Revenir ici, à Arrowsic, la ville qui m'avait vu naître, dans laquelle j'avais grandi, évolué pour au final la quitter, m'enfuir même. Case départ, mes valises étaient posées, ouvertes dans la chambre que j'avais occupé pendant toute mon enfance, dans la baraque de mon père actuellement malade. Revenu pour lui, revenu pour me noyer de nouveau dans les souvenirs. Bons comme mauvais, je ne saurais pas dire ce qui fait le plus mal, la nostalgie de l'adolescence perdue, ou les blessures encore fragiles. Qu'importe, il faut que je me sorte ça de la tête. Recommencer, une nouvelle fois. New York me manquait quelque peu, du moins, mon boulot. Ici, je me retrouvais sans rien, je n'étais que le fils Madden. Il fallait sérieusement que je pense à me retrouver du boulot. C'était tellement jouissif, avant, de passer ma journée au bureau, à taper sur mon clavier d'ordinateur des mots que je retrouvais le lendemain matin en cinquième ou sixième page d'un quotidien, signé de mes initiales. Courir après la dernière star montante, ou tenir le crachoir à un citoyen modèle. A côté de la vie active d'une ville qui ne dort jamais, Arrowsic me paraissait fade, trop calme peut être, à la limite de l'angoisse. Angoisse oui, la légère peut qui grondait. Revoir Némo, si tenté qu'il n'ait pas déménagé depuis tout ce temps là. Est ce qu'il me reconnaitrait seulement ? Peu importe, ne pense pas à ça Andrea, ne commence pas cette foutue journée en te rappelant ce qu'il t'avait fait. Va en ville te trouver un job et pense à autre chose. J'attrape un sweat et dévale les escaliers, jetant un dernier coup d'oeil en direction du salon, vers mon perd étalé dans son canapé, les yeux rivés vers le match de baseball.
« T'as déjà fait pousser des fleurs Madden ? » Je fronce légèrement du nez, en tirant une latte sur ma clope. Pas exactement non. Mes yeux se posent sur le vieux jardinier du parc, Harry, dont la carcasse semble encore plus vieille que la ville. Il cligne des yeux, soupir en me dévisageant. Ouais, j'avoue, je faisais parti de ces jeunes qui venaient parfois faire la fête ici, et bousillait le travail botanique de ce pauvre type. On l'a tous fait. « ça doit pas être si dur. » Trouver du boulot si par contre. La cendre de ma marlboro s'écrase sur le gazon, et l'vieux Harry tire la gueule, racle sa gorge. « C'est une question de respect l'entretient d'un parc petit. » Oui, bien entendu. Se mettre à genoux devant les fleurs tous les jours, quitte à discuter avec elle quelques petites heures histoire qu'elles se sentent bien dans leur peau. J'l'avais vu faire, quand on avait terminé le lycée et qu'on squattait tous un banc. Il grattait la terre, murmurait quelques mots aux roses, géraniums et il passait au lys. « Je chanterai la sérénade à vos pissenlits, promis. » Ses joues virent au rose ; j'dois avoir gagné des points de colère en plus. C'est le moment de dégager maintenant, je ne suis pas le bienvenue pour entretenir l'endroit. Un mal pour un bien, je ne me voyais pas m'étaler dans l'herbe tous les matins et rentrer les genoux plein de terre. Question d'honneur, on ne passe pas de chroniqueur dans un journal new yorkais à jardinier dans le parc du coin. Je tourne les talons, atterrit sur un banc en croisant les jambes. Nouvelle clope coincée entre les lèvres, je lève la flamme de mon briquet pour l'embraser, tire une latte. Journée de merde. Mes yeux parcourent le parc, se posent enfin sur un jeune homme, grand, brun, un peu plus loin. Ma gorge se sert instinctivement et je baisse les yeux en le voyant approcher. Ressaisie toi, il ne te reconnaitra peut être pas.
