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 Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie

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MessageSujet: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyDim 6 Mai - 12:54


‘ CLAP CLIP CLAP ’
petite pluie d'avril tombe du ciel en jolis diamants
{ Abbey & Helena }

Les embruns caressaient les joues d'Helena alors qu'elle déambulait dans la luzerne. Faire une longue promenade était son seul plan de la journée. Enfermée dans sa chambre, face à une pile de travail et de tracas qui ne cessaient de lui revenir en tête, elle avait décidé de tout envoyer bouler et que la meilleure chose qu'elle avait à faire était d'aller prendre l'air. Plus le temps passait et plus elle se félicitait d'avoir pris cette décision. Elle ne pensait plus à rien si ce n'était à mettre un pied devant l'autre, respirer le parfum des fleurs qui éclosaient timidement — quelqu'un devait avoir planté du lilas non loin de là — et laisser ses yeux glisser sur le paysage. Ils s'accrochaient de temps en temps ici ou là et Helena se souvenait : c'était à cet endroit qu'elle avait trouvé puis recueilli un oiseau tombé du nid, qu'elle s'était écorché le genou, qu'elle faisait des concours de roulades. Impossible pour elle en revanche de remettre des noms et des visages sur ses petits camarades de jeux de l'époque. Peut-être cela valait-il mieux. Dieu seul savait ce qu'ils étaient devenus. Elle aurait pu les détester si elle les avait revus aujourd'hui.
L'air était frais mais agréable. Le temps n'était pas du genre à attirer les familles hors de chez elles pour profiter du soleil. La jeune fille était heureuse de ne croiser personne sur son chemin, elle avait l'impression d'avoir Arrowsic pour elle toute seule. C'était son royaume, elle était la princesse, ses sujets étaient lapins, fourmis, fleurs et lacs. Depuis qu'elle avait commencé sa marche, elle avait soigneusement évité tous les endroits qui auraient été susceptibles de lui rappeler le prince charmant. Elle ne voulait penser qu'à son Arrowsic natal.. envolés Rudy et les petits Australiens ! Que le vent les emporte. Pour au moins une journée. Elle n'en pouvait plus des ces fantômes qui hantaient son esprit. Si encore elle avait pu agir, faire quoi que ce soit pour que les choses changent... mais non, elle ne pouvait que se morfondre et cela l'agaçait au plus haut point.

Elle ne s'aperçut pas tout de suite que le ciel virait au gris, que les nuages se faisaient menaçants. Elle continuait juste à avancer, sans écouter ses jambes qui se plaignaient de la fatigue. Elle ignora la goutte d'eau qui lui tomba malicieusement sur le bout du nez. Elle trouva revigorante la bruine qui lui humidifia le visage. Elle fut nettement plus embêtée par l'averse qui suivit. Une pluie diluvienne s'abattit subitement sur elle. Elle commença par rire de son imprévoyance qui l'avait fait quitter le domicile sans même emporter d'imperméable mais, rapidement, elle se mit à ronchonner et maudire cette eau grossière qui s'insinuait partout. Elle commença à courir, envoyant des éclats de boue orner ses fins mollets. Ses cheveux dégoulinaient. Sa vue était troublée par les filets de flotte qui coulaient sur son visage. Bientôt, un phare se profila à l'horizon. Elle y vit un abri tout à fait convenable pour attendre la fin du déluge. Elle accéléra sa course, glissa plusieurs fois, manquant de peu de s'étaler violemment dans la gadoue.

Quand, enfin, elle arriva devant la bâtisse, elle poussa la lourde porte et constata avec joie qu'elle était ouverte. Le constat des dégâts ne fut pas long à établir : pas un centimètre carré de son corps n'avait été épargné, elle était tout simplement trempée de la tête aux pieds. Le mascara — qu'elle se maudit d'avoir mis — coulait le long de ses joues, ses jambes étaient brunes de terre et sa tignasse plaquée sur son crâne. Au moins, personne n'était là pour admirer le carnage... Personne ? Vraiment ? En jetant un regard circulaire, elle aperçut une chevelure claire perlée de gouttes de pluie. Cette silhouette lui était familière.
« Abbey ? » s'enquit-elle, à bout de souffle suite à sa course effrénée.

Elle n'eut pas vraiment besoin d'attendre une réponse pour deviner qu'elle avait vu juste. Abbey, c'était une fille qu'elle avait croisée un bout de temps plus tôt, à Arrowsic. Elle ne savait pas pourquoi mais une étrange impression de déjà vu s'était alors emparée d'elle. Après un prétexte futile pour aller lui parler, elle avait réussi à se rapprocher d'elle. Il y avait quelque chose qui touchait Helena chez la blondinette. Une sorte de mystérieuse ambivalence émanait d'elle, à la fois forte et fragile. Dans ses yeux d'un bleu étonnamment clair se devinait un océan de secrets bien gardés. En la regardant, on devinait qu'elle avait un sens aigu de la mode. Même lorsqu'elle semblait habillé de façon désinvolte, son style frappait. Elle aurait pu donner une bonne leçon de classe à toutes les amies de Mme Van Dijck qui, pourtant, ne manquaient ni d'expérience ni d'argent. Abbey était inspirante. Abbey était intrigante. Abbey était attachante. Helena aurait voulu la bombarder de questions mais elle se contentait d'apprendre à la connaître, petit à petit. Elle avait peur de l'effrayer, comme un animal sauvage qu'on approcherait trop vite. Helena était heureuse de se retrouver dans ce phare avec elle, quitte à être coincée par l'averse, autant que ce soit avec une personne aussi agréable. « Un temps idéal, pas vrai ? Comment est-ce que tu t'es retrouvée ici, toi ? » lui lança-t-elle avec un sourire mi-ironique mi-amusé.
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Aaron Lawford
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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyMer 9 Mai - 20:42

Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie 60272988H2 Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie 33953050H1
"our destiny is frequently met in the very paths we take to avoid it."


