Je suis allé à la fac ce matin. Pour une fois. Parce qu’il y avait un cours spécial, sur la complexité humaine, présidé par un philosophe européen de renom. Il fallait que j’y aille, il fallait que j’écoute ce qu’avait à dire ce cher monsieur. Des pacotilles ! Pas plus intéressant que ce qu’ont à dire mes autres professeurs. Ils ont des doctorats, ont fait de longues études, mais ils n’ont pas mon vécu. Ils parlent de choses qu’ils ne comprennent pas et ça m’insupporte. Je n’y retournerai pas avant un moment, ça ne sert à rien. Trop agacé pour passer mon après-midi dans ma fac de Portland, je retourne sur Arrowsic sur les coups de quinze heures. Je vais probablement passer au magasin d’antiquités, j’ai repérer une machine à écrire il y a quelques temps. J’en ai marre d’écrire à la main, et l’écran d’ordinateur me saoule. C’est pour Donovan, ça. J’adhère pas. Point. La machine à écrire, c’était l’outil de mes maîtres, l’outil de ceux qui avait un peu compris la vie.

Je descends du bus qui me ramène de Portland. Arrêt « Arrowsic place ». Super original comme nom. J’aime pas le bus, d’ailleurs. Transport de populasse, ça veut dire se mêler aux autres, prétendre qu’on est comme tout le monde. Non, ce n’est pas pour moi, ce n’est pas moi. Heureusement, je n’ai pas à me balader ici pendant des heures. Ma destination se trouve à quelques centaines de mètre de l’arrêt de bus. Je me poste au bord de la route, attendant patiemment que le feu piéton passe au vert. Ce que j’ai toujours trouvé stupide. Ces gens, qui se laissent dicter par des couleurs. Vert, rouge. Avance, stop. Ces règles idiotes créées par la société. « Louis ? » Cette voix. Non, je rêve. J’ai des hallucinations. Dormir si peu me fait défaut. Oui, je rêve. Je ne me retourne pas, je ne regarde pas en direction de la voix, je ne veux pas me rendre à l’évidence. Mais on a pas toujours le choix, on ne peut pas toujours s’échapper. Elle se place devant moi et, captant mon incompréhension, elle ajoute stupidement: « C’est moi... Madeleine... » Comme si je n’allais pas la reconnaître. Comme si ce visage, je ne le connaissais pas par coeur à vouloir trop souvent l’oublier. J’ai pas envie de me confronter à elle. J’ai pas envie d’émettre ne serait-ce qu’un mot à son encontre. Elle m’a suivi. Elle m’a trouvé. Je ne peux pas le croire. Non, c’est impossible.

C’est comme avoir un fantôme en face de soi. Je ne crois pas en fantôme, je ne crois pas aux revenants. Et pourtant, elle est là, elle est là, deux ans plus tard. Le feu passe au vert. Je peux y aller. J’y vais. Enfin, j’ai l’intention d’y aller, sans un mot, sans plus un regard. Mais elle me retient, elle m’attrape le bras et elle m’empêche d’avancer. Le contact de sa peau contre la mienne me fait frissonner. Frissonner de rage. Je pose mon regard assassin sur son doux visage. « Je t’ai manqué Malo chérie ? » dis-je sans cacher mon ironie. « Tu trouves personne pour te choper donc tu reviens vers moi ? » Pas la peine d’essayer d’être gentil, je ne le suis pas. Et ce n’est certainement pas avec elle que je ferai semblant. Et me connaissant, je ne pense pas qu’elle s’attendait à ce que je lui saute dans les bras. Si c’était le cas, elle est encore plus stupide que je le pensais. « Parce que, même si tu n’avais pas trop aimé mes performances au pieux, franchement, m’accuser de viol c’était un peu exagéré. » Je ris. Je ris, d’un rire sadique et mauvais. « Bon, sur ce, j’aimerais retourner à mes activités. » Je n’ai même pas envie de lui demander ce qu’elle fait là. Je n’ai même pas envie de lui demander de partir, j’espère qu’elle a encaissé assez de maturité avec les années pour le faire d’elle même. J’aimerais me dégager, mais elle me tient toujours avec fermeté. Une certaine fermeté que je ne lui connaissais pas. Une certaine fermeté qui pourrait presque me plaire. Presque, si il ne s’agissait pas de Madeleine.

