniste s’il avait son livre. Portant sa fille, elle la déposa au sol et se mit à sa hauteur.
« Tu vas voir les livres pour enfants là-bas et tu en choisis un avec une belle couverture. Maman va demander quelque chose au bouquiniste. » Charlie suivit Emmalee du regard qui se dirigeait d’un pas léger vers le rayon que sa mère venait de lui indiquer. Charlie s’était alors relevée et avait appuyé sur la sonnette posée sur le comptoir. « Une seconde, j'arrive ! » Perdue dans ses pensées, la jeune femme avait simplement remarqué que c’était la voix d’un homme… « Désolé, je suis à vous tout de suite. » Feuilletant un bouquin qui était posé sur le comptoir, elle ne regarda pas l’homme se diriger vers le comptoir, une pile de bouquins à la main. « Qu'est-ce que je peux faire pour ... » Soudain, elle avait senti sa tête tourner. Comment avait-elle pu ne pas reconnaître cette voix immédiatement. « ... vous ? ... » Apparemment, ils étaient aussi surpris l’un que l’autre. A dire vrai, Charlie avait bien envisagé que Leslie soit toujours à Arrowsic mais ce serait mentir que de dire qu’elle avait pensé le rencontrer comme cela. Disons que le moment n’était pas vraiment approprié. Avec Emmalee dans les parages, la jeune maman aurait aimé, du moins aurait préféré, qu’il apprenne l’existence de sa fille d’une autre manière. « Leslie… » Et voilà, elle se sentait totalement stupide. Que pouvait-elle bien dire après plus de six ans d’absence ? Après l’avoir quitté trois mois avant leur mariage en laissant un simple Je suis désolée écrit sur un post-it et posé sur la table du salon. Emmalee avait choisi ce moment pour revenir vers sa mère, un livre dans les mains. « R’ga’de, m’man, elle est zolie celle-là ! » Charlie ne put s’empêcher de sourire face à la petite fille. Elle n’arrivait jamais à ne pas sourire devant sa petite voix, devant son innocence, devant sa bouille. Charlie s’était mise à sa hauteur et lui avais pris le livre des mains. « Oui, ma puce, elle est jolie, papa va l’aimer. Et si tu allais en choisir un autre, un énorme que maman pourra te lire ce soir et tous les soirs pendant au moins un mois. Qu’est-ce que t’en dis ? Maman n’a pas fini avec le monsieur. » Emma avait alors affiché un grand sourire. Charlie l’avait embrassée sur le front puis elle était repartie. Se relevant à nouveau, elle s’était mise à regarder ailleurs mais surtout pas vers Leslie. Finalement, son regard s’était posé sur lui. La seule chose qui lui était venue à l’esprit était alors « C’est Emmalee, ma fille. Elle a quatre ans. »
Stupide ! Ressaisis-toi, Charlie ! Qu’est-ce qui lui avait pris de balancer ça comme ça ? Elle avait qu’à lui dire qu’elle était mariée aussi pendant qu’elle y était. A quelle sorte de réponses s’attendait-elle ? Un « oh, félicitations, Charlie, tu as un enfant et un mari alors que tu m’as abandonné lâchement il y a six ans parce que tu étais incapable de t’engager et de grandir ! Vraiment, félicitations, je suis heureux pour toi ! » Bien sûr que non. Il ne lui pardonnerait jamais son erreur. Elle le savait, elle en avait conscience et elle le comprenait parfaitement. Se retrouver devant lui la mettait horriblement mal à l’aise, elle ne savait pas quoi dire. En plus, il la fixait comme si il avait vu un fantôme. Non pas qu’elle n’en faisait pas de même en retour mais, contrairement à lui, elle s’attendait à le croiser à un moment donné. Elle le trouvait encore plus beau que dans ses souvenirs, encore plus beau que sur toutes les photos qu’elle avait conservées dans cette boîte cachée dans son armoire.
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Dim 1 Jan - 20:46
En me levant ce matin je m'étais persuadé que cette journée serait comme toutes les autres journées depuis mon divorce, c'est à dire particulièrement monotone et sans autre intérêt que celui d'être arrivé au bout d'une journée de plus. Car oui c'était désormais à cela que j'en étais réduit ... Il fut pourtant un temps où j'étais une personne optimisme, j'avais foi en la vie et en un futur auquel je continuais de m'accrocher malgré toutes les crasses qui pouvaient se mettre sur mon chemin. Mais ce n'était plus le cas aujourd'hui, à croire que tout l'optimisme qui pouvait me rester avait volé en éclats en même temps qu'un mariage qui s'était réduit en miettes ... et depuis ? Depuis je n'étais rien de plus qu'une coquille vide, j'avais perdu tout intérêt dans la vie, pas que je n'aimais pas la vie mais j'avais toujours été de ses personnes qui avaient besoin de partager pour vivre, et justement je n'avais plus personne avec qui partager quoi que ce soit. Hormis mon perroquet, mais avouez que ce constat faisait plutôt de la peine. Tout cela pour dire donc qu'en me réveillant ce matin et en prenant le chemin du boulot je m'attendais comme à mon habitude à me réfugier au chaud dans mon magasin, parce que même si c'était celui du vieux Bart j'avais fini par m'y sentir plus à l'aise que dans mon propre appartement, comme si cet endroit pouvait conjurer tous les coups de blues du monde. Durant toute la journée j'avais cru qu'il en serait ainsi, caché derrière un bouquin ou dans la réserve j'avais l'impression que le temps passait sans m'atteindre, qu'une fois ici il pouvait bien se passer n'importe quoi au dehors je n'en serais pas affecté ... C'était un peu bizarre, non, de se sentir aussi en sécurité sur son lieu de travail ? Je devais vraiment être devenu un rat de bibliothèque en fin de compte ... à défaut d'avoir réussi dans la vie, on se console comme on peut comme on dit. Lorsque j'avais entendu la porte tinter je ne pensais pas à un tel cataclysme, je m'attendais au mieux à une petite vielle venue réglée telle une horloge voir si de nouveaux Arlequins étaient apparus dans les rayonnages depuis la semaine dernière (vous n'imaginiez pas le nombre de ses cochonneries à l'eau de rose qu'on pouvait vendre chaque semaine), mais certainement pas à ... à ça. Non, voir débouler un morceau de mon passé au beau milieu du magasin - et quel morceau de passé s'il vous plait - n'était pas quelque chose que j'envisageais, sans doute parce que depuis mon retour à Arrowsic je m'évertuais autant que possible à ne pas me faire remarquer et à rester aussi invisible que possible aux yeux de ceux qui pourraient éventuellement se souvenir de moi et de l'imbécile que j'avais pu être quelques années en arrière. Imbécile, c'était peut-être ce que j'étais encore aujourd'hui au fond, c'était en tout cas l'impression que j'avais eut lorsque mon regard avait croisé celui de la visiteuse et m'en avait fait perdre ce que j'avais dans les mains. Parce que ça ne pouvait être ça, me mettre dans un état pareil pour une fille qui m'avait laissé en plan il y a déjà six ans ... SIX ANS bon sang, j'étais passé à autre chose depuis, je ne pouvais pas réagir de la sorte, j'avais l'air de quoi franchement ? Je n'avais plus vingt-ans, il fallait que je me ressaisisse.
« Leslie … » Un coup de poignard. C'était ni plus ni moins la sensation que j'avais eut l'impression de recevoir en pleine poitrine lorsqu'elle avait prononcé mon prénom. Pourquoi, pourquoi était-elle là ? C'était toujours la même question qui tambourinait dans ma tête depuis que j'avais croisé son regard. C'était une question stupide, terriblement même, mais c'était la seule qui me venait en tête pourtant. Pour tenter de cacher mon trouble - comme si il ne crevait pas déjà pas les yeux, j'avais de l'espoir moi - je m'étais baissé pour ramasser les livres que j'avais laissé s'écraser au sol, sans me douter alors qu'en me relevant je ferai face à un nouveau choc. « R’ga’de, m’man, elle est zolie celle-là ! » Cette fois-ci j'avais eut l'impression que mon cœur avait loupé un battement, que l'espace d'un instant il s'était arrêté tant ce que j'avais devant les yeux me semblait arriver d'une autre planète. Cette petite m'avait à peine accordé un regard, et moi je ne pouvais pas détacher le mien de son visage ... et bon dieu ce que ça pouvait faire mal. « Oui, ma puce, elle est jolie, papa va l’aimer. Et si tu allais en choisir un autre, un énorme que maman pourra te lire ce soir et tous les soirs pendant au moins un mois. Qu’est-ce que t’en dis ? Maman n’a pas fini avec le monsieur. » C'était le coup de grâce, ni plus ni moins. Je crois que mon cerveau s'était arrêté à Papa va l'aimer et n'avait même pas interprété la fin de la phrase. Papa va l'aimer. J'avais l'impression d'une grand vide au creux de mon estomac, comme avant de passer un entretient d'embauche ou après avoir reçu une mauvaise nouvelle à laquelle on ne s'attend pas ... excepté que c'était pire, parce que ça faisait encore plus mal.
Elle ne pouvait pas me faire ça, elle ne pouvait pas disparaitre en laissant un post-it après avoir accepté de m'épouser, me laisser ramasser mon coeur et mes illusions en petits morceaux, refaire péniblement ma vie, la rater du début à la fin, et revenir l'air de rien six ans plus tard pour me balancer sa réussite au visage. Ce n'était pas juste, elle n'avait pas le droit. Elle n'avait pas le droit de me faire sentir aussi minable à nouveau, de me prouver par a + b qu'elle n'avait pas eut besoin de moi pour réussir sa vie tandis que je n'avais pas eut besoin d'elle pour rater la mienne, elle n'avait pas le droit de revenir comme ça du jour au lendemain pour me faire comprendre sans avoir besoin de dire un seul mot que si elle était partie c'était parce qu'elle voulait vivre sa vie, mais pas avec moi, avec un autre. Machinalement, et alors que j'aurai voulu m'en empêcher, mes yeux étaient passés du visage de l'enfant à la main gauche de Charlie ... à son annulaire y brillait une alliance, une alliance qui n'était bien sûr pas celle que je lui aurait offerte si elle était restée. Celle d'un inconnu, un inconnu qui ne m'avait rien fait mais que pourtant je détestais déjà aussi fort qu'il m'était possible de le faire. Je ne devrais pas être jaloux, tout ça ne devrait pas m'atteindre, une partie de moi avait toujours fait tout son possible pour tenter de détester Charlie, pour la blâmer de tout ce qui avait pu arriver après son départ, fusse ma brouille avec Trey, mon séjour en prison ou même le fiasco qu'avait été mon mariage et que j'avais tenté d'attribué à cette partie de mon inconscient qui n'avait jamais oublié Charlie. Je devrais la haïr, ou au mieux je devrais ne plus m'en soucier, parce que c'était ce qu'on faisait lorsque l'on était passé à autre chose ... et bon sang j'étais passé à autre chose, je ne pensais même pas la revoir un jour, alors pourquoi fallait-il que la revoir me mette dans un pareil état de fébrilité, pourquoi fallait-il que le simple fait de savoir qu'elle avait fait sa vie avec un autre provoque chez moi cette soudaine ... jalousie ?
Tout cela s'était passé en quelques secondes seulement, et si dans ma tête tout s'était passé au ralenti et avait provoqué un déferlement d'émotions aussi nombreuses que contradictoires, à l'extérieur j'étais resté totalement stoïque ... ou plutôt non, tétanisé, c'était ça le mot exact. Il avait fallut un certain temps pour que la dernière partie de la phrase de Charlie ne monte jusqu'à mon cerveau, ce passage où elle avait précisé qu'elle n'avait pas fini avec le monsieur. J'étais passé au rang de total étranger à ses yeux, peu importe que cela soit seulement devant sa fille ou non, elle me traitait comme un étranger, comme le type encombrant dont on espérait se débarrasser rapidement pour pouvoir retourner vaquer à ses occupations et sa petite vie parfaite. Je crois que je n'avais pas du cligner des yeux depuis au moins trente secondes, mon cerveau était comme totalement bloqué, comme s'il essayait de digérer les choses mais faisait une indigestion ... Je fixais maintenant Charlie sans même plus la voir, ou plutôt si, mais l'image de la Charlie que j'avais connu et celle que j'avais en face de moi se télescopaient et le résultat m'empêchait de réfléchir ; J'avais l'impression d'avoir cent ans, au moins. Avec son chignon et son tailleur, son maquillage impeccable, sa façon de s'adresser à sa fille, elle était tellement loin de la lycéenne que j'avais connu il y a maintenant plus de dix ans ... C'était une jeune femme qui m'avait quitté, c'était une femme une vraie que j'avais devant les yeux, et tous les souvenirs que je pouvais avoir de Charlie venaient de voler en éclat en même temps que mes illusions. Pourquoi est-ce que cela m'atteignait autant, mais pourquoi, pourquoi ?
« C’est Emmalee, ma fille. Elle a quatre ans. » Tais-toi, voilà ce que j'avais eut envie de répondre impulsivement, ce qui avait failli traverser la barrière de mes lèvres si je ne m'étais pas retenu au dernier moment. Je ne voulais plus rien entendre, je ne voulais pas qu'elle continue à me faire sentir si stupide, si insignifiant. Avait-elle vraiment besoin de me dire ça, d'en rajouter une couche de cette façon, de me narguer de cette façon ... Que cherchait-elle au juste ? « Parfait. Génial. » Je ne savais même pas ce que je disais, j'avais l'impression d'être un automate, comme si je n'étais plus maitre de ce que je disais ou de ce que je faisais. J'étais comme un ordinateur qu'on aurait débranché à la va-vite et qui redémarrait en mode sans échec, je ne savais plus où j'en étais, j'avais besoin que quelqu'un m'explique, que quelqu'un me remette les idées en ordre. « Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? » avais-je à nouveau lancé avec cette même voix de robot. J'avais besoin de réfléchir, j'avais besoin de digérer.
Charlie m'avait tout pris. Elle m'avait pris la naïveté du premier amour lorsqu'elle était partie la première fois, et aujourd'hui elle venait de prendre mes espoirs de tourner la page et d'aller de l'avant sans avoir de regrets. Elle pouvait bien sortir du magasin dès maintenant et ne plus jamais recroiser ma route cela ne changerait plus rien, le mal était fait ... Elle avait tout ce que je rêvais d'avoir et que je commençais à réaliser que je n'aurai peut-être jamais ; Elle avait réussi, elle avait une famille, elle avait un enfant. Je n'avais jamais terminé mes études et j'avais même réussi l'exploit de terminer en prison, j'avais signé des papiers de divorce alors que je venais tout juste d'entrer dans la trentaine, et cet enfant dont j'avais tellement rêvé mon ex-femme me l'avait volé avant même qu'il ne vienne au monde. Elle avait tout, et moi je n'avais rien ... Pourquoi, pourquoi elle et pas moi, qu'est-ce que j'avais loupé, qu'est-ce qui n'allait pas chez moi, qui l'avait poussé à s'en aller et que je n'avais pas vu ? La surprise passant peu à peu je commençais à lui en vouloir, je ne savais pas précisément pour quel motif mais je lui en voulait, peut-être d'avoir réussi, peut-être simplement d'être là en face de moi et de me traiter comme si j'étais un étranger, comme si je n'étais plus rien, comme si nous n'avions jamais rien été. Pour elle je n'étais plus rien, alors que malgré moi je réalisais qu'elle comptait toujours à mes yeux, et ça c'était tout bonnement insupportable ... Er je lui en voulais, je la détestais même, je ne méritais pas ça j'en était persuadé. Je n'avais peut-être pas fait que des bonnes choses dans ma vie jusqu'à présent mais je ne méritais pas ça ... Tout comme je ne méritais pas de me décomposer à ce point devant ses yeux et de me rendre si ridicule. Alors je m'en voulais à moi aussi, d'être si stupide, si sentimentaliste ... Moi qui croyait que mon divorce avait définitivement effacé, anesthésié ce côté de ma personnalité.