C’était une journée des plus banales. C’était une de ces journées où on se levait en sachant que rien d’extraordinaire n’allait se passer. Une de ces journées gaspillée à aller travailler comme une machine, à aller chercher ses enfants à l’école, à faire la cuisine, le ménage. Une de ces journées calme que la plupart appréciaient ici. Les commerçants comme d’habitude, s’étaient réveillés de bonne heure, même s’ils savaient pertinemment que les clients n’arriveraient que dans une heure seulement. Le facteur roulait sur son vélo qui était cassé depuis quelques semaines, et envoyait les journaux devant le seuil des maisons d’un mouvement répété et sec. Un chien se promenait dans la rue et aboyait sur les passants qui venaient de sortir de leur lit. Les matins à Arrowsic étaient doux et frais. Les matins à Arrowsic étaient rafraichissants et agréables. Derrière les maisons le soleil commençait à pointer le bout de son nez, et bientôt les enfants se réveilleraient pour aller à l’école, et bientôt les rues se rempliraient petit à petit. En attendant, je profitai de la ville qui était presque déserte. Un léger vent me caressait les épaules. Je remis alors ma veste correctement, et laissai les premiers rayons de soleil se poser sur mon visage. Certains gâchaient leur temps à dormir paisiblement, dans leur lit douillet et confortable. D’autres étaient probablement en train de regarder une stupide émission à la télévision, en mangeant des céréales. Et moi, je m’estimais extrêmement chanceuse, car au lieu d’user mon temps à ne rien faire, je pouvais profiter de cette incroyable vue qui illuminait mes yeux encore endoloris par la fatigue. C’était d’une beauté simple et extraordinaire. C’était ce paysage magnifique qui nous entourait tous, mais qui était ignorés de beaucoup. Trop souvent, on ne faisait pas attention au monde, et on passait sûrement à côté de choses magiques. Pour cette raison, je me délectais de chaque détail dans la très jolie ville d’Arrowsic, et ainsi chaque morceau de terre me paraissait fabuleux. Finalement, je jetai un dernier regard sur le lever du soleil, scrutai ma montre et accélérai le pas pour me rendre au Muffy’s.

J’avais pris l’habitude d’arriver quelques minutes plus tôt, pour échanger quelques mots avec mes collègues avant de travailler. Même si je n’étais pas extrêmement proches de ceux-ci, j’aimais rester en bons termes avec eux. La propriétaire du bâtiment me salua furtivement, et je filai me changer dans les vestiaires. Ça n’allait pas être une journée particulièrement mouvementée, mais cela ne me dérangeait pas. Les gens étaient tous occupés à travailler, et ils n’avaient pas le temps de s’arrêter ici. Il y aurait sûrement madame Spencer qui allait venir comme tous les matins pour déguster son pancake, et elle allait rester des heures ici. Cette dame me faisait penser à moi, mais en plus vieille, et je me demandais si j’allais finir comme elle : dans la solitude. C’était sûrement ce que je redoutais le plus pour le futur, mais je ne voulais pas y penser. Comme prévu le service fut bien calme, et à 14h ma journée fut libérée. Et maintenant ? Que pouvais-je bien faire ? Parfois je passais mes journées à penser, à marcher, sans destination particulière. Parfois j’avais l’impression d’être une pauvre vagabonde, fragile et instable.

Lentement, je me décidai à me rendre aux deux vieux phares d’Arrowsic. Je ne connaissais pas énormément de choses à propos de l’histoire de la ville, mais il me semblait que ces deux phares avaient été l’une des premières choses construites ici. Ils étaient très vieux, et on devinait qu’ils avaient été utilisés pendant un temps. Ils avaient permis à beaucoup de retrouver le chemin de la maison. Maintenant ce n’était plus que des antiquités que personne ne prenait la peine de voir. C’était honteux, mais c’était ainsi. Je m’assis sur l’herbe et contemplai la mer qui s’évadait au loin. La dernière fois que j’étais venue ici, c’était en présence de Louanne, une fille assez particulière avec qui je m’étais liée d’amitié, malgré nos passés respectifs. Je n’avais plus de nouvelles d’elle à présent, et j’en étais désolé. Mais me rattacher à elle me paraissait trop dangereux. Je ne pouvais pas me permettre de tenir à quelqu’un, si cela signifiait que j’allais le perdre. Alors je l’avais laissée partir, sans rien dire. Et puis il y a longtemps, j’étais venue avec Stanley, ici. Nous nous étions échangés des baisers passionnés. Ça avait été notre nuit. Notre nuit à nous. Une des plus extraordinaires nuits que j’avais pu connaitre dans toute ma vie. Stanley m’avait marqué. Il s’était encré sur ma peau. Il n’était pas comme les autres. Parfois je pensais à lui, secrètement. Je me demandais ce que je ferai s’il reviendrait ici, à Arrowsic, maintenant que Muse n’était plus là. Je me demandais s’il pensait à moi, parfois. C’était stupide. Il n'y avait toujours eu que Muse. Je n’étais que la roue de secours. Je laissai échapper un soupir de ma bouche. J’avais connu tellement de gens. Je m’étais attachée à eux. Mais beaucoup d’entre eux étaient partis. Pourquoi ?

Je fermai les yeux, un peu mélancolique. Le vent dansait autour de moi, silencieusement. C’est là que je sentis une goutte se poser sur mon nez. Puis deux. Puis trois. Puis une dizaine. Cela se passa vite, trop vite. Le ciel s’était assombri, et le soleil de ce matin avait disparu. Les gouttes d’eau tombaient de plus en plus et se déferlaient dans tous les sens. Je mis quelques minutes à comprendre qu’une averse venait de naitre, et sans plus attendre, je courus sous l’un des deux phares pour m’abriter. Soulagée d’être à l’abri, je refermai ma veste un peu trempée. J’avais réussi à me faufiler à temps, mais mes cheveux étaient complètement humidifiés. Il faisait froid dans la bâtisse. Un peu trop froid d’ailleurs. Je croisai les bras autour de mon torse, tentant de me réchauffer, sans succès. J’espérais seulement que cette averse n’allait pas s'éterniser.

