« J'ai toujours aimé sortir au bar avec toi. Je sais pas pourquoi, mais les filles me remarquent plus! » Nels secoua la tête en riant alors que son ami, tout aussi éméché que lui, accueillait sur ses genoux une belle blonde et que son propre regard se désintéressait de la scène qui se jouait à ses côtés pour se porter sur la foule des danseurs dont les pieds foulaient la piste de danse avec véhémence. L'alcool lui montait à la tête et Nels soupira d'aise alors qu'il laissait sa tête se caler confortablement contre le dossier du sofa dans lequel il s'était installé, son regard ne lâchant pas des yeux les danseurs émérites - ou pas - qui avaient tôt fait d'écraser les pieds de leurs partenaires ou qui renversaient parfois le verre qu'ils tenaient à la main sur de jeunes gens un peu trop ivres pour s'en soucier. C'était la belle vie. Nels n'avait pas besoin de faire comme tout le monde et de profiter de la fin des vacances pour s'amuser puisque le début des cours ne signifiait pas grand chose pour lui. Certains accueillaient le retour en classe avec un air déconfit qui les rendait verts de désespoir, mais l'étudiant en philosophie avait toujours su se la couler douce, réussissant néanmoins à obtenir de bonnes notes grâce à sa facilité à élaborer toutes sortes de conneries sur une thèse quelconque concernant de grands débats philosophiques. Évidement, ce n'était pas ce qu'il voulait faire de sa vie et il n'avait choisi ce cursus que pour la réputation de ses étudiants, fidèles à leur rôles d'universitaires et donc, de fêtards. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser de lui, la sobriété l'aidait davantage à se concentrer et l'ébriété ne lui permettait pas vraiment d'énoncer des distinctions entre les gens qu'il fréquentait et Platon, ni même de balancer quelques absurdités sur les plus grands philosophes. Ça viendrait plus tard, j'imagine.

Alors que ses voisins de sofa semblaient manquer de place, il se releva en secouant la tête, visiblement amusé. Incertain quant-à sa destinée prochaine, il erra au centre de la piste, attirant à lui quelques filles qui dansaient seules et qui gloussèrent à son approche, levant les yeux au ciel avant de les abandonner comme il était venu pour poursuivre sa route. Son regard azur se posa alors sur une silhouette qu'il n'avait pas remarquée plus tôt et qui le fit s'arrêter en passant une main brève dans ses cheveux pour les ébouriffer un peu plus. Il était presque sûr qu'il devait avoir environ le même âge que lui, mais ce n'était plus si simple, de nos jours. Profitant du moment et de sa position plus ou moins dissimulée pour le détailler, il dut admettre qu'il avait dégoté le gros lot. Ses cheveux bruns étaient savamment décoiffés pour lui donner un look bad boy qui lui allait à ravir et son regard avait ce petit quelque chose de particulier qui vous scotche les iris sans que vous ne puissiez faire grand chose pour l'en empêcher. Il était beau. Et il était également seul. Ou bien ce siège, à ses côtés, était-il occupé par une demoiselle partie chercher à boire? Possible. Tant pis, son nom n'y était pas inscrit et il pourrait toujours le lui redonner lorsqu'elle reviendrait. Se dirigeant donc vers l'inconnu pas si inconnu que ça puisqu'il se rappelait l'avoir déjà croisé dans les rues d'Arrowsic sans jamais vraiment avoir porté attention plus que de raison, il prit place dans le fauteuil voisin du sien et se mordit la lèvre avant de tourner la tête vers lui pour l'observer. Merde. Il avait laissé sa bière quelque part par là, à l'autre bout de la salle. Nels grimaça, mais en profita pour attirer l'attention de celle qui passait entre les tables et le long des fauteuils pour leur apporter leurs consommations et récupérer leur argent. « Deux tequilas! Une pour moi, une pour lui, s'il te plaît! » Elle acquiesça d'un signe de tête avant de disparaître, le plateau chargé de verres à moitié vides et de bières qu'elle avait rassemblé ici et là. Nels n'avait pas lâché l'inconnu du regard et ses prunelles en vinrent à dévier sur le haut de son torse et sur les bras musclés, mais pas trop, de ce dernier. Il lui plaisait, ça, c'était certain. Nels finit par laisser son dos se caler contre le dossier du fauteuil. « Qui est-ce que tu mâtais, comme ça? Histoire qu'on mâte ensemble? » fit-il, subtile, alors qu'il n'avait vu qu'une ou deux fois le regard de son inconnu darder la foule compacte devant lui lorsqu'il l'épiait gentiment.

il se marrait tout le temps car il était né de bonne humeur.

Maladroitement installé sur un siège du Jack’s Lounge, Lennox était perdu dans ses pensées. Il n’aurait su expliquer vers quoi elles se tournaient, mais elles retenaient toute son attention. Le regard perdu dans un horizon invisible, les mains liées à s’en tortiller les doigts, le cœur tambourinant aux rythmes familiers qui lui emplissaient les tympans, il demeurait fixé à son siège. Il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle sa carcasse vide l’avait porté ici. Il aurait préféré rester bien sagement blottit dans les quatre coins de son appartement minuscule et ostensiblement dénudé, blanc, sans vie. Lennox avait toujours mené sa vie à pile ou face, se laissant porter malgré lui. Les flots de son existence étaient agités et bien qu’il cherche à tout prix un îlot sur lequel se poser, il était également le seul à éveiller les bourrasques somnolentes du chaos. Depuis qu’il était en âge de choisir sa voie, celle qui le mènerait vers un avenir radieux, il n’avait fait que se ramasser en beauté. L’université, il n’avait même pas osé y penser. Il avait certes un quotient intellectuel plus élevé que le commun des mortels mais cela ne le rendait pas plus exceptionnel pour autant. Surtout lorsqu’il voulait rejoindre des conservatoires réputés en art. Quelques artistes avaient posés sur leur regard curieux sur les fruits de sa création, mais tous s’étaient mis d’accord : pas la moindre vie, pas une seule pointe de joie, d’existence. Une inspiration aussi noire que le trait de son crayon. Rendant son travail tristement morbide, sans caractère et surtout, trop peu académique. Cela faisait des années que son crayon n’avait plus dansé avec légèreté sur une feuille oubliée. Dessiner était devenu trop compliqué, trop douloureux, un éveil aux souvenirs qu’il passait son temps à refoulé. Peut-être était-ce à cela qu’il pensait, l’esprit ailleurs, alors que son regard osait à peine s’aventurer vers cette foule de gens. Il était là, seul, alors que la plupart de ces gens étaient venu à plusieurs et était sans doute venu pour se détendre, fatigués par les cours. Il avait toujours grandi à côté du monde et il en avait aujourd’hui la preuve sous les yeux. Un léger soupir quitta ses lèvres alors que son attention se perdit à nouveau ici et là, observant le lieu sans le voir. Quelle mouche l’avait piqué et pourquoi donc était-il venu jouer les âmes en peine là où d’autres s’amusaient ? La question ne fit que lui effleurer l’esprit, car déjà un nouveau flot d’interrogation la submergeait. Il était comme ça, Lennox. Indifférent à tout mais toujours entrain de se poser mille et une questions sur la vie, les gens, et ces futilités qui dure qu’une vie.

Et c’était tout à ses pensés qu’il ne remarqua pas la présence à ses côtés. Il n’entendit même pas la voix qui commanda deux boissons, dont l’une pour lui. Lennox avait pris pour habitude d’être transparent, aussi, l’idée ne lui effleura pas l’esprit que ce jeune homme était là pour lui. Il ne sentit même pas son regard se poser sur lui. Rien. Il demeurait silencieux à lorgner cette horizon invisible qu’il avait appris à apprécier. « Qui est-ce que tu mâtais, comme ça? Histoire qu'on mâte ensemble? » La question lui effleura les tympans, le faisant papillonné des cils pour redescendre sur terre. Avec une lenteur exaspérante, il tourna la tête vers la silhouette qu’il n’avait pas vu approcher. Son regard indifférent glissa sur l’inconnu, alors qu’il ouvrait la bouche pour la refermer aussitôt. Pendant une fraction de secondes, il se demanda si c’était bien à lui que la question était posée. Aussi, il jeta un regard perdu à droite et à gauche, afin de s’assurer de cela. Constatant que les iris bleuté le fixait, il finit par lâcher un léger : « Pardon ? » intimidé. Malgré lui, il arqua les sourcils en laissant son esprit dérivé sur les raisons de la présence de cet inconnu. Il n’avait pas la moindre idée de quoi il parlait et il ne lui semblait pas avoir mâté qui que ce soit. Lennox n’était pas vraiment de ce genre là. Plutôt à fuir toute sorte de relation un tant soit peu ambigüe. Il laissa pourtant couler sa voix avec indifférence en déclarant : « Je mâtais pas. Pourquoi, il y a quelque chose à mâter ? » La question avait été posé avec une naïveté effarante pour un jeune homme de son genre. Mais l’indifférence qui y résidait l’était encore plus. Cependant, son regard ne pouvait se résoudre à lâcher celui de l’autre. Comme s’il avait été si facile de se perdre dans ses prunelles océans. « On se connaît ? » Se mordillant la lèvre inférieure, il haussa finalement une épaule et détourna le regard pour la porter sur d’autres silhouettes au loin.

« Je mâtais pas. Pourquoi, il y a quelque chose à mâter ? » Nels arqua un sourcil amusé alors que son regard s'attardait une fois de plus sur les épaules et la base du cou de l'inconnu, désirant ardemment y déposer ses lèvres et le sentir frémir sous ses baisers. Il ferait attention à lui, s'il lui en laissait la chance. Secouant légèrement la tête afin de chasser ces pensées déplacées en de telles circonstances - il ne le connaissait pas, après tout! - Nels haussa les épaules et fit semblant de réfléchir. « Hum ... T'as raison. À part toi et moi, je vois pas. » Aucunement soucieux de garder secrète son orientation sexuelle, il préférait jouer cartes sur table dès le départ afin de laisser la chance au jeune homme de le rembarrer s'il en avait envie. Nels, s'il était du genre à jouer pour le simple plaisir de voir le rouge monter aux joues de ses interlocuteurs lorsqu'il les draguait - parfois ouvertement - n'était pas insistant au point de les emmerder s'ils n'en avaient pas envie. Toutefois, s'il voyait une brèche dans la carapace de celui sur qui il avait jeté son dévolu, il ne se faisait pas prier pour prendre la perche tendue. Néanmoins, à voir le regard que lui lançait son vis-à-vis, ce ne serait pas aussi facile, avec lui. Nels tenta néanmoins de percevoir une certaine forme d'irritation, mais ne put qu'être intrigué par les prunelles marron de l'inconnu, alors qu'elles semblaient darder sur lui une moue mi agacée de s'être ainsi fait déranger en pleine concentration, mi intimidée de savoir qu'il s'adressait bel et bien à lui puisqu'ils étaient les seuls occupants des fauteuils à ne pas déjà être en plein coeur d'une conversation. Nels n'avait aucun mal à s'incruster - et ce même lorsqu'il y avait plusieurs convives - puisqu'il avait toujours le mot pour faire rire et initier un dialogue, tout en sachant à quel moment il devait se retirer pour laisser aux autres le soin de profiter de son absence.