Sujet: Re: Tell me a lie (némo) Mar 29 Mai - 23:38
« C'que j'voulais te dire reste sur des pages blanches, sur lesquelles je peux tirer un trait, c'était juste hier. Tu ne m'as pas laisser le temps, de te dire tout c'que je t'aime et tout c'que tu me manques. Toi qui m'as tout appris et m'as tant donné, c'est dans tes yeux que je grandissais et me sentais fier. Pourquoi sans prévenir, un jour tout s'arrête, et vous laisse encore plus seul sur terre, sans savoir quoi faire. »
« BEEEEEEE, VIENS PAR ICI. » « NON. » Claire, net et précis. C'était ce que m'avais répliqué ma petite soeur de cinq ans, sa voix forte et claire, sans aucune hésitation, courant dans toute la maison en essayant d'enlever sa petite robe jaune. Elle avait cette manie depuis quelques semaines, celle de me faire tourner en bourrique. J'en venais presque à regretter les moments où elle était sage comme une image, même si elle avait le mérite de mettre de l'ambiance dans notre petit appartement et de me faire rire malgré tout. Sauf que là, elle allait finir par nous mettre en retard, elle devait aller à la maternelle et elle savait très bien que je ne n'allais pas l'amener si elle ne remettait pas cette fichue robe. Je la voyais essayer de courir et de se cacher pour m'échapper, et je l'attrapais d'un bras sous sa taille en nous faisant tomber sur le canapé. « ATTRAPÉ PETIT MONSTRE ! » m'écriais-je en lui faisant des chatouilles tandis qu'elle gigotait sur moi en riant. « A-RREEEEEE-TTEEEE ! » Je continuais un peu rien que pour l'embêter puis je lui embrassais sa joue en remettant bien sa robe. « Aller, sois sage maintenant, on va à l'école. » Elle fit une moue en me regardant, croisant ses bras, puis se leva du canapé et m'écouta. Pour une fois, je n'avais pas eu à faire la grosse voix pour qu'elle m'écoute plus facilement, et s'était tant mieux. Je détestais devoir l'engueuler lorsqu'elle faisait une bêtise ou qu'elle ne m'écoutait pas, surtout si c'était pour la voir pleurer deux secondes après. Ce n'était pas mon rôle, je le savais, mais il fallait bien que quelqu'un le fasse. Suite à ça, je me dépêchais de l'emmener à la maternelle, lui promettant de venir la chercher le soir comme d'habitude, et je me baladais tranquillement mon appareil photo sous le bras. Mes journées étaient un peu vide en fait, lorsque je n'avais pas à m'occuper de ma soeur : je travaillais en tant que barman seulement le soir et pas tout le temps, et j'allais à la fac pour suivre mes cours de psychologie seulement lorsque j'avais le temps. Ce qui me restait beaucoup de temps pour ne rien faire entre les deux, je l'avoue. Après une petite heure de marche aléatoire, sans savoir où j'allais, je me posais sur un banc du parc, légèrement fatigué. Regardant dans l'objectif de mon appareil, j'en profitais pour prendre pleins de photos des gens qui passaient, des gens assis, de certaines scènes ... Puis instantanément, je me figeais. Une boule venait se loger dans ma gorge alors que les battements de mon coeur que je pensais comme mort depuis quatre ans tambourinaient dans ma poitrine. J'avais l'impression que tout le monde pouvait les entendre à des kilomètres, j'avais l'impression que mon coeur allait ce déloger de ma poitrine. Cette silhouette, ce visage, cet homme que je pouvais reconnaître entre mille. Un fantôme ressurgi du passé que je pensais ne plus revoir un jour malgré moi. Il était là, assis sur ce banc, et je n'avais aucune idée de quoi faire. Fallait-il que j'aille le voir ou que je reste assis sur mon banc comme si je ne l'avais pas remarqué ? Fallait-il que je prenne le risque de ne plus le retrouver dans cette ville - aussi petit était-elle - si je ne bougeais pas mes fesses de suite ou n'allais pas le voir ? Il était loin de moi, trop loin que je n'étais même pas sûr qu'il soit réel après tout. Il n'était peut-être qu'un mirage, qu'une hallucination due à la chaleur du soleil, je n'en savais rien. Mais ma nature curieuse prenant le dessus, j'étais déjà débout, pieds au sol sans que je n'ai pu décider quoi que ce soit, et mes pas me conduisaient vers lui, seulement lui, sans hésitation. Calme-toi Némo, tout va bien se passer ... Alors que j'étais à mi-chemin entre nos bancs, il leva les yeux et nos regards se croisèrent. Un frisson parcouru ma colonne vertébrale alors que je me noyais dans ses yeux que je n'avais pas revu depuis ces quatre années, juste avant qu'il coupe le contact visuel et les baisses. Je n'avais aucune idée de s'il m'avait reconnu, et c'est justement à cause de cela qu'une fois devant lui, je me retrouvais bête à trouver une phrase pour amorcer une discussion. « Hey ! C'est hum ... Némo, tu te souviens ? » C'était débile, j'étais débile. Il n'y avait pas plus débile sur terre comme commencement, mais c'était moi, Némo, je devais avoir l'habitude d'agir comme ça après toutes ces années. Essayant de me rattraper rapidement, je continuais. « Ça fait ... longtemps ... » Décidément, parler n'était vraiment pas quelque chose dans lequel j'excellais. Et faire référence à Andrea aux quatre dernières années qu'il avait passés loin d'Arrowsic par ma faute pour essayer d'entamer une conversation avec lui, c'était peut-être loin d'être la meilleure idée.