Et puis quelques minutes après, j’entendis une chaleur humaine s’immiscer rapidement dans le phare. Je me retournai alors, et découvrit le visage trempé de Helena. « Abbey ? » dit-elle, essoufflée. Je la regardai d’un regard tendre, un peu amusée de la situation je devais l'admettre. « Oui, c’est bien moi. Un peu transformée par cette maudite pluie certes, mais c’est bien moi. » J’esquissai un léger sourire, essayant d’être agréable. Je ne connaissais pas énormément Helena. Elle n’était qu’une fille, qui cherchait à en savoir plus sur moi, je l’avais compris. Mais malgré toutes les interrogations que je me posais sur elle, je la trouvais tout de même sympathique. J’avançai lentement vers elle, et constatai que son mascara avait coulé. La pluie ne l’avait vraiment pas ratée. « Un temps idéal, pas vrai ? Comment est-ce que tu t'es retrouvée ici, toi ? » « Magnifique je dirais même. Et bien disons que ça m’apprendra à me balader sans savoir où je vais. » J’haussai les épaules. J’avais toujours été insouciante. Ça me collait à la peau depuis bien des années. « Et toi ? » demandais-je, sur le ton de la curiosité. Je la regardai, et je remarquai qu’elle ne portait qu’une simple robe. Déjà que j’avais froid avec ma veste, je n’osais même pas imaginer l’état dans lequel elle pouvait se trouver. « Ce qui est sûr, c’est que cette pluie ne nous a pas épargnées. Regarde-nous, on dirait des pauvres labradors ! » Un petit rire résonna dans le bâtiment. Je dégageai mes cheveux sur le côté et tentai de les essorer avec mes mains, laissant des fines gouttelettes clapoter sur le sol. « J’espère que ça ne va pas durer trop longtemps. Il faisait pourtant si beau ce matin. » dis-je, d’une mine boudeuse. Cependant, quelque chose me disait que ça n’était pas prêt de se terminer. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas plu autant, il fallait donc bien que cela arrive un jour. Le point positif dans tout ça c'est que je n’étais pas complètement seule pour cette fois.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyLun 14 Mai - 22:02

Le débarquement soudain d'Helena n'eut pas l'air de déranger Abbey. Sa présence sembla même l'amuser un peu. Oh, elle avait de quoi se moquer d'elle avec son air perdu de petit chien mouillé surpris par l'averse. Mais elle ne fit aucune remarque sur sa dégaine peu glorieuse. Helena lui sourit quand elle confirma son identité et s'avança afin d'établir une distance convenable pour avoir une conversation. Elle était donc d'accord pour converser, aucun des signaux qu'elle envoyait ne signifiait Laisse-moi donc tranquille sale petite curieuse. Je préfère sécher dans mon coin, en paix, plutôt que de parler avec toi, c'était bon signe.

« Magnifique je dirais même. Et bien disons que ça m’apprendra à me balader sans savoir où je vais. » Ainsi elle était du genre à errer sans but précis. Cela n'étonna pas tellement Helena. Elle voyait bien en Abbey ce personnage rêveur aux accents de douce et légère folie qui allait où le vent le portait, sans se poser de questions. Quand elle lui demanda ce qu'il en était pour elle, la réponse qui sortit de ses lèvres fut sincère bien qu'un peu évasive. « Je n'ai encore rien trouvé de mieux qu'une balade à Arrowsic pour se changer les idées. » Elle n'avait pas envie de parler de sa vie, elle ne voulait pas penser à tout ce qui était arrivé dernièrement. C'était elle qui brûlait de procéder à l'interrogatoire… mais du côté inspecteur, pas du côté du suspect. Elle pensait à passer à l'offensive quand sa compagne d'infortune enchaîna « Ce qui est sûr, c’est que cette pluie ne nous a pas épargnées. Regarde-nous, on dirait des pauvres labradors ! » Son rire envahit la pièce circulaire, tintant comme une clochette au cou d'un chaton. Ce fut de bon coeur que celui d'Helena suivit, moins délicat mais néanmoins sincère. Il était vrai que l'aspect des filles faisait un peu peine à voir. Nul doute que si elles avaient effectivement été des labradors elles auraient été recueillies sans tarder par une mamy gâteau qui les aurait séchés et leur aurait offert un bel os à moelle pour les consoler de leur infortune. Malheureusement pour elle, les personnes qui ouvraient leur porte à deux jeunes femmes à l'air un peu piteux avaient généralement des intentions aussi charitables que celles des gentilles grand-mères. Elles allaient donc devoir se débrouiller toutes seules. Abbey s'était déjà attelée à la tâche en essorant sa chevelure. Helena l'imita en ajoutant « Mais un labrador n'aurait qu'à s'ébrouer. Ca risque de ne pas être suffisant pour nous. » ce disant, elle ôta son gilet et le tordit de toutes ses forces pour en chasser des fins filets d'eau. Elle recommença l'opération plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus rien en tirer. Alors elle le posa par terre et fit de même avec ses jupes, d'un côté, puis de l'autre. C'était moins efficace puisqu'elle n'allait tout de même pas enlever sa robe à cet endroit, ç'aurait été indécent. Elle se saisit ensuite d'un des élastiques qui ornait ses poignets et tira sa chevelure plaquantes en arrière, attrapant toutes les mèches qui s'étaient collées à son visage et lui donnaient l'air un peu folle. Un petit chignon décontracté vint prendre place dans le creux de sa nuque. Cela fait, elle tendit son bras à Abbey d'un air aimable afin qu'elle puisse se servir si elle aussi désirer attacher ses cheveux mouillés. Pour être honnête, elle espéra tout de même qu'elle avait des chances de récupérer son bien à la fin de leur échange. Elle avait un peu de mal à prêter ses affaires mais n'en ferait pas tout un plat cette fois-ci parce qu'au fond, eh bien, ce n'était qu'un élastique. Elle se força à penser que ce ne serait pas grave si Abbey partait avec. Elle n'aurait qu'à en racheter.


« J’espère que ça ne va pas durer trop longtemps. Il faisait pourtant si beau ce matin. » Helena jeta un coup d'oeil au dehors et son air s'assombri. On n'y voyait plus à dix mètres devant soi tant les quantités d'eau qui tombaient du ciel étaient impressionnantes. On apercevait à peine la mer, quelques mètres plus loin, agitée par les vagues que le vent s'amusait à créer. Tout ça faisait vraiment beaucoup d'eau. Cela donna le vertige à la jeune fille qui eut subitement une pensée compatissante envers Noé et les habitants de sa célèbre arche. Mais ici, nulle trace de colombe, l'averse ne semblait pas prête à s'arrêter. Au contraire, elle avait l'air de s'être préparée pendant longtemps pour leur livrer la plus longue performance possible. « Oui, c'est dommage. J'imagine que tu travaillais et que tu n'as pas dû beaucoup en profiter, pas vrai ? Pfff j'ai l'impression que ça va encore durer un certain temps… » Elle savait qu'Abbey travaillait dans un café mais sans plus. Elle espérait glaner une anecdote de boulot ou l'autre en glissant une allusion dessus dans sa tirade.
Un autre regard au paysage – au cas où, par miracle, le temps se serait calmé en quelques secondes – arracha un air tendre au visage de d'Helena. Sans savoir pourquoi elle ajouta « Je me souviens de quand j'étais petite. Je venais jouer ici.. Je dévalais la pente là-bas et je faisais semblant de pêcher avec un bout de bois, de ce côté… et je me demandais pourquoi je n'attrapais rien. Evidemment, personne ne m'a jamais dit d'y mettre un hameçon et un appât. » Elle décida que le moment était venu d'attaquer. Elle donnait une information, elle avait le droit d'en demander une. C'était comme ça que ça marchait, non ? « Tu habitais déjà ici quand tu étais enfant ? »