Le regard de l'inconnu se plongea au creux du sien et Nels subit l'inspection sans rechigner, un léger sourire au coin des lèvres. Ce qu'il était beau. La profondeur de ses iris prévoyait une certaine forme de mystère et Nels avait toujours aimé fréquenter des gens dont il ne pouvait pas déceler aisément les réactions ou les sentiments. Il y avait une certaine forme de challenge qu'il appréciait, étrangement. « On se connaît ? » Nels sourit, captivé par cette lèvre qui se faisait malmener et ces prunelles qu'il peinait à quitter, visiblement sous le charme, sans que l'autre n'ait rien fait, volontairement parlant, pour attiser cette flamme. « Je crois pas non. Mais s'il ne fallait parler qu'aux gens qu'on connait, on serait bien seul, tu trouves pas? » Il pencha légèrement la tête de côté sans quitter l'autre du regard, tentant de percevoir dans ses prunelles un petit quelque chose qui pourrait lui prouver que ses paroles avaient fait leur chemin et qu'il ne le prenait pas pour un fou. Ce qu'il n'était pas, autant l'avouer maintenant. « Je m'appelle Nels. Cooper. » précisa-t-il en tendant la main, subtile. Si les épaules et les bras l'attiraient, la fermeté d'une poignée de main avait toujours su lui donner certains renseignements supplémentaires sur la personnalité de son possesseur et il ne savait pas du tout à quoi s'attendre, ici. Il avait d'abord cru que son inconnu était quelqu'un de timide et de réservé, mais le regard qu'il lui avait lancé laissait surtout présager qu'il semblait inquiet de cette conversation soudaine avec quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Philosophe, mais pas psychologue, Nels n'avait aucune idée quant-à ce que ce comportement pouvait laisser pressentir. Il passa une main dans ses cheveux pour se ressaisir alors que l'alcool lui permettait de s'évader en questionnements tous plus futiles les uns que les autres. Après tout, il verrait bien en temps et en heure, non? « J'étais curieux de voir si tu t'étais fait lâcher, toi aussi. Mon pote et sa «copine» sont en grande conversation. Une conversation qui se passe de mots, si tu vois ce que je veux dire. » expliqua-t-il en riant légèrement, mimant les guillemets en l'air, manifestement amusé.

Ce malaise qui lui collait à la peau perpétuellement n’avait que redoublé d’intensité face au regard inquisiteur du nouvel arrivant. Il se sentait épié, dévisagé, totalement mis à nu et ol n’aurait su dire si cela lui plaisait ou non. L’incompréhension l’agitait à un point tel qu’il n’osait réellement se demander pourquoi. Pourquoi quelqu’un viendrait-il le voir lui. Lennox avait conscience de ne pas être hideux mais de là à se trouver intéressant, il y avait tout un océan. Aussi bleu et vaste que le regard du jeune inconnu qu’il ne pouvait s’empêcher de mirer avec intérêt. Comme s’il aurait souhaité si noyer, en perdre le souffle et s’oublier. Comme si ces deux prunelles pouvaient suffire pour voyager. « Hum ... T'as raison. À part toi et moi, je vois pas. » La voix du jeune homme carillonna à ses oreilles avec amusement, alors que quelques rougeurs venaient gagner ses joues. La gêne lui collait à la peau comme un costume taillé expressément pour lui. Lennox avait quelques difficultés avec le genre humain, mais il arrivait, la plupart du temps, à les contenir. Sauf que l’indélicatesse et l’intérêt de cet individu était bien trop brutale pour lui. Il n’avait jamais apprécié se retrouver en proie captive d’un spectacle qu’il n’avait pas choisi de voir. Il se sentit pourtant incapable de bouger, trouvant son corps bien trop lourd pour être transporté ou que ce soit. Condamné donc à souffrir de cet intérêt nouveau et de ce sourire qui, bien malgré lui, le troublait. Et plus il l’observait et plus il avait la conviction, qu’en effet, il ne le connaissait ni d’Eve, ni d’Adam. « Je crois pas non. Mais s'il ne fallait parler qu'aux gens qu'on connait, on serait bien seul, tu trouves pas? » Lennox l’observa penché la tête en silence alors que la seule réponse qui lui venait à l’esprit lui sembla bien rébarbative. Il n’avait pas particulièrement envie d’entré dans ce jeu du chat ou de la souris, surtout qu’il avait pleinement conscience d’être la souris, mais il n’avait pas spécialement envie d’arrêter la mascarade pour autant. « Peut-être. Je ne sais pas… » Ces mots n’avaient été prononcé que dans un souffle alors, que déjà, il rougissait de nouveau. Tortillant ses mains, mal à l’aise, perdu et indécis. Voulait-il vraiment passer aux présentations et autres futilités de ce genre ? Était-il réellement prêt à faire un effort aussi imposant pour un parfait inconnu ? Il lui sembla que oui. Et pour deux raisons. Ses yeux. « Je m'appelle Nels. Cooper. » Lennox tenta un sourire mais cela se solda par une légère grimace troublée. Il baissa les yeux sur cette main et offerte et… Ne la saisit pas. « Lennox. Enchanté. » Tout en formulant ces mots, il s’en voulut intérieurement d’être aussi débile et coincé dans ses propres principes. Celui de ne pas parler aux inconnus en était un. Mais il avait passé l’âge des réprimandes de ce genre. Il s’apprêtait d’ailleurs à s’excuser pour son impolitesse quant son regard fut subjugué par cette main qu’il passait dans ses cheveux. Une fois de plus, un peu gêné et troublé, il se mordilla la lèvre inférieure en rougissant et en baissant le regard. Il n’arriverait plus à tenir la distance, trop compliqué pour lui. « J'étais curieux de voir si tu t'étais fait lâcher, toi aussi. Mon pote et sa «copine» sont en grande conversation. Une conversation qui se passe de mots, si tu vois ce que je veux dire. » Au son de son rire, Lennox sourit. Non pas parce que la manière de raconter les choses étaient amusantes mais parce qu’il l’avait dit de tel manière qu’il en avait son cœur plus aise, plus enclin, peut-être, à la conversation.

Lennox releva alors la tête, conscient de paraître légèrement froid, sans doute distant. Il passa une main dans sa nuque pour éponger la sueur qu’il sentait naître au contact de ce regard bleuté. Posant ses prunelles avec délicatesse dans celle de l’inconnu, il souffla avec mystère : « Et quels sont tes pronostics ? » Lennox n’avait pas la moindre envie de déballer sa vie à un parfait inconnu. Il estimait que la conversation prendrait davantage d’intérêt si l’un et l’autre apprenait à se connaître par le biais de leur propre regard. Cela le poussa même à sourire avec malice, s’approcha délicatement de l’éphèbe pour souffler à son oreille : « Et je ne vois pas ce que tu veux dire. Comment on peut converser en se passant de mot ? » Il se laissa retomber sur son siège, conscient du jeu bizarre dans lequel il venait de se jeter sans même savoir comment et pourquoi. Il détourna d’ailleurs la tête et fut ravi lorsque la serveuse déposa leur boisson devant eux. Sentant peu à peu qu’il aurait très certainement envie de prendre les jambes à son cou, Lennox se jeta sur son verre duquel il vida tout son contenu d’un trait. Le reposant, il darda un regard vers Nels. « A ta santé. » C’était tout ce qu’il avait à dire et il en avait déjà trop dit. Ses bonnes vieilles habitudes d’indifférence et de fuite venaient d’en prendre un coup.

« Lennox. Enchanté. » « Ça te va bien. » laissa-t-il échapper inconsciemment, les yeux rivés sur les prunelles timides de son interlocuteur. D'ailleurs, s'il avait d'abord cru que l'inconnu - ou Lennox maintenant qu'il connaissait son prénom - était bien parti pour soutenir la plupart de ses regards, il eut un petit sourire lorsqu'il le vit rougir et baisser les yeux, visiblement mal à l'aise. Nels, lui, n'avait pas ce problème. Il était rare de le voir rougir et il préférait ne pas laisser le loisir aux gens de penser qu'il puisse être faible; il s'était battu pour ce qu'il était, il n'allait certainement pas laisser des mots ou des regards l'atteindre. Pourtant, il sentait que la présence de Lennox suffisait à ébranler cette forteresse d'émotions contenues et qu'il ne suffirait plus que d'un geste de sa part pour les laisser s'échapper. Contrairement à ce qu'il avait toujours pensé, le feeling de ne pas se sentir maître parfait et incontesté de ses sentiments n'était pas si mauvais que ça, en fin de compte. C'était agréable de se dire qu'une autre personne savait en jouer, qu'une autre personne pouvait jongler avec ses états d'âme en le poussant parfois, non pas à douter de ses mots ou de ses gestes, mais plutôt à envisager les conséquences sans réellement les prendre en compte. Après tout, Nels ne pensait que très rarement avant d'agir et il n'était bel et bien pas de ceux qui tournaient la langue sept fois dans leur bouche avant de parler - quoique, ça dépendait avec qui - il préférait de loin procéder comme il l'entendait afin de ne pas avoir de regrets et il ne lui restait plus qu'à assumer ensuite.

Amusé par la propre interrogation silencieuse qu'il formula à Lennox, il attendit avec soin la réponse à sa question alors que son regard s'attardait de nouveau sur le sien maintenant qu'il avait levé les yeux. Ces iris ... Cette profondeur ... Nels se mordit la lèvre alors qu'il sentait naître au fond de lui un désir brûlant, un feu ardent, une passion qui semblait vouloir le pousser à réduire au minimum la distance qui les séparait. « Et quels sont tes pronostics ? » Ses muscles ne semblèrent pas aussi prompts à réagir que son esprit l'était, toutefois, et il resta pétrifié sur sa chaise, un sourire aux lèvres alors qu'il haussait les épaules avec nonchalance. « T'es venu tout seul, peut-être. Histoire de changer d'air. Ou bien t'es venu avec quelqu'un qui n'a plus vraiment d'importance puisqu'il - ou elle - m'a laissé sa place. » Il avait mis, sans vraiment le vouloir, une importance assez fulgurante sur le fait qu'une fille aurait pu l'inviter à sortir, comme s'il tentait de déceler chez Lennox un agacement soudain laissant présager qu'il avait vu juste et qu'elles n'étaient pas vraiment son premier choix. Peut-être. Peut-être pas. Ses prunelles n'avaient pas quitté les siennes et ce fut cette fois un élan de surprise qui passa dans le plus profond de ses iris alors que Lennox s'était approché de lui, frôlant son bras, cherchant son oreille pour y glisser quelques mots. « Et je ne vois pas ce que tu veux dire. Comment on peut converser en se passant de mot ? » Nels chercha à lui soutirer quelques frissons lorsqu'il s'éloigna, laissant son souffle glisser au creux de son cou sans prendre la peine de le retenir, toutefois. Amusé alors qu'il n'eut pas le temps de répondre à sa question puisqu'on déposait les deux verres de tequila qu'il avait commandé devant eux, Nels pouffa de rire en voyant Lennox se jeter sur le sien et le vider d'une traite. « A ta santé. » « Et dire que je n'ai même pas besoin d'insister pour te saouler! » plaisanta-t-il avec un petit sourire mutin alors qu'il prenait entre ses doigts son propre verre et qu'il trinquait inutilement avec celui de Lennox, déjà vide. « À la tienne. » murmura-t-il en inclinant légèrement la tête, avalant le liquide ambré avant de déposer le verre vide sur la table devant lui.