« T'as du culot de te pointer ici comme ça. » J'avais susurré ça entre mes dents, je ne savais pas vraiment si j'avais prévu de le dire à voix haute ou non, mais ce qui était certain c'était que je le pensais. Qu'elle soit ici, au magasin, c'était peut-être un hasard, mais ici à Arrowsic ... Non. Je ne savais pas pourtant pourquoi la voir en ville me surprenait autant, après tout elle était née ici tout comme moi ... Mais elle faisait partie de mon passé, d'une page de mon passé que je pensais avoir tourné pour de bon désormais, et pour cela je m'étais imaginé que plus jamais elle ne viendrait troubler mon présent. « Mais je vois que t'as pas perdu ton temps. » C'était presque méchant, je ne sais pas trop en fait. Mais c'était dit froidement, et c'était accusateur, ça je le savais. Je n'en avais pas le droit, je n'avais plus aucun droit sur elle et je le savais pertinemment, je ne pouvais pas lui reprocher d'avoir refait sa vie, d'avoir réalisé faire une erreur avec moi puis trouvé mieux je ne savais pas trop où (l'accent de la gamine, c'était pas british d'ailleurs ?), mais pourtant je le faisais. J'étais rancunier, et j'étais jaloux, c'était deux défauts qui avaient toujours fait partie de moi, pour le pire comme le meilleur comme on dit.
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Mar 3 Jan - 23:14
La confrontation tant redoutée était arrivée. Charlie aurait aimé que ce ne soit pas avec Emmalee dans les parages. Mais, évidemment, comme pour tout, ça ne se passait jamais comme nous l’avions prévu. Charlie s’était efforcé de parler normalement à sa fille lorsque cette dernière était revenue. Ce qui n’était pas difficile puisqu’elle craquait dès qu’elle avait Emma devant ses yeux. Elle lui avait demandé de repartir afin d’être seule avec Leslie. Elle ne souhaitait pas que sa fille entende tout ça. Elle était trop jeune pour comprendre, bien sûr, mais la dessinatrice préférait éviter ça. Une fois éloignée, Charlie s’était relevée et n’avait rien trouvé à dire de plus à part dire que la petite fille était sa fille, qu’elle s’appelait Emmalee et qu’elle avait quatre ans. D’ailleurs, la jeune femme avait appelé Emmalee pour une seule raison : parce qu’une fois, elle en avait parlé à Leslie et qu’il avait aimé ce prénom.
FLASH BACK
Citation :
Leslie et Charlie étaient installés sur leur petit canapé. Ils n’avaient pas énormément de moyens alors ils avaient acheté ce qui étaient dans leur budget. Leur canapé était petit mais plutôt confortable. Charlie s’était blottie dans les bras de son petit-ami depuis maintenant trois ans. Ils regardaient un programme stupide à la télévision mais, à dire vrai, Charlie n’y faisait même pas attention parce que tout ce qui comptait à cet instant précis était d’être avec l’homme qu’elle aimait. Leslie s’était mis à lui caresser doucement les cheveux, geste qu’elle adorait.
« Tu sais, si on a des enfants un jour, si on a une fille, je voudrais qu’on l’appelle Emmalee. » Elle avait dit cela sans bouger, mais elle devinait le sourire qui se dessinait sur le visage de Leslie. « Emmalee ? J’imagine très bien une petite brune te ressemblant. » Charlie avait souri. « Ce sera Emmalee alors »
FLASH BACK
Et ça avait été Emmalee. Charlie n’avait jamais oublié cette idée et lorsqu’elle avait donné naissance à sa fille, elle n’avait pu résister à l’appeler comme elle l’avait dit il y avait aujourd’hui sept ans. Peut-être que Leslie allait mal le prendre, qu’il penserait qu’elle l’avait doublement trahi en appelant l’enfant d’un autre comme ils devaient appeler leur propre enfant. Elle n’en savait rien et si elle réfléchissait trop, elle allait surement avoir le cerveau qui exploserait. Seulement voilà, elle était loin d’imaginer la façon dont il allait lui répondre quand elle parlerait de sa fille. Il ne s’en souvenait donc pas ? Pourtant, elle oui. Elle se souvenait de chaque instant passé avec lui. De chacun de leurs rêves.
« Parfait. Génial. » A ces mots, Charlie recula d’un pas, comme si il l’avait bousculée. Elle n’eut même pas le temps de répondre qu’il poursuivait d’une voix qu’il voulait neutre que je ne sais quoi. « Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? » Vous ? Non, non, non, ce n’était pas possible. Il n’allait pas faire semblant qu’elle était une étrangère, il n’allait pas faire comme si il pouvait occulter le fait qu’elle était de retour, qu’elle était là devant lui. « Quoi ? »
D’un coup, elle ne se souvenait plus ce qu’elle était venue faire là. Son livre ? Quel livre ? Elle écrivait des livres ? Je suis même certaine qu’elle aurait été incapable de répondre si on lui avait simplement demandé son nom. C’était stupide sans doute mais pouvait-on la blâmer ? Leslie était et serait toujours l’homme de sa vie. Et, à cet instant précis, elle venait de se rendre compte que jamais elle pourra éteindre les sentiments qu’elle éprouvait pour cet homme. Lorsqu’elle était partie il y a six ans, elle était dans un état catastrophique. Elle s’en souvenait encore.
FLASH BACK
Citation :
Charlie était dans l’appartement qu’elle partageait avec Leslie depuis maintenant quatre ans. Cela faisait six ans qu’ils étaient ensemble et deux ans qu’elle préparait leur mariage. Beaucoup trop longtemps me direz-vous. Mais, au début, elle voulait que leur mariage soit parfait et puis ce jour-là, en jetant un œil à la bague de fiançailles qu’il lui avait offerte, elle avait fondu en larmes. Comme ça, d’un seul coup. Elle avait pleuré pendant des heures, sans même savoir vraiment pourquoi elle pleurait. Et puis elle se rendit compte qu’elle n’était pas prête pour ça, pas prête pour le mariage, pas prête pour les enfants, et surtout elle avait l’impression de ne pas être assez bien pour lui, que Leslie méritait beaucoup plus… plus qu’une femme avec une maladie neurologique dégénérative. Elle avait finalement fini par sécher ses larmes, tant bien que mal, avait sorti sa valise et avait commencé à la remplir de fringues, sans même chercher à la faire correctement. Elle se détestait de faire ça mais elle aimait tellement Leslie qu’elle avait l’impression de faire ça pour son bien. Une fois sa valise faite, elle avait pris un post-it sur le bureau et avait écrit maladroitement « je suis désolée ». Elle avait failli ajouter « je t’aime » mais elle s’était retenue. Ensuite, elle s’était assise sur le canapé, et était restée là le regard vide, sachant très bien qu’elle allait faire la pire erreur de sa vie. Avant qu’il ne rentre du boulot, elle avait pris sa valise et était partie à l’aéroport. Charlie avait pris le premier billet qu’elle trouvait, un aller simple vers Londres. Durant toutes ces heures de trajet, elle avait espéré… elle ne savait pas trop… peut-être qu’il lui pardonnerait, qu’il allait venir la chercher, la rassurer.
FLASH BACK
Et puis, elle était arrivée à Londres pour n’en revenir qu’il y a deux mois. Leslie n’était jamais venu la chercher. Et, vu comme il la regardait, il ne lui avait jamais pardonné. A dire vrai, elle ne s’était jamais vraiment pardonnée non plus. Bien sûr, Joshua était un amour avec elle, il était l’homme dont toute femme pouvait rêver. Peut-être n’était-elle pas normale. Elle était comme ça apparemment, elle ne savait jamais apprécier ce qu’elle avait. Il y a six ans, elle était folle amoureuse, et c’était réciproque mais elle avait quand même tout gâché, même si l’amour qu’elle ressentait pour cet homme ne la quitterait jamais car il était au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. Et, aujourd’hui, elle était mariée à un homme qui l’aimait, qui la chérissait, et elle ne savait pas s’en contenter parce qu’elle restait hantée par son passé. Et plus que tout, elle n’arrivait pas à se contenter de ce qu’elle était. Charlie avait l’impression de ne représenter que le mal. La jeune femme avait l’impression de ne faire que du mal, à Leslie en l’ayant quitté trois mois avant le mariage sans aucune explication, à Lily-Rose en étant partie à Londres, à Joshua en ne l’aimant pas autant qu’il l’aimait elle. Quand elle regardait Emmalee, elle espérait de tout cœur qu’elle ne lui ferait jamais de mal. Elle faisait tout son possible pour être une bonne mère parce qu’aujourd’hui, Charlie pensait à Emma avant tout. Cette petite, elle ne l’avait pas désirée et pourtant elle était devenue l’être le plus important pour la dessinatrice. Elle était une part d’elle et elle ne pouvait s’empêcher de se voir elle-même à son âge quand elle la regardait. Alors, oui, elle avait fait la plus grosse erreur de sa vie en quittant Leslie mais sa fille lui permettait de voir un petit espoir. Et, elle n’avait trouvé que ça à dire à Leslie : présenter sa fille. Comme si ça n’avait pas crevé les yeux lorsque la petite l’avait appelée « maman ». Et puis, finalement, Leslie avait repris la parole.
« T'as du culot de te pointer ici comme ça. » Le culot ? Ce mot eut le don de mettre immédiatement Charlie en colère. La surprise qu’elle avait ressentie en le voyant alors qu’elle était avec sa fille avait laissé rapidement place à la colère. « Je suis revenue y a deux mois… mon père est mort, Leslie. » Elle lui avait répondu d’une voix plutôt sèche. Comme si elle lui balançait quelque chose comme « je ne suis pas revenue pour toi ! ». Bien sûr, à la base, c’était vrai, elle n’était pas revenue pour lui mais elle avait pensé à lui à peine elle avait réalisé qu’elle revenait dans sa ville natale. « Mais je vois que t'as pas perdu ton temps. » Ce fut la phrase de trop. La jeune femme avait l’impression qu’elle allait perdre son sang-froid, elle sentit son bras trembler. Elle le savait, c’était un avertissement de sa maladie qui disait hey, fais gaffe, je vais bientôt me paralyser, ça va aller jusque tes jambes et tu seras obligée de demander une chaise à Leslie. Foutue maladie ! Elle avait d’ailleurs été une des raisons pour lesquelles Charlie ne se sentait pas digne d’être avec quelqu’un comme Leslie. Soit, elle essayait tout de même de garder son calme. « T’as pas le droit de me dire ça. Non, t’as pas le droit… je… tu sais pas… » Charlie était tétanisée, elle ne savait absolument pas quoi dire. Sa voix tremblait légèrement. Elle aurait voulu lui crier que tout ça, c’était du vent, qu’elle n’avait jamais aimé que lui mais non, elle ne le ferait pas. Elle ne le ferait pas parce que Leslie ne le voulait certainement pas. Elle n’était pas prête à l’entendre lui dire qu’elle mentait, ou pire, qu’il la détestait. Ce qui était sans doute le cas. Et, il aurait raison. Mais, elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il ne s’était jamais battu pour elle. Il ne savait pas ce qui l’avait poussée à se marier, il ne savait pas qu’elle fondait encore en larmes à n’importe quel moment, qu’il lui arrivait même de le faire devant sa fille. « Tu vas me dire que tu n’as pas vécu pendant ces six années ? Hein ? A ce que je sache, tu n’as jamais cherché à savoir où j’étais ! Est-ce que tu t’es dit « peut-être qu’elle panique, peut-être qu’elle a juste besoin que je la rassure, peut-être qu’elle a peur de pas être à la hauteur, de pas supporter sa putain de maladie » ? Tu te l’aies dit ça Leslie ? » Et voilà, tout sortait tel un torrent de mots qu’elle n’arrivait pas à arrêter. « Non ! Alors t’as pas le droit de me dire ça ! T’as pas le droit, tu m’entends… »
Les derniers mots avaient dit de moins en moins forts, jusqu’à être murmurés. Soudain, tout ce qu’elle ressentait depuis six ans faisait surface. Tout ce qu’elle s’évertuait à garder pour elle, tout ce qu’elle s’évertuait à cacher à Joshua. Là, tout de suite, elle avait bien envie de s’enfuir en courant. Seulement, ses pieds étaient cloués au sol. Ses jambes commençaient à se paralyser. Et, elle ressentait encore cette colère. Charlie savait qu’il avait raison de lui dire tout ça. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de trouver ça injuste. Leslie était loin de s’imaginer le nombre de litres de larmes qu’elle avait versés en pensant à lui ces six dernières années. Il était sans doute loin de s’imaginer que lors de son mariage, qui –on le rappelle- doit être le plus beau jour de la vie d’une femme, elle avait fondu en larmes dans les toilettes. Alors, oui, il avait peut-être raison de lui en vouloir, raison de ne pas lui pardonner. Il avait sans doute énormément souffert mais s’il pensait qu’elle s’en fichait, qu’elle avait atterri à Londres et qu’elle avait juste tout oublié alors il se mettait le doigt dans l’œil.
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Mer 4 Jan - 3:12
Est-ce qu'elle réalisait le mal que sa simple présence ici pouvait me faire ? Est-ce qu'elle en avait seulement conscience ? J'aurai été bien incapable de le dire ... Pourtant il fut un temps où il me suffisait de la regarder pour réussir à deviner ses pensées presque comme à livre ouvert ; Du moins c'était ce que j'avais eut la bêtise de penser, avant de réaliser que je m'étais bien trompé puisque je n'avais même pas été capable de déceler le malaise qui avait grandi, mûri entre nous à partir du jour où je lui avais demandé de m'épouser ... J'avais été parfaitement aveugle, et bête. Mais peu importait, toujours était-il que pour l'heure je n'étais plus capable de deviner la moindre chose la concernant, et surtout pas ce qu'elle pouvait penser en me regardant ... Je ne savais pas interpréter ce regard qu'elle avait sur moi pour la simple et bonne raison qu'elle ne m'avait encore jamais regardé de la sorte. Était-ce du mépris, du trouble, ou même de la colère ? De la colère ? Si il y en avait un des deux qui devait être en colère pourtant c'était certainement moi, ça j'en était aussi certain que deux et deux faisaient quatre ... Elle était partie, elle m'avait laissé tomber comme un jouet dont on ne veut plus en grandissant, elle ne m'avait accordé que trois mots stupides sur un morceau de papier, comme si c'était tout ce que je pouvais espérer mériter de sa part. Alors non elle n'avait pas le droit d'être en colère, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, elle avait tout gâché et ça ce n'était pas moi qui l'avait voulu ... Comment pouvait-elle se comporter aussi normalement devant cet enfant, comment pouvait-elle me reléguer au rang de parfait inconnu alors que de la voir s'adresser à un enfant qui était le sien mais qui n'était pas le mien me donnait envie de m'arracher le cœur ? C'était cruel, voilà ce que c'était, c'était cruel et elle ne semblait même pas s'en rendre compte ... Elle l'avait appelé Emmalee. Emmalee. C'était quoi, une énième façon pour elle de se persuader que tout ce qu'elle avait fait en six ans elle l'avait beaucoup mieux fait sans moi, y compris donner à un enfant le prénom qui aurait du revenir au notre si elle était restée ? J'avais l'impression d'un énième pied de nez du destin, pour me rappeler une nouvelle fois à ma situation, celle du type qui avait divorcé parce qu'il avait eut le malheur de vouloir des enfants. « Tu sais, si on a des enfants un jour, si on a une fille, je voudrais qu’on l’appelle Emmalee. » Voilà ce qu'elle m'avait dit il y a sept ans, et voilà ce qu'elle avait sans doute dit au type qui lui servait désormais de mari ... Foutaises, elle n'avait fait que se foutre de moi tout du long, voilà ce dont j'étais en train de m'apercevoir. Elle avait été parfaite, trop parfaite sans doute et moi je n'avais rien vu, je m'étais laissé berné par ses belles paroles parce que j'avais eut le malheur de croire qu'elle m'aimait autant que je l'aimais.