J’essaye tant bien que mal de cacher ma surprise, de mimer un certain je m’en foutisme, mais c’est difficile. C’est difficile de jouer la comédie devant elle. Difficile lorsque l’on connaît l’histoire, lorsque l’on sait toutes les fois où j’ai rêvé d’un face à face afin de la remettre à sa place. Quelque part, au fond de moi, je savais qu’elle viendrait. Quelque part, j’en étais persuadé. Mais pendant tout ce temps, je n’avais eu de cesse de me mentir, de me cacher la vérité, de taire ce désir de vengeance qui n’avait été en rien assouvi par la destruction de son petit cocon familial. Je la provoque à présent, je la provoque parce que c’est tout ce que je sais faire. « Arrête ça Louis. Je m'en veux tu sais. Je pensais pas que l'histoire irait aussi loin, et j'avais agis de manière puérile, je l'avoue, et surtout de colère. » Comme c’est facile de dire ça. Comme c’est facile de s’en vouloir. Ses remords, je les connaissais déjà, sinon comment expliquer qu’elle m’ait fait libérer. En avouant son mensonge, elle a déjà tenter de se repentir. En avouant son mensonge, elle a fait preuve de courage. Elle m’a fait passer avant elle même, sans même craindre ma vengeance. « Putain Louis, arrête, ok? Ok que j'ai vraiment exagéré, mais je te l'avais dit, lorsqu'on a couché ensemble. Je t'ai dit que j'étais vierge et puis quoi, t'as quand même continuer à m'embrasser. Tu savais que j'allais succombé parce que ouais, j'étais folle amoureuse de toi. Tu peux même pas savoir à quel point je me suis sentie usée, salie, humiliée le lendemain, lorsque tu m'as jetée. » J’ai assez envie de rire, à nouveau. Rien que pour la pousser à bout. Parce que déjà, je constate qu’elle est au bord de l’explosion. J’en conviens: trop d’émotions de me revoir. Mais bon, définitivement cette fille n’a aucun self contrôle. « C’est trop mignon, tu m’aimais. Je suis déçu. Je pensais que j’étais suffisament détestable pour qu’aucune fille ne s’amourache de moi. C’est con. Et puis, tu me vexes, moi j’ai trouvé que tu te débrouillais plutôt bien pour une vierge, c’était pas sale du tout. »

Si elle s’attendait à ce que je sois doux et compréhensif avec elle, c’est qu’elle me connaît bien mal. Vu sa prétendue adoration pour moi à l’époque, j’espère qu’elle m’ait capté au moins, qu’elle m’ait compris et qu’elle sache à quoi s’attendre avec moi. D’une certaine manière, revenir à moi, après tout ça même si ce n’est que pour s’expliquer et s’excuser, c’est déjà une provocation. Elle me défie, elle me stimule. J’aime ça. « Je suis pas l'une de tes nombreuses poupée qui sont à tes pieds Louis. Je suis pas l'une de ces filles avec qui tu vas couché pour ensuite, se faire jetée comme une moins que rien. » Elle pense avoir une importance supérieur, quelque chose que les autres filles n’ont pas su me donner ou bien ne sont pas capable de me donner. Et c’est vrai, elle a raison. Elle est celle qui m’a tout enlever, mais qui m’a également apporté le matériel dont j’avais besoin pour réaliser l’oeuvre de ma vie. « C’est vrai, tu es celle qui m’a envoyé en prison après tout. » dis-je sans trop d’ironie cette fois. « Je dois te remercier, grâce à toi, j’ai ouvert les yeux sur la stupidité humaine. »

« Le monde, ma chère Madeleine, sera dirigé par des gens comme toi et moi. Des manipulateurs, des escros. » Je me considère comme plus intelligent qu’elle, comme supérieur à elle. Et pourtant, je ne peux nier qu’elle a eu le pouvoir sur moi, il y a deux ans. Elle a réussi à tous les berner sans que j’ai mon mot à dire. Pour une fois, mon esprit ne m’a pas permis de me sortir de cette connerie. Elle m’a mis KO, elle a été plus forte que moi. C’est mon seul échec. Et cet échec, me fait considérer Malo comme une adversaire de taille. « Et puis, toi alors hein? Je suppose qu'Adrien t'avais dit que ma famille avait des problèmes d'argents en ce moment. Pourtant, tu t'es pas gêné à réclamer de l'argent. Un demi million d'euros exactement. C'était pour te venger, ou bien? Ça t'as fait un bien fou de ruiner ma famille? » La petite se lâche. La petite s’énerve. Ça y est, elle se tait enfin, elle a vidé son sac et elle me lâche. Je suis libre, libre de partir. Mais au fond, connaissant la fausseté du mot « liberté », je sais que je ne suis pas libre de partir. Je dois rester, encore un peu. Parce que la discussion n’est pas terminée et je déteste laisser les choses non terminées.