Se redressant sur ses jambes alors que la tête lui tourna légèrement d'avoir été trop longtemps assis - sans doute au vu de ses précédentes consommations - Nels fit le tour et se positionna derrière le fauteuil de Lennox alors que son visage se rapprochait du sien avec lenteur et amusement, laissant de nouveau son souffle glisser sur la courbe de sa mâchoire, mâchoire qui eut tôt fait d'accueillir le frémissement de ses lèvres alors qu'il ne faisait que l'effleurer. « Je peux te montrer comment on peut converser sans mot, si tu veux. » proposa-t-il alors que les lèvres de Lennox semblaient dûment l'appeler, mais qu'il se suspendit à quelques centimètres, ayant suffisamment de volonté pour ne pas les capturer en un baiser fougueux qui lui aurait certainement valu une gifle en plein visage. Avec langueur, il s'éloigna légèrement, passant une nouvelle fois sa main sur sa nuque, la tête légèrement inclinée. Il retrouva la tiédeur de son propre fauteuil sans laisser paraître le trouble qui venait soudainement de le gagner alors qu'il s'était retrouvé si près de lui. « T'as compris le principe, non? » murmura-t-il simplement, un léger sourire aux lèvres alors qu'il se plaisait à jouer avec les frémissements et la timidité de son partenaire.

Si son sourire lui avait plu de prime abord, il le rendait de plus en plus fébrile. Comme hypnotisé par ses lèvres pécheresses qui ne cessaient de le narguer avec audace. Lennox n’avait jamais été de ceux qui considéraient les sourires comme quelque chose de fabuleux et de beau. A vrai dire, il détestait les gens qui souriaient. La plupart du temps, ça lui rappelait l’hypocrisie chronique dans laquelle l’humain s’évertuait à évoluer. Ça lui rappelait la facilité avec laquelle certains pouvaient être heureux là où d’autres n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Ça l’agaçait et le terrifiait à la fois. Il avait peur que ce soit contagieux. Comme une maladie qu’on choppe au détour d’un baiser. Ça parait doux et délicieux au début, et ensuite, les symptômes apparaissent et ça fait mal. Le sourire de Nels était aussi fielleux que le venin d’un serpent, aussi dangereux. Parce qu’il s’infiltrait quelque part au creux de son ventre, nouant ses entrailles avec supplice. « Ça te va bien. » Il garda le silence, muet de stupéfaction par la simplicité avec laquelle il l’abordait. Les gens arrivaient toujours à le surprendre alors qu’il pensait avoir tout vu. Nels, avec ses grands airs tranquilles lui faisait découvrir une nouvelle facette de l’être humain. Cette sincérité évidente, cette façon de s’offrir sans mentir sur ce que l’on est. C’était bizarre, incompréhensible aussi, à ses yeux. Parce que lui-même n’avait pas la force de faire face à ce qu’il était réellement et même après réflexion, il lui semblait qu’il ne savait même pas qui il était et quel était le sens de sa vie. Sans doute voguer ici et là. Avec ses deux coups d’avance. Avec ses dessins ratés. Avec ce poids au fond des entrailles.

Peu accoutumé à ce genre de relation d’un soir, qui arrive sans s’annoncer et qui s’en va de la même façon, Lennox laissait couler. Il ne savait pas véritablement comment agir et il savait que tergiverser intérieurement pendant des heures ne ferait qu’éveiller son envie de fuite. Alors, malgré lui, malgré ce qu’il était et sa façon de voir les choses, il ripostait. Face à ce mordillement de lèvre qu’il ne pouvait lâcher du regard. Face à cet autre si dangereux. « T'es venu tout seul, peut-être. Histoire de changer d'air. Ou bien t'es venu avec quelqu'un qui n'a plus vraiment d'importance puisqu'il - ou elle - m'a laissé sa place. » Mais cette simple phrase lui fit d’une gifle, comme un rappel à la réalité. Il se raidit, conscient d’être en faute. Il ne savait pas vraiment où était l’erreur ni quand il l’avait commise, mais il la sentait qui infectait son être et qui le faisait rougir de plus belle. Donnant à son teint pâle une couleur plus cramoisie que jamais. S’il avouait être venu tout seul, cela se résumait à raconter sa vie. Dire qu’il n’avait que peu d’amis et que sortir avec eux était quelque chose qu’il avait banni de son existence. Et dire qu’il était venu accompagné était mille fois plus ridicule que tout ce qu’il aurait pu faire. Mais par-dessus tout, ce qui le gênait, c’était cette aisance avec laquelle Nels plaçait ses mots sur les choses. Il ou elle. Une grande différence pour tout un chacun. Mais pas pour lui. Lennox avait toujours considéré qu’il était hétérosexuel et pourtant, son premier amour n’avait été autre qu’un garçon. Alors, peut-être que l’important ne résidait pas dans un il ou un elle. Juste un quelqu’un. « A mon tour. On t’a privé de sortie et du haut de seize années, tu as décidé de faire le mur avec ta petite bande d’enfoirés. Pas de bol, ils ne jouent pas dans la même cours. Triste. » Ironisa-t-il sur la défensive. Ce n’était pas vraiment contre Nels que son agacement était tourné. Mais plus contre lui-même d’avoir lancé un jeu trop complexe pour ses pauvres nerfs. Il s’en voulu presque immédiatement d’agir aussi puérilement. Peut-être était-ce pour cette raison, mêlé à de centaines d’autres qu’il avait vidé son verre sans y réfléchir. « Et dire que je n'ai même pas besoin d'insister pour te saouler! » « Je réponds très mal à l’alcool. » souffla-t-il à demi mot, sentant déjà les effluves de tequila lui tourner les sens. Lennox n’avait que très rarement consommé de l’alcool au cours de ses vingt-deux années d’existence, mais il savait que cela ne lui valait rien de bon. La tête commençait souvent à lui tourner et les centaines de choses que son cerveau avait emmagasinées tourbillonnaient dans son esprit avec trop de férocité. Au point de le rendre fou de savoir. Fou de tout, à vrai dire. Et bien qu’il n’ait bu qu’un verre de la soirée, Lennox ressentait déjà l’alcool infiltré ses veines. Il avait bu trop vite, trop précipitamment et le Jack’s Lounge venait à tourner autour de lui. Et lorsque Nels se mit debout, il sembla légèrement dégrisé, emprunt d’un doute violent et d’une crainte légère. Un frisson délicieux lui parcouru l’échine alors que le souffle chaud et alcoolisé du jeune homme lui léchait la mâchoire. Ce rapprochement trop soudain à son goût lui donnait quelque chaleur, faisant naitre à l’orée de sa chevelure, une perle de sueur. « Je peux te montrer comment on peut converser sans mot, si tu veux. » Lennox, frémissant, ferma les yeux l’espace d’un instant, tentant de regagner son calme intérieur. Celui qu’il semblait avoir perdu depuis l’arrivée de cet inconnu plus si inconnu désormais. Il ne relâcha la pression que lorsque le jeune homme regagna son siège en murmurant avec un sourire : « T'as compris le principe, non? » S’il avait compris ? Très bien même, peut-être trop. Et là était le souci.

Lennox posa un regard audacieux sur l’Adonis qui lui faisait face, lui offrant un sourire éhonté par-dessus le marché. Et d’une voix glaciale mêlée d’une insolente indifférente, il déclara sans difficulté un : « Dommage. » bien distinct. Dommage pour tellement de chose. Dommage que l’alcool faisait vibrer ses temps à lui en donner mal au crâne. Dommage que son sourire et ses yeux soient si hypnotisant. Dommage qu’il n’arrivait pas être comme n’importe qui, simple d’esprit, sans devoir sans cesse penser aux lendemains. Il se pencha un peu plus en avant et captura le visage du jeune homme entre ses doigts, le forçant à coller sa frimousse à la sienne. Il sentait la chaleur de son souffle alcoolisé lui caressé les lèvres à en devenir tremblant de débauche, mais il n’en laissa rien paraître. Fixant ses prunelles avec une assurance nouvelle, il se délecta de cette couleur azurée dont il n’oublierait probablement jamais la profondeur. « Dommage que je ne sois pas ce genre de gars qui pour un sourire, laisse tomber son pantalon sur ses chevilles. Parce que t’as des yeux à mourir. À s’en damner, je dirais même. » Son pousse caressa la carrure de cette mâchoire divine sur laquelle déposer quelques baisers ne l’aurait pas déplut. Il s’approcha de plus belle, frôlant presque ses lèvres cette fois et les fixant d’un regard envieux. « Dommage que je ne sois pas ce genre de gars. De ceux qui, sans honte, laissent leurs mains baladeuses s’égarer sur un parfait inconnu. De ceux qui, pour quelques verres trop facilement accumulés, se déshabillent et s’infiltrent dans le premier lit qu’ils trouvent. » Il approcha un peu plus ses lèvres de celles qui l’appelaient irrémédiablement et les caressa des siennes sans pour autant les déposer en baiser. Et souffla un léger soupir alcoolisé, il se laissa retomber au creux de son siège, un sourire mutin scotché aux lippes, les yeux toujours focalisés sur ces douceurs couleur cerise. « Ne joue pas avec moi, Nels. Tu vas perdre. » Était-ce l’effet de l’alcool qui le rendait si… atrocement humain ? La question fit un bout de chemin dans son esprit, alors qu’il fixait désormais ses prunelles vides sur les océans de son camarade.

« A mon tour. On t’a privé de sortie et du haut de tes seize années, tu as décidé de faire le mur avec ta petite bande d’enfoirés. Pas de bol, ils ne jouent pas dans la même cour. Triste. » Nels eut un sourire étonné avant de secouer la tête légèrement, surpris par le ton sarcastique avec lequel Lennox s'était adressé à lui. « Perspicace. Et j'imagine que, selon ton plan et ta vision des choses, c'est pour ça que je suis venu te voir? » demanda-t-il sans vraiment attendre de réponse, tentant encore de comprendre la psychologie de son inconnu et sa manière de penser. En vérité, il n'attendait rien de lui et seule l'intrigue mutuelle semblait les lier, alors que leurs regards peinaient à lâcher prise l'un sur l'autre et que leurs lèvres semblaient quémander celles qui demeuraient pour l'instant inaccessibles. Nels avait eu un bon feeling et il avait l'impression qu'il avait vu juste en préférant Lennox aux autres mecs à moitié saouls qui riaient en avalant ce qui leur restait de bière entre les mains. C'était comme s'il l'avait déjà connu, comme s'il savait à peu près à quoi s'attendre avec lui, comme si toutes ces formalités n'étaient qu'accessoires. Il n'avait même pas été surpris par le timbre de sa voix, comme s'il l'avait déjà entendue mille fois alors qu'il n'avait jamais ouvert la bouche en sa présence avant ce jour-là. Nels aurait presque pu en être pétrifié de stupeur si seulement il ne croyait pas au destin et au hasard des gens qui se plaçaient parfois sur votre route sans que vous ne vous y attendiez. Lennox devait être de ceux-là. Il n'avait pas besoin de le connaître pour savoir qu'il était celui qu'il cherchait. Il n'avait pas besoin de le connaître pour savoir qu'il était celui qu'il attendait et qu'il avait attendu, sans vraiment le savoir.