En désespoir de cause - parce que oui, à ce niveau là cela ne pouvait être rien d'autre que du désespoir - j'avais tenté de garder une certaine contenance ; A l'intérieur je venais d'être réduis en petits morceaux et je ramassais à nouveau les débris de sentiments qui gisaient à mes pieds, mais extérieurement j'étais raide comme un piquet et je donnais l'impression d'avoir été mis sur pause. Elle voulait jouer aux étrangers, parfait, dans ce cas là je pouvais jouer moi aussi, et la vouvoyez serait pour le coup un très bon moyen de commencer ... Puisqu'elle me servait du monsieur je pouvais bien lui servir du vous après tout, c'était ce qu'elle semblait vouloir non ? « Quoi ? » Elle avait eut un mouvement de recul, et moi l'espace de quelques fractions de secondes je n'avais pu empêcher le trouble de s'afficher sur mon visage. Quoi ? Elle me traitait comme un imbécile et elle s'étonnait que je ne la laisse pas faire sans broncher ? C'était donc ça l'image qu'elle avait de moi, celle d'un type qui s'écrase et qui se laisse traiter comme un paillasson ? Elle n'avait pas le droit de m'en vouloir pour ça, elle n'avait que ce qu'elle avait voulu avoir, elle m'avait rayé de sa vie, elle l'avait refaite avec un autre, loin de moi, elle ne pouvait pas s'attendre à ce que je l'accueille à bras ouverts ... Je n'en aurais de toute manière pas eut la force. Je trouvais déjà à peine celle de la regarder en face, alors que tout en moi avait envie de lui crier au visage combien elle m'avait fait mal et combien je lui en voulais pour ça. Qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? Que parce que six ans avaient passé j'allais l'accueillir comme une vieille amie à qui on raconte au coin du feu ce qui s'était passé durant tout ce temps ? Je ne comprenais rien, rien du tout à ce qu'elle attendait de moi ... Je ne savais même plus quoi dire, ou quoi faire, et comme d'habitude dans ces moments là c'était ma colère et ma rancune qui avaient pris le relai presque par automatisme. Je n'étais pas comme ça avant, la rancœur ce n'était pas quelque chose que je cultivais ... Mais depuis mon divorce j'en avais tellement à l'intérieur, je l'avais tellement refoulée et remise à plus tard, j'avais tout à coup l'impression que j'allais exploser ... et il fallait que ce soit maintenant, il fallait que ce soit devant Charlie.
« Je suis revenue y a deux mois… mon père est mort, Leslie. » Elle m'avait répondu d'un ton froid, un ton que là encore elle n'avait jusqu'à présent jamais utilisé à mon égard. Qu'essayait-elle de faire, me faire culpabiliser ? Était-ce de ma faute si revenir en ville lui avait paru tellement insupportable qu'il avait fallut attendre qu'un de ses parents ne mette les deux pieds dans la tombe pour daigner se repointer ici ? C'était un peu facile. Trop facile. « Ça je le sais. On est dans une petite ville, tout se sait dans le coin, à moins que ça aussi tu aies fini par l'oublier. Désolé. » Ma voix me semblait être celle de quelqu'un d'autre, je ne la reconnaissais même pas ... Elle était saccadée, un peu froide aussi, j'essayais de faire de mon mieux pour ne pas paraitre le plus troublé des deux mais je ne réussissais au final qu'à paraitre insensible. Pourtant j'étais sincère, j'étais réellement désolé pour son père, même si ce dernier ne m'avait jamais réellement porté dans son cœur ... J'avais lu son nom dans la rubrique nécrologique du journal un soir où j'étais rentré du travail, et malgré moi j'avais eut un pincement au cœur. Peut-être simplement parce que cela m'éloignait un peu plus encore de cette époque où Charlie était avec moi. « T’as pas le droit de me dire ça. Non, t’as pas le droit … je … tu sais pas … » Son allure changeait de seconde en seconde, et si je n'avais pas déjà été trop occupé à tenter de contrôler ma propre personne j'en aurai presque eut peur pour la sienne. Elle serrait les poings, et me regarder en tremblant, comme si elle était sur le point d'exploser. Mais il n'était pas question que je cède, pas question que je lui laisse voir à quel point elle m'atteignait, je ne voulais pas lui faire ce plaisir, pas lui donner cette satisfaction. « Pas le droit ? Mais tu t'attendais à quoi, à ce que je te dise merci, où que je t'accueille comme une vieille amie ? Tu me penses hypocrite à ce point là, ou bien c'est simplement toi qui l'es trop devenue pour t'en rendre compte ? » J'essayais de rester calme, j'essayais réellement, mais je ne savais même pas si j'avais envie de chercher à la blesser ou bien simplement de me décharger d'un poids. J'avais le cœur tellement gros, tellement lourd de la voir me regarder avec autant de mépris. « Mais non je ne sais pas tu as raison ... Faut dire que trois mots sur un post-it ça m'a pas laissé beaucoup de marge, la liste des courses aurait été plus explicite. » Je ne voulais pas régler mes comptes avec elle de cette façon, pas ici, pas maintenant ... mais pourtant c'était malgré que moi ce que j'étais en train de faire. Il y avait tellement de questions auxquelles je n'avais jamais eut de réponses, tellement de choses que j'aurai voulu pouvoir dire ou faire ...
Les secondes passaient et je réalisais que j'avais devant moi une étrangère ... Ce n'était plus une question de vous ou de monsieur, c'était uniquement de savoir que la Charlie que j'avais devant les yeux n'avait plus rien à voir avec celle que j'avais connu et dont j'étais tombé éperdument amoureux à la première seconde où je l'avais vu. C'était tous les souvenirs que j'avais avec elle qui étaient en train de partir par petits morceaux, comme un vase qui s'écrasait au sol et qu'on avait plus d'espoir de pouvoir recoller ... Ou bien c'était moi ? A force de n'avoir plus rien d'autre que mes souvenirs j'avais peut-être fini par l'idéaliser, par idéaliser ce que nous avions été ... Quand j'y repensais je me souvenais d'une relation simple, innocente, naïve presque. Trop sans doute. C'était peut-être ça mon erreur au fond, pendant tout le temps où j'avais été avec Charlie j'avais eut la sensation d'être dans ma bulle, j'avais arrêté de me poser des questions, j'avais arrêté de grandir ... Mais pas elle, et c'était peut-être ça qui l'avait poussé à partir, j'en étais même persuadé. Et maintenant elle était là en face de moi, elle était devenue une femme à part entière, et moi je n'étais rien d'autre que cet imbécile de Leslie, celui qui avait trente et un ans mais qui avait la sensation de ne rien avoir fait de sa vie depuis qu'il en avait vingt-cinq ... J'étais pathétique, insignifiant ... elle me faisait me sentir ainsi, et pour ça aussi je la détestais, parce que je passais déjà tellement de temps à me le répéter lorsque je croisais mon reflet dans une glace, le lire dans ses yeux à elle c'était trop.
« Tu vas me dire que tu n’as pas vécu pendant ces six années ? Hein ? A ce que je sache, tu n’as jamais cherché à savoir où j’étais ! Est-ce que tu t’es dit « peut-être qu’elle panique, peut-être qu’elle a juste besoin que je la rassure, peut-être qu’elle a peur de pas être à la hauteur, de pas supporter sa putain de maladie » ? Tu te l’aies dit ça Leslie ? » J'étais tout bonnement abasourdi parce qu'elle venait de me dire, ou plutôt de me balancer. Comment pouvait-elle tout me reprocher en bloc, comment pouvait-elle seulement me regarder dans les yeux et me reprocher de ne pas avoir fait d'efforts ? Elle semblait avoir oublié tout ce que j'avais fait pour elle, tous les efforts que j'avais accumulé pendant cinq ans afin d'essayer d'être à la hauteur. « Non ! Alors t’as pas le droit de me dire ça ! T’as pas le droit, tu m’entends … » C'était la goutte d'eau, je ne pouvais pas croire ce que je venais d'entendre, je ne pouvais pas croire qu'elle me reprochait sciemment d'être le fautif de l'histoire, d'être celui à cause de qui nous en étions là. A mon tour j'avais serré la mâchoire avant de finalement décidé de ne plus me retenir, et de lui dire ce qu'elle n'avait sans doute aucun envie d'entendre, mais qu'elle méritait de sentir raisonner dans sa tête au moins assez longtemps pour avoir mal comme moi j'avais mal. « Je t'interdis de faire ça Charlie ... je t'interdis d'essayer de me faire porter le chapeau, d'essayer de me faire culpabiliser pour tes erreurs ! C'est ta lâcheté qui a tout gâché, ta lâcheté à ne pas avoir su me dire en face que c'était fini, ta lâcheté à ne pas vouloir me regarder dans les yeux pour me dire que ce mariage tu n'en avais jamais voulu ... Tu me feras pas me sentir coupable, pas cette fois-ci. C'est toi qui es partie, alors t'as pas le droit de dire que c'est pas ce que tu voulais, parce que cette décision c'est toi qui l'a prise, et c'est moi qui l'ai subie. »
A l'entendre parler j'avais crié au bon débarras dès l'instant où elle avait quitté notre appartement, à l'entendre j'étais celui qui s'était réjouit de son départ et qui avait tourné la page trois jours plus tard pour reprendre sa petite vie tranquille comme si rien de tout cela n'était jamais arrivé ... Se rendait-elle seulement compte de l'énormité de la chose, de l'hypocrisie dont elle devait faire preuve pour réussir à s'auto-persuader que si elle était partie c'était parce que JE ne l'aimais plus, ou pas assez. J'avais envie de hurler, ou de frapper dans quelque chose, n'importe quoi, mais j'avais l'impression que tant de sentiments contradictoires au même moment allaient réussir à m'achever pour de bon ; Mon cœur tambourinait tellement fort dans ma poitrine que j'avais l'impression qu'il était en train d'éclater, mes oreilles bourdonnaient et j'avais l'impression qu'il suffirait d'un rien pour que je ne manque perdre l'équilibre, j'avais chaud et j'avais froid à la fois, c'était trop, je voulais que ça cesse, je voulais qu'elle s'en aille, je voulais qu'elle me laisse tranquille et que plus jamais elle ne revienne me faire me sentir comme je me sentais en ce moment. C'était même pas humain, me mettre dans un état pareil, je devais sérieusement avoir un problème, y'avait quelque chose qui clochait chez moi je ne voyais que ça comme explication ... Mais puisque j'avais commencé je voulais aller au bout, si jamais ce devait être la dernière fois que je la voyais alors je ne voulais pas regretter ensuite de ne pas pu lui avoir dit tout ce que j'avais sur le cœur ; J'avais passé six ans à le garder au fond de ma tête, à le refouler en espérant qu'un beau jour arriverait enfin où tout cela aurait enfin disparu, où repenser à Charlie ne serait pas forcément évocateur de regrets et de questions restées sans réponses. Je voulais qu'elle entende tout ce que j'avais à lui dire, parce qu'au fond de moi j'espérais presque qu'ensuite elle passerait au moins autant de temps que moi à tenter de recoller les morceaux de cœur que cela lui aurait abimé. Mais là encore je me donnais peut-être trop d'importance, qu'en avait-elle à faire au fond ? Une fois partie elle rentrerait chez elle, elle retrouverait son mari, ses repères, et elle oublierait bien vite le pauvre type que j'étais, elle l'avait déjà fait il y a six ans alors pourquoi les choses seraient-elles différentes aujourd'hui ... Elles n'avaient aucunes raisons d'être différentes, la logique voulait même qu'elles soient pires. Au fond je cherchais peut-être simplement un moyen de libérer ma conscience, de me retirer un poids des épaules ... et j'avais décidé que j'aurai tort de m'en priver, et que si elle devait culpabiliser alors au moins elle le ferait pour une bonne raison.
« J'ai passé des semaines entières à t'attendre Charlie, des journées entières près du téléphone à espérer quelque chose, plus qu'un minable bout de papier, parce que naïvement je pensais que je valais mieux que ça à tes yeux ... Mieux que trois mots griffonnés vite fait pour te donner bonne conscience. » Parce que j'étais persuadé que cela ne pouvait être que ça, qu'elle avait laissé cette espèce de fausse explication qui ne rimait à rien simplement pour pouvoir se rassurer ensuite et se dire qu'elle n'était pas partie sans rien dire. Comme si trois mots suffisaient à résumer cinq ans. « Tu te souviens de Trey ? Tu te souviens de pourquoi j'ai fini par me brouiller avec lui ? Pour toi ! Tu te souviens peut-être du jour où je t'ai demandé de m'épouser, parce que j'avais été assez stupide pour croire que tu voudrais passer le reste de tes jours avec moi alors que c'était que du vent ... Là aussi, pour toi ! Toutes ces soirées à faire des heures supplémentaires pour pouvoir t'offrir un mariage digne de toi, toutes ces journées passées chez toi à sourire à tes parents et à m'écraser alors qu'ils me traitaient comme un minable, pour toi encore ! ... » J'avais marqué une pause. Je ne savais même plus si je parlais ou si je criais, et inconsciemment je crois que je m'en foutais, je crois que même l'idée que la petite cachée derrière ses rayonnages puisse nous entendre ne m'atteignait plus. J'avais arrêté de réfléchir, je voulais simplement qu'elle sache, qu'elle réalise l'énormité de ce dont elle m'accusait. « Alors désolé mais c'est toi qui n'as pas le droit ... de me dire que j'ai pas fait assez d'efforts, de me dire que je t'ai pas assez aimé, de me dire que je t'ai prise pour acquis ... t'as pas le droit, parce que j'ai passé cinq ans à ne faire que ça, et toi tu n'as jamais rien vu. T'as simplement tout foutu en l'air, et là dessus t'es la seule responsable si tu en as souffert. »
Mon énervement venait de redescendre comme un soufflé , Ma dernière tirade je l'avais dit d'un calme presque olympien, rempli de regret mais calme comme on ne pouvait l'imaginer. J'avais vidé mon sac, du moins ce que j'avais bien voulu en dire, et même si j'avais toujours mal je me sentais plus léger ... dépourvu de ce qui avait appuyé sur mes épaules pendant six ans. Ma seule faiblesse au fond était encore d'avoir sous-entendu qu'elle avait souffert de la situation, au moins autant qu'elle venait de le prétendre ... Si elle m'avait un peu aimé alors elle avait du souffrir un peu aussi, du moins c'était ce que je croyais, ou ce que j'espérais je ne savais pas trop ...
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Mer 4 Jan - 23:33
« Ça je le sais. On est dans une petite ville, tout se sait dans le coin, à moins que ça aussi tu aies fini par l'oublier. Désolé. » Qu’entendait-il par « tu aies fini par l’oublier » ? Parlait-il de lui ? Parce que si c’était le cas, il se trompait. Elle n’avait rien oublié de leur histoire. Chaque instant, chaque minute était inscrit dans sa mémoire. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas les oublier. Elle préféra ne rien dire sur cela et répondit simplement par un « Oui, une petite ville… »
Arrowsic était effectivement une petite ville. Tout se savait. Les commérages allaient bon train. C’était quelque chose qui n’avait pas manqué à Charlie lorsqu’elle était à Londres. Elle adorait cette ville. Elle ne saurait trop dire pourquoi. Pourtant, elle avait choisi cette ville par défaut, c’était le premier billet qu’elle avait pu avoir. On aurait pu lui proposer la Groeland qu’elle aurait accepté. Bon, pas sûr qu’elle s’y serait plu par contre. En allant à Londres, elle ne savait pas si elle allait y rester un an, deux ans, plus… et finalement, les années étaient passées. Six ans avaient passé. Six années où elle avait tenté de se reconstruire. Elle s’était mariée, avait eu un enfant. Et pourtant, elle avait dû revenir il y a deux mois, à cause de –grâce à ?- la mort de son paternel. Charlie était devenue une femme accomplie, et pourtant, devant Leslie, elle avait l’impression d’avoir de nouveau dix-sept ans, le jour où elle l’avait rencontré. Elle se sentait impuissante. Sauf que cette fois, Leslie n’allait pas la sauver. Bien au contraire.