Je m’approche un peu d’elle. Je la sens mal à l’aise. C’est pourtant ce qu’elle voulait non ? Être proche de moi. Je sens son souffle dans mon cou, elle est plus petit que moi. Je regarde ses yeux. On se touche presque, mais ce n’est pas le cas. Je provoque, je provoque. Je veux qu’elle craque, qu’elle craque complètement. Je veux voir jusqu’où elle peut aller. Je veux voir à quel point elle a évolué. « Non, c’était même pas si utile que ça. Mais bon, comme ça j’ai pas besoin de demander trop d’argent à ma mère. Cet argent me revenait de droit. Le mensonge se paye cher ma chérie. Et encore, c’est un bien faible prix à payer en comparaison avec celui de l’honnêté. » Evidemment, je fais référence à mon petit séjour en prison. Et à tout ce que j’ai subi là-bas.

Elle me gifle comme une mal propre. Dis donc, ses nerfs sont pas si solides à la petite demoiselle. Je ricane encore, pour ironiser la situation. C’est pas comme si elle m’a fait mal non plus, je vais pas pleurer. Elle, par contre, si je continue, elle peut-être pas loin. « Pourquoi t'essaies de me provoquer jusqu'au bout, hein? C'est ton nouveau passe-temps? Waouh, trop bien! » Elle s’essaye à l’ironie elle aussi, mais bon, pas tout le monde est doué pour ça. Et entre nous deux, l’évidence du vainqueur est vite remarquée. « T’es trop sexy quand tu t’énerves » dis-je avec mon petit sourire mauvais sur le visage. Je caresse doucement sa peau, sa joue et je la sens frémir sous mes doigts. Je me sens en position de pouvoir et ça me plait. J’ignore l’effet que me fait ce contact et je continue à me délecter de la scène.

« T'as ouvert les yeux sur quoi exactement, quand tu dis la stupidité humaine? C'est bon, t'as fait un an de prison et tu penses tout connaître de la vie? Croit pas ça. » Elle se pense maligne. Comme si, tout à coup, elle allait parvenir à me faire plier, à m’user et à me perdre à mon propre jeu. Dans ses rêves, oui ! Je suis bien trop fort pour ça. Bien trop. Je n’hésite pas tant que ça quant à ma réponse à cette provocation. Après tout, l’honnêté a toujours été mon fort et je suis curieux de savoir ce qu’elle aura à répondre à ça. « La différence entre toi et moi Malo, c’est que moi, je me suis vraiment fait violé. » Je lis de l’incompréhension sur son visage. Je me dois alors d’être plus précis. « On t’a jamais dit ce que font les autres prisonniers aux coupables de viol ? » Et je dis ça avec le sourire, sans trembler, sans me décomposer sur place. Parce que j’ai choisi de ne pas me souvenir de ces moments. De ne pas les photographier dans mon esprit. J’ai choisi de me rappeler des faits, c’est tout. Pour pouvoir m’en servir dans des cas comme celui-ci.

La petite Madeleine ne cesse de rire. Oui, c’est vrai la situation est hilarante. Le pire, c’est que c’est elle qui l’a voulu, c’est elle qui m’a cherché, qui m’a retrouvé. Mazo cette fille, elle s’impose ses belles retrouvailles, comme ça. Pour je ne sais quelle raison. « La différence, c'est que moi, "mon cher Louis" est que j'ai changé. J'ai mûri. Je ne dis pas non plus que tu n'as pas mûri hein. » C’est comme si elle avait quelque chose à prouver. Comme si, elle voulait montrer qu’elle n’est plus la jeune fille totalement folle de moi dont je ne pouvais me débarrasser. Et pourtant, si elle a évolué qu’est-ce qu’elle fait là ? « Si tu as changé, qu’est-ce qui te ramène à moi ? » Au fond, je m’en fous de la raison. Tout ce qui m’importe c’est la casser, lui montrer qu’elle a tord et que quoi qu’elle dise je gagnerai ce débat, d’une manière ou d’une autre.