Nels ne se fit pas prier pour pousser Lennox au coeur de ses retranchements, s'enivrant de la douceur de sa peau et de la subtilité de son parfum masculin. Les frémissements et la raideur du jeune homme le firent sourire alors qu'il aurait tant aimé détendre ces muscles trop crispés en un doux massage électrisant, autant pour Lennox que pour lui. Lorsqu'il récupéra son siège, Nels accapara un instant l'attention de la serveuse en levant simplement le doigt, lui signifiant d'un léger geste de la main qu'il payait la prochaine tournée. « Dommage. » Reportant son attention avec délice sur celui posé à ses côtés, Nels inclina de nouveau la tête, prêt à entendre ce qu'il avait à dire, sa conscience décidant d'un commun accord avec son coeur de ne pas l'interrompre. Ses prunelles s'attardèrent un instant sur la courbe de sa mâchoire, tellement invitante alors que Lennox s'était rapproché de lui jusqu'à ce que leurs visages ne fussent plus qu'à quelques centimètres de distance l'un de l'autre. Le reste du monde n'existait plus et Nels en oubliait les tabous de cette société dans laquelle il vivait et à laquelle il ne devait absolument rien. « Dommage que je ne sois pas ce genre de gars qui pour un sourire, laisse tomber son pantalon sur ses chevilles. Parce que t’as des yeux à mourir. À s’en damner, je dirais même. » Ainsi donc, il avait eu raison. Il avait vu juste et Lennox venait même de le complimenter sans pourtant préciser avec certitude à quel point Nels s'était trouvé sur le droit chemin. La main de Nels se posa sur celle qui lui caressait la joue alors que tout son corps se tendait, désireux une bonne fois pour toute d'en finir avec ce jeu stupide et ces caresses dignes d'adolescents. Il voulait l'embrasser. Il voulait l'embrasser et non seulement Lennox le savait, mais il jouait d'autant plus avec ses désirs, le cherchant, le bousculant, le tentant. « Dommage que je ne sois pas ce genre de gars. De ceux qui, sans honte, laissent leurs mains baladeuses s’égarer sur un parfait inconnu. De ceux qui, pour quelques verres trop facilement accumulés, se déshabillent et s’infiltrent dans le premier lit qu’ils trouvent. » Le poids de ses lèvres contre les siennes suffit à lui tirer un frisson alors que ses doigts s'attardaient sur le poignet de Lennox sans néanmoins chercher à le rapprocher davantage de lui, pas de force, en tout cas. Son corps frémit sous les paroles de son vis-à-vis alors qu'il ignorait les raisons qui avaient poussé Lennox à se montrer aussi séducteur. On aurait presque dit qu'il le testait. « Ne joue pas avec moi, Nels. Tu vas perdre. » Le contact fut rompu alors que Lennox retombait dans le creux de son fauteuil, laissant Nels bouillonnant d'un feu qu'il ne parvenait malheureusement pas à éteindre. Il tenta de calmer les battements de son coeur, ceux-ci s'étant emballés dès lors que Lennox avait osé s'approcher de lui, joué le jeu que Nels avait décidé d'engager en premier.

« Parce que tu crois que je suis comme ça? » souffla-t-il alors que ses iris se posaient au creux des siens en même temps que ses doigts parcouraient en une caresse silencieuse le dos de la main de Lennox, d'un piètre effleurement. « Sache que je préfère d'autant plus quand on me résiste. C'est trop facile, sinon. » blagua-t-il en un haussement d'épaules alors qu'un sourire amusé étirait ses lèvres, conscient de l'effet qu'il semblait produire chez son interlocuteur. En quelques mots, il venait presque d'avouer ce que Lennox avait cru affirmer en plusieurs phrases. Mais ce n'était pas tout-à-fait ça. C'était un jeu, c'était un leurre puisque si ce n'était pas rare de voir Nels rentrer en bonne compagnie à la fin d'une soirée, il n'en retirait pas nécessairement la fierté habituelle des mecs qui se croient invincibles, qui se croient meilleurs que les autres et qui cherchent à conserver leur cote de popularité. Il n'était pas comme ça et il préférait lorsque les autres ne l'étaient pas non plus. « Par contre, si je te fais de l'effet, ça veut dire que tu m'accorderas une chance de te prouver que je ne suis pas qu'un connard doublé d'un pervers psychopathe? » demanda-t-il en se redressant légèrement, un regard amusé, mais sincère plongé dans le sien. Il n'eut qu'un hochement de tête pour confirmer sa commande lorsque la serveuse revint déposer de nouveaux verres devant eux - deux chacun, cette fois - et en attrapa deux avant de se relever et de poser un genou sur le siège de Lennox, juste à côté du sien. « Tu m'attends, cette fois. » murmura-t-il à son oreille avant de laisser ses lèvres déposer un baiser le long de sa mâchoire. Il glissa le verre entre les doigts de Lennox sans quitter sa position avant de trinquer, un léger sourire en coin.

Le trouble n’avait jamais permis à Lennox de rester totalement indifférent. Il ressentait le besoin dérangeant d’évacuer ce trop plein d’informations incompréhensibles qui lui vrillait le corps. Ce regard amusé, ces sourires conquis et ces petits gestes de la tête le rendait nerveux, incapable de comprendre totalement pourquoi. « Perspicace. Et j'imagine que, selon ton plan et ta vision des choses, c'est pour ça que je suis venu te voir? » Un léger sourire étira les lèvres du jeune homme, alors qu’il arqua un sourcil, mystérieux. À vrai dire, Lennox cherchait encore la raison de sa venue ici. Il avait beau avoir retourné le problème dans tous les sens et en examiné toutes les coutures, la réponse lui manquait. Il n’y avait aucune bonne réponse possible à ce genre de question. « Je ne sais pas. A toi de me le dire, j’imagine. » se risqua-t-il à prononcer avec détachement. Il n’avait pas l’égocentrisme de ceux qui pensent que le monde leur appartient et il n’avait pas la confiance en lui suffisante pour simplement penser qu’il avait pu attirer son regard. Après, tout il n’avait rien fait de plus que rester assis. D’un air amorphe, le regard à la dérive et les pensées agitées. Rien de bien passionnant. Surtout lorsque l’on constatait le contraste évident entre les deux jeunes gens. Nels était son total opposé. De ceux qui vivent leur vie pour eux sans se soucier des lendemains ou des regards d’autrui. De ceux qui assument pleinement ce qu’ils sont sans ressentir le besoin de se cacher sous un masque hideux de froideur insolente. Il était finalement, ce qu’il aurait toujours voulu être. Mais il savait pertinemment qu’il n’arriverait jamais à changer du tout au tout. Aussi, la présence de Nels à ses côtés n’avait pas pour seul intérêt celui de le troubler et de le rendre fébrile d’incompréhension. Il appréciait savoir qu’à ses côtés, un être totalement différent de lui pouvait avoir envie de lui parler et peut-être même, passer quelques moments avec lui. Il ne put s’empêcher de penser, peut-être un peu naïvement, que le hasard faisait trop bien les choses et qu’il espérait que cette soirée ne serait pas la dernière en compagnie de son inconnu.

Peut-être était-ce la raison qui l’avait poussé à éveiller la frustration de Nels. Cherchant à l’apprivoiser, le tenter, lui donner un petit aperçu d’un possible quelque chose. Lennox n’avait pas honte de jouer pour la simple et bonne raison que c’est ce que le jeune homme attendait de lui. L’autre avait levé le drapeau et Lennox n’allait certainement pas laisser la partie s’engager sans lui. Ce qu’il n’avait pas prévu, par contre, c’était qu’il éveillerait sa propre frustration au contact des lèvres douces et sucrées de beau brun. Son cœur avait manqué quelques battements avant de s’agiter avec ferveur au cœur de sa poitrine. Ses mains commencèrent doucement à devenir moites alors qu’il déglutissait avec difficulté face à ces prunelles à coupé le souffle. La douceur des doigts de Nels sur sa peau le firent frissonner délicieusement, alors qu’il se sentait si ridicule. Comme un ado qui découvre les prémices d’un amour de printemps. Comme un enfant qui découvre un nouveau jouet. Un jouet incomparable avec les autres. Un jouet tout ce qu’il a de plus amusant. Nels était son jouet. Son cadeau personnel. Ce petit bijou qu’il voulait enfermer dans le creux de la paume de sa main. Il voulait l’emprisonner en lui pour un temps indéfiniment trop longtemps. Ne jamais voir ce petit jeu s’arrêter car jamais il ne s’était sentit aussi vivant. « Parce que tu crois que je suis comme ça? » avait-il alors demandé dans un souffle. Un léger sourire intimidé glissa sur les lèvres de Lennox, alors qu’à son tour, il déclarait en soufflant : « Un peu. » Beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Dans le fond, il n’arrivait pas véritablement à définir quel genre de personnage était son vis-à-vis. Il le troublait, éveillait chez lui quelque chose qu’il n’avait jamais connu, mais cela s’arrêtait là. Que pouvait-il bien faire de sa vie ? Comment vivait-il au jour le jour ? Était-il le premier qu’il abordait de cette façon ? Les questions lui martelaient l’esprit alors qu’il craignait d’avoir de véritables réponses. « Sache que je préfère d'autant plus quand on me résiste. C'est trop facile, sinon. » A nouveau, Lennox sourit de le voir sourire. Cette phrase ne lui plaisait pas plus que cela, cependant. Il devait en avoir eu combien, des types, de cette façon ? Lennox avait un peu l’impression de n’être qu’un numéro parmi tant d’autre. Et pour lui qui ne connaissait strictement rien à ses choses là, c’était déstabilisant et presque douloureux. Il voulait être plus que ça. Un peu plus important. Même si c’était un parfait inconnu et qu’il ne lui devait rien. « Par contre, si je te fais de l'effet, ça veut dire que tu m'accorderas une chance de te prouver que je ne suis pas qu'un connard doublé d'un pervers psychopathe? » Le jeune homme arqua un sourcil dédaigneux. Il n’avait jamais prétendu qu’il lui faisait le moindre effet. Certes son corps répondait à ses questions, ainsi que ses yeux et ses lèvres, mais il n’aimait pas que l’on juge si facilement ses réactions. Comme si tout était acquis avec lui. Il garda cependant sa réponse pour plus tard alors qu’il voyait Nels se relever pour attraper deux verres. Son corps se tendit instantanément lorsque le genou de l’éphèbe frôla le sien. Sentant son échine se courber d’une frustration indélicate et incompréhensible. « Tu m'attends, cette fois. » Ce souffle contre son oreille le força à déglutir avec difficulté alors qu’au contact de ses lèvres, ses paupières se fermèrent à demi pour profiter de cette caresse sur sa mâchoire. Ses doigts enlacèrent alors le verre que lui donnait le jeune homme, hocha malicieusement de la tête alors qu’il trinquait. « En quelle honneur cette fois ? » avait-il demandé avec curiosité. À toi. À moi. À nous…