« Pas le droit ? Mais tu t'attendais à quoi, à ce que je te dise merci, où que je t'accueille comme une vieille amie ? Tu me penses hypocrite à ce point-là, ou bien c'est simplement toi qui l'es trop devenue pour t'en rendre compte ? » A dire vrai, Charlie ne savait plus trop comment elle était devenue. Elle passait tellement de temps à faire semblant depuis six ans, qu’elle avait du mal à décerner le vrai du faux à présent. Du moins, chez elle. Avait-elle vraiment cru qu’il l’accueillerait à bras ouverts ? Non, elle n’avait pas cru ça. « Mais non je ne sais pas tu as raison... Faut dire que trois mots sur un post-it ça m'a pas laissé beaucoup de marge, la liste des courses aurait été plus explicite. »
Charlie repensa à l’état dans lequel elle se trouvait lorsqu’elle avait laissé ce foutu post-it. Elle avait mis dix bonnes minutes avant d’écrire ces trois petits mots. Elle aurait tellement voulu faire plus, dire plus. Mais elle n’en avait pas la force. Alors, les mains tremblants, les yeux humides, elle avait griffonné ce « je suis désolée » sur ce post-it minable. Leslie était en colère, ça se voyait. Mais Charlie se sentait mal. Elle ne savait plus où elle en était, elle était totalement perdue. Et elle avait beaucoup de mal à le regarder dans les yeux. Affronter son regard, c’était lire dans ses yeux qu’il la détestait, lire qu’il ne lui pardonnerait jamais. Et ça, la jeune femme ne le supportait pas. Bon sang, à quoi tu t’attendais, espèce de stupide, stupide, stupide ! se dit-elle soudain. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Qu’il allait lui dire qu’il l’aimait toujours, qu’il la comprenait, qu’il acceptait sa maladie quoi qu’il arrive. Mais ça, c’était vrai il y a six ans, et comme une idiote, elle n’avait pas su le voir. Elle n’avait pas su avoir assez confiance en elle pour croire qu’il l’aimait autant qu’il le disait. Et, elle n’avait pas non plus su lui montrer à quel point elle l’aimait. Et aujourd’hui, elle tentait de garder la face devant lui. Elle tentait de ne pas faire couler ses larmes. En attendant, elle n’avait rien répondu alors Leslie avait continué sur sa lancée.
« Je t'interdis de faire ça Charlie ... je t'interdis d'essayer de me faire porter le chapeau, d'essayer de me faire culpabiliser pour tes erreurs ! C'est ta lâcheté qui a tout gâché, ta lâcheté à ne pas avoir su me dire en face que c'était fini, ta lâcheté à ne pas vouloir me regarder dans les yeux pour me dire que ce mariage tu n'en avais jamais voulu ... Tu me feras pas me sentir coupable, pas cette fois-ci. C'est toi qui es partie, alors t'as pas le droit de dire que c'est pas ce que tu voulais, parce que cette décision c'est toi qui l'a prise, et c'est moi qui l'ai subie. » Leslie avait totalement raison. Ce qu’il disait était vrai mais Charlie était bien trop tétanisée pour l’admettre, elle avait bien trop mal pour l’admettre. Ce n’était même pas une question de fierté, ou de dignité parce que sa fierté, elle l’avait perdue le jour même où elle avait accepté d’épouser Joshua. La jeune femme sentait tous ses membres trembler, elle sentait les larmes monter, mais elle refusait de pleurer devant lui. Soudain, elle avait l’impression que tout ce qu’ils avaient vécu ensemble n’était que fumée, et qu’il était vain d’essayer de la rattraper. Des explications, c’était ce qu’il voulait, n’est-ce pas ? « Oui, j’ai été lâche ! T’as raison ! J’ai été lâche parce que je savais… je savais que si tu étais en face de moi, j’aurais jamais eu la force de te dire que j’avais peur. » Elle reprit sa respiration, essayant de la contrôler mais elle n’y arrivait absolument pas. « Ce mariage, j’en voulais autant que toi. Et puis, j’me suis mise à paniquer… si je t’avais eu en face de moi, jamais j’aurais eu la force de te quitter, parce que ce que je ressentais pour toi, c’était plus fort que tout ce que j’ai pu ressentir jusqu’à aujourd’hui, et ça m’a fait peur. »
Tout ce qu’elle avait pu ressentir jusqu’à aujourd’hui ? Implicitement, Charlie venait de dévoiler qu’elle ne ressentait pas pour son mari ce qu’elle ressentait pour Leslie. Mais s’en soucierait-il ? Elle en doutait. Pourtant, c’était bien la vérité. L’amour qu’elle ressentait pour Leslie était tellement fort, tellement immuable que ça lui faisait presque mal. Elle n’avait jamais ressenti ça, et, même si elle était jeune à l’époque, elle savait très bien qu’elle ne ressentirait ça pour personne d’autre. La preuve était là. Elle était mariée à Joshua et pourtant l’amour qu’elle ressentait pour lui était de ces amours purs, l’amour qui nous donne bonne conscience, celui qui nous fournit la sécurité. Mais ce n’est pas l’amour qu’elle avait pour Leslie. Cet amour qui lui faisait battre le cœur, qui lui donnait des nœuds dans l’estomac, qui lui faisait perdre la tête dès qu’il touchait sa peau. Oui, cet amour, c’était celui qu’elle avait pour Leslie. Mais, la peur avait fini par lui prendre les tripes. Elle se réveillait en sursaut la nuit en se disant qu’ils finiraient inévitablement par se déchirer, par se haïr et par divorcer. Elle entendait déjà ses parents lui dire « On t’avait bien dit qu’il n’était pas digne de confiance. » Seulement voilà, Charlie lui faisait confiance. C’était plutôt à elle-même qu’elle ne faisait pas confiance. Sans doute pas à juste titre car Leslie ne lui avait jamais montré que sa maladie le dérangeait, ou même son âge, ou quoi que ce soit d’autre. Oui, elle n’aurait peut-être pas du paniquer. Peut-être qu’ils se seraient mariés, et seraient encore parfaitement heureux. Et ils auraient sans doute une petite fille, appelée Emmalee. Mais ce n’était pas le cas… Elle était mariée, elle avait une fille qui s’appelait Emmalee… et lui ? Et bien, finalement elle ne savait pas. Mais la façon dont il la regardait lui faisait penser qu’il ne l’aimait plus à présent, qu’il ne ressentait que de la haine pour elle. La jeune femme ne pouvait pas le blâmer.
« J'ai passé des semaines entières à t'attendre Charlie, des journées entières près du téléphone à espérer quelque chose, plus qu'un minable bout de papier, parce que naïvement je pensais que je valais mieux que ça à tes yeux ... Mieux que trois mots griffonnés vite fait pour te donner bonne conscience. » Oh oui, il valait mieux que ça à ses yeux, il valait mieux que tout, et elle n’avait pas su le lui montrer. « Tu te souviens de Trey ? Tu te souviens de pourquoi j'ai fini par me brouiller avec lui ? Pour toi ! Tu te souviens peut-être du jour où je t'ai demandé de m'épouser, parce que j'avais été assez stupide pour croire que tu voudrais passer le reste de tes jours avec moi alors que c'était que du vent ... Là aussi, pour toi ! Toutes ces soirées à faire des heures supplémentaires pour pouvoir t'offrir un mariage digne de toi, toutes ces journées passées chez toi à sourire à tes parents et à m'écraser alors qu'ils me traitaient comme un minable, pour toi encore ! ... » Charlie entendit résonner les mots « pour toi » dans sa tête. Il avait fait tellement de choses pour elle, et elle, qu’avait-elle fait finalement ? Elle l’avait fait souffrir. Alors, elle ne put retenir sa pensée. « Alors, pourquoi tu m’aimais ? Tu l’as dit, t’as fait tellement de choses pour moi, à cause de moi mais qu’est-ce que j’ai fait pour toi ? T’as jamais mérité quelqu’un comme moi. Tu méritais tellement plus, Leslie, tellement plus qu’une femme qui allait finir sa vie dans un fauteuil roulant. Pourquoi tu m’aimais tellement Leslie, hein ? » Sa voix n’exprimait aucune colère à présent, Charlie était juste dépassée par ce qu’il se passait. Toutes les questions, tous les doutes qu’elle avait ressentis pendant ces six ans remontaient et elle ne réussissait pas à les gérer parce qu’il était là, devant elle, et qu’elle était complètement décontenancée. « Alors désolé mais c'est toi qui n'as pas le droit ... de me dire que j'ai pas fait assez d'efforts, de me dire que je t'ai pas assez aimé, de me dire que je t'ai prise pour acquis ... t'as pas le droit, parce que j'ai passé cinq ans à ne faire que ça, et toi tu n'as jamais rien vu. T'as simplement tout foutu en l'air, et là-dessus t'es la seule responsable si tu en as souffert. » Décidément, ils avaient du mal à se comprendre. Le temps où ils se comprenaient d’un seul regard était apparemment révolu. Le temps où leur relation était si simple était passé. Et tout ça à cause de Charlie. Leslie venait de lui répéter et elle ne pouvait dire le contraire, elle ne pouvait même pas le prétendre, elle n’était pas vraiment douée pour le mensonge. Leslie avait toujours su déceler quand la jeune femme mentait. Toujours. Et puis, elle n’avait jamais eu la force de lui mentir pour des choses graves. Discrètement, Charlie se rapprocha du comptoir où elle posa son bras afin de se maintenir. Plus ça allait, plus elle sentait qu’elle se raidissait et elle ne l’acceptait pas. « J’sais pas quoi dire… Qu’est-ce que tu veux que je dise Leslie ? Oui, c’est ma faute. J’avais vingt-deux ans, j’avais pas ta maturité… J’avais tellement peur qu’on finisse par se déchirer… »
Alors elle avait accéléré les choses. Pas sûr que c’était la meilleure solution. Mais, Charlie n’avait jamais été douée pour parler, pour dire ce qu’elle ressentait. Elle préférait tout garder en elle. Jusqu’au jour où ça explosait, comme à cet instant. Charlie était le genre de personne handicapée des sentiments, qui ne savait pas comme exprimer ce qu’elle ressentait. Même à sa propre fille, elle disait que très rarement qu’elle l’aimait. Bien sûr, mis à part par la parole, Charlie exprimait son attachement par des gestes. En fait, Charlie s’exprimait le mieux en ne disant rien, ses yeux exprimaient tout pour elle. Elle avait un regard pénétrant, qui en disait toujours très long sur ses pensées. C’était pour ça que Joshua lui en voulait parfois, parce qu’il voyait que trop souvent le reflet de Leslie dans les yeux de sa femme. Et même si il ne disait rien, Charlie savait que ça le blessait alors elle faisait semblant. De jour en jour, elle faisait de mieux en mieux semblant. La seule personne avec qui elle ne faisait pas semblant, c’était sa fille. Cette dernière était sa raison d’avancer maintenant. Charlie s’assura qu’Emma était toujours en train de regarder les livres et ne faisait pas attention à ce qu’il se passait entre elle et Leslie. Apparemment, la petite fille était bien trop amusée par le livre qu’elle feuilletait pour faire attention à ce qui l’entourait.
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Dim 8 Jan - 3:20
A bien y réfléchir je ne comprenais pas ce que Charlie faisait toujours en ville ; Elle y était revenue pour son père, cela m'avait parut totalement évident avant même qu'elle ne prenne la peine de me le confirmer avec froideur, mais c'était il y a deux mois déjà et depuis elle aurait largement eut le temps de repartir pour rentrer chez elle, où que cela se situe. Elle avait quitté Arrowsic du jour au lendemain, prouvant ainsi de façon assez abrupte qu'elle avait trouvé à cette ville quelque chose qui la fasse fuir ... Au début j'avais cru que cette raison c'était moi, était-ce parce que j'avais trop peu confiance en moi ou bien parce que j'avais été trop narcissique, au point de me donner assez d'importance pour que ce soit le cas ? Ce qui était certain en tout cas c'était que j'avais depuis eut amplement le temps de dépasser ce stade et de réussir à comprendre que peu importait au fond la raison pour laquelle Charlie avait décidé qu'Arrowsic la rendait malade, cela ne pouvait pas être seulement moi ... Je n'étais peut-être pas parfait, mais je ne pensais quand même pas avoir agi d'une manière qui expliquait rationnellement que l'on quitte le pays. « Oui, une petite ville … » Elle avait dit cela avec ce que je décidais d'interpréter comme du cynisme. J'avais l'impression qu'en répondant de cette façon elle critiquait Arrowsic, ou plutôt qu'elle considérait la ville avec un certain dédain, et allez savoir pourquoi sa réaction avait tendance à me vexer un peu ... C'était bizarre je sais. Et je ne dis pas qu'il ne m'arrivait jamais à moi non plus de pester contre cette ambiance trop confinée qui faisait d'Arrowsic un trou perdu, bien sûr il m'arrivait de me plaindre de pouvoir traverser la ville les yeux fermés tant j'avais fini par la connaitre dans ses moindres recoins, de maudire ceux qui m'avaient connu adolescent et pour qui malgré les années qui avaient passé je restait un Whitaker, c'est à dire de la mauvaise graine qui avait terminé dans une cellule de prison, de regretter la sérénité et la tranquillité dans laquelle je vivais lorsque j'étais en Afrique du Sud ... Mais j'avais vécu à Arrowsic pendant quinze ans si l'on mettait toutes les périodes bout à bout, cette ville faisait partie de ma vie au même titre que le Cap, je ne pouvais pas le renier. Alors entendre Charlie en parler comme si cette ville était une épine dans son pied me vexait, voilà.
Cela dit j'avais bien autre chose à penser pour le moment, et m'attarder sur les raisons pour lesquelles Charlie avait subitement décidé qu'Arrowsic n'était plus assez bien pour elle n'était définitivement pas ma priorité. Parce que ce n'était pas le pire dans cette histoire, le pire au fond c'était qu'elle venait ni plus ni moins de me reprocher de ne pas l'accueillir à bras ouverts, comme si j'avais tourné la page et comme si je n'avais plus réellement de raisons de lui en vouloir ... Elle avait semblé surprise de mon accueil glacial, et la vérité c'était que sa réaction m'avait donné l'impression qu'elle se foutait de moi, totalement. Comme si elle me reprochait de ne pas avoir accepté son geste, de ne pas avoir accepté la façon tellement lâche dont elle avait mis fin aux cinq années qu'avaient duré notre relation. Cinq ans. J'avais vécu en couple avec Charlie presque aussi longtemps que j'avais vécu sans elle ensuite ... Je ne savais pas trop ce que cela signifiait, ça me paraissait être hier et pourtant j'avais aussi l'impression que c'était il y a des siècles. Elle me reprochait de ne pas avoir cherché à la retrouver, de ne pas m'être assez accroché à elle ... qui était-elle pour me reprocher ce genre de chose ? Comment pouvait-elle seulement me regarder en face et me dire avec le plus grand sérieux que c'était de ma faute, que j'aurais du aller la chercher, me trainer à ses pieds et la supplier de revenir et que si je ne l'avais pas fait c'était parce que je ne l'aimais pas assez. C'était ça qui la mettait en colère, que je n'ai pas assez satisfait son égo en allant me trainer à ses pieds comme un paillasson ? Elle était partie pour se faire désirer, c'était ce qu'elle essayait de me dire ? J’espérais avoir mal compris, j'espérais réellement que ce n'était pas ce qui s'était passé, qu'elle n'avait pas brisé cinq années de relation simplement pour satisfaire son égo ... Ce n'était pas possible, je ne pouvais pas imaginer que Charlie, ma Charlie, soit capable d'une chose pareille. Et je voulais pas, je ne pouvais pas accepter qu'elle essaye de me faire culpabiliser, parce qu'elle n'imaginait pas tout ce que son départ avait pu provoquer chez moi, elle n'imaginait pas l'état pitoyable dans lequel elle m'avait laissé en s'en allant ... Je lui en avais tellement voulu d'être partie, de m'avoir abandonné alors que j'avais cruellement besoin d'elle et que j'avais eut le temps de trop m'attacher pour qu'un retour à la normale ne soit ensuite possible. Et maintenant je lui en voulais d'essayer de se décharger en me faisant culpabiliser, elle n'avait pas le droit, je ne méritais pas qu'elle me fasse une chose pareille j'en étais presque certain ... Je la trouvais affreusement lâche, et finalement je n'avais pas pu m'empêcher de le lui cracher à la figure tel un poison, un venin destiné à lui faire comprendre qu'elle ne réussirait pas à me faire endosser le rôle du fautif dans cette histoire.