En se tournant vers elle pour lui poser sa question, Helena avait remarqué un détail familier par-dessus son épaule. Les escaliers occupaient la majeure partie de l'espace présent au rez-de-chaussée du phare, elle n'avait pas pu ne pas les remarquer. Seulement, elle ne leur avait donné une signification qu'à cet instant précis. Elle s'avança vers eux et passa sa tête dans la cage d'escaliers pour les observer « Et je me faisais gronder parce que je courais là-dedans. Wouaw, c'est tout de même haut ! » Ceux qui disent que les gens ne gardent pas de souvenirs de leur petite enfance ne sont que des crétins amnésiques qui prennent leur cas pour une généralité. Il était vrai que la petite Van Dijck avait dû quitter son royaume assez tôt mais elle y avait vécu tant d'aventures merveilleuses pour une petite fille qu'elle n'aurait pas pu l'oublier.
Les yeux pétillants de malice, elle se tourna vers sa compagne « Tu crois qu'on peut monter ? » La perspective d'explorer la vieille bâtisse et de pouvoir admirer la mer en proie au mauvais temps plaisait à Helena. Cela dit, elle n'aurait pas osé y aller toute seule. Ne risquaient-elle pas les ennuis ? Elle en avait eu un nombre inhabituellement élevé ces derniers temps, ce qui la rendait méfiante, presque couarde. Après tout, elle ne savait même pas si quelqu'un habitait toujours dans ce phare ou si on l'entretenait juste pour préserver le patrimoine de la petite ville…

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Aaron Lawford
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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyMar 15 Mai - 0:06

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"our destiny is frequently met in the very paths we take to avoid it."


L’ancien bâtiment n’étant pas chauffé, je pouvais sentir les premiers signes du froid venir me pétrifier les bras. J’avais froid, trop froid. Ma veste me semblait être inutile. Fichu temps. « Je n'ai encore rien trouvé de mieux qu'une balade à Arrowsic pour se changer les idées. » J’acquiesçai d’un signe de tête accompagné d’un sourire timide. Cette fille, Helena, me ressemblait en certains points, et c’était un peu déconcertant, c’est vrai. Moi qui ne voulais pas me rapprocher de cette jeune brune, certains éléments venaient tout chambouler pour m’ébranler, pour me charmer, à ma grande surprise. J’éprouvais une certaine sympathie pour les personnes qui étaient en contact avec la nature, qui appréciaient les merveilles de la vie sans ruminer. Avec ses douces paroles, Helena me donnait l’impression qu’elle faisait partie de ces gens-là. Et inévitablement, elle faisait pencher la balance en sa faveur. « Mais un labrador n'aurait qu'à s'ébrouer. Ca risque de ne pas être suffisant pour nous. » « Effectivement. » dis-je, en levant légèrement les sourcils. Et fragile comme j’étais, je n’allais pas tarder à tomber malade. La prochaine fois je penserai à regarder la météo avant de sortir comme une vagabonde. Je regardai alors Helena qui essorait tant bien que mal son gilet. Je voulus faire de même avec ma veste, mais cela allait être une tâche plus difficile. J’abandonnai donc l’idée et me contentai de la regarder faire. Elle me tendit ensuite son bras d’un élan de gentillesse. Je souris. « Non merci, ça ira. Je préfère les laisser détachés, ils sécheront plus vite. » la rassurai-je d’un ton calme. De toute façon, je ne me voyais pas vraiment emprunter quelque chose à une fille que je connaissais à peine, aussi agréable soit-elle.

« Oui, c'est dommage. J'imagine que tu travaillais et que tu n'as pas dû beaucoup en profiter, pas vrai ? Pfff j'ai l'impression que ça va encore durer un certain temps… » Je ne me souvenais plus très bien si je lui avais déjà dit que je travaillais au Muffy’s. Elle devait certainement m'avoir aperçue là-bas ou peut-être l’avais-je informée sans trop m’attarder dessus. « Oui je travaille presque tous les jours au Muffy’s, donc dès que j’ai le temps de voir un peu de paysage je ne rate pas l’occasion. » Je haussai les épaules. Je n’avais pas eu de chances ce jour-là, voilà tout. Du moment qu’un ouragan ne s’abattait pas sur nos têtes, tout irait pour le mieux. J’écoutai les vives coulées de pluie frapper contre le sol dehors. Je me rendis compte que j’en étais venue à me dévoiler à cette fille sans le vouloir vraiment. Ce n’était pas des informations primordiales que je lui donnais, mais tout de même. Il fallait que je fasse plus attention si je voulais me tenir éloignée d’elle. « Oui, je suppose qu’on va devoir attendre ici. » dis-je, comme si c’était une fatalité. Je ne détestais pas Helena, bien sûr que non, mais je la trouvais un peu trop curieuse. J’imaginais qu’elle allait vouloir poser plein de questions, et que j’allais devoir lui répondre. Et cette fois-ci, je n’allais pas pouvoir m’enfuir. Je remarquai qu’elle jetait souvent des coup d’œil à l’extérieur pour voir si le temps se calmait, mais le bruit incessant sur les murs du phare laissaient présager que ce déluge allait durer plusieurs bonnes heures. « Je me souviens de quand j'étais petite. Je venais jouer ici.. Je dévalais la pente là-bas et je faisais semblant de pêcher avec un bout de bois, de ce côté… et je me demandais pourquoi je n'attrapais rien. Évidemment, personne ne m'a jamais dit d'y mettre un hameçon et un appât. » Envoutée par son récit d’enfance, je l’écoutai, silencieuse et attentive. Elle me rappelait tellement de bons souvenirs, tellement de bonnes choses que j’avais vécues à Arrowsic. Ce qu’elle me racontait me paraissait magique et fabuleux. J’étais certaine qu’elle avait été une enfant adorable. « Tu habitais déjà ici quand tu étais enfant ? » Je souris, encore un peu transportée par les souvenirs qu’elle venait de me faire partager. « Oui, j’ai toujours vécu ici. J’adore cette ville, de tout mon cœur. Il y a tellement de souvenirs encrés dans ces terres, c’est dingue. A chaque fois que je regarde un objet, un endroit, je m’y revois jouer ou rêvasser. » Je ne pouvais pas m’en empêcher : dès que je parlais de ma tendre enfance, je me laissais emportée. Complètement. « Parfois ça me manque. Souvent même. » Je laissai échapper un soupir. « J’ai quitté Arrowsic quand j’avais quinze ans, pour devenir mannequin. Mais un tas de choses se sont passées donc je suis rentrée ici, et c’est beaucoup mieux comme ça. » Je ne donnais pas de détails, et c’était parfaitement normal. Parler de New York, c’était toujours quelque chose de douloureux à faire. Et je ne voulais pas aborder le sujet une énième fois.