Lennox vida le contenu de son verre avec beaucoup moins de rapidité que la première fois. Et alors qu’il sentait le liquide lui brûler la gorge, il laissa son regard s’imprégner pleinement des deux prunelles azurées de Nels, refusant tout bonnement de les lâcher. Lorsque le verre fut vide, lui procurant de nouveau cette sensation de tournis intimidant, il laissa son bras glisser jusqu’à la table où il déposa son verre. Il en profita même pour départir le jeune homme de sien. Ses doigts vinrent alors caresser avec douceur le genou du jeune homme alors qu’il ne quitta pas le brun du regard. Ses doigts remontèrent un peu le long de sa cuisse en un délicat frôlement, alors qu’un léger sourire étirait ses lèvres. Il laissa ses doigts glisser à nouveau vers ce genou et le repoussa d’un geste, pas vraiment brusque, mais non avec douceur. Sa main remonta alors jusqu’au torse de Nels où il appliqua sa paume à l’endroit exact ou se trouvait son cœur. Se réchauffant de ses battements qu’il sentait s’accélérer. Où n’était-ce que le fruit de son imagination ? Il le repoussa alors un peu. « Pas si près, jeune homme. » Et d’un signe de tête, il montra les sièges à côté de lui. « Assis. » Il n’avait pas prononcé cela de telle façon à ce que ce soit un ordre, mais plutôt comme une requête pour calmer son cœur blessé, malmené, irrité par ce trop de… trop. Il s’empara des deux autres verres et les tendit un Nels dans un geste. « Je te regarde faire, t’as l’air d’avoir l’habitude. » Il jouait à un jeu où lui-même ne comprenait rien. Il se laissait guider par cette chaleur qu’il sentait monter en flèche au creux de son être. Puis sans vraiment réfléchir, il se mit debout et avec une simplicité cruelle, il s’installa à califourchon sur le jeune homme. Peu lui importait les regards que l’on posait ou non sur eux. Peu importe ce qu’il serait dit. Ca ne l’importait que trop peu. Il se pencha en avant, alors que sa main s’agrippa au tissu de son haut. Ses lèvres vinrent se coller à l’orée de son oreille ou il glissa quelques mots, joueur. « Où t’as vu que tu me faisais de l’effet ? Mais, ouais, t’as une chance. Pas une de plus. Va falloir être convaincant. » Ses dents agrippèrent avec délicatesse le lobe de son oreille alors qu’il laissait un léger rire lui échapper. C’était vrai, l’alcool inhibait tous les bons raisonnements. Mais un peu gêné par son propre comportement, il laissa sa tempe posé contre celle de Nels afin de ne pas devoir endurer son regard alors qu’il laissait échapper malgré lui un : « Putain, j’ai chaud. »

« En quel honneur cette fois ? » « Notre soirée. » laissa simplement tomber Nels, comme une évidence, alors qu'il portait le verre à ses lèvres et qu'il avalait cul sec l'alcool qui s'y trouvait sans lâcher des yeux celui qui lui faisait face. Il ferma les paupières un moment afin de profiter de la sensation de brûlure au fond de sa gorge et ce fut le geste de Lennox, lorsque ce dernier lui retira son verre et s'étira pour les poser tous les deux sur la table basse à quelques centimètres, qui le fit sourire alors que ses doigts s'attardaient sur le bras de son compagnon et qu'une nouvelle sensation de brûlure, bien différente néanmoins, envahissait tout son être. Nels n'avait pas été spécialement surpris d'apprendre que le jeune homme le croyait adepte des relations d'une nuit puisqu'il n'était pas sans savoir que c'était certainement ce que son attitude confiante et assurée laissait présager. Néanmoins, il n'avait pas cru bon riposter, préférant surtout lui prouver qu'il pouvait être quelqu'un de bien. Les paroles ne valaient plus grand chose, de nos jours, seuls les gestes possédaient encore une certaine importance. Peu importe qui on était, peu importe ce qu'on faisait, il suffisait d'être assez fort pour assumer les conséquences de nos actes, qu'elles nous plaisent ou non. Nels avait toujours été doué pour ça. Il faisait ce qui lui plaisait, mais jamais il n'allait jeter sur le dos d'autrui la faute qui lui incombait. Jamais. Si l'erreur était la sienne, il l'acceptait sans rechigner.

Les doigts de Lennox lui soutirèrent quelques frémissements et Nels le toisa même curieusement, lui demandant silencieusement jusqu'où il comptait aller. La sensation était loin d'être désagréable, mais cette caresse sur sa cuisse ne suffit qu'à faire monter le désir et l'envie d'un cran supplémentaire; un cran de trop, peut-être. Alors que les battements de son coeur s'accéléraient et que Nels peinait à garder le contrôle de son être sans s'abandonner au vice, il accueillit l'éloignement qui résulta de la pression sur son genou et sur son torse en un grognement de frustration. « Pas si près, jeune homme. » Franchement, quel homme pouvait s'amuser à le chauffer autant pour le repousser ensuite, sans précédent? Insatisfait, désireux de lui montrer à quel point il pouvait être chiant, lui aussi, Nels retrouva le confort de son siège lorsque Lennox le lui proposa, sans complainte malgré cette impression de manque qui venait de s'insinuer en lui. Il dut prendre sur lui afin de calmer ses nerfs durement mis à l'épreuve par le jeune homme et appuya la tête contre le dossier du fauteuil avant d'ouvrir les yeux et de grommeler alors que Lennox lui tendait les deux verres de tequila restants. Nels avait toujours aimé l'alcool et il ne s'en était jamais caché, mais il lui semblait que deux verres de plus suffiraient à le plonger dans un état semi-léthargique et qu'il ne pourrait dès lors plus vraiment contrôler ce qu'il allait faire. Sa tête lui tournait et le simple fait de se relever pour se rasseoir pour se relever et se rasseoir avait satisfait les exigences capricieuses de son cerveau en matière de tournis. « Je te regarde faire, t’as l’air d’avoir l’habitude. » Vidant d'une traite les deux petits verres, l'un après l'autre, ses prunelles brillèrent d'un feu nouveau alors qu'il n'avait que le temps de déposer les verres à côté de lui pour attraper les hanches de celui qui venait de rapprocher dangereusement. Ses reins s'enflammèrent, son souffle s'accéléra et des frissons parcoururent son corps en entier alors qu'il n'avait jamais été aussi proche. Il ignorait jusqu'à quel point son partenaire pouvait sentir le désir qu'il avait pour lui grimper en flèche, mais il s'en fichait éperdument. Lennox l'avait cherché. Depuis le début, il jouait les prudes et les timides, mais voilà qu'il réduisait à néant la distance qui les avait séparés, étant le premier à oser un rapprochement aussi significatif. Les lèvres de Lennox revinrent à son oreille alors que Nels fermait les yeux en serrant les dents, visiblement en proie à un dilemme qu'il ne parvenait plus à discerner. « Où t’as vu que tu me faisais de l’effet ? Mais, ouais, t’as une chance. Pas une de plus. Va falloir être convaincant. » Sans réfléchir, le jeune homme laissa sa main glisser le long du dos de son partenaire jusqu'à effleurer l'intérieur de sa cuisse, jusqu'à faire une pression légère sur l'entre-jambe de celui qui avait décidé de jouer avec lui de la même façon que Nels l'avait fait aussi. « Là. » avoua-t-il simplement avec un sourire terni par tous les efforts qu'il devait faire pour garder un minimum de self-control alors que tout son être invitait à la débauche.

Lennox lui tira un soupir lorsqu'il mordilla le lobe de son oreille, Nels se mordant la lèvre afin de ne pas craquer. « Putain, j’ai chaud. » Cette affirmation caractérisait bien l'état d'esprit de chacun d'entre eux et Nels n'eut qu'à poser sa main sur la joue de son partenaire en tournant légèrement la tête pour frôler de nouveau ses lèvres. Cette fois, néanmoins, il ne put s'empêcher de les capturer avec violence alors que ses doigts faisaient pression contre sa nuque afin d'approfondir le baiser. Il força même le passage afin de laisser sa langue danser avec la sienne et en vint à mordiller la lèvre inférieure de son partenaire avec fougue. Ce baiser représentait la fièvre avec laquelle il le désirait, c'était le début de tout. Attrapant la lèvre inférieure de Lennox entre les siennes, il laissa l'une de ses mains glisser le long du torse de son partenaire et le repoussa légèrement. « Pas si près. » répéta-t-il, le souffle court, alors qu'il lui volait un nouveau baiser sans parvenir à s'arrêter, sans parvenir à mettre ses propres règles sur la table. Reculant au maximum sur son siège afin de mettre la plus grande distance possible entre Lennox et lui, il n'eut pas le temps de se reprendre que le siège se renversait et que Nels pouffait de rire, affalé sur le sol alors qu'il avait entraîner Lennox dans sa chute. Ses mains s'étaient fermement glissées sur ses hanches afin de le retenir et son corps si près du sien le faisait soupirer d'aise jusqu'à ce qu'il tente de se relever malgré le tournis provoqué par la quantité d'alcool qu'il avait ingérée. Il abandonna l'idée et resta couché sur le dos, le siège renversé les cachant à peu près à la vue de ceux qui, de toute façon, étaient déjà retournés à leurs activités sans plus se soucier d'eux. Le regard de Nels plongea au coeur de celui de Lennox et y resta suspendu le temps de quelques secondes, jusqu'à ce que son esprit vagabonde et le pousse ainsi à ouvrir la bouche. « Ça le fait, si je te demande ton numéro? » demanda-t-il avec un sourire amusé devant la situation on ne peut plus cocasse.

« Notre soirée. » Et quelle soirée, ne put s’empêcher de penser Lennox avec un sourire. Si on lui avait conté cette aventure comme une histoire romanesque, de celle que seuls les bouquins peuvent inventer, il n’y aurait pas cru et aurait sans aucun doute tourné tout cela à la dérision. Pour lui, il était pratiquement impensable de voir les choses se dérouler aussi facilement. Il avait du se battre tellement de fois contre lui-même et contre les autres pour assumer ce qu’il représentait, que cela était douloureux pour son âme de voir que d’autres n’avait, visiblement, jamais eu de tels difficultés. Lennox avait vécu dans l’ombre d’un mensonge, il avait été le mensonge et le résultat en était tel qu’il craignait que chacun puisse penser de cette façon. Avoir honte de lui semblait si facile, alors, pourquoi chercher plus loin ? Et puis, il fallait avouer qu’il ennuyait les gens. Qu’il était un peu trop sérieux et indifférent par moment. Peut-être parce que ses pensées allaient trop loin, trop vite, pour les autres. Et pourtant, ils étaient là. Tout deux. Yeux dans les yeux, sourires conquis irrémédiablement accrochés à leurs lèvres envieuses. Comme s’ils se connaissaient depuis toujours, comme s’ils se comprenaient sans avoir à parler, comme si tout était simple, sans tabou… Et bon sang, ça lui faisait un bien fou ! Pour la première fois de sa vie, Lennox n’avait pas besoin de se demander ce que l’autre attendait de lui pour agir, il faisait ce qui lui semblait juste sans se prendre la tête à imaginer le pour et le contre. Dans le regard de Nels, c’était le désert qu’il voyait. Un oasis. Une liberté telle qui lui offrait tous les saluts imaginable. Et son cœur ne pouvait qu’en palpiter de délectation et de simplicité. Comme rarement c’était le cas.