« Oui, j’ai été lâche ! T’as raison ! J’ai été lâche parce que je savais … je savais que si tu étais en face de moi, j’aurais jamais eu la force de te dire que j’avais peur. » Ses mains tremblaient, elle avait les larmes aux yeux et moi je ne savais plus quoi dire ou quoi faire, j'avais l'impression que sa réponse sonnait comme une gifle. Elle avait peur ? Peur de quoi, de moi ? Qu'est-ce que j'avais bien pu faire ? « Ce mariage, j’en voulais autant que toi. Et puis, j’me suis mise à paniquer… si je t’avais eu en face de moi, jamais j’aurais eu la force de te quitter, parce que ce que je ressentais pour toi, c’était plus fort que tout ce que j’ai pu ressentir jusqu’à aujourd’hui, et ça m’a fait peur. » Je ne comprenais absolument rien. Rien du tout. Est-ce qu'elle était en train de me dire qu'elle m'avait quitté parce qu'elle était amoureuse de moi, vraiment ? Etais-je trop terre à terre pour comprendre la subtilité de la chose, ou bien était-ce simplement un truc de nana ... « Quand on aime quelqu'un on le quitte pas. Pas comme ça ... » Je ne sais pas si j'avais prévu de dire cela à voix haute, peut-être pas. Mais je venais de toute façon de le faire et je le pensais, alors à quoi bon économiser ma salive. Si j'avais le sentiment de l'avoir aimé plus qu'elle ne m'avait aimé ? En toute honnêteté oui, et son c’était plus fort que tout ce que j’ai pu ressentir jusqu’à aujourd’hui ne parvenait je pense pas à me duper ; Au fond de moi j'étais persuadé que ça aussi elle l'avait déjà dit à celui qu'elle avait épousé. « J'te demande pas de te justifier, c'est trop tard maintenant ... mais ne me demande pas de comprendre, parce que ça ... je peux pas. »
J'avais un tel sentiment de gâchis, comme si elle venait de piétiner tout ce qui pouvait me rester de positif concernant ce que nous avions été, c'est à dire mes souvenirs. Nos souvenirs.Je savais bien que rien ne changerait plus la tournures qu'avaient pris les choses, elle avait fait sa vie et j'avais fait la mienne, nous avions pris des chemins différents et nous avions grandi tout simplement ... Mais je savais que pourtant au fond de moi j'aurai toujours ce goût d'amertume en repensant à ce qu'aurait pu être notre vie à tous les deux si elle était restée, si elle avait su me parler au lieu de fuir, si elle avait voulu me laisser une chance de la guérir de ses doutes, et de ses peurs. Mais elle ne m'en avait laissé aucune, ou elle ne m'en avait pas jugé capable ... je n'avais pas été capable de la retenir c'est vrai, alors elle avait peut-être raison au fond. Pourtant, appelez ça de l'égoïsme si vous voulez, toutes ces fois où j'avais pensé à elle durant ces six années - et elles étaient nombreuses, croyez-moi - je ne m'étais pas dit que je ne l'avais pas retenu, je m'étais dit qu'elle m'avait laissé. Qu'elle était partie et qu'elle n'avait pas voulu penser ce qu'il adviendrait pour moi, de comment je réussirai à surmonter son départ, du mal qu'elle pouvait me faire en m'abandonnant alors que j'avais l'impression de lui avoir tout donné.
Flash-Back
ARROWSIC - avril 2005 - appartement de Charlie & Leslie a écrit:
J'étais exténué. Je venais de passer huit heures d'affilée debout à faire la vaisselle dans l'arrière-cuisine d'un restaurant miteux dans une ville voisine d'Arrowsic ; Je détestais ce boulot, ou plutôt je détestais mon patron qui me le rendait plutôt bien. Mais ce n'était que temporaire, dès que j'aurai trouvé mieux je partirai, c'était ce que je me répétais tous les matins en me levant pour tenter de me motiver ; Ça et la fiche de paye qui tomberait à la fin du mois. Garant le tas de ferraille qui me servait de voiture en bas de l'immeuble j'avais trouvé l'ascenseur en panne une fois de plus, mais je commençais à y être habitué et n'y prêtait donc même pas attention, empruntant les escaliers pour rejoindre l'étage où je vivais avec Charlie depuis bientôt deux ans. Parfois je m'étonnais du côté douillet que nous avions réussi à installer dans cet appartement qui était pourtant loin de casser des briques lorsque nous avions commencé à le louer ; A moins que ce soit uniquement le fait de vivre avec elle qui me donne cette impression là, c'était fort possible. Ni lumière nuit bruit lorsque j'avais tourné la clef dans la serrure et ouvert la porte de l'appartement, chose inhabituelle, et appuyant sur l'interrupteur de l'entrée j'avais appelé « Charlie ? » sans obtenir la moindre réponse. Posant mon blouson sur le dossier de la chaise à côté de laquelle j'étais passé j'étais allé jusqu'à la cuisine, comme pour vérifier, mais Charlie n'y étais pas. Je n'avais remarqué le post-it collé sur la table basse que plusieurs minutes plus tard en traversant à nouveau la pièce, et fronçant les sourcils je m'en étais approché persuadé d'y trouver la réponse à ma question. Je m'attendais sans doute à un Je suis sortie faire des courses ou à un je suis allée prendre l'air, bref à une explication banale au fait que Charlie ne soit pas à l'appartement. Mais certainement pas à ça. Le Je suis désolée. gribouillé sans aucune cérémonie sur ce morceau de papier, ça ne pouvait pas être vrai, c'était une farce, une mauvaise blague. « Charlie ! » Comme si j'espérais - et je l'espérais réellement - qu'elle allait me répondre je l'avais appelée de nouveau, ne réussissant pas à analyser ce que j'avais devant les yeux. Mes mains tremblaient, et malgré moi en relisant ces mots une, deux, trois fois de suite un scénario à me glacer le sang me traversait l'esprit. Je ne sais pas pourquoi l'histoire de cette fille qui s'était jetée du haut du phare il y a six semaines me revenait en tête, mais plus j'essayais d'arrêter d'y penser plus l'image s'incrustait dans ma tête et c'était tout bonnement insupportable. Traversant l'appartement comme une furie j'étais allé jusqu'à la chambre en désespoir de cause, parce que ça ne pouvait pas être vrai, je me faisais des idées c'était la seule explication. Mais la chambre était vide ; Pas seulement que Charlie n'y étais pas, elle était vide. Dans les placards les affaires de Charlie avaient disparues, même la petite boite à musique cadeau de sa sœur et qui ne quittait jamais sa table de nuit n'était plus là. Charlie n'avait pas fait de geste désespéré, elle m'avait seulement quitté, comme ça, sans raison. « CHARLIE !! » J'étais tombé à genoux sur le sol, comme en état de choc. Je n'arrivais pas à réfléchir, je n'arrivais pas à analyser ce qui venait de se passer. Charlie ne pouvait pas être partie, ce n'était pas vrai, ce n'était pas possible ... Elle allait revenir, elle devait revenir, elle devait devenir ma femme, elle avait dit oui, elle avait promis. Je ne sais pas combien de temps j'étais resté ainsi, sonné et hagard, avant de me relever brusquement et de me jeter sur le téléphone pour composer le numéro de son téléphone. Répondeur. Je rappelais une, deux, sept, dix fois. Je laissais un, deux, sept, huit messages après ça. Je n'avais réalisé que le lendemain que son téléphone elle l'avait laissé avec moi, que les messages jamais elle ne les écouterait. Charlie était partie, partie, ce mot résonnait dans ma tête.
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Il me suffisait d'y repenser pour avoir à nouveau ce poids sur l'estomac, et cette sensation que l'on essayait de m'empêcher de respirer ; C'était ce que j'avais ressenti lorsque j'avais compris que Charlie avait décidé de me sortir de sa vie, et c'était ce que je ressentais à nouveau maintenant qu'elle me regardait dans les yeux et qu'elle me disait que si elle m'avait laissé ce satané post-it c'était parce qu'elle voulait être certaine de réussir à me quitter. Elle voulait être sûr que je ne chercherait pas à l'en dissuader ... Parce qu'elle ne voulait pas partir en ayant mauvaise conscience ? C'était la seule explication rationnelle pour moi, parce que je n'arrivais pas à assimiler son excuse ... Je t'ai quitté parce que je t'aimais trop, comment vouliez-vous que je n'ai pas l'impression qu'elle se foutait de moi avec un raisonnement pareil.
« Alors, pourquoi tu m’aimais ? Tu l’as dit, t’as fait tellement de choses pour moi, à cause de moi mais qu’est-ce que j’ai fait pour toi ? T’as jamais mérité quelqu’un comme moi. Tu méritais tellement plus, Leslie, tellement plus qu’une femme qui allait finir sa vie dans un fauteuil roulant. Pourquoi tu m’aimais tellement Leslie, hein ? » Que voulait-elle, que cherchait-elle en me disant tout cela ? Qu'attendait-elle comme réponse de ma part, des excuses ? Une justification ? Je ne savais pas quoi dire, j'avais presque peur qu'elle n'essaye de me piéger, qu'elle ne me pose ces questions que dans l'attente que je fasse un faux pas, que je lui donne de quoi pouvoir dire qu'elle avait la preuve que je ne l'avais pas assez aimé. « Pourquoi je t'aimais ? » Que voulait-elle que je réponde à cette question ? Je n'avais pas de réponse ... je l'aimais, c'est tout. Pourquoi n'était-ce pas suffisant à ses yeux ? « Je sais pas Charlie, j'en sais rien ... Qu'est-ce que tu veux de moi, que je m'excuse d'être tombé amoureux ? Je t'ai aimé chaque seconde, de chaque jour, pendant cinq ans. Je voulais passer le reste de ma vie avec toi, je voulais avoir une famille avec toi, qu'est-ce que tu voulais de plus ? Je t'aimais parce que c'était toi ... c'était toi. » Oh oui c'était elle. La personne qu'on ne croisait qu'une seule fois dans une vie, celle qu'on voyait pour la première fois en ayant l'impression de la connaitre depuis toujours, celle qu'on aurait voulu protéger et garder contre tout, absolument tout. J'avais aimé Neelah, passionnément, entièrement, mais pas de la même façon, pas comme j'avais aimé Charlie ... Charlie faisait partie de ces amours purs, ceux qu'on ne pensait trouver que sur papier glacé. J'avais aimé Neelah comme un bonheur réel auquel j'avais eut droit, j'avais aimé Charlie comme un idéal qu'on effleure en ayant peur qu'il ne soit trop beau pour être vrai. Trop beau pour être vrai, bien sûr. « J’sais pas quoi dire … Qu’est-ce que tu veux que je dise Leslie ? Oui, c’est ma faute. J’avais vingt-deux ans, j’avais pas ta maturité … J’avais tellement peur qu’on finisse par se déchirer … » J'avais secoué la tête d'un air las. Je me sentais comme engourdi, j'avais cette boule au fond de la gorge qui me rendait difficile de m'exprimer normalement, parce que je me sentais à nouveau tellement vide à l'intérieur. « Alors t'as préféré prendre les devants ... tu nous as laissé aucune chance. » J'avais eut la mauvaise idée d'idéaliser notre relation ; Elle avait eut le mauvais réflexe de la condamner dès le départ. J'étais persuadé que nous aurions pu être heureux, elle était persuadée que nous aurions fini par nous détester, alors peut-être qu'elle avait raison au fond ... Avec deux visions si différentes comment aurions nous pu continuer ? « Je sais pas quoi te dire non plus ... J'suis désolé, de pas avoir eut de quoi te retenir, de pas ... » Je n'avais pas terminé ma phrase, je ne savais même plus ce que je voulais dire. Je n'avais pas eut de quoi la retenir, je n'étais pas assez pour la faire rester ... que vouliez vous que je dise de plus ? Je n'avais rien à en dire d'autre ...
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Dim 8 Jan - 22:18
Charlie savait que ça paraissait incroyable, que ses raisons étaient irréalistes. Et elle comprenait Leslie s’il ne la croyait pas. Pourtant, elle aurait tellement voulu le convaincre que c’était vrai. Elle ne faisait même pas ça pour se donner bonne conscience ou récupérer un tant soit peu de fierté. Non, parce que bonne conscience par rapport à cette histoire, elle ne l’aurait jamais. Et fierté, elle avait l’impression de l’avoir définitivement perdue en se mariant. Alors, de son côté, il n’y avait rien à rattraper. Sa vie était un mensonge, une horrible mascarade qu’elle s’évertuait à poursuivre pour se convaincre qu’elle avait une vie normale, une vie rangée et raisonnable. Comme le voulait ses parents. N’allez pas croire qu’elle n’aimait pas ses parents. Charlie les considérait comme des personnes, des parents géniaux. Si ils ne l’avaient pas adoptée, elle ne savait pas dans quel état elle serait aujourd’hui. Ils avaient su prendre soin d’elle, la considérer comme leur véritable fille, même après la naissance de Lily-Rose. Et, pour tout cela, elle leur serait éternellement reconnaissante. Mais, il fallait l’avouer, elle avait cette part de rancœur, parce qu’ils n’avaient pas accepté Leslie, alors qu’elle en était folle, alors qu’ils avaient accepté Joshua tout en sachant que leur fille n’éprouvait pas le même amour que lui. Oui, malgré elle, ils l’avaient fait grandir, et lui avaient fait faire le mauvais choix. Elle ne les blâmait pas. Elle était honnête avec elle-même, si elle avait fui, c’était uniquement de sa faute. Parce qu’elle ne savait pas gérer tout ça, ses sentiments, la pression, sa maladie. C’était beaucoup trop pour elle. Alors, elle était partie, tout ‘simplement’.
« Quand on aime quelqu'un on le quitte pas. Pas comme ça ... » Charlie en avait conscience. Elle avait conscience de tout ça. Il ne faisait que répéter ce qu’elle se répétait depuis six années, six longues années. Elle essayait de faire taire cette petite voix qui lui disait qu’on ne quittait pas les gens qu’on aimait en leur laissant un malheureux post-it comme elle l’avait fait avec Leslie, ou sans rien leur dire comme elle l’avait fait avec Lily-Rose. Cette petite voix qui lui disait qu’on ne quittait pas les gens qu’on aimait, tout simplement. « Je sais… » La jeune femme n’avait rien d’autre à dire que ça parce que tout ce qu’il disait, elle le savait, parce que tout ce qu’il disait, c’était la pure et simple vérité et qu’elle ne pouvait le contredire. Parce qu’il avait totalement raison. « J'te demande pas de te justifier, c'est trop tard maintenant ... mais ne me demande pas de comprendre, parce que ça ... je peux pas. » Charlie s’y attendait, pourtant elle reçut le « trop tard » comme un coup de poing. Elle sentit une larme couler le long de sa joue. Larme qu’elle essuya d’un revers de main. Non, tu ne pleureras pas ! Pas devant lui. « Je sais que c’est pas logique, qu’il y a aucun sens à mon geste… » Pourtant, elle, elle avait tout un tas de raisons à son geste. Tout un tas de raisons aussi futiles les unes que les autres, aussi immatures, et prouvant son manque de confiance en elle. « Mais ce que je te dis est la vérité même si c’est difficile à croire, à comprendre. Et j’te demande pas de me comprendre. » Elle se perdait dans le fil de ce qu’elle disait, elle le savait très bien. « J’veux juste que tu saches que j’suis désolée. J’sais qu’un malheureux post-it, ça suffit pas pour ce qu’on a vécu, je sais que c’est minable comme façon de partir mais... »
Mais quoi ? Charlie ne savait pas trop. Mais elle l’avait aimé, mais elle l’aimait toujours. Mais, tout ça, elle ne pouvait pas lui dire parce que, il lui avait dit, c’était trop tard. Tout ce qu’elle pourrait dire serait, de son point de vue, totalement inutile. En outre, la jeune femme était le genre de personnes à ne pas savoir exprimer ce qu’elle ressentait. Lorsqu’elle le faisait, c’était toujours affreusement maladroit. Et dans l’état d’émotivité dans lequel elle se trouvait actuellement, c’était encore pire. Ses pensées défilaient, défilaient, et elle avait trop de mal à y mettre de l’ordre. Charlie avait cette impression que les mots sortaient de sa bouche, encore et encore, et que ça n’avait ni queue ni tête. Elle avait le sentiment que ce qu’elle disait n’avait aucun sens. Et d’un certain côté, elle avait raison, ça n’avait aucun sens de lui dire tout ça après six ans. Qu’est-ce que cela pourrait leur apporter, à part de la souffrance en plus ? Dans l’hypothèse où tous deux auraient tourné la page sur leur histoire, ce que Charlie pensait que Leslie avait fait puisqu’il lui avait signalé qu’il était trop tard à présent, alors ça ne ferait que raviver les cicatrices. Avaient-ils besoin de ça ? Peut-être mais j’ai le sentiment qu’ils avaient tous deux besoin de réponses.