« L'honnêté ne se paie pas, ça se mérite en quelque sortes. Si tu te sens fier d'utiliser l'argent de mon père, et bien, soit fier de toi écoute. Je me fiche de savoir comment tu l'utilises, ou que tu n'ais plus à demander de l'argent à ta mère. C'est vrai que t'es un fils dépendant de ses parents, qui ne peut même pas se payer de son propre argent, les choses qu'il veut. » Ça sonne comme un reproche venant de sa bouche. Et pourtant, moi, je considère ça comme une qualité. Être capable de vivre sans avoir besoin de travailler. Être suffisament intelligent pour que l’argent vienne dans le compte en banque sans sourciller. Evidemment, je suis issu d’une famille riche, ça aide. Mais dans une autre vie, je sais que j’aurai trouvé le moyen d’avoir de l’argent facile. Enfin, en même temps, dans une autre vie je ne serai peut-être pas moi. Soit. « L’argent de ton père est pratique pour payer les putes. Avec celui de ma mère, j’oserai pas quand même. » dis-je tout en me collant - cette fois - à elle. Je dépose un baiser sur sa nuque chaude, découverte même dans ce froid hivernal. Je prends ça comme une invitation. « Si t’as besoin d’argent, je te paye y a pas de soucis. » Le coup de maître, L’énième provocation. La traiter comme ma pute, comme ce qu’elle a toujours été. La fille qui me courrait après, qui était prête à tout pour m’avoir dans son lit, pour que je la dépucèle. La fille qui aujourd’hui est de retour, après tout ce temps et tout ce qui s’est passé. Et c’est sûr, qu’une fois encore, elle y passera dans mon lit. Au gré de mes envies.

Ma révélation lui a cloué le bec. Je le savais, je m’en doutais. C’est d’ailleurs pour cela que je l’ai dit. Parce que je n’en peux déjà plus de rester là, à écouter ses conneries. Elle aimerait croire qu’elle a changé, mais au fond, elle est toujours cette même gamine que j’ai dépucelé. « Si tu as changé, qu'est-ce qui te ramène à moi? Je voulais m'expliquer avec toi. Puisque t'as changé de numéro, puis que tu ne répondais pas à mes lettres. Chose de faite, après ça, j'aurais plus rien à faire avec toi. » Parfait. Comme ça, je m’en débarrasse une fois pour toute. Moi, changé ? Est-ce que j’ai dit que j’ai changé ? Non, je ne me fais plus prendre, c’est tout. Les filles, c’est moi qui les domine et pas le contraire. Et puis, rien ne me ramène à elle, qu’est-ce qu’elle s’imagine. Je crois que le décalage horaire lui mélange un peu les idées.

« C’est qui qui a parcouru le monde pour retrouver l’autre ? Tu mélanges un peu tout ma petite Malo. Moi je ne t’ai jamais cherché. Et c’est pas pour rien que j’ai jamais répondu à tes lettres. Je suis flemmard, et tu ne méritais pas que je fasse un quelconque effort. » J’enchaîne provocation sur provocation. Ça m’éclate. Cette fille m’éclate. C’est si facile, de la pousser à bout. Je me suis déjà pris une claque et je sens que la deuxième ne tardera pas à arriver. Madeleine, on t’a jamais appris que la violence ne résout rien ? C’est tout ce que j’ai envie de lui dire. « Va te faire foutre Louis, j'ai fais une connerie en te donnant ma virginité, mais je ne coucherais pas encore une fois avec toi. Et encore moins une pute que tu paies quand tu veux pour baiser. » Elle est trop mignonne, bien trop mignonne. Je me demande ce qu’elle croyait, que j’allais lui sauter dans les bras peut-être ? Oh oui, Madeleine d’amour, qu’est-ce que tu m’as manqué. C’est bien trop drôle. Quand on tombe amoureuse d’un mec comme moi, on assume. C’était une erreur, sa plus belle erreur, ça on est d’accord. Mais il faut assumer ses actes au bout d’un moment. En tout cas, moi, je n’en ai pas fini de la provoquer.

Elle est vraiment en colère. Bon Dieu, elle est sexy quand elle s’énerve. Me dire que je ne l’aurais plus jamais, ça sonne comme un défi. Bien sûr que je l’aurai, je l’aurai quand je veux. J’ai qui je veux, de toute façon. « Tu parles, toi ma chérie, je te mets dans mon lit avant le mois prochain. » Et encore, j’étais très gentil. Peu importe la ruse que je devrais usé, j’y arriverai, je le sais. Elle ne me résistera pas, c’est certain. Je m’approche d’elle pour combler l’écart qu’elle a creusé en s’écartant de moi. « Moi j’aime être prêt de toi » dis-je en plongeant mon regard malicieux dans ses yeux brûlants de rage. Sans lui laisser le choix, sans lui laisser l’opportunité de réagir, j’attrape son visage entre mes mains et je lui arrache un baiser.