Et le jeu en valait tellement la chandelle. Parce qu’il n’y avait rien de plus doux à ses oreilles que se grognement frustré. Rien de plus beau que ce regard curieux. Rien de plus chaud et rassurant que ses mains posées sur ses hanches. Rien de plus enivrant que ce sentiment d’envie irrésistible. Malgré lui, et malgré tout, il ne pouvait s’empêcher de vouloir dévorer ses lèvres. Il rêvait d’emmêler ses doigts à cette chevelure hirsute. Sur son visage, une tranquillité apparente alors qu’au fond de son être, une guerre manichéenne sévissait. Ces gestes et paroles n’avaient pour but que de frustrer cet autre qui l’attirait plus que de raison. C’était sa manière à lui de tenir les rennes et d’avoir encore la sensation de savoir ce qu’il faisait. Mais c’était tout le contraire. Il allait droit dans un mur et il n’avait pas la moindre idée de comment réagir. Il avait beau ressentait cette envie brûlante, sentir son corps entier se raidir d’excitation, il n’en restait pas moins totalement perdu. Et combien son trouble ne fit que doublé au contact de la main de Nels glissant contre son dos. L’obligeant douloureusement à contracter les reins afin de ne pas se perdre dans ce tournis infernal qu’était le chaos de son esprit et de son corps. Et cette main trop baladeuse qui venait l’effleurer comme un vulgaire pantin sans émotion. Lennox se mordilla la lèvre inférieur avec force, refusant de laisser échapper ce petit soupir délicieux de frustration que Nels faisait naître a là commissure de ses lippes. « Là. » Lennox ne put s’empêcher d’entourer le cou du jeune homme de ses bras, craignant de s’effondrer et où d’avoir trop peur au point d’en prendre la fuite sans demander son reste. Il n’avait jamais été beaucoup plus loin que quelques baisers et effleurements, rendant la situation beaucoup plus étrange pour lui que pour n’importe qui d’autre. Ce feu qu’il sentait gagner son bas-ventre sans qu’il ne puisse vraiment le retenir le faisait suer de détresse et d’affolement alors qu’il s’accrochait au monstre qui lui faisait cela. Comment ne pas aimer ce sentiment douloureux, malgré tout ? Mais il avait chaud, trop chaud, horrible chaud. Et cette main qui se posa sur sa joue ne fit qu’éveiller de nouveaux frissons qui le poussaient à se cambrer légèrement, incapable de demeurer éteint alors que leurs lèvres s’unissaient pour de bon. La fougue de Nels le laissait totalement coi, comme pétrifié de terreur. Alors que pourtant, il accueillant sa langue sans retenu. Mêlant sa salive à la sienne avec une ferveur qu’il connaissait peu. Soupirant dangereusement alors que les crocs de son partenaire venaient malmener sa lèvre inférieure. Quelle ne fut pas sa frustration lorsque le jeune homme rompit ce contact si pénétrant. « Pas si près. » Lennox grogna malgré lui alors que déjà Nels reparait à l’assaut de ses lèvres, visiblement dans le même état d’esprit embrumé d’envie qu’il l’était lui-même. Et il était tout bonnement incapable de lui résister, dévorant avec appétit cette saveur alcoolisée que les douces lèvres de son prétendant dégageaient.

Et ce fut au moment exact où il crut qu’il ne pourrait plus faire machine arrière que la situation se renversa. Littéralement. Lennox sentit le fauteuil basculé et alors qu’il aurait aimé pouvoir se retenir à quelque chose ou même se relever à temps, les mains de Nels accroché à ses hanches l’avait précipité dans la chute. Son corps s’écrasant conte celui de l’autre, sans véritable ménagement. Se rapprochement plus qu’inopiné lui remit la tête sur les épaules alors que violemment le rouge lui montait aux joues. Il disposa ses mains de part et d’autre du visage de l’autre et l’observa, silencieux, comme bloqué sur place alors qu’il avait essayé de se relever. « Ça le fait, si je te demande ton numéro? » La question lui sembla soudain insignifiante et presque ridicule. Voulait-il réellement le revoir ? Voulait-il à nouveau s’exposer à ce genre de comportement bizarre et… totalement en décalage avec ce que lui dictait sa tête ? Lennox sourit à son tour. De ces sourires mystérieux qui ne veulent rien dire et semble en total opposition avec la situation. « Ça le fait. » Il demeura ainsi, juste au dessus de lui, ses mains encadrant son visage. Le silence s’insinuant doucement alors qu’il fixait ses prunelles avec intensité. De l’une de ses mains il vient caresser la joue chaude du jeune fou qui devait supporter son poids et sourit tendrement. « Dis-moi, Nels, tu crois au destin ? » La question avait été posée avec malice alors qu’il glissa ses lèvres chaudes sur celles de l’étudiant. Les caressant du bout de sa langue avec une langueur et une décontraction feinte. Et se redressant un peu pour qu’il puisse voir ses prunelles le fixé avec une assurance désobligeante, il souffla : « Parce que si tu le veux, va falloir me retrouver. Enfin, tu peux toujours essayer de courir vite. Mais la tequila et toi, vous ne semblez pas faire bon ménage. » Il déposa un nouveau et très léger baiser sur ses lèvres avec une assurance et une tranquilité à toute épreuve, il se remettait sur ses guiboles légèrement tremblantes. Et sans même attendre de véritable réponse, il se dirigea vers l’entrée du bar, sourire aux lèvres. « Ah, et merci pour les verres. » se contenta-t-il d’articuler avant de franchir la porte.

« Ça le fait. » Conquis, rassuré de savoir qu'il aurait au moins droit à une nouvelle soirée passée en sa compagnie - ou bien la journée entière peut-être, et les trois qui allaient suivre! - Nels caressa avec délicatesse et sensualité le dos de celui qui l'écrasait sous son poids sans qu'il n'en ressente rien d'autre que la frustration de ne pas être seul avec lui. Qu'il aurait aimé goûter à la douceur de sa peau, à la cambrure de ses reins. Qu'il aurait aimé sentir cet être vibrer sous lui, ses caresses lui soutirer des frissons. Nels aurait bien fait abstraction de tout ce qui se trouvait autour de lui si seulement il avait eu la capacité physique et émotionnelle de se redresser suffisamment pour capturer de nouveau ces lèvres qui lui faisaient tant envie. À la place de quoi il se devait de rester silencieux et immobile alors que la main de son autre venait caresser sa joue et que lui-même frémissait à son contact sans parvenir à contrôler ses pulsions. Et si ... Non. Nels ne pouvait pas lui proposer de l'accompagner puisque Lennox lui avait laissé une chance de faire les choses dans les règles et de lui prouver à quel point il n'était pas l'enfoiré que ses actes laissaient révéler. Et si Nels ne se serait pas attardé à de tels détails, habituellement, même l'alcool ne pouvait pas effacer les mots qu'il avait prononcés, le sursis qu'il avait osé demander. Ce n'était pas grand chose, sans doute, mais c'était suffisant pour lui permettre de ne pas réagir davantage à cette main posée sur sa joue et à ce corps frémissant contre le sien. Pourtant, sa frustration était telle qu'il lui semblait impossible de rester là sans rien faire; son corps quémandait ses caresses, ses lèvres n'attendaient que les baisers du jeune homme et son bassin requérait le sien pour qu'enfin cesse le feu qui brûlait en lui.

« Dis-moi, Nels, tu crois au destin ? » Quoi? Le destin? Surpris alors qu'il ne s'était pas attendu à une telle question, Nels ne se fit pas prier pour répondre au baiser de Lennox, ses doigts faisant pression sur ses hanches afin de le rapprocher davantage de lui, la question s'étant évaporée aussi vite que le siège renversé l'avait projeté au sol, en bonne compagnie. « Parce que si tu le veux, va falloir me retrouver. Enfin, tu peux toujours essayer de courir vite. Mais la tequila et toi, vous ne semblez pas faire bon ménage. » Arquant un sourcil alors qu'il sentait qu'il lui échappait et qu'il allait bel et bien foutre le camp, Nels tenta de le retenir, cette fois, mais dut admettre que Lennox avait sans doute raison. Lorsqu'il parvint à se redresser, le jeune homme était déjà à plusieurs enjambées et Nels sentit les effets de l'alcool le tourmenter alors que l'autre petit con le remerciait pour les verres, disparaissant de l'autre côté de la porte. Il demeura immobile jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il n'avait aucun numéro de téléphone et qu'il ne pourrait visiblement jamais le retrouver. Arrowsic était petit, c'est vrai, mais l'autre semblait être suffisamment doué pour jouer à la souris et Nels n'avait pas envie de rêver de lui tous les soirs sans jamais pouvoir l'attraper réellement. « Putain, fait chier. » Il s'était remis sur ses pieds avec difficulté et fouilla dans la poche de sa veste pour en sortir un billet de vingt dollars qu'il posa sur la table, près des verres vides qu'ils avaient consommé, avant de partir à la recherche de Lennox, secoué. Il bouscula plusieurs personnes sur son passage, mais s'excusa vivement en levant les bras en signe de pardon, se dirigeant vers la porte d'un mouvement plus ou moins aléatoire. Lorsqu'il parvint à l'atteindre et que l'air frais de la nuit lui fouetta le visage, il sembla dégriser en moins de deux secondes et y vit plus clair malgré l'éblouissement provoqué par les phares des voitures et les lumières de la rue. Fermant les yeux une poignée de secondes afin de reprendre contenance, ce ne fut que lorsqu'il ouvrit les paupières qu'il put chercher du regard celui qui lui avait fait faux bond, le trouvant non loin qui marchait en direction d'il ne savait où. Soupirant d'aise avant de s'élancer à sa poursuite d'une démarche qu'il aurait voulue ferme et assurée, mais qui s'avérait certainement chancelante, il ne put que le pousser et le plaquer contre le mur lorsque ce dernier fut à sa hauteur. Les yeux rivés sur les lèvres de Lennox, il ne put s'empêcher d'y goûter une nouvelle fois, posant ses mains de chaque côté du jeune homme pour l'emprisonner entre ses bras et ne lui laisser aucune porte de sortie.

« Un. » débuta-t-il entre deux baisers avant de poursuivre, appuyant son front contre le sien. « Je crois au destin. » avoua-t-il non sans coincer le corps de l'autre contre le sien, refusant une nouvelle tentative de fuite. « Deux. La tequila, c'est la vie. » précisa-t-il sérieusement alors que son regard ne le lâchait plus et qu'il glissait un doigt sur la lèvre de Lennox pour empêcher ce dernier de parler - ou peut-être était-ce plutôt pour se contenir davantage et ne pas céder à la tentation? - lui laissant ainsi un goût amer en bouche alors qu'il s'était privé d'un baiser qu'il désirait ardemment. « Trois. Je n'ai toujours pas ton numéro. » laissa-t-il tomber en un souffle alcoolisé alors que ses coudes se resserraient contre le mur, emprisonnant davantage le beau brun contre lui alors que l'alcool ne faisait qu'empirer cette sensation de chaleur qui le submergeait sans même que la brise ne puisse calmer un tant soit peu ses ardeurs. « Je pense le mériter, non? À moins que tu n'aies pas envie de me revoir. » affirma-t-il, soucieux de connaître la réponse à cette question bien qu'il puisse quasiment être persuadé de l'issue du match. Lennox ne lui avait pas semblé indifférent à ses caresses - et surtout pas à ses baisers - ce qui laissait présager qu'il ne serait sans doute pas contre une prochaine rencontre. Néanmoins, Nels avait l'impression de ne jamais savoir, avec lui, et même si cette possibilité l'effrayait, il l'appréciait d'autant plus.