« Pourquoi je t'aimais ? » Oui, c’était la question que se posait Charlie depuis des années. « Je sais pas Charlie, j'en sais rien ... Qu'est-ce que tu veux de moi, que je m'excuse d'être tombé amoureux ? Je t'ai aimée chaque seconde, de chaque jour, pendant cinq ans. Je voulais passer le reste de ma vie avec toi, je voulais avoir une famille avec toi, qu'est-ce que tu voulais de plus ? Je t'aimais parce que c'était toi... c'était toi. » Plus il parlait, plus elle se disait que tout ça, elle ne l’avait ressenti qu’une seule fois dans sa vie. Et ce n’était pas avec Joshua, et ça ne le serait jamais. « Je t’ai aimé au premier regard, Leslie. Je me souviens de chacun de tes mots, je me souviens de chacun de tes gestes. Et, je sais que j’m’en souviendrais toujours. » Elle s’arrêta quelques secondes, histoire de réfléchir à ce qu’elle pouvait ajouter. Finalement, il y avait tellement de choses qu’elle avait envie de lui dire. En baissant le regard une seconde, celui-ci tomba sur son alliance. « Il faut que tu saches que le seul homme que je voulais épouser, c’est toi… je sais que t’as vu mon alliance, mais si je me suis mariée, c’est parce que je suis tombée enceinte » Et aussi parce qu’elle se souvenait encore de la réaction de ses parents. « Oh Charlie, tu vas enfin être raisonnable, grandir un peu et faire face à tes responsabilités ». Alors, elle avait fait face, elle avait épousé Joshua. « J’ai gardé mon nom… j’l’ai gardé parce que si j’avais eu à changer de nom un jour, ça aurait été pour prendre le tien. » Pourquoi elle lui racontait ça, elle n’en savait rien. Peut-être allait-il mal le prendre ? Qu’il allait penser qu’elle lui exposait son mariage, et son ‘bonheur’. « Je sais que tout ça, tu t’en fiches, que j’aurais beau te dire à quel point je me sens mal, à quel point j’ai pleuré de cette erreur. J’aurais beau te dire que si ma fille s’appelle ainsi, c’était parce que je voulais que cette petite fille ait quand même un bout de toi. J’aurais beau te dire que Lily-Rose m’en veut à tel point qu’elle refuse de me parler, qu’elle voulait tellement me prouver que j’t’aimais plus que n’importe qui que j’en ai même pleuré le jour de mon mariage. J’aurais beau te dire tout ça, ça changera rien à ce que j’ai fait. Ça changera rien au fait qu’aujourd’hui, tu me hais. » Oh oui, Charlie n’oublierait jamais le comportement de Lily-Rose à son mariage.
FLASH BACK
Citation :
C’était au mois de septembre 2007. Charlie venait d’enfiler sa robe, elle se contemplait dans le miroir. Elle avait choisi une robe totalement différente de la robe qu’elle devait porter si elle avait épousé Leslie. La raison en était simple, elle n’aurait pas eu la force d’avoir une robe ne serait-ce qu’un peu similaire sans retrouver Leslie à l’autel. Sa mère était derrière elle, le sourire aux lèvres.
« Tu es magnifique ma chérie. » Dans le miroir, Charlie lança un regard à sa mère, et essaya de lui sourire. « Merci… Est-ce que tu pourrais me laisser seule quelques minutes ? » Sa mère avait acquiescé cependant elle n’avait pas l’air rassurée. Elle connaissait bien sa fille, elle savait que ce mariage, elle l’avait accepté pour Emmalee. Mais, elle était sortie de la pièce. Une fois seule, Charlie avait de nouveau regardé son reflet dans le miroir. Ce devait être le plus beau jour de sa vie, et elle n’était même pas heureuse. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle s’assit alors au bureau dans le coin, prit une feuille, un papier et y écrit « Leslie, ». La jeune femme roula en boule cette feuille. « Qu’est-ce que tu veux bien écrire, ma pauvre fille ? » Pourtant, elle reprit une feuille et commença à écrire. « Salut. » Une voix la fit sursauter. Elle se retourna et essaya de cacher la lettre qu’elle était en train d’écrire. « Lily, t’es venue ! » Charlie était si contente de voir sa sœur. Pourtant, cette dernière ne souriait pas, elle regardait simplement sa grande sœur et son regard se fixa sur la lettre. « C’est pour Leslie, hein ? » Charlie essaya de faire semblant de rien. « Non, c’est une idée qui m’est venue pour mon bouquin. » Lily-Rose eut un faible sourire. « T’as jamais su me mentir, Charlie. » Lily s’était approchée de la jeune mariée et lui avait pris la lettre des mains. Charlie se montra totalement impuissante. Elle ne savait pas où Lily-Rose puisait toute sa maturité. « Tu vas lui envoyer ? » Charlie hocha la tête en signe de refus. « Tu devrais. Tu l’aimes toujours, et je suis sûre que c’est encore réparable. » Lily essuya les larmes de sa sœur qui ferma les yeux quelques secondes. « Arrêtes Lily, tu sais que c’est faux. J’peux pas revenir. » A ce moment-là, leur mère revint dans la pièce, annonçant que c’était le moment. « J’arrive »
Lily-Rose la prit dans ses bras, et partit. Charlie se rendit compte après quelques secondes que sa petite sœur était partie avec sa lettre. Mais, c’était trop tard, elle devait afficher un sourire épanoui sur ses lèvres et avancer jusqu’à Joshua. Son père l’attendait au bout de l’allée pour la conduire jusque l’autel. Et une demie heure après, elle avait dit « oui, je le veux » alors que non, elle ne le voulait pas. Au moment de le dire, elle n’avait pas pu s’empêcher de jeter un coup d’œil vers Lily-Rose. Après la cérémonie, ils se rendirent tous à la salle de réception. Après la première danse des mariés, Joshua était allé danser avec sa mère, tandis que Lily-Rose revenait vers Charlie.
« Je pensais pas que t’allais le faire. Après ce que tu as écrit dans cette lettre… Je pensais que t’avais encore un peu de dignité… » Charlie soupira. « Comment tu peux dire ça ? T’as quinze ans, tu sais pas ce que je ressens. » Lily-Rose lui prit la main et l’emmena à l’écart. « J’ai peut-être quinze ans mais je te connais ! J’te connais mieux que personne et j’peux te dire que Joshua n’est pas pour toi ! Tu l’aimes pas et tu l’aimeras jamais parce que tu pourras jamais oublier Leslie. Repenses à ce que tu as écrit dans cette foutue lettre, Charlie ! Est-ce que tu as déjà dit tout ça à Joshua ? Non ! » La jeune mariée accueilli les paroles de sa sœur avec beaucoup de difficulté. Avant qu’elle ne puisse répondre, Lily-Rose avait ajouté. « Leslie te pardonnera jamais. Et je le comprends ! Tu nous as abandonnés et tu t’en rends même pas compte. Tu te rends même pas compte que tu gâches ta vie toute seule ! »
Avant que Charlie ne puisse répondre, Lily-Rose l’avait simplement plantée là, dans le hall de la salle de réception. La jeune femme resta là quelques instants, décontenancée, déboussolée. Elle était ridicule, elle le savait. Elle était lâche et minable. Elle n’était pas heureuse, et Lily-Rose s’en était rendue compte beaucoup mieux qu’elle. Charlie s’était dirigée vers les toilettes, s’était enfermée dans un cabinet et s’était laissée tomber au sol. Les larmes ne voulaient pas s’arrêter de couler. Mais il était trop tard pour faire marche-arrière. Leslie ne lui pardonnerait jamais. Lily-Rose non plus. Et, vraisemblablement, elle non plus. Elle ne savait pas combien de temps elle était restée enfermée dans les toilettes à pleurer. Mais, elle avait fini par en ressortir, avait séché ses larmes, refait son maquillage, et avait remis ce sourire faux sur ses lèvres. Pendant tout le reste de la journée, Lily-Rose ne lui avait plus adressé la parole, elle avait simplement joué avec Emma. Et, pendant tout le reste de la journée, Charlie avait fait comme si…
FLASH BACK
Cette journée avait été éprouvante pour Charlie. Lily-Rose était rentrée chez elle, et ne lui avait pas reparlé. La jeune mariée avait refusé de partir en lune de miel, prétextant qu’elle refusait de laisser Emmalee, elle ne laisserait pas sa fille de quatre mois. Et tout le monde sait qu’une lune de miel n’en était pas une si on emmenait son enfant. Alors, ils n’étaient pas partis. En fait, pendant plusieurs jours, Charlie s’était demandée ce qu’avait fait Lily-Rose avec la lettre qu’elle avait écrite à Leslie. Lorsqu’elle avait réussi à l’avoir au téléphone, Lily avait refusé de le lui dire. Elle lui avait lancé un « Et si je lui avais donnée ? » avant de raccrocher. Alors, Charlie avait eu peur qu’elle lui ait donnée. Seulement, elle n’en savait absolument rien. Et elle n’oserait pas le lui demander. Car si elle ne l’avait pas donnée à Leslie, celui-ci se demanderait ce que contenait cette lettre. La jeune femme ne savait pas si Leslie lui parlerait de cette lettre, si tant est qu’il l’avait eue entre les mains.
« Alors t'as préféré prendre les devants ... tu nous as laissé aucune chance. » Charlie baissa la tête quelques secondes, essayant de retenir ses larmes, elle savait que ses yeux devaient briller de larmes, que ses lèvres devaient trembler, mais il fallait à tout prix qu’elle résiste. Qu’elle attende. Les larmes sortiraient indéniablement quand elle serait seule. Sous la douche le soir même sans aucun doute. Elle avait l’impression de ne faire que ça. Pleurer. « J’avais l’impression que c’était plus facile si je partais tout de suite… j’en sais rien… » Plus facile pour quoi ? Et si ils avaient été tout simplement heureux, et qu’ils ne s’étaient pas déchirés ? « Je sais pas quoi te dire non plus ... J'suis désolé, de pas avoir eu de quoi te retenir, de pas ... » Instinctivement, Charlie secoua la tête en signe de négation. « Non, non, Leslie, dis pas ça, s’il te plaît. T’étais parfait. T’étais l’homme dont je rêvais… » L’homme de ma vie avait-elle envie de dire. Mais à quoi bon ? Elle releva la tête vers lui. « Tu seras toujours l’homme de ma vie, Leslie… » Mais qu’est-ce que tu fais, bon sang ? « Je suis désolée, j’aurais pas dû dire ça… » Pourquoi elle n’y aurait pas le droit après tout ? C’était la stricte vérité. Après tout, elle n’avait plus rien à perdre. Elle l’avait déjà perdu, et elle ne pouvait pas perdre encore plus. « Crois-le ou non, mais c’est la stricte vérité… j’ai pas su être à la hauteur mais si tu savais comme je t’aimais, et que je t’aimerais toujours. » Charlie regardait de nouveau Leslie dans les yeux, sa voix était ferme sans être brutal, elle avait retrouvé ce ton doux. Ce ton qu’elle se connaissait quand ils étaient ensemble. « Je te demande pas de me pardonner, je sais que c’est impossible… Et je me pardonnerais jamais d’avoir fait cette erreur, j’me pardonnerais jamais d’avoir eu aussi peur, de t’avoir fait autant de mal. » Qu’est-ce que ça changeait qu’elle lui dise ça ? Qu’est-ce qu’elle croyait, qu’il allait lui sauter dessus, la prendre dans ses bras, lui dire que tout irait bien maintenant et l’embrasser ? Peut-être pas, mais au moins, elle lui aurait dit ce qu’elle ressentait pour lui.
Sujet: Re: Hiver, bouquins & ... retrouvailles ღ CHARLIE&LESLIE Ven 13 Jan - 22:28
J'avais l'impression de devenir fou, presque en tout cas, parce que ce que me disais Charlie n'avait aucun sens et j'avais l'impression d'avoir loupé un épisode, d'avoir pris le train en marche. Je n'avais pas compris sa décision lorsqu'elle était partie il y a six ans, mais je réalisais que je ne la comprenais encore pas plus aujourd'hui, peut-être même moins ... Tout s'embrouillant dans mon esprit, parce qu'elle m'embrouillait l'esprit. J'essayais de réfléchir rationnellement mais tout ce que je réalisais c'était que je ne pouvais pas, je ne devais pas même, me mettre dans un tel état pour Charlie, ou pour qui que ce soit d'autre d'ailleurs ; Fallait que j'arrête de prendre les choses trop à cœur comme ça. Non mais de quoi j'avais l'air, d'un type qui six ans plus tard n'avait toujours pas digéré le fait de s'être fait larguer, qu'elle m'ait laissé sans prendre la peine de me donner la moindre explication n'était pas une excuse suffisante, je ne pouvais pas réagir de cette façon pour quelque chose qui s'était passé il y a autant de temps, comme si c'était encore trop frais dans mon esprit ... Parce que ce n'était pas le cas. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'étais guéri de Charlie, une partie de moi aurait voulu qu'il en soit ainsi et que son souvenir arrête de me poursuivre, mais ce n'était pas le cas ; Simplement j'avais appris à vivre avec cette cicatrice, elle faisait presque partie de moi et telle une cicatrice physique qui finissait par faire partie de vous, la cicatrice qu'elle avait laissé à l'intérieur faisait elle aussi partie de moi. Mais je ne pouvais pas la laisser prendre à nouveau autant d'ampleur, je n'avais plus vingt-trois ans, j'étais passé à autre chose, j'avais fait ma vie sans elle ... du moins j'avais essayé. « Je sais que c’est pas logique, qu’il y a aucun sens à mon geste … » Non c'est vrai cela n'avait aucun sens, mais si elle aussi s'en rendait compte alors peut-être n'était-ce pas seulement moi qui ne comprenais rien à rien. J'avais relevé les yeux vers elle sans rien dire, je ne savais pas quoi dire, je n'arrivais même pas à me débarrasser de cet espère d'air de chien battu que j'avais malgré moi sur le visage depuis quelques instants, depuis qu'elle m'avait avoué que si elle m'avait quitté sans prendre la peine de me le dire en face c'était pour être certaine que je ne chercherais pas à la retenir. Je trouvais ce constat tellement ... Je ne sais pas, je ne trouvais pas les mots. Mais ça faisait mal, de se dire qu'elle avait vraiment voulu être sûre que rien ne la retiendrait, qu'elle s'en irait quoi qu'il arrive, que rien ni personne ne pourrait la détourner de son idée de me laisser. D'un revers de la main elle avait essuyé une larme qui coulait le long de sa joue. Le pire dans cette histoire c'est que j'avais beau lui en vouloir à un point que vous ne pourriez même pas imaginer, j'aurai tout de même voulu passer de l'autre côté du comptoir pour la prendre dans mes bras et lui dire de ne pas pleurer, parce que de la voir pleurer c'était presque aussi douloureux que de l'entendre dire qu'elle n'avait pas voulu rester. Mais je ne l'avais pas fait, je ne m'en sentais pas le droit, ni la force ... Je ne pouvais pas, parce que je souffrais déjà bien assez.