Je baissai la tête, n’osant pas croiser le regard de Helena. Je me demandais comment elle me voyait, ce qu’elle pensait de moi. Je me demandais aussi pourquoi elle s’intéressait autant à moi. J’avais pourtant l’impression d’être une figure pâle et effacée, la plupart du temps. Les gens me voyaient sans trop me voir, et je vivais tranquillement dans mon coin, sans demander l’aide de personne. Alors oui je me demandais bien en quoi Helena pouvait bien me trouver attrayante. « Et je me faisais gronder parce que je courais là-dedans. Wouaw, c'est tout de même haut ! » Un léger rire retentit dans l’atmosphère, et se dissipa sous les plaintes de l’averse. « En même temps c’était un phare, c’était fait pour voir les bateaux arriver au loin, donc je doute que les gardes côtiers auraient pu y arriver avec un bâtiment de deux mètres de haut. » On pouvait être un peu idiot et ignorant quand on était enfant, mais tout le monde trouvait ça adorable. Maintenant quand on vous trouvait idiot et ignorant, on vous regardait d’une façon étrange et on évitait de vous faire la conversation. « Tu crois qu'on peut monter ? » Je réfléchis un instant. « A moins que tu ne veuilles te retrouver avec un plâtre et avec une rhinopharyngite qui plus est, je ne te conseillerai pas de monter. » Je devinais ça déception dans ses yeux, alors je dis : « Cependant on peut toujours tenter le coup Dora l’exploratrice. » Tout de suite elle semblait plus emballée, et je ne pouvais pas lui en vouloir. C’est vrai que l’idée de monter tout en haut du vieux phare et voir Arrowsic dans toute sa splendeur me plaisait assez. Sans attendre, je la suivis sur les escaliers grinçants, laissant au passage des traces humides sur les marches. « J’espère que tu n’as pas le vertige. » Je m’agrippai à la rampe et fit attention à mes mouvements. Ce n’était pas vraiment le moment approprié pour se rendre à l’hôpital, avec ce temps infernal.
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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptySam 19 Mai - 22:09

Les barrières farouchement dressées par Abbey entre elle et Helena commençaient à s'abaisser. Assez étonnamment, des espèces d'ondes d'empathie semblaient s'échapper de la jolie blonde. Malgré cela, elle refusa l'élastique qui lui fut proposé. Peut-être ne se sentait-elle pas encore assez à l'aise ? Peut-être avait-elle senti la réticence que sa compagne dégoulinante avait tenté de refouler ? Car effectivement, la fourmi n'était pas prêteuse. Tout au long de sa croissance, elle s'était fait rabattre les oreilles avec des valeurs telles qu'amitié, partage, gratuité,… elle aurait beaucoup voulu être une de ces filles généreuses que tous appréciaient mais c'était plus fort qu'elle. Chaque fois, elle éprouvait un léger désagrément à laisser aller quelque chose qui lui appartenait. C'est justement parce que les dons d'Helena lui demandaient de faire un effort qu'ils avaient de la valeur. « Je préfère les laisser détachés, ils sécheront plus vite. » La fille aux cheveux attachés-qui-n'allaient-pas-sécher-rapidement hocha la tête. Ce qu'elle disait avait du sens mais, en ce qui la concernait, elle préférait qu'un ruisselet se forme dans sa nuque plutôt que de devoir chasser des mèches de ses yeux toutes les trente secondes ou de sentir ces tentacules visqueux se coller à son visage.

Abbey lui apprit qu'elle travaillait au Muffy's. Cela confirma ce que pensait Helena. Elle avait déjà cru l'y apercevoir. Une chevelure claire, une silhouette gracile et une démarche légère, ce n'était pas donné à tout le monde à Arrowsic. Pourtant, elle n'aurait pu jurer qu'il s'agissait vraiment d'elle. « On dirait que tu n'as pas eu beaucoup de chance… Mais le travail te plaît ? Les clients ne sont pas trop pénibles ? » Helena se rappelait que, quand elle était à McDonnell, certains garçons de sa classe passaient leur temps à essayer de se procurer de l'alcool en douce et allaient notamment rôder au Muffy's, en espérant tomber sur un nouveau serveur ne les connaissant pas ou un client sympathique. C'était un jeu un peu stupide mais ils n'avaient jamais rien fait de mal. Elle se demanda si les jeunes de dix-sept, dix-huit ans avaient toujours le même genre de passe-temps.
La serveuse parut résignée lorsqu'elle annonça qu'elles semblaient toutes les deux condamnées à attendre sur place. Helena lui jeta un regard étrange mais mit son intonation sur le compte du désespoir que provoquait la vision de ces trombes d'eau au dehors. Elle ne se vexerait que si l'expérience venait à se renouveler.