Il accueillit l’air frais du dehors comme un retour à la réalité. Sentant ce froid lui caresser les joues rougies par la honte, l’envie et autres variations de son humeur embrumée. Ses deux pieds encrés dans le sol, il réalisait combien tout ce qu’il venait de vivre était à la fois trop fou pour être vrai et trop parfait pour vouloir y renoncer. Il n’avait jamais vécu de moment aussi fort et doux à la fois. Aussi plaisant que déstabilisant. C’était nouveau pour lui, tellement différent de ce qu’il avait déjà vécu. S’il ne revoyait jamais Nels, il serait toujours coincé quelque part dans un tiroir de sa mémoire. Il figurerait dans les meilleurs souvenirs de sa vie. Et même s’il n’avait pas encore tout vu et tout vécu, il pouvait parier que ce serait même LE meilleur. Parce qu’il ne s’était jamais sentit aussi vivant, vibrant, et animé de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres. Un sourire vint étirer ses lèvres alors qu’il se mit en marche, pressant le pas sans chercher à fuir. Quelque part en lui, résonnait encore les paroles échangées. Et dans un geste significatif, il caressa ses lèvres du bout des doigts, sentant encore la chaleur de celles de l’autre. Lennox regrettait d’avoir pris cette décision absurde. Rien ne lui garantissait qu’ils puissent se revoir un jour. Ils vivaient dans une petite ville et les lieux de rencontres n’était pas nombreux mais… Aurait-il seulement le cran d’aller voir le monde en sachant que, peut-être, quelqu’un l’attendait quelque part ? La question le hantait malgré lui. Alors, lui si peut croyant d’ordinaire, se mit presque instantanément à prier une force supérieure de ne pas lui faire ça. De ne pas avoir perdu l’occasion de connaître quelque chose. Certes, il ne pouvait pas deviner ce qu’il se passerait entre eux s’ils étaient amenés à se revoir, mais l’espoir faisait palpiter son cœur avec ferveur. Il passa une main dans ses cheveux, rêvant de les arracher pour se punir d’une telle idée. Le destin. Il fallait être fou pour laisser sa vie au destin. Ce truc un peu bizarre qui répond rarement aux demandes. Et pourtant, il l’avait fait. Et la tête lui tournait. Encore et encore. Il ne savait plus s’il s’agissait de l’alcool ou des regrets. Peut-être le mélange des deux. Mais la ville dansait la valse autour de lui, alors qu’il tanguait sur ses deux jambes.

Et la réponse à sa prière ne se fit guère attendre. Il se sentit poussé et plaqué contre le mur sans avoir la moindre force pour résister à cet assaut délicieux. Il sentit les lèvres de Nels prendre les siennes au dépourvu et y répondit avec toute la frustration qu’il ressentait de s’être fait prendre au piège si facilement. Peut-être que finalement, oui, il y avait quelque chose là-haut qui entendait ses prières. Et pour une raison tout à fait absurde, il repensa à son premier amour. Celui qu’une collision avait emporté. Pouvait-il être devenu une sorte d’ange gardien, ou quelque chose dans ce goût là ? Bien trop rationnel pour croire en des facéties de ce genre, Lennox chassa cette idée et l’image de Donald de son esprit. Mais quelque part au fond de son cœur, alors qu’il dévorait les lèvres de Nels, il ressentait une légère culpabilité. Comme lorsque l’on vit des moments que l’on ne mérite pas et qui ne nous appartiennent pas. Comme si quelque chose d’aussi fort et beau ne pouvait pas lui arriver. Parce qu’il avait décidé qu’il ne voulait pas du bonheur. Il avait choisi la vie. Il ne pouvait décemment pas avoir les deux. Pas vrai ? Mais le front de Nels se posant contre le sien et son corps qui se rapprochait sans cesse du sien ne l’aidait plus à discerner le vrai du faux. Les divagations de la réalité. « Un. Je crois au destin. » Lennox sourit, malgré lui. Tu crois en des choses bien trop futiles, Nels. Le destin, il ne savait que trop en pensé. Mais après, tout, pourquoi pas ? Les deux prunelles du jeune homme plongé dans les siennes le rendait fébrile, incapable de se concentrer réellement. « Deux. La tequila, c'est la vie. » Il voulut rétorquer, ouvrant la bouche pour lui faire remarquer combien c’était ridicule de penser cela. Mas le doigt de Nels se posant contre ses lèvres l’obligea à garder le silence. Alors que son corps était parcouru de centaine de milliers de frissons provoqués par le rapprochement chaleureux de leur anatomie respective. « Trois. Je n'ai toujours pas ton numéro. » A nouveau il sourit alors qu’il sentait l’étreinte se refermé sur lui. Avait-il peur qu’il s’échappe, encore ? Cette sensation était plaisante et étrange pour Lennox. Jamais personne ne s’était battu pour lui, d’une quelconque façon que ce soit. Et il avait l’impression que Nels avait fait cet effort, qu’il avait bravé l’alcool dans ses veines et peut-être même la flemme de se relever. Et il était là, devant lui, à quémander son numéro comme s’il en avait réellement envie. Immobile mais tremblant, Lennox ne pouvait lâcher ce regard fiévreux. Celui qui éveillait bien des supplices à son corps. « Je pense le mériter, non? À moins que tu n'aies pas envie de me revoir. » Son sourire s’estompa et son regard se perdit un instant. Il l’avait mérité, oui. Et il mourrait d’envie de le revoir mais…

Mais il ne savait pas comment se passait ce genre de chose. Si c’était normal. Si c’était comme cela que ça se faisait. À son tour, il posa son front contre celui de l’autre alors que ses doigts venaient effleurer ses lèvres pécheresses si délicieusement accueillantes. « Doucement, d’accord ? » Lennox ne voulait pas aller plus vite que la chanson. Il ne voulait pas passer du tout au rien en une fraction de seconde. Comme si une simple soirée faisait d’eux un… quelque chose. Il voulait le revoir, c’était certain, mais il craignait de faire tout de travers. Qu’au lever du jour, le lendemain, dégrisé, il ne serait plus qu’un plat souvenir pour ce beau brun. Ses doigts glissèrent alors le long de son torse, s’agrippant au tissu offert alors qu’avec délicatesse et douceur, il embrassa le jeune homme. Affolant ainsi son cœur déjà bien tourmenté. S’écartant avec difficulté, il fixa son regard dans celui de Nels. Toujours aussi subjugué par cette beauté incompréhensible. « Qui te dit que, demain, tu te souviendras de tout ça et que tu auras envie de me revoir ? Ce n’est qu’un rêve, Nels… » A ses yeux, ce n’était qu’un rêve. Quelque chose d’irréel. De beau certes, mais d’irréel. Parce qu’il n’était pas ce genre de gars de qui on s’entiche en une soirée et à qui on pense sans arrêt. Il n’était pas de ceux qui s’impriment dans votre peau à vous en faire mal si sa présence venait à vous manquer. Il n’était pas de ceux que l’on rappelle au lendemain d’une rencontre. Il vint enfuir son museau dans son cou. S’imprégnant de son parfum mêlé à l’odeur euphorisante de l’alcool. Serrant toujours plus ses phalanges sur son bout de tissu, refusant de le voir partir malgré tout. « Je n’ai pas de quoi noter. » souffla-t-il au creux de son cou, cherchant à le faire frissonner alors qu’il se pressait un peu plus contre lui. Lennox refusait de rompre ce moment, il refusait de tourner le dos une fois de plus. Pourtant, il avait le sentiment désagréable que tout cela n’était que de jolis mensonges que son esprit fabriquait avec l’aide de la tequila. Il mourrait d’envie de partir, de le planter là et de continuer son bout de chemin comme si tout cela n’avait jamais existé. Mais peut-être que c’était le destin après tout… Il laissa ses lèvres se perdre dans son cou, le parsemant de légers baisers envieux alors qu’il peinait pourtant à garder pour lui le feu ardent qui harassait son être. « Tu es un beau rêve. Mais je pense que les rêves ne se font que pour être rêvé, Nels… » Il n’avait pas la moindre idée d’où lui venait encore cette idée. Peut-être de cette culpabilité étroite qui l’habitait ? Il le repoussa doucement, laissant ses prunelles mirer les siennes. Comme s’il s’agissait de la dernière fois. Comme un adieu silencieux.

« Doucement, d’accord ? » Nels se mordit la lèvre alors que son corps se serrait davantage contre celui de Lennox à la recherche de cette proximité qui le faisait basculer en plein coeur du vice. Il n'aurait pas dû penser ainsi, Lennox avait raison et il aurait dû prendre son temps. Pourtant, il avait l'impression qu'ils avaient déjà perdu beaucoup trop de temps, comme si la vie ne les avait pas attendus, comme s'ils s'étaient trouvés bien trop tard déjà. Faisant néanmoins un effort surhumain pour calmer les battements de son coeur et se soumettre ainsi à la requête de son partenaire, Nels se raidit lorsque Lennox vint agripper sa chemise et que ses lèvres capitulaient en l'embrassant avec douceur. Comment pouvait-il aller doucement s'il faisait toujours ça? Comment pouvait-il ne pas s'emporter alors qu'il faisait tout pour? Franchement, c'était néronien de le forcer à demeurer de marbre face à cette nouvelle explosion de désir qui venait tout juste de l'envahir. Frémissant de rage contre ses lèvres alors qu'il refusait de lui laisser sous-entendre qu'il avait eu raison en le prenant pour un mec comme les autres, un mec qui ne recherchait qu'une bonne baise sans rien d'autre à côté, Nels avait toute la misère du monde à contrôler cette sensation de manque dès lors que tous deux étaient séparés plus de deux secondes et même s'il savait que l'alcool y jouait pour beaucoup en le rendant plus affectueux - à croire ici qu'on parle d'un chat et c'en est presque aberrant - il connaissait le type d'hommes qu'il aimait fréquenter et Lennox semblait appartenir à cette catégorie. Franchement, il ne voyait pas ce qui l'empêchait de lui dire qu'il lui plaisait et qu'il avait envie d'apprendre à le connaître davantage, d'autant plus qu'il n'avait rien à perdre. Arrowsic avait beau être une petite ville, sa réputation n'était plus à faire et ce n'était pas un râteau de plus qui allait changer la donne. On l'aimait bien, on le respectait à peu près et personne ne ferait attention à ce que son esprit embrumé d'alcool était parvenu à faire alors qu'il n'en avait que très peu conscience. Pourtant, ce n'était pas le genre de Nels de nier ses sentiments; lorsque quelqu'un lui plaisait, il le faisait savoir, d'une manière ou d'une autre. Là, avec Lennox, la situation était claire pour chacun d'entre eux étant donné qu'ils semblaient tous deux attirés par la personnalité contraire de celui qui leur faisait face, mais Nels ne parvenait pas à lui dire clairement qu'il n'avait pas envie de le voir s'éloigner, qu'il voulait qu'il reste là, tout près, son souffle au creux de son cou.

Les prunelles de Lennox fixèrent les siennes avec une profondeur qui aurait pu lui donner le tournis sans la moindre goutte d'alcool. Soutenant néanmoins son regard alors que ses doigts glissaient sur ses hanches et sous le tissu de son haut pour caresser délicatement sa peau dans un effleurement, il vit la difficulté que semblait représenter un tel recul, pour Lennox, et dut admettre que c'était partagé. « Qui te dit que, demain, tu te souviendras de tout ça et que tu auras envie de me revoir ? Ce n’est qu’un rêve, Nels… » Le souffle de Lennox dans son cou alors que son nez s'y était enfoui avec douceur suffit à le faire sombrer au coeur d'un rêve éveillé. Son parfum. Ses gestes. Ses mots ... Tout lui semblait tellement irréel, mais aussi tellement vrai. Nels déposa ses lèvres sur la tempe de son autre en un baiser silencieux alors qu'il desserrait légèrement son emprise sur le jeune homme, le laissant davantage respirer sans doute, sans néanmoins l'attirer contre lui, les yeux au beau milieu d'un océan d'étoiles. Quelque chose lui disait, dans les paroles et dans l'attitude de Lennox à son égard, que ce dernier n'était pas du genre à profiter des moments qui auraient pu lui apporter beaucoup de choses, peut-être. Croyait-il au coup de foudre? Croyait-il à l'amour véritable? Nels n'était pas vraiment sûr d'y croire non plus, mais il n'excluait jamais cette possibilité. C'était dommage de se dire qu'il pouvait passer à côté de quelque chose pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas eu le courage de le faire. « Je voudrais me réveiller avec toi, demain. Je peux pas oublier ça. » susurra-t-il à son oreille avant de laisser ses lèvres glisser sur sa peau, parsemant de baiser chaque parcelle qu'il pouvait atteindre. Bravo Nels, tu fais un pas en avant. « Je n’ai pas de quoi noter. » Les lèvres de Lennox dans son cou lui soutirèrent un râle mêlé d'envie et de protestation alors que c'était un moyen de plus - avec l'alcool - de lui faire perdre la tête. Fouillant dans la poche de son pantalon avec difficulté puisqu'il refusait de s'éloigner de celui qui faisait battre son coeur aussi rapidement, Nels parvint finalement à récupérer son téléphone et son corps se pressa avec fougue contre celui de Lennox, ses lèvres cherchant les siennes, mais ne faisant que les effleurer avant de glisser à son oreille, en un doux murmure, quelques mots. « Entre ton numéro là-dedans. Si je le fais, je risque d'appeler à Tombouctou, demain, tellement les chiffres n'auront aucun sens. » blagua-t-il avant de poser son téléphone au creux de la main de son autre.