« Mais ce que je te dis est la vérité même si c’est difficile à croire, à comprendre. Et j’te demande pas de me comprendre. » Bien, parce que j'en aurais de toute manière été bien incapable ; J'avais beau essayer de lui trouver des excuses rien n'y faisait, je ne comprenais pas comment elle avait pu me faire ça, comment elle avait pu nous faire ça. Alors je n'avais rien dit, et je l'avais laissé continuer. « J’veux juste que tu saches que j’suis désolée. J’sais qu’un malheureux post-it, ça suffit pas pour ce qu’on a vécu, je sais que c’est minable comme façon de partir mais ... » Mais quoi ? Mais rien. Oui c'était minable, non ça ne suffisait pas, non je ne méritais pas ça. Mais qu'est-ce que cela changeait maintenant, à quoi cela pouvait-il bien nous avancer ? J'avais fini par ne plus l'attendre, j'aurai aimé pouvoir dire que je m'étais arrêté de vivre pendant six ans en espérant qu'elle me revienne un jour, mais cela n'avait pas été le cas ... Je ne l'avais pas oubliée, mais j'avais fini par recommencer à vivre, à me faire une raison. Et elle en avait fait autant. Elle s'était mariée, moi aussi, et voilà où nous en étions aujourd'hui. « Je le sais, je sais que tu es désolée mais ... » J'avais ce ton plaintif et désolé que je ne me connaissais que très peu, le même que celui que j'avais utilisé lorsque Neelah avait tenté de me dire qu'elle était désolée et que j'avais essayé de comprendre, mais sans y parvenir. « ... ça efface rien, tu comprends ? Ça change pas le fait que je t'ai attendu pendant des mois, et que t'es jamais revenue ... » Je n'essayais pas de la blesser, ce n'était pas mon intention. Je faisais simplement de protéger mes intérêts, de garder la distance nécessaire à mon propre équilibre. Je ne pouvais pas la laisser me détruire à nouveau, même involontairement, je ne voulais pas souffrir à nouveau comme j'avais souffert. N'était-ce pas légitime ?
De son côté je ne savais plus si son but était de se trouver des excuses où s'il était ailleurs ; De se trouver des excuses vis-à-vis d'elle même j'entends. Plus les minutes passaient plus j'avais la sensation qu'il n'y avait pas qu'à moi qu'elle ne savait pas expliquer, justifier son départ précipité et sans vraies explications ... J'avais de plus en plus l'impression que la raison de son départ elle-même ne la connaissait pas précisément, et qu'elle essayait du coup de se raccrocher à quelque chose, n'importe quoi qui puisse l'aider à se justifier. Même si cela impliquait de sous-entendre que je ne l'avais pas assez aimé, et que c'était pour cette raison qu'elle n'avait pas su rester. Mais moi je savais que ce n'était pas le cas, je savais que je l'avais aimé aussi fort et aussi entièrement qu'il m'avait été possible de le faire ... Pas une seule fois je n'avais douté de ce que je ressentais pour elle, pas une seule fois en cinq ans. A la minute où je l'avais rencontré j'en avais comme oublié toutes les autres ... Je ne voyais plus qu'elle, et surtout je ne voulais plus qu'elle. C'était à ce point là que je l'avais aimée, et à mon sens cela ne méritait pas que l'on dise que ce n'était pas assez. Et voilà maintenant qu'elle me demandait pourquoi, pourquoi je l'avais aimé, et ce que j'avais bien pu lui trouver ... Comment voulait-elle que je réponde à cette question ? C'était comme demander à quelqu'un pourquoi il préférait le rouge et pas le bleu, pourquoi juillet était avant août, pourquoi le ciel était bleu, pourquoi les oiseaux volaient ... Ça ne s'expliquait pas, c'était dans l'ordre des choses. Et j'avais aimé Charlie pour cette même raison, parce que c'était dans l'ordre des choses, parce que je ne pouvais pas objectivement la regarder, l'écouter parler, la serrer contre moi et ne pas l'aimer. Que voulait-elle que je dise de plus ? Je me sentais tout à coup bien seul, tout ça je savais que je serais bien incapable de l'exprimer à voix haute, de réussir à lui expliquer ... Je l'avais aimé c'était tout ce que je pouvais dire, et tout ce que je voyais désormais c'était que cela n'avait pas été suffisant, puisque cela ne l'avait pas empêché de me quitter sans la moindre explication. Je l'avais aimé sans pouvoir expliquer pourquoi, elle m'avait quitté sans pouvoir m'expliquer pourquoi, vous parlez d'une affaire. Alors je ne m'y attendais pas, ce qu'elle m'apprêtait à me dire je ne l'avais pas vu venir, parce que j'avais passé six ans à me dire que tout cela j'avais été le seul des deux à le ressentir, parce que moi je ne serai jamais partit et que du coup la seule explication plausible dans mon esprit était que Charlie ne m'avait pas aimé comme moi j'avais pu l'aimer. Et pourtant la voilà qui faisait voler en éclats toutes les certitudes que j'avais mis six années à me forger ...
« Je t’ai aimé au premier regard, Leslie. Je me souviens de chacun de tes mots, je me souviens de chacun de tes gestes. Et, je sais que j’m’en souviendrais toujours. » Alors que j'évitais à nouveau de la regarder dans les yeux depuis plusieurs secondes, j'avais finalement à nouveau levé la tête vers elle et je la fixait maintenant sans rien dire. Je crois que j'appréhendais la suite de sa phrase, j'avais peur d'entendre ce qu'elle allait ajouter ; Je n'étais pas certain d'être prêt à l'entendre. « Il faut que tu saches que le seul homme que je voulais épouser, c’est toi… je sais que t’as vu mon alliance, mais si je me suis mariée, c’est parce que je suis tombée enceinte. » Il n'y avait aucun doute sur le fait que la surprise devait se lire sur mon visage, et sans même m'en rendre compte elle m'avait même fait reculer d'un pas, tant je n'en croyais pas mes oreilles. J'aurais pu me sentir mieux, léger, ou soulagé, mais pourtant c'était tout sauf ce que je ressentais. J'étais simplement sonné, et si quelques instants auparavant j'étais persuadé de détester l'homme qu'elle avait épousé maintenant je ne savais plus. Je ne savais pas quoi penser, ni quoi dire. « J’ai gardé mon nom… j’l’ai gardé parce que si j’avais eu à changer de nom un jour, ça aurait été pour prendre le tien. » Elle ne pouvait pas me dire ça, elle n'avait pas le droit, c'était de la torture, c'était cruel même ... Elle ne s'en rendait pas compte ? Elle ne pouvait pas me regarder dans les yeux et me dire tout ça, elle ne pouvait pas rajouter une couche supplémentaire de regrets à tous ceux que j'avais déjà. Il fallait que je dise quelque chose, n'importe quoi pour qu'elle se taise, mais c'était comme si les mots étaient coincés au fond de ma gorge, je n'arrivais pas à sortir le moindre son et la voilà maintenant qui continuait à nouveau. « Je sais que tout ça, tu t’en fiches, que j’aurais beau te dire à quel point je me sens mal, à quel point j’ai pleuré de cette erreur. J’aurais beau te dire que si ma fille s’appelle ainsi, c’était parce que je voulais que cette petite fille ait quand même un bout de toi. J’aurais beau te dire que Lily-Rose m’en veut à tel point qu’elle refuse de me parler, qu’elle voulait tellement me prouver que j’t’aimais plus que n’importe qui que j’en ai même pleuré le jour de mon mariage. J’aurais beau te dire tout ça, ça changera rien à ce que j’ai fait. Ça changera rien au fait qu’aujourd’hui, tu me hais. » Je crois que mon menton tremblait, je devais même avoir l'oeil humide, mais la vérité c'était que j'étais totalement déconnecté de la réalité, comme si les paroles de Charlie m'avaient électrocutées et que je restais maintenant là, paralysé. Dans un murmure, et tournant la tête pour ne plus avoir à la regarder en face, je réussissais seulement à articuler « Arrête, Charlie ... s'il te plait. »
Mon ton était presque suppliant, je me trouvais pathétique mais j'avais vraiment besoin qu'elle se taise, et qu'elle arrête de remuer le couteau dans la plaie. Je ne savais même pas quoi croire, au fond de moi je savais qu'elle était sincère mais je crois que j'aurai préférer me persuader qu'elle mentait, je ne voulais pas que tout cela soit vrai, je ne voulais pas que ce sentiment de gâchis que j'avais toujours eut concernant notre relation soit décuplé et encore plus lourd à porter au quotidien ... Elle ne pouvait pas me dire tout cela maintenant, c'était cruel, c'était égoïste de sa part. Ce qu'elle me disait maintenant j'aurai rêvé qu'elle me le dise il y a des années, j'avais passé des semaines, des mois à attendre qu'elle revienne, qu'elle me donne de ses nouvelles qu'elle me fasse un signe quel qu'il soit, mais jamais elle ne l'avait fait ... Et maintenant elle me balançait tout ça six ans plus tard, comme si elle était partie il y a quelques jours, ou quelques semaines tout au plus. Elle n'avait pas le droit de me dire qu'elle m'aimait après m'avoir laissé pensé pendant six ans qu'elle me haïssait, elle n'avait pas le droit de me dire qu'elle n'avait jamais voulu épouser quelqu'un d'autre que moi après avoir elle-même rompu nos fiançailles et en avoir épousé un autre, elle n'avait pas le droit. Elle n'avait pas le droit de me faire me sentir si horrible simplement parce que j'avais tourné la page, alors qu'elle non ... J'avais assez attendu, j'avais assez espéré pour qu'elle revienne, à chaque coup de téléphone, à chaque fois que quelqu'un frappait à la porte. Et puis il avait bien fallut que je recommence à vivre, loin d'ici, loin de Trey, loin de mes souvenirs avec Charlie. Et maintenant elle allait me faire croire que j'avais eut tort, que je n'aurais jamais du tourner la page ? Finalement elle allait avoir ce qu'elle voulait, peut-être que je ne l'avais pas assez aimée ... Je me sentais vraiment mal.
« J’avais l’impression que c’était plus facile si je partais tout de suite … j’en sais rien … » En définitive, ce qu'elle était en train de me dire c'était qu'elle n'avait pensé qu'à elle, et à elle seule. Et c'était précisément ce qu'elle était à nouveau en train de faire en me disant tout ce qu'elle disait, elle se déchargeait d'un poids en sachant pertinemment que ce poids c'était moi qui allait maintenant l'avoir sur les épaules. Je suis désolé, voilà tout ce que j'avais réussi à dire parce que oui, j'étais désolé, de ne rien avoir compris il y a six ans, de ne toujours rien comprendre aujourd'hui. « Non, non, Leslie, dis pas ça, s’il te plaît. T’étais parfait. T’étais l’homme dont je rêvais … Tu seras toujours l’homme de ma vie, Leslie … » Elle avait relevé les yeux vers moi. Pour la première fois depuis le début de notre conversation nous nous regardions dans les yeux en y observant les mêmes émotions. Était-ce de la tristesse, de la déception, ou bien les deux ... je ne savais pas moi-même. « Charlie ... » J'avais secoué la tête, je voulais qu'elle se taise, je ne voulais plus rien entendre, plus rien du tout, il fallait que ça cesse, tout de suite. « Je suis désolée, j’aurais pas dû dire ça … » Non, elle n'aurait pas dû en effet, mais elle l'avait quand même dit et maintenant j'allais devoir vivre avec ça en plus de vivre avec le fait qu'elle m'avait quitté, et le fait que mon mariage s'était terminé par un désastre. Je n'avais pas besoin de ça, j'avais tout sauf besoin d'une raison supplémentaire pour me dire que j'avais raté ma vie ... « Non, t'aurais pas dû ... tu peux pas, tu peux pas me dire ça maintenant Charlie, tu peux pas me dire tout ça c'est ... c'est pas juste d'accord, tu peux pas accepter de m'épouser, puis t'en aller, puis revenir, me dire que je t'ai pas assez aimé, puis me dire que t'aurais voulu te marier avec moi, tu peux pas jouer avec les sentiments des gens comme ça ... je suis pas un jouet ...» J'avais conscience que ma réponse n'était sans doute pas celle qu'elle attendait, bien qu'au fond je ne savais pas vraiment ce qu'elle attendait. Je me doutais bien qu'elle ne m'avait pas dit tout cela dans le but de me faire du mal mais c'était pourtant bel et bien ce qu'elle était en train de faire, et je ne pouvais pas rester là et continuer à l'écouter comme un boxeur qui déciderait d'encaisser les coups sans broncher. « Crois-le ou non, mais c’est la stricte vérité… j’ai pas su être à la hauteur mais si tu savais comme je t’aimais, et que je t’aimerais toujours. » Elle ne comprenait donc rien ? Elle pensait qu'elle n'en avait pas assez fait ? Pendant six ans j'avais pensé vouloir des explications mais maintenant j'en avais assez entendu, je ne voulais plus rien entendre ... Tout ça ce n'était même pas des explications, je ne comprenais toujours pas, je ne savais toujours pas pourquoi du jour au lendemain elle avait décidé de s'en aller, elle n'était pas en train de me l'expliquer elle me rendait seulement les choses encore plus douloureuses. Pourquoi, pourquoi me faisait-elle ça ? « Je te demande pas de me pardonner, je sais que c’est impossible… Et je me pardonnerais jamais d’avoir fait cette erreur, j’me pardonnerais jamais d’avoir eu aussi peur, de t’avoir fait autant de mal. » Je lui avait à peine laissé le temps de terminer sa phrase, pris d'un soudain accès de colère j'avais donné un grand coup sur le comptoir et envoyé valser sur le sol la pile de livres que j'avais déjà ramassée un peu plus tôt. Charlie avait sursauté, et moi je lui lancé un regard à mi-chemin entre la colère et le désarroi « Tais-toi Charlie, d'accord ! Mais merde tu te rends pas compte que du mal t'es précisément en train de m'en faire là ? »
Je n'avais pas relevé ce moment où elle avait sous-entendu que maintenant je la haïssais, je ne l'avais pas fait parce que la vérité c'était que je ne savais même plus ce que je ressentais à son égard, mes émotions envers Charlie étaient devenu un tel kaléidoscope que je ne savais plus quoi penser, je ne savais plus si je la haïssais, si je l'aimais, si elle m'avait manqué ou si j'aurais préféré qu'elle ne remette jamais les pieds à Arrowsic. Mais une chose était sûre, en agissant comme elle était en train de le faire j'avais l'impression que je pourrais la haïr, parce qu'elle était en train de faire remonter à la surface tout ce que j'avais mis des années à faire disparaitre dans un coin de ma tête ... Je ne voulais pas me retrouver à nouveau aussi démuni et aussi perdu que lorsqu'elle était partie, je me relevais à peine de mon divorce et je n'étais pas certain de pouvoir supporter cela en plus du reste. Alors à cet instant oui, je la haïssais, à cause de tout ce qu'elle pouvait me faire ressentir ; J'aurais voulu être blindé, ne pas prendre les choses tant à cœur, mais s'il y avait bien une chose sur laquelle mon frère avait toujours eut raison, c'était que je me laissais trop facilement dépassé par mes émotions, et c'était sans aucun doute ce qui un jour me mènerait à ma perte. J'avais tenté de prendre une grande inspiration pour me calmer, je n'avais pas voulu m'énerver, c'était comme qui dirait sortit tout seul ... Je devenais impulsif lorsque j'étais trop sous pression, c'était là aussi un autre de mes principaux défauts. J'avais les idées embrouillées, mais j'essayais vraiment de retrouver mon calme, et après plusieurs secondes je me décidais enfin à prendre à nouveau la parole, en ayant plus peur cette fois-ci de regarder Charlie dans les yeux, parce que je voulais qu'elle comprenne que j'étais entièrement sérieux dans ce que je m'apprêtais à lui dire.
