Sujet: I'm not a fortune-teller, but I know what I'm thinking may not be in your mind } Ever' Mar 18 Sep - 3:36
...It doesn't mean I'm afraid of all the things that you say.
Tête enfoncée dans le col de sa veste, Alaric avait les yeux rivés sur la porte de service du bâtiment. Des frissons détalaient le long de ses bras, faisant se hérisser ses poils sous ses vêtements. Ainsi assis sur le capot de sa Mini de collection, il laissait la tension dans sa jambe, nonchalamment croisée sur la seconde, faire trembler tout son corps dans la nuit. S'il n'avait pas été là pour une raison bien particulière, il était certain qu'il aurait pu apprécier ce moment, car il avait une saveur particulière. Il s'agissait de cette période perdue quelque part entre la fin de la soirée et le début de la matinée où, soudain, tout se faisait calme, hormis pour le bruit récurrent de circulation produit par quelques voitures traçant leur route dans le noir. C'était un moment de la journée qu'il appréciait particulièrement, et quand il n'arrivait pas à dormir, il se postait parfois à sa fenêtre, simplement pour regarder le monde endormi. Il avait alors l'impression de pouvoir en sentir l'âme, s'imprégner des douces palpitations de l'existence, devenue si calme, mais qui restait toujours bien présente, que ce soit dans quelques éclats de voix perdus dans les ruelles obscures ou dans le regard d'un chat errant traversant la route. Il ne pensait alors plus à rien, et se contentait d'observer.
Alaric aurait pu être un fin psychologue, il s'en savait l'étoffe. Son côté minutieux, si méticuleux, et ce perfectionnisme presque accablant, avec son soucis du détail poussé à l'extrême, faisait de lui un observateur privilégié. Il remarquait souvent ce que d'autres ne voyaient pas, même quand cela se trouvait sous leur nez. C'était peut être pour ça qu'il l'avait remarquée. Elle, cette fille, parmi tant d'autres. Elle était celle qui avait retenu son attention. Dès qu'il l'avait vue, c'était comme si une alarme sourde s'était allumée au fond de son cerveau, appelant à sa vigilance. Malgré lui, il n'avait plus pu s'empêcher de la suivre du regard, d'épier ses moindres faits et gestes, ses expressions, et la chose qui le dérangeait depuis qu'il l'avait eu dans son champ de vision lui avait alors sauté aux yeux : elle ne cadrait pas avec le lieu. Elle avait quelque chose que les autres filles du club n'avait pas : sa candeur. Il ne pouvait pas réellement expliquer ce qui l'avait amené à cette conclusion, mais il en avait immédiatement eu la certitude. Il avait l'habitude de se fier à son instinct, considérant sa première impression sur quelqu'un comme primordiale, accordant beaucoup de crédit à ce moment où, quand l'on découvrait quelqu'un pour la première fois, on ne faisait que retenir certains détails de sa personnalité et de sa physionomie, où l'inconnu se brouillait pour laisser place à ce sentiment persistant de "connaître" les attributs prédominants la constituant. Et s'il ne savait encore rien de cette fille, il était persuadé qu'elle était bien trop jeune pour pratiquer l'activité qu'il l'avait vu faire. Une strip-teaseuse n'ayant pas encore atteint l'âge légal de la majorité, en somme, mais même en pensée, c'était dur pour lui d'admettre une telle réalité tant elle le déroutait.
Alors il était là, à l'extérieur du club, à attendre qu'elle sorte, comme un imbécile. Car, oui, Alaric s'était auto-convaincu qu'il devait faire quelque chose. S'il ne l'avait pas fait, il savait qu'il n'aurait pas pu en dormir de la nuit, de toute façon, alors, autant gâcher sa nuit à essayer de faire ce qu'il pensait juste... Même si c'était incroyablement stupide de sa part. Il ignorait d'ailleurs totalement comment il allait s'y prendre ne serait-ce que pour l'aborder. Il avait bien passé en revue quelques perspectives, mais la plupart s'était terminée dans son esprit par une veste monumentale, le tout avec plusieurs degrés différents de violence. En même temps, quand on voyait un mec d'âge mûr attendre une strip-teaseuse à la sortie, forcément, déjà, on se montait quelques préjugés sur la chose : c'était soit un psychopathe, soit un voyeur, soit un violeur, soit un paumé. Rien de bien réjouissant, en somme. Il avait bien pensé régler le problème en se faisant passer pour un flic et lui demander ainsi d'emblée sa carte d'identité pour confirmer ses doutes, mais il était à peu près sûr que s'il faisait ça, elle allait se tirer en courant, et il lui serait ensuite impossible de l'approcher puisqu'il serait éternellement grillé, avec mention "flic relou" collée sur le front. Il ne savait pas ce qu'il préférait entre ça ou le risque qu'elle crie au viol et qu'un videur se ramène pour lui péter la gueule... Aucune des deux hypothèses ne le satisfaisaient, à vrai dire, car dans les deux cas, cela aurait voulu dire qu'il avait échoué. Qu'est-ce qui lui avait pris de vouloir faire une bonne action, déjà ? Ah, oui, c'est vrai, c'était son côté Saint Bernard qui s'était inopinément réveillé et lui avait dicté qu'il fallait qu'il sauve cette gamine des griffes de méchants pervers en rût. Soit.