Pourtant, les lèvres de Lennox ne cessèrent pas leur manège et les frissons qui parcoururent son corps entier auraient pu témoigner de l'effet qu'il lui faisait, sans doute aucun. « Tu es un beau rêve. Mais je pense que les rêves ne se font que pour être rêvés, Nels… » « Et bien c'est déjà mieux de rêver à deux. » laissa-t-il échapper en inclinant légèrement la tête vers l'arrière en fermant les yeux, profitant de la caresse des lèvres de Lennox contre la peau de son cou. Leibniz n'avait-il pas dit que le désir était l'inquiétude que ressentait un homme en lui-même lorsqu'une chose pouvant lui donner du plaisir était absente de sa vie? Si ces conneries de phrases que l'on pouvait toujours - souvent en tout cas - prendre dans les deux sens n'avait jamais vraiment intéressé Nels, Leibniz était l'un des philosophes avec lesquels il avait bien aimé travailler. Pas parce qu'il était toujours d'accord avec lui, non. C'était d'ailleurs impossible de n'avoir rien à redire sur la philosophie de certains personnages tant ils ne faisaient qu'utiliser la leur à toutes les sauces, sans jamais essayer de voir plus loin. Cette pensée l'avait marqué, toutefois, et il ne pouvait qu'avouer à quel point il avait eu littéralement raison, sur le coup. Il le désirait d'une telle force que le manque en lui seul semblait être un appel à la démence. Il se fit néanmoins violence pour s'éloigner de quelques pas et poser lui aussi son dos contre le mur froid du bâtiment, ce qui sembla rafraîchir un peu son corps endolori et meurtri par cette fièvre qui le laissait démuni et soucieux devant un sentiment qu'il n'avait plus vraiment connu depuis des années. Les yeux fermés alors qu'il appuyait sa tête contre le mur, Nels poussa un profond soupir afin de reprendre contenance. « Tu sais ce qui est bien avec le fait d'avoir la tête qui tourne? » demanda-t-il en ouvrant les paupières, temporairement aveuglé par les lumières de la rue. Il avait posé un regard amusé sur Lennox maintenant qu'il en était suffisamment éloigné pour se calmer un peu, laissant ses prunelles parcourir sa silhouette sans honte, sans subtilité aucune. « Je vois deux toi. Assez déstabilisant, mais ... Je ne m'en plaindrai pas. » murmura-t-il sans faire un geste, décidé à récupérer son téléphone et à le rappeler le lendemain, ou le surlendemain, lorsqu'il aurait les idées plus claires.

Comment expliquer ce qu’il ressentait ? Comment mettre des mots sur l’inconnu ? Lennox savourait ces retrouvailles avec un léger goût amer au creux de la gorge. Il avait peur, il était effrayé, pétrifié, littéralement endommagé. Depuis qu’il était en âge de comprendre les choses, un rien lui soufflait une peur démentielle et irrationnelle. Et cette rencontre étrange, ces baisers trop vite dispersés et ces mains bien trop baladeuses était quelque chose qu’il n’était pas sûr de pouvoir assumer. Nels lui plaisait. Plus qu’il n’aurait jamais pu le soupçonné, lui qui avait définitivement tiré un trait sur toutes sortes de relations ambigües et dangereuse. Il avait ce quelque chose en plus, un rien, peut-être un tout, qui faisait la différence et qui, d’une manière ou d’une autre, avait chaviré son cœur. Il trouvait cela grotesque, ridicule, insensé. Pour quelqu’un comme lui, ce genre de réaction physique ne trouvait de raison d’être que dans l’accomplissement d’une relation réelle. Ce qu’ils venaient de vivre, en un temps record, était trop étrange et attractif pour être véritablement vrai. Du moins, le voyait-il comme cela. Même les doigts lui caressant la peau à l’en faire frémir ne trouvait pas la grâce qu’ils méritaient à ses yeux. Il frissonnait de toute part, appréciait le moment, mais ça s’arrêtait là. Il n’avait pas le cran d’accepter davantage ou d’offrir davantage pour ce soir. Comme il se le répétait mentalement et comme il se plaisait à le penser ; tout ceci n’était qu’un songe. Quelque chose de relativement beau, quelque chose qui resterait à jamais graver à lui. Mais il n’avait pas le courage d’endurer cette présence encore et encore. Il refusait de s’écarter du jeune homme, refusait qu’il s’en aille et le laisse seul face au vide intersidéral qu’il ressentait au plus profond de son être. Mais rester là et endurer la douceur de ses caresses et la chaleur de ses lèvres alcoolisées, c’était trop. Trop pour une seule soirée. Trop peut-être même pour le reste de sa vie.

Mais il devait avouer que ce qui l’effrayait bien davantage, c’était que son bel inconnu l’oublie au petit réveil. Et si Lennox serait classé, oublié, rejeté dans les tréfonds de son esprit au point que tout cela n’ait compté que pour lui ? Il avait conscience que le corps de Nels contre le sien ne mentait pas. Conscience que ces prunelles ne le lâchait pas et que ses lèvres passaient leur temps à quémander les siennes. Mais tout cela ne voulait rien dire. Même le baiser rassurant qu’il posa sur sa tombe ne fit qu’alimenter ses déboires intérieurs. Combien de fois n’avait-il pas vu les prémisses d’une relation s’évaporer avant même d’avoir abouti à quelque chose ? Lennox observait la vie, les autres et il savait que tout cela ne serait peut-être rien de plus qu’une aventure d’un soir. Mais qui n’irait pas au-delà des limites du respectable, qui ne franchirait pas les barrières infranchissables et qui accepterait de n’avoir été qu’un effleurement de tendresse. Rien de plus, rien de moins. Mais la peur au creux de son ventre, si violente, si désarmante… Peu de chose aurait pu l’apaiser. Et pourtant. Il avait prononcé des mots que le cœur de Lennox avait attrapé au vol et cognant plus fort que jamais. « Je voudrais me réveiller avec toi, demain. Je peux pas oublier ça. » ce murmure à son oreille éveilla quelques papillons dans son ventre, et un sourire sur ses lèvres alors qu’il fermait les yeux aux contacts de ses lippes sur sa peau. Rien n’était plus délicieux que cette sensation de chaleur et d’enivrement. Rien n’était comparable à son parfum et à la douceur de ses baisers. Il était sous le charme. Définitivement et irrémédiablement sous le charme. Et cette phrase qui tournait en boucle dans sa tête. Il pria pour qu’il ne s’agisse pas d’un mensonge. Pria pour qu’un jour peut-être, la réponse à cette requête serait possible. Et malgré lui, malgré la crainte, il souffla timidement : « Peut-être pas demain… Mais un jour. » C’était une sorte de promesse qu’il faisait à lui-même comme à son autre. Une fois, peut-être, oui ! Ils pourraient… Lennox pensa les drôles de penser que son esprit lui imposait et se laissa le soin de réfléchir à une potentielle autre rencontre. L’appellerait-il s’il lui donnait son numéro ? Se souviendrait-il seulement qu’il le possédait ? Les questions étaient nombreuses, les réponses inexistantes. Mais c’était comme ça, la vie. Un peu de pile, un peu de face et que la chance tourne. L’effleurement de ses lèvres le fit grogner de frustration, incapable de refuser des baisers aussi délicieux que ceux de Nels. « Entre ton numéro là-dedans. Si je le fais, je risque d'appeler à Tombouctou, demain, tellement les chiffres n'auront aucun sens. » Lennox, chez qui les rires étaient rares, en laissa échappé un, amusé par les paroles irraisonnées de celui qui lui faisait face et se pressait contre lui avec une ardeur qu’il aurait réfréné sans y arriver. Il attrapa le téléphone et le serra entre ses doigts, ne pouvait résister à l’attrait de son cou et à l’odeur délicate de son parfum.

Et à nouveau cette idée de rêve qui s’imprégnait à lui, comme une lacération au cutter, comme une blessure béante qui refusait de se panser. Un rêve, un maudit rêve sans lendemain. « Et bien c'est déjà mieux de rêver à deux. » Peut-être… Peut-être pas. Il n’avait pas la moindre idée d’où tout cela le ménerait et si, dans le fond, il avait réellement envie de le faire. En une soirée, il avait fissuré son masque d’indifférence et il s’était trop fragilisé. Que penserait Nels de lui ? De ce qu’il était ? Et de son comportement contradictoire ? Il l’avait sommé de ne pas aller trop vite et pourtant, lui-même ne daignait pas calmer ses lèvres lorsqu’elles s’égaraient par mégardes. Il fut d’ailleurs frustré et soulagé de voir que Nels prenait la décision de s’écarter. Et tout deux purent enfin respirer. Lennox ressentait pourtant un vide intérieur si désagréable et inhumain, que de sa main libre, il attrapa celle du jeune homme et la pressa entre ses doigts envieux. « Tu sais ce qui est bien avec le fait d'avoir la tête qui tourne? » « Dis-moi. » demanda-t-il dans un souffle, alors qu’il tournait la tête vers lui pour capturer ses prunelles dans les siennes. Il accepta sans rechigner le regard de son autre, un léger sourire mutin accroché aux lèvres. « Je vois deux toi. Assez déstabilisant, mais ... Je ne m'en plaindrai pas. » A nouveau, et sans contrainte, Lennox laissa échapper un léger rire. « Tu divagues, mon beau. » n’avait-il pu s’empêcher de rétorquer. Deux lui… C’était un peu dramatique, comme situation. Autant dire que cela ne le rassurait pas vraiment quand à un hypothétique appel futur… S’il avait suffisamment bu pour voir double, il avait suffisamment pour oublier. Malgré tout, il porta ses yeux sur l’écran du téléphone et nota son numéro qu’il enregistra dans la mémoire. Au moment d’insérer son nom, un léger sourire énigmatique lui traversa le visage alors qu’il nota ‘oublie pas’. Pas de Lennox, ni rien. Il voulait juste qu’il s’en souvienne. Il se décolla alors du moment, refusant de lâcher la main qu’il avait entre les siennes. Il se colla étroitement à son beau prétendant et glissa son portable dans la poche de son jean. Il déposa un léger baiser sur sa joue avant de relâcher l’emprise qu’il avait sur ses doigts. « On se voit plus tard, alors ? » Lennox offrit un dernier sourire et avec la ferme attention de ne pas faire machine arrière, il marcha droite devant lui. des souvenirs pleins la tête, et un torrent délicieux le dévorant de l’intérieur.