Sujet: Re: Tell me a lie (némo) Ven 1 Juin - 16:33
Bang bang. Il débarque de nouveau, renversant mes nouvelles petites habitudes, à peine commencées. Bien sûr que j'attendais son retour, qu'il m'était quasiment impossible de l'éviter continuellement dans une ville aussi petite qu'Arrowsic. Encore, on serait à New York ou Los Angeles, j'aurais pu passer le restant de mes jours à traverser l'endroit de long en large, je ne l'aurais sûrement jamais recroisé. Mais ici … la seule chance que j'avais de ne plus revoir ce visage était un déménagement. Parti de cette city pour en investir une plus grande, la fac, un boulot, j'en sais rien. Qu'importe, le fait est qu'il était toujours là, et maintenant à quelques mètres de moi. J'ai l'impression que mon cœur va exploser tant il bat vite. Une course folle. Je m'étais souvent demandé dans quel état je me retrouverai si par hasard j'en venais à le revoir. J'avais maintenant la réponse. Stressé, bouleversé, avec le flot de souvenirs qui remontent à la surface, et plus spécialement le jour où il m'avait brisé le cœur en arrêtant notre histoire d'une simple phrase. Deux mots, deux petites secondes et mon univers avait été réduit à néant. Brisé. C'est facile, de se dire qu'on guérira rapidement, qu'il nous suffira de rencontrer une nouvelle personne, de faire un bout de chemin avec elle et que les vieux démons s'effaceront aussi rapidement qu'ils sont apparus. Que dalle, une belle connerie tout ce genre de trucs qu'on répète sans cesse au pote qui vient de se faire quitter. J'pensais en être guérit, définitivement, après ces quatre années passées loin d'Arrowsic. Guérit ouais, c'était comme une maladie, qui te prend brusquement, qui te fait pleurer toute une nuit quand tu bois un peu trop en soirée, qui te file un blues incurable un foutu matin. J'l'ai pas oublié. J'pourrais pas l'oublier.
Et maintenant je fais quoi ? Maintenant qu'il s'approche doucement. Il m'a repéré, c'est certain. Fuir ? Ouais, non, mauvaise idée, ça ne servirait à rien, et j'conserve un minimum d'honneur en restant planté le cul sur mon banc. Nerveux, je baisse les yeux au premier contact échangé, trouvant le sol étrangement merveilleux en cet instant. Tout pour me distraire, essayer de calmer le rythme cardiaque qui se fait de plus en plus pressant quant la distance se restreint. Courage Andrea, t'es pas qu'un putain de lâche, craque pas, fais comme si tu allais très bien. « Hey ! C'est hum ... Némo, tu te souviens ? » Je tire une nouvelle latte sur ma clope en relevant finalement les yeux, esquissant un léger sourire plus aigre qu'amical. C'est pas un vieux pote que je retrouve après l'avoir perdu de vue pendant des années. Non, là c'est le type que j'ai aimé, le type que j'aime toujours qui vient me demander si j'me souviens de lui. Non, absolument pas Némo, absolument pas. « Hum. Je pense me souvenir oui. » Je serre la mâchoire en continuant à la fixer, jambes croisées. « Ça fait ... longtemps ... » Trop oui. Je hausse les épaules en soupirant, jouant avec la marlboro. « Fallait m'envoyer une carte si tu voulais des nouvelles. Pas longue, juste quelques mots, t'es doué pour ça, les petits mots vagues. » C'est ça Andy, attaque le. J'me sens bête sur le coup, vraiment. Lui montrer que j'y pense toujours, c'est lui montrer que ça me fait encore mal. Je redresse légèrement le menton en déviant le regard.