« Pourquoi tu me dis tout ça ? Pourquoi maintenant ? » Je secouais à nouveau la tête, mon incompréhension face à la situation et face à ce qu'elle essayait de faire ne faisait plus aucun doute ... Qu'est-ce qu'elle espérait, que tout ce qu'elle dirait ferait changer les choses, qu'elle lâcherait son gentil mari et sa fille et que nous reprendrions là où nous nous étions arrêtés ? « C'est vrai t'étais peut-être trop jeune à l'époque et j'ai pas su m'en rendre compte ... Mais maintenant on est des adultes. Tu peux pas me dire ce genre de choses et espérer que ça aura pas de conséquences, on est plus des gamins ... » Ce que j'essayais de lui faire comprendre c'était que quand bien même tout ce qu'elle venait de me dire était vrai - et je savais au fond de moi que ça l'était - elle ne pouvait pas simplement me dire tout cela comme ça, en espérant que cela n'aurait pas de conséquences. Des conséquences cela en aurait forcément, et pas forcément uniquement sur elle ou sur moi. « Tu peux pas dire ces choses là, c'est pas correct vis-à-vis de moi ... et vis-à-vis de lui non plus ... » Je n'en revenais pas moi-même, j'étais très sérieusement en train de prendre la défense de ce type, celui qu'elle avait épousé, et dont j'ignorais jusqu'au nom. Mais ce n'était pas correct ça je le pensais ... Que dirait-il s'il était là ? Où était la preuve qu'il n'aimait pas Charlie autant que moi je l'avais aimé, parce que si tel était le cas alors s'il avait été là il aurait eut le cœur brisé tout comme moi. Je ne savais même pas pourquoi je disais cela, mais je ne savais pas non plus pourquoi elle elle agissait ainsi ... « Tu m'as quitté je ne sais toujours pas pourquoi, et maintenant tu viens me dire que tu en as épousé un autre, mais que tu regrettes ? Parce que tu savais pas ce que tu voulais ? Combien de cœurs tu vas briser avant de réaliser que tu peux pas faire ça, que tu peux pas jouer au yoyo avec les sentiments des gens ? » En définitive c'était pour cela que je lui en voulais, pour ne pas réaliser que ses hésitations, ses peurs ou je ne savais trop quoi faisaient du mal autour d'elle ; Ce n'était pas tellement de l'égoïsme puisqu'elle n'en avait pas conscience, mais le résultat était le même pourtant ...
Charlie avait mal. Elle n’avait pas mal psychologiquement. Enfin, si, elle avait quelque peu mal psychologiquement et elle pleurerait sans doute en rentrant chez elle. Mais, à cet instant, c’était surtout tout son corps qui lui faisait mal. Ses jambes essayaient de la tenir debout tant bien que mal. Ce qu’elle pouvait détester cette maladie. Mais le pire en ce moment même était que Charlie voulait faire face devant Leslie, elle ne voulait pas lui montrer un signe de faiblesse. Cependant, elle savait qu’elle devrait rapidement prendre sa fille et monter dans sa voiture si elle ne voulait pas s’écrouler devant cet homme qu’elle avait tant aimé. Non, elle ne devait pas faillir. La jeune femme avait appris à résister à la douleur, elle faisait avec. Les comprimés qu’elle prenait aidaient beaucoup. Elle ferma les yeux quelques secondes, essayant de calmer la douleur. Elle gardait les poings serrés, cela permettait de contrôler ses tremblements. A l’époque, elle ne supportait déjà pas quand Leslie la voyait tremblante, et ayant mal. Alors, imaginez ce qu’elle ressentait aujourd’hui. Elle ne le supportait encore moins. Joshua détestait lorsqu’elle essayait de cacher sa douleur devant lui. Il ne cessait de lui répéter « Je t’ai épousée pour le meilleur et pour le pire, dans la santé comme dans la maladie. Ne l’oublie pas. » Mais pour pallier à sa douleur, elle avait ses foutus médicaments. Alors, elle les prenait, et elle allait s’allonger. Dormir un peu lui faisait toujours du bien. Seulement, face à Leslie, elle ne pouvait décemment pas prendre ses cachets et aller dormir. Il fallait qu’ils finissent cette conversation. Et ensuite il faudrait que Charlie trouve le courage de rebrousser chemin, de prendre sa fille, de monter dans sa voiture et de les ramener toutes deux à la maison. Emmalee avait beau être trop petite pour comprendre ce qu’ils se disaient, Charlie espérait tout de même que sa fille était trop occupée à regarder les livres pour les entendre. Les enfants étaient si innocents. En outre, Charlie n’avait pas envie que la petite fille raconte quelque chose à Joshua, sans le faire exprès. La jeune femme n’avait vraiment pas envie de se disputer avec son mari après cette rencontre avec Leslie.
« Je le sais, je sais que tu es désolée mais ... » Mais ça ne changeait rien. Elle le savait. Après six ans d’absence, six ans sans un mot, sans une lettre, rien ne pouvait changer. « ... ça efface rien, tu comprends ? Ça change pas le fait que je t'ai attendue pendant des mois, et que t'es jamais revenue ... » Charlie baissa de nouveau la tête ; le fait de savoir qu’il l’avait attendue pendant des mois lui faisait de la peine. Bien sûr, elle avait conscience qu’il ne devait pas l’avoir effacé de son cœur à la minute où il avait compris qu’elle était partie. Mais, je ne sais pas, le fait qu’il le dise rendait la chose plus réelle, plus cruelle même. Elle n’avait jamais envisagé son geste comme de la cruauté avant aujourd’hui. Sentant ses yeux s’embués encore de larmes, elle baissa de nouveau la tête, elle ne put s’empêcher de dire, faiblement, « Je sais. »
Finalement, est-ce que tout ça pouvait changer ? Leslie pouvait-il lui pardonner ce qu’elle avait fait ? Charlie en doutait. Du moins, elle n’en avait pas l’impression. La douleur de Leslie était bien trop ancrée en lui pour qu’il passe outre. Charlie, elle, était mariée et on pouvait en dire beaucoup mais elle connaissait un mariage heureux. Joshua et elle étaient les parents d’une adorable petite fille. Et d’après ce qu’avait pu remarquer la jeune femme, son ex-fiancé ne portait pas d’alliance. Peut-être avait-il une femme dans sa vie, elle n’en savait rien mais il n’était pas marié. Au fond d’elle, elle trouvait cela triste. Et, elle se mit à penser que Leslie avait du penser qu’elle lui mettait son mariage, sa famille sous les yeux dans le but de lui faire du mal. Mais comment aurait-elle pu deviner qu’il n’avait pas tout ce qu’elle avait aujourd’hui ? En six ans, il aurait très bien pu se marier lui aussi. Et, il n’avait pas d’alliance, mais rien n’indiquait qu’il n’avait pas d’enfants. Il était possible qu’il ait une fille lui aussi, ou un fils. Charlie savait que l’homme qu’elle connaissait autrefois avait envie d’avoir des enfants. Que ce soit avec elle ou pas, cette envie restait la même. Charlie n’avait jamais vraiment réfléchi au fait d’avoir des enfants. Bien sûr, lorsqu’elle avait vingt ans, elle se disait qu’elle et Leslie en auraient. Un jour ou l’autre. Et puis, elle était partie et l’idée d’avoir des enfants ne lui avait jamais trop traversé l’esprit. Lorsqu’elle avait appris qu’elle était enceinte, elle s’était un peu sentie submergée d’émotions. Finalement, elle était heureuse d’avoir Emmalee. Et, même si elle ne l’admettait que très peu souvent –voire jamais-, elle était heureuse de l’avoir eue avec Joshua.
« Arrête, Charlie ... s'il te plait. » II avait beau avoir un ton suppliant, des yeux remplis de… Charlie ne savait pas trop. A dire vrai, elle osait à peine le regarder dans les yeux. Elle continuait simplement de parler, de débiter tout ce qu’elle avait sur le cœur. « Charlie ... » Il avait encore une fois prononcé son nom. Elle se montrait égoïste, elle le savait. Elle disait ce qu’elle ressentait sans se soucier de l’impact que ça aurait. Tu ne penses qu’à toi, se dit-elle. Une petite voix dans sa tête ne cessait de le lui répéter. Une petite voix qui avait entièrement raison qui plus est. « Non, t'aurais pas dû ... tu peux pas, tu peux pas me dire ça maintenant Charlie, tu peux pas me dire tout ça c'est ... c'est pas juste d'accord, tu peux pas accepter de m'épouser, puis t'en aller, puis revenir, me dire que je t'ai pas assez aimé, puis me dire que t'aurais voulu te marier avec moi, tu peux pas jouer avec les sentiments des gens comme ça ... je suis pas un jouet ...» Un jouet ? Alors, il pensait que Charlie le considérait comme un jouet. Elle se sentait perdue. Oui, elle était maladroite, elle le savait mais elle ne l’avait jamais considéré comme un jouet. Ni qui que ce soit d’autre d’ailleurs. Elle recula encore d’un pas. « Non… je… j’ai jamais pensé que tu étais un jouet. » Charlie commençait à bafouiller, à balbutier comme une idiote. La vérité était qu’elle n’avait plus rien à dire et qu’à cet instant précis, elle avait envie de prendre ses jambes à son cou. Seulement, elle restait désespérément plantée là, comme une potiche qu’elle était. « Tais-toi Charlie, d'accord ! Mais merde tu te rends pas compte que du mal t'es précisément en train de m'en faire là ? »
Cela faisait quelques secondes qu’il attendait qu’elle se taise. Et elle le fit. Charlie avait l’impression de voir une telle colère en lui qu’elle en avait presque peur. Jamais auparavant elle n’avait eu peur de Leslie. Bien sûr, elle n’avait pas peur qu’il la frappe ou quoi que ce soit, il ne fallait pas exagérer. Elle avait simplement peur de cette colère enfouie en lui. Et, elle se rendait compte qu’elle ne le connaissait plus. Elle n’avait aucune idée de comment il avait passé ces six dernières années. Elle ne savait pas comment il en était arrivé à être bouquiniste. Il avait changé. Il avait véritablement changé. Charlie n’était pas sûre d’aimer ce qu’elle voyait. Evidemment, elle savait que c’était sa rancœur envers elle qui guidait ses gestes, ses paroles à l’instant même. Seulement, elle avait l’impression que l’amour qu’elle éprouvait pour Leslie, et bien c’était comme si elle éprouvait des sentiments pour un autre homme que celui qui était en face d’elle. Comme si elle était amoureuse d’un fantôme. Et, finalement, elle aussi avait changé. Elle était devenue plus forte, plus sérieuse, plus responsable. C'était ce qu’on était censé être lorsque l’on devenait mère. Charlie avait appris à l’être. Aujourd’hui, elle se débrouillait pas trop mal. Il n’y avait qu’à la voir, coincée dans son tailleur, coiffée d’un chignon. Elle avait tout d’une femme d’affaires. Elle avait tout d’une mère responsable. Et, bien sûr, elle avait tout d’une femme mariée. Mariée à un homme aussi responsable qu’elle. Ainsi allait la vie, n’est-ce pas ? Leurs chemins s’étaient séparés, à cause de Charlie, et ils n’étaient peut-être pas faits pour se recroiser un jour. Enfin, du moins, pas de façon amoureuse. Peut-être même pas de façon amicale. Ils allaient sans doute se détester, mais c’était comme ça. Charlie se sentait presque prête à l’accepter. Elle se sentait prête à laisser leur amour s’éteindre. D’un côté, elle se disait que ça lui permettrait de développer l’amour qu’elle ressentait pour Joshua. Ce dernier méritait qu’elle l’aime à sa juste valeur, il méritait qu’elle l’aime autant qu’il l’aime. Il prenait tellement soin d’elle, et d’Emma. Sa maladie n’avait jamais été un problème pour lui. Tout comme à l’époque où elle était avec Leslie, elle ne se sentait plus malade lorsqu’elle était avec Joshua. Charlie se sentait face à un étranger, et, pire que tout, elle se sentait fatiguée de continuer à éprouver des sentiments si forts pour cet étranger. Ils étaient allés trop loin. Elle était allée trop loin et ils avaient sans doute atteint un point de non-retour. Sans doute.
« Pourquoi tu me dis tout ça ? Pourquoi maintenant ? » Charlie haussa les épaules, elle n’avait pas de réponse à cette question. N’était-ce pas des explications qu’il souhaitait. Et, elle lui en avait donné, non ? Elle lui en avait même dit bien plus. « C'est vrai t'étais peut-être trop jeune à l'époque et j'ai pas su m'en rendre compte ... Mais maintenant on est des adultes. Tu peux pas me dire ce genre de choses et espérer que ça aura pas de conséquences, on est plus des gamins ... » Des conséquences ? Cela faisait plus de six ans. Charlie n’espérait plus rien pour leur histoire. Alors, quelles conséquences devraient-ils y avoir ? La jeune femme avait compris que leur histoire était du passé pour lui, et ça en serait de même pour elle. Un jour. Il était clair pour elle qu’il ne l’aimait plus à présent. Elle était légèrement perdue. « Tu peux pas dire ces choses là, c'est pas correct vis-à-vis de moi ... et vis-à-vis de lui non plus ... » Charlie n’en croyait pas ses oreilles. Leslie défendait Joshua. Ça lui rappelait le jour où Joshua lui avait dit qu’il comprenait ce qu’avait pu ressentir Leslie. Mais ce dernier avait-il besoin d’être défendu ? A ce qu’elle sache, la jeune femme n’avait pas dit qu’elle n’aimait pas Joshua. Oui, Leslie serait toujours l’amour de sa vie, oui, elle aurait voulu l’épouser, oui, oui, et encore oui. Et n’allez pas croire que parce qu’elle a dit tout ça, elle n’aimait pas Joshua. Elle l’aimait réellement. Et elle savait, au fond d’elle, que si elle arrivait à s’ouvrir vraiment à lui, elle pourrait l’aimer autant qu’elle avait aimé et qu’elle aimait Leslie. C’était sans doute pour ça que Josh’ était si patient, si compréhensif… Il attendait le jour où elle serait prête. « Ne parle de pas de lui, Leslie. Tu ne sais absolument rien de nous. » Non, il ne savait pas. Charlie se disait cela. Leslie ne savait rien d’elle et de sa relation avec Joshua. Ils étaient devenus des étrangers l’un pour l’autre. Et, ça, la jeune femme venait à peine de s’en rendre compte. « Tu m'as quitté je ne sais toujours pas pourquoi, et maintenant tu viens me dire que tu en as épousé un autre, mais que tu regrettes ? Parce que tu savais pas ce que tu voulais ? Combien de cœurs tu vas briser avant de réaliser que tu peux pas faire ça, que tu peux pas jouer au yoyo avec les sentiments des gens ? » Charlie secoua la tête négativement. « Tu crois que je l’aime pas ? Tu crois que je joue avec lui ? Finalement, tu ne sais plus qui je suis, et tu n’es plus le Leslie que je connaissais. Celui que je connaissais savait que je ne jouais pas les gens. Oui, tu seras toujours l’homme de ma vie. Mais maintenant, grâce à aujourd’hui, je sais que tout ça, c’est du passé. Je suis mariée, et contrairement à ce que tu penses, j’aime mon mari. Grâce à toi, à ce que tu viens de me dire, je vais pouvoir avancer. » Avancer et peut-être l’oublier. Pourtant, la larme qui coulait le long de sa joue n’allait pas en ce sens. Arrêtes de pleurer, espèce d’idiote. Mais elle n’y arrivait pas. Elle savait que les larmes forçaient le passage et voulaient couler. La voix quelque peu tremblante, Charlie ajouta « Je reviendrais plus t’embêter. Je reste à Arrowsic pour Lily, mais je ferais en sorte que l’on n’ait plus à se rencontrer, tu peux en être sûr. » Charlie détourna le regard de Leslie le temps de regarder en direction de sa fille. « Emma chérie, viens on rentre, on va préparer le dîner hein. » Lorsqu’Emma vint vers Charlie, cette dernière sortit un billet afin de payer les deux bouquins que sa fille avait pris. Elle lança un dernier regard à Leslie, un regard qui en disait long, un regard qui disait sans doute adieu. « Au revoir, Leslie. » La jeune femme prit sa fille dans ses bras. « Au revoir, Monsieur ». En quittant la boutique, Charlie était bel et bien résolue à ne plus revoir Leslie.