La brunette adopta un silence religieux lorsque Abbey répondit à sa question. « Oui, j’ai toujours vécu ici. J’adore cette ville, de tout mon cœur. Il y a tellement de souvenirs encrés dans ces terres, c’est dingue. A chaque fois que je regarde un objet, un endroit, je m’y revois jouer ou rêvasser. » Helena fut un peu étonnée d'apprendre qu'elle avait toujours vécu là. Elle ne se rappelait pas l'avoir jamais croisée. Peut-être quand elle était petite… elle avait du mal à se rappeler des personnes qu'elle avait côtoyées plus jeune. Cependant, ce qui la frappa fut autre chose. C'était exactement ce qu'elle-même faisait quand elle se promenait. Elle eut un sourire tendre. Se découvrir un tel point commun avec quelqu'un lui réchauffait un peu le coeur. Elle hocha la tête pour lui signifier qu'elle comprenait. Elle était persuadée que la plupart des gens n'auraient pas saisi son attachement à Arrowsic et le plaisir qu'elle avait à y déambuler. Ils étaient bien trop pressés, obsédés par le travail, le sport,… peu prenaient encore le temps d'interrompre leurs activités un moment et de partir faire un tour, pour simplement admirer ce que le monde avait à leur offrir, en dehors des murs étriqués de l'open space ou de leur maison, aussi vaste soit-elle. Il suffisait parfois de s'arrêter quelques secondes. Le temps de sentir le parfum d'une fleur de cerisier, la cueillir et la piquer dans ses cheveux, pour se rendre compte qu'après tout, la vie était toute simple. À la place, au moindre souci, on se payait un psy. La preuve que ces charlatans, se déclarant docteurs, étaient à la mode : ils étaient désormais deux à Arrowsic. Deux psychiatres pour un patelin paumé. Il devait y avoir beaucoup de pigeons dans cette petite ville pour que les affaires de Calaan et Johar fonctionnent. Chassant ces vicieux de son esprit, Helena se concentra à nouveau sur le récit alors que les lèvres d'Abbey laissaient échapper un soupir.
« J’ai quitté Arrowsic quand j’avais quinze ans, pour devenir mannequin. Mais un tas de choses se sont passées donc je suis rentrée ici, et c’est beaucoup mieux comme ça. » À ces mots, un voile était tombé sur le visage de la petite serveuse du Muffy's. Malgré sa curiosité et toutes les questions que cette déclaration soulevaient dans sa tête, Helena sentit que le sujet était sensible. Les cinq derniers mots de sa phrase voulaient tout dire ; elle n'avait pas envie d'en parler. Se rappelant de son expérience en Australie, l'ex militante acharnée se demanda si elle devrait lui dire qu'elle aussi était partie, deux fois, et revenue. Elle s'abstint. Tout cela était trop lié à Rudy. Or, elle ne voulait pas penser à lui. Il l'obsédait dès qu'elle était seule. Pendant quelques jours, elle avait passé son temps à guetter ses e-mails et ses sms. Elle n'avait eu aucune nouvelles. Mais maintenant qu'elle avait de la compagnie, elle voulait chasser le jeune homme de ses pensées. Elle repensa à ce que lui avait confié Abbey et dit simplement « Je suis sûre que tu devais être très douée. Mais c'est bien que tu sois revenue, on n'abandonne pas Arrowsic comme ça. » Elle eut un faible soupir qu'elle fit suivre d'un sourire qui se voulait rassurant. Le sujet New-York était clos pour elle.

Quand Helena fit remarquer la hauteur du bâtiment, Abbey lâcha « En même temps c’était un phare, c’était fait pour voir les bateaux arriver au loin, donc je doute que les gardes côtiers auraient pu y arriver avec un bâtiment de deux mètres de haut. » Elle eut la sensation que l'ex-mannequin se moquait ouvertement d'elle. Elle faillit se vexer mais se dit qu'au fond, la plaisanterie était fondée. Elle haussa les épaules. « Oui, c'est vrai. » Au moins, cette petite pique semblait signifier qu'elle s'était détendue. C'était plutôt bon signe.
La blondinette eut toutefois l'air assez réticente à l'idée de grimper les étages. Une pointe de déception barra le front de l'exploratrice en herbe. Peut-être fut-ce pour cette raison que les scrupules furent mis de côté et que les deux jeunes filles s'élancèrent à l'assaut du monstre de fer, autrement dit, de l'escalier en colimaçon.  « J’espère que tu n’as pas le vertige. » « Non, non. » affirma Helena le souffle un peu court, se tenant fermement à la rampe et évitant de regarder en bas malgré ce qu'elle venait de dire. En réalité, elle n'était pas très à son aise : l'averse avait rendu ses mains moites et elle craignait de temps en temps de glisser sur une marche. Pourtant, monter de plus en plus était grisant. Une fois l'ascension commencée, plus moyen de faire marche arrière, même si ses jambes s'ankylosaient au fur et à mesure qu'elle grimpait.
Elle finit par arriver dans une salle circulaire pourvue d'une gigantesque verrière contre laquelle tambourinait la pluie. Au milieu de la pièce, sur un piédestal, une énorme ampoule accompagnée d'un étrange dispositif électro-mécanique. Dédaignant l'appareil auquel elle ne comprenait pas grand chose, la jeune fille s'avança vers la vitre et resta clouée sur place. « Woaw » fut tout ce qu'elle parvint à souffler. D'ici, on pouvait voir à une distance assez incroyable. Helena scruta le paysage. La vaste étendue d'eau sombre et agitée à ses pieds, comme si elle avait eu le don de vie, la fascinait. Les yeux brillants, elle se tourna vers Abbey qui l'avait suivie. « Viens voir, ça en vaut la peine ! »

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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyDim 27 Mai - 10:53

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"our destiny is frequently met in the very paths we take to avoid it."


A présent les échos de la pluie m’étaient familiers, presque agréables. Je me réjouissais d’être à l’abri, même si des frissons venaient me piquer toutes les deux secondes. Je pensais à tous les habitants de la ville qui, comme nous, avaient été pris au dépourvus. La nature pouvait reprendre le dessus, parfois. Elle reprenait ses droits, défiait toute la connaissance humaine, et s’abattait sur nous, nous, humains égoïstes qui la polluaient chaque jour. Et Helena, la jeune femme qui se tenait à côté de moi, semblait elle aussi apprécier les magies de la nature. Ça, c’était rassurant. Il y avait au moins une personne sur cette Terre qui partageait mon humble avis. Mon corps ne supportait visiblement pas trop le froid qui se glissait sous ma peau. Je m’entendis renifler toutes les deux minutes. J’allais tomber malade, à coup sûr, fragile comme j’étais. La voix de ma camarade me perça alors doucement les oreilles. « On dirait que tu n'as pas eu beaucoup de chance… Mais le travail te plaît ? Les clients ne sont pas trop pénibles ? » Je haussai les épaules, un peu dubitative. Si j’avais eu de la chance ? Oui et non. J’avais eu la chance de me rendre à New York pour réaliser mon rêve, et j’avais eu la chance de pouvoir revenir dans ma ville natale pour me reconstruire après avoir été brisée par ce même rêve. Il y avait une balance à tout, je suppose. Mais, je m’estimais heureuse d’avoir pu décrocher ce job au Muffy’s. Je n’avais pas de diplôme, pas de qualification, rien. Il y avait juste ma blessure que je trimbalais ici et là. Et le propriétaire m’avait accepté, gentiment. Je lui devais beaucoup, c’était certain. Car ce boulot me permettait de garder un lien avec la réalité. « Ce n’est pas un travail tous les jours facile mais oui, je me plais bien au Muffy’s. C’est un endroit agréable, tu sais. Pour ce qui est des clients, la plupart sont compréhensifs, mais je ne te cache pas qu’on tombe parfois sur certains spécimens. Mais bon, ceux-là on les ignore, voilà tout. » Je lui adressai un faible sourire. Je repensais à ce dernier client que j’avais eu, l’autre soir. Lydéric. Rien que d’y penser j’en étais encore troublée. Cet homme était dangereux. Trop dangereux. Mais je ne voulais pas penser à lui. Il m’avait déjà assez perturbée comme ça.