Il ne savait toujours pas ce qu'il allait faire quand, enfin, il vit la porte s'ouvrir, entendant quelques paroles s'en échapper, accompagnées de quelques rires qui fusaient ça et là. Il se redressa légèrement, prenant une grande inspiration en détaillant les silhouettes qui s’égrainaient pour s'en aller une à une. Quand la dernière fut sortie, il fronça les sourcils, constatant avec stupeur qu'elle n'était pas dans le lot. Damn, si ça se trouvait, elle travaillait même pas ce soir ! Il n'avait pas été vérifié avant... Quel abruti fini, bordel ! Il faillit éclater de rire à cette pensée tant il se trouvait con et s'était levé pour retourner dans sa caisse, ayant déjà la main sur la poignée quand un nouveau bruit de porte lui fit tourner lentement le regard vers l'ouverture. Elle apparut alors, et il la reconnut instantanément. Elle était seule. Quelque part, ça facilitait grandement les choses... Mais d'un autre côté, c'était presque trop facile et il ne savait pas trop pourquoi, mais cela ne lui plaisait pas. Son visage s'était voilé d'inquiétude sans qu'il ne puisse l'en empêcher. Non mais, sérieusement, en plus de se trémousser à poils devant des inconnus, elle était assez bête pour sortir SEULE ?! C'était presque une invitation à se faire agresser bordel de #!&0k$bjr%qshgfvqh !!! Bref, on se calme, Superman, et maintenant, on réfléchit au plan d'attaque... Malheureusement, il en avait aucun, en fait, alors il passa directement plan B... Et en réalité, il n'en avait pas non plus, si ce n'était que d'y aller au bol, comme le gros glandu qu'il était. S'interdisant de réfléchir plus longtemps, il s'approcha lentement d'elle, tâchant d'arborer une expression rassurante - en gros, de pas avoir l'air menaçant, quoi, car il avait pas trop envie de se faire mordre ou de se prendre un coup dans les valseuses avant même d'avoir ouvert la bouche. „Hey, toi !“ Ben quoi, c'était un début, non...? Bon, okay, c'était pourri, surtout qu'il devait pas être le premier à l'aborder comme ça et, avec la chance qu'il avait, elle allait très certainement penser automatiquement qu'il était un loser qui allait compléter sa phrase par "tu m'passes ton 06, poupey ?". Mauvais départ, quoi. C'est alors qu'il eut l'illumination. „T'aurais pas du feu ? J'ai paumé le mien, il doit être quelque part dans ma boîte à gant...“ Bon, on est d'accord, c'était pas ça non plus, hein, mais c'était toujours mieux que "hey mademoiselle t'es charmante, tu veux une glace à la menthe ?", non ? Bref.
En tout cas, si elle fumait pas, il l'aurait dans l'cul. FUCK, il y avait pas pensé ! Heu... Il était peut être déjà temps pour le plan C, aka le plan "Comment rebondir en trouvant quelque chose sorti de nulle part". Et, non, ça voulait pas dire plan cul, bande de pervers, tsss.„Quoi que, tu es peut être un peu jeune pour fumer, en fait, excuse moi de t'avoir importuné...“ Il eut un sourire indulgent avant de, déjà, commencer à se reculer pour partir, finissant ainsi de masquer là son rattrapage-in-extremis-en-situation-de-grand-stress suuuuper foireux. Puis, il fit mine d'avoir soudain un remord et se retourna de nouveau vers elle pour demander avec une voix volontairement moyennement assurée : „Mais, heum, dis moi... Comment ça s'fait que tu sois toute seule à une heure pareille ? C'est, heum... Comment dire... Peut être pas trop trop sûr pour une nana, quoi. T'as quelqu'un qui vient te récupérer, au moins ?“ Le tout sans se ravancer, gardant ses distances alors qu'il passait sa main sur sa nuque, démontrant un certain embarras. „Désolé. Je pose trop d'questions, hein.“ Il haussa les épaules, comme pour signifier qu'il ne le faisait pas exprès, et c'était bel et bien le cas. Alaric n'était pas spécialement quelqu'un de volubile et voilà qu'il se retrouvait à monologuer, le tout à la sortie d'un club de strip, pour essayer de ramener une gamine perdue sur le droit chemin, le tout avec les moyens du bord... C'est à dire, ben, lui et sa foutue empathie qui, un jour, le perdrait très certainement ! Bonjour, je m'appelle Alaric Lockhart et je me prends pour le sauveur de l'Humanité. Amen.