J'ai reçu un coup de fil de la part de Jenna tôt de l'apres-midi. Des que j'ai vu son numéro s'afficher, j'ai compris que ça n'allait pas entre Leandro et elle. Oui, c'est comme ça avec Jenna. Plus de nouvelle pendant des mois, puis tout à coup, elle appelle. Elle a besoin de moi. Parfois, quand je n'ai vraiment pas le moral, c'est moi qui compose son numéro. Mais ça n'est pas arrivé très souvent. Ce soir j'ai rendez-vous chez elle. Je sais comment ça va finir. Comme toutes les autres fois, je vais la consoler sous la couette. Sauf que cette fois, je ne suis pas sûr d'en avoir envie. J'ai l'impression d'être le mec qui profite de la situation ou alors de n'être qu'un jouet pour elle. Je déteste ça vu sous cette angle. En fait, c'est ce que je me dis pratiquement chaque fois avant d'y aller, mais j'y vais quand même. C'est un peu comme se jeter dans la gueule du loup en sachant à quelle sauce on va être manger. Tant pis.

Il est dix huit heures et je sors de l'hôpital. Elle a insisté pour que je vienne au plus vite. Je décide donc de ne pas repasser chez moi avant. Et puis son appartement et plus près de l'hôpital que le mien, je ferai un détour inutile en rentrant. Je marche une dizaine de minutes avant d'arriver à destination. Rien n'a changé, même si ça fait plusieurs mois que je n'ai pas mis les pieds ici. Je m'en souviens comme si c'était hier. Je monte les escaliers, je toque. Elle m'ouvre, je la prends dans mes bras. Ses yeux sont encore rouges, elle semble vraiment mal cette fois.

« Jenna... Que s'est-il passé cette fois ? » Elle m'attire doucement à l'intérieur. La porte se ferme. Nous nous asseyons côte à côte sur son canapé. Je dégage son visage de mèches de cheveux envahissantes alors qu'elle se met à parler. J'essaye d'être doux, mais de me comporter en ami, je préférerai juste que ça ne se termine pas comme les autres fois. À présent, je ne suis plus aussi seul que ça. Et je n'ai pas envie de jouer un double jeu.

Leandro avait le don de me mettre dans des états pas possible. Mais c'était un peu de ma faute. Bon d'accord, c'était entièrement de ma faute. Mais tout ça n'était pas intentionnel. Je n'avais pas voulu que ça se termine comme ça. Je ne l'avais jamais voulu. Tout ce que je voulais, depuis toujours, c'était lui. Et voilà que maintenant j'étais seule, avec un enfant. Notre enfant. Le fruit de notre amour. J'en étais persuadée. Il était amoureux de moi tout comme j'étais amoureuse de lui. Je me faisais surmement des films. Il était posé maintenant, ce qui signifiait surement qu'il avancait, alors que moi, je restais accrochée aux fantômes du passé. Bien tragique. Enfin j'essayais de faire bonne figure. Même si, comme à mon habitude, je ne prenais pas du tout les bonnes decisions. Ca parait peut-être légèrement dépressif tout ça. Mais je ne me laissais pas autant abattre que ça en avait l'air. Malgré ça, j'avais tout de même composé le numéro de Fernando. Mon beau Fernando. il était très gentil avec moi et je l'appréciait réellement. Il était toujours là pour moi. Mais je le laissais trop souvent sans nouvelles jusqu'à ce qu'une petite baisse de morale refasse surface. Parfois j'avais l'impression de me servir de lui. Mais j'avais réellement besoin de lui. C'était un ami avant tout. Même si la plupart du temps ça se finissait sous les draps. Enfin peut importe. Il m'était d'une aide précieuse.
Il arrivait enfin chez moi. Je lui ouvrais et l'attirais directement à l'intérieur, refermant ensuite la porte. « Jenna... Que s'est-il passé cette fois ? » Je l'emmenais dans le salon afin que nous nous asseyions dans le canapé. Il remit une mèche derrière mon oreille, ce qui me fit exquisser un léger sourire. « Leandro est passé. Il avait bu. Il me repproche de pas le laisser voir sa fille, que tout est de ma faute si on en est là. » Certes je prenais que très rarement les bonnes décisions. Mais je ne le faisais pas exprès. Je réfléchissais un peu trop tard.

Jenna et Leandro, l’histoire de toute une vie. Une histoire que je ne comprendrai jamais. C’est assez dur pour moi d’être impartial, je suis ami avec les deux. Leandro ne cesse de me répéter que Jenna et lui, c’est terminé qu’il ne l’aime pas, qu’elle peut faire ce qu’elle veut de sa vie, qu’il s’en fout. D’un côté, c’est vrai qu’il semble sincère. Mais quand j’entends Jenna, j’ai du mal à y croire. C’est aussi pour ça que ma relation avec la jolie brune est aussi étrange. Je suis bloqué entre deux feux et je ne sais pas trancher. Ca a toujours été clair entre nous, nous sommes amis, rien de plus. Juste là pour l’autre quand on a besoin de réconfort. C’est comme ça que ça a commencé et c’est comme ça que ça a toujours été.
« Leandro est passé. Il avait bu. Il me repproche de pas le laisser voir sa fille, que tout est de ma faute si on en est là. »

Le pire, c’est quand même qu’une enfant soit mêlée à toute cette histoire. Jenna n’avait pas toujours fait les bons choix, mais je dois l’avouer : parfois, Leandro se conduisait comme un con. J’ai beau l’adorer, mais passer chez sa fille dans un état second, c’est complètement idiot. « Jenn’ tu devrais le laisser voir sa fille, c’est légitime… C’est normal qu’il soit en colère après tout, mais t’inquiètes pas ça va changer, il reviendra. » Oui, je sais, Jenna ouvre la bouche. Elle va me parler de Tennessee, je sais qui elle est, je sais qu’elle sort avec Leandro. « J’ai pas vraiment l’impression que ça va durer. » Je ne dis pas ça uniquement pour faire plaisir à Jenna, je le pense réellement.

Elle pose sa tête sur mon épaule et je lui prends la main, je lui chuchote à l’oreille des « t’inquiètes pas, ça va aller, ça finira par s’arranger » qui se veulent être rassurant. Je sens sa respiration se calmer, elle s’apaise. Sur la table basse, je remarque une cannette de bière, je la débouche et je bois une gorgée.
« Tu veux qu’on regarde un film pour te changer les idées ? » Je souhaite éviter les activités habituelles. J’ai toujours cette fameuse fille en tête et j’aimerais bien arrêter de me laisser aller. Mais bon parfois quand on est un mec ce genre de choses ne se commande pas à l’avance. J’adore les bonbons, quand j’en ai goûté un, je suis obligé de finir le paquet. C’est un peu comme ça avec les filles en ce moment. Je ne suis pas comme ça d’habitude. Faut que je me calme.