Je m’étais promis de ne pas me dévoiler aux autres. Je m’étais promis de rester imperméable à tout. Et pourtant, à chaque fois que je parlais de mon passé, je m’emportais avec une voix trop mélancolique. C’était plus fort que moi. « Je suis sûre que tu devais être très douée. Mais c'est bien que tu sois revenue, on n'abandonne pas Arrowsic comme ça. » Oui, j’avais été douée, pendant un temps. On me l’avait dit tellement de fois, que ça m’était presque devenu anodin. Et moi, j’avais tout gâché. Encore une fois. Mais elle avait raison, on ne quittait pas Arrowsic. Tout le monde revenait ici un jour ou l’autre. Car Arrowsic, c’était la Terre sacrée, la Terre aimée. « Oui, je suis contente d’être revenue. Il n’y a qu’ici que je me sens chez moi. » Voilà, mes confidences s’arrêtaient là. C’était mieux ainsi. Et j’étais satisfaite qu’elle ne me pose plus de questions.

« Oui, c'est vrai. » Je ne dis rien, laissant le silence s’installer quelques instants. Et dehors la pluie déversait, encore et encore. J’espérais que cela n’allait pas provoquer des inondations. On en avait rarement eues, à Arrowsic. Mais tout pouvait arriver. On n’était jamais à l’abri de rien, même sur la Terre la plus rassurante et la plus calme que je connaissais.

Je m’agrippai à la rambarde et montai une à une les marches qui ne cessaient de tournoyer. Quand je lui demandai si elle n’avait pas le vertige elle me répondit « Non, non. » Tant mieux, parce que je ne me voyais pas la transporter à l’hôpital sous cette averse. Et qui plus est, je n’étais pas certaine d’avoir les capacités pour la porter, même si elle était plutôt mince. C’était assez dingue, tout de même. Que je ne me sentais même pas capable de m’occuper de quelqu’un d’autre. Mais, ce n’était pas si étrange que ça : je n’arrivais même pas à m’occuper de moi-même.

Helena arriva un peu avant moi. Je l’entendis lâcher un « Woaw » d’émerveillement. Ça devait vraiment être impressionnant pour qu’elle s’exclame de cette façon. Cela me donna plus envie d’aller voir ce qui se passait en haut du phare. « Viens voir, ça en vaut la peine ! » Je posai le pied sur la derrière marche et m’avançait lentement. Tout était gris, mais tout était magnifique. La bouche grande ouverte, je scrutai le paysage qui s’érigeait devant mes yeux. Je n’avais jamais vu Arrowsic de cette façon, et je devais avouer, que c’était une pure merveille. Les vagues de la mer continuaient leurs allers et retours, sans se soucier des clapotis de la pluie qui venaient se mélanger à elles. Le paysage s’étendait à perte de vue. Le monde me paraissait alors si vaste, si immense. Et nous, Helena et moi, étions les spectatrices de cette incroyable attraction. Je me sentais à la fois très grande et très petite. Je n’en revenais pas. Je ne bougeais même plus tellement c’était beau. J’aurais pu rester des heures devant la paroi du phare, à regarder la nature danser avec grâce. « C'est juste.. époustouflant. » lâchai-je, tout doucement. Pendant un long moment, nous restâmes ainsi, les yeux complètement scotchés par cette exhibition. Je finis par m’assoir sur le sol, faute de banc ou de chaise, et attendit qu’Helena fasse de même pour briser le silence. « Et toi alors ? Est-ce que tu as toujours vécu à Arrowsic ? » Je n’avais pas particulièrement envie de connaitre cette fille, mais après tout, elle était agréable et je n’avais aucune raison pour me méfier d’elle. Et puis, si nous devions rester ici pendant des heures, autant utiliser le temps à bon escient.

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MessageSujet: Re: Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie   Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie EmptyVen 8 Juin - 10:58