Exaspéré, je ne peux cacher mon agacement. Est-ce que je n’ai ne serait-ce que semblé un instant heureux de la retrouver ? Je ne crois pas, non. Donc faudrait qu’elle calme ses ardeurs la petite. « Ouais, j'avoue que je t'ai cherché pour te retrouver, sauf que j'avais arrêté, puis comme par hasard, on se retrouve. Si j'ai parcouru le monde pour te retrouver comme tu dis, c'était uniquement pour m'expliquer, rien d'autre. » Par hasard ? Mouais. Je ne crois pas au hasard. Peut-être que c’est vrai, peut-être que, pour une fois, elle ne ment pas. Dans ce contexte précis, j’ai du mal à y croire. Beaucoup trop de mal à y croire. « N’empêche que tu as obtenu ce que tu voulais, tu peux tracer la route maintenant. » J’ai du mal à croire qu’il n’y a que ça. J’ai du mal à croire que la petite Madeleine parcourt le monde simplement pour m’expliquer ses actes passés. C’est bien trop stupide et un tantinet inutile.

Je constate bien que j’ai toujours une certaine emprise sur elle. La pauvre petite est en colère et prétend que jamais plus je ne la toucherai. Mais c’est moi qui décide, c’est moi qui tire les ficelles et il ne faut pas croire qu’elle s’en sortira si facilement. J’ai bien plus d’une corde à mon arc. Je me donne un mois, un mois pour la remettre dans mon lit. Rien qu’une fois. Et puis, bye bye. J’aurais pu dire une semaine, mais un mois ça lui laisse un peu plus d’espoir de gagner. Parce que sans espoir, on est pas assez vulnérable. Et je veux qu’elle le soit Malo, vulnérable. « Tu verras bien que non, babe. » Elle est fière. C’est limite si elle ne bombe pas le torse pour montrer qu’elle aussi elle est forte. Son petit surnom « babe » me fait presque rire. Presque. C’est tout de même un peu trop pathétique pour que ça m’arrache un rictus.

Ni une, ni deux, je prends les devants. Je bondis sur ses lèvres et je m’accroche à elle. Tout mon corps est en ébuilition. À la fois trop nerveux d’être collée à la femme que je hais le plus au monde, mais également bien trop excité en sentant sa chaleur contre la mienne. À ma grande surprise, Malo prolonge le baiser et ne me repousse pas. Non, au contraire, elle l’intensifie. Je pense qu’elle attendait que ça, je pense aussi qu’elle se joue de moi et qu’elle m’attire dans ses filets pour mieux me repousser. Peut-être qu’elle veut me faire mal comme je lui ai fait mal. Sachant que moi, je veux lui faire mal comme elle m’a fait mal. Ce sera un cercle sans fin, une histoire infinie.

Ma main quitte sa chevelure brune pour descendre un peu plus au Sud, vers sa poitrine. J’en ai rien à faire de la ploter en pleine rue, en plein Arrowsic, aux yeux de tous. J’pourrais la mettre à nue, là, tout de suite pour gagner sans trop d’effort mon challenge du jour. Et pourtant, je sais qu’elle ne se laissera pas faire, parce qu’elle ne peut pas me laisser gagner, elle ne veut pas. Du moins, pas aussi facilement. Même si elle en meurt d’envie.

Madeleine a grandi, Madeleine se sent femme. C’est sexy et agaçant à la fois. Sexy, parce que, d’un côté, c’est vrai elle a grandi. Mais c’est agaçant parce que ça sonne également terriblement faux. La pauvre minette a toujours ses petits airs de gamines pourries gâtées. Même sans avoir un sou. Je l’invite gentillement à déguerpir, mais la miss est bien décidée à montrer qu’elle a de la répartie. « Pourquoi toi, tu ne partirais pas? C'était bien ce que tu voulais au début, non? Je t'ai lâché depuis un moment, alors pourquoi t'es toujours là, devant moi? » Un point pour la petite. Je prends un peu mon temps pour répondre. Parce que je ne suis pas tout à fait sûr de la formule à adopter. « T