Helena aimait écouter Abbey parler par-dessus la mélodie de la pluie. Sa voix, elle l'associait à un conte. Elle faisait naître, dans les méandres de son esprit, des images dansantes, aux couleurs surréalistes. Comme lorsqu'elle n'était qu'une enfant, elle se laissait volontiers emmener dans les scènes qu'elle décrivait. Il avait beau ne s'agir que de son travail de serveuse et autre détails apparemment communs, elle était emportée par ses tranches de vie. Elle l'imaginait virevoltant entre les tables, déposant légèrement des cocktails devant des clients en imperméables et leur souriant dans sa petite robe blanche – car l'héroïne douce et innocente porte toujours une petite robe blanche. Ce qui la fascinait, c'était que dès qu'elle faisait parler la blondinette, elle voulait tout de suite en savoir plus. C'était comme ouvrir une porte, découvrir une pièce et s'apercevoir qu'il y avait d'autres battants à pousser. Helena voulait tout découvrir, tout savoir. Elle n'avait pourtant pas pour habitude de s'intéresser autant aux gens. Généralement, elle le faisait plutôt par politesse que par réelle envie d'entendre les détails insignifiants de leur quotidien. Mais ici, c'était différent, c'était plus fort qu'elle. Une impression de déjà vu, couplée à une affection inexpliquée. Peut-être s'étaient-elles connues dans une autre vie ? Quand Abbey était une hirondelle et Helena une mante religieuse. Non, tout de même pas une mante religieuse. Peut-être un coucou. Peu importe. « Ce n’est pas un travail tous les jours facile mais oui, je me plais bien au Muffy’s. C’est un endroit agréable, tu sais. Pour ce qui est des clients, la plupart sont compréhensifs, mais je ne te cache pas qu’on tombe parfois sur certains spécimens. Mais bon, ceux-là on les ignore, voilà tout. » La jeune fille hocha la tête. Elle n'avait aucun mal à imaginer le genre de type un peu cinglé qui pouvait traîner dans le bar du village. Le pilier de comptoir d'un âge indéfinissable, négligé, la voix usée par l'alcool et le tabac, à refaire le monde et lancer des piques à tout être humain distrait, oubliant de respecter le périmètre de sécurité établi autour de lui. « Oui, même ici il y a quelques personnes louches… mais il n'y a que rumeur machin-truc pour en faire tout une histoire. » elle haussa légèrement les épaules en parlant. Elle avait effectivement reçu une sorte de spam d'une espèce de cinglée déconnectée de la réalité. Son passe-temps préféré était manifestement d'inventer des ragots sans queue ni tête. Le message avait filé droit dans la corbeille. Que quelqu'un s'ennuie mortellement à Arrowsic, et ne trouve rien de mieux à faire pour améliorer son triste quotidien trop monotone, elle pouvait éventuellement le concevoir. Par contre, que cette personne commence à l'importuner avec ses bêtises, ça risquait de l'agacer assez rapidement. Et puis comment avait-elle réussi à la joindre, d'ailleurs ? Si elle trouvait le petit imbécile qui lui avait donné ses coordonnées, ça allait barder.

En revanche, le sujet de New-York était aussi intéressant que cette personne était pathétique. Helena brûlait de poser mille questions sur la grosse pomme. Elle était un peu déçue que cette histoire semble être un sujet sensible. Elle se mordit les lèvres pour s'empêcher d'être indélicate quand elle lui déclara qu'elle ne se sentait chez elle qu'à Arrowsic. Son visage s'éclaira à cet aveu. « Je vois parfaitement ce que tu veux dire. » Pas de question, mais cela ne signifiait pas qu'elle abandonnait pour autant. En fait, elle se sentait comme devant un calendrier de l'Avent. Elle avait très envie d'ouvrir toutes les petites portes et de dévorer les chocolats d'un coup, mais elle savait qu'elle devrait patienter un peu entre chaque case. C'était pénible, c'était éprouvant mais elle savait qu'elle n'en apprécierait que plus les diverses récompenses. Elle devait apprendre à savourer au lieu d'engloutir, de vouloir tout d'un coup et tout de suite. D'ailleurs une autre chose qu'elle aurait souhaitée tout de suite, c'était que le déluge cesse. Elle jeta un regard plein d'espoir au dehors pour voir si le temps commençait à se calmer un peu. C'était loin d'être le cas. Elle ne put retenir un soupir d'agacement.

Heureusement, sa déception fit bientôt place à l'excitation de l'exploration que les deux comparses avaient entreprise. Ce sur quoi l'escalier en colimaçon débouchait valait la peine. La vue justifiait mille fois leur escalade. Elle les avait scotchées. Les deux filles se tenaient l'une à côté de l'autre, sans un mot, les yeux rivés sur le spectacle. Le ciel de plomb était si bas qu'on avait l'impression de pouvoir le toucher en tendant simplement le bras. Les vagues étaient d'une violence rare, emportées par le vent, qui s'amusait aussi à faire danser les nombreuses gouttes de pluie dégringolant des nuages. Il faisait tellement sombre qu'on aurait pu penser que la nuit n'allait pas tarder à tomber. L'après-midi n'était pas tellement avancé, mais personne n'aurait été surpris de voir la lune se lever. Fascinant. La brunette regretta un peu de n'avoir ni appareil photo, ni caméra, ni carnet de croquis pour immortaliser ce qu'elle voyait. Alors, elle le regardait intensément, essayant de fixer le moindre détail dans sa mémoire.

Abbey sembla un peu fatiguée de se tenir debout. Sans détacher les yeux de la vue qui s'offrait à elles, Helena vint s'asseoir à ses côtés. « Et toi alors ? Est-ce que tu as toujours vécu à Arrowsic ? » Cette question lui donna une impression étrange, c'était donc à son tour de répondre. Seulement, elle aurait pu lui demander n'importe quoi, mais il fallait évidemment que cela lui fasse penser à l'Australie. Elle était complètement obsédée par cette histoire. À ce rythme là, ça ne tarderait pas à se transformer en psychose. Cela dit, c'était sans doute mieux que le classique Et les amours ? ou autre connerie du genre. Si on en arrivait là, elle n'aurait d'autre choix que de se rouler sur le sol en gémissant. Elle décida qu'après tout ce qu'elle lui avait révélé sur son propre compte, sa compagne méritait une réponse. Et après tout, rien ne l'obligeait à aborder les détails qui la dérangeaient « J'ai vécu longtemps en Angleterre. On a déménagé quand j'étais toute petite. Tu avais peut-être deviné, on me dit parfois que j'ai gardé un vague accent. Moi, je ne l'entends pas. On est revenus ici à la fin de mes études secondaires. C'était loin d'être horrible mais… je crois que je ne suis simplement pas faite pour vivre en ville. C'est gris, défraîchi, étriqué. » Après un petit instant d'hésitation, elle ajouta « Mais je ne suis pas sûre que toutes les villes soient comme ça… si ? Tu en as visité beaucoup ? » Quelque part, au fond d'elle, elle espérait glaner encore quelques informations sur New-York, même si elle n'avait pas osé poser de question explicite. Elle croisa toutefois les doigts pour que la victime de ses interrogations ne la trouve pas trop inquisitrice. En vérité, Helena aurait bien voulu mettre la main sur la petite voix qui l'encourageait à continuer son enquête, et l'assommer un bon coup, histoire qu'elle se calme avant qu'Abbey ne commence à la trouver franchement pénible.

Elle détourna son regard de la pluie qui continuait à battre la verrière, et le dirigea vers le visage cerclé de mèches claires commençant à faire d'adorables frisottis. Cette sensation de l'avoir connue était vraiment perturbante. Elle essayait de se raisonner en se disant que, puisqu'elle avait été mannequin, elle avait dû l'apercevoir dans quelques magazines, mais elle avait l'impression que c'était plus que ça. « Tu n'es jamais allée en Angleterre, par hasard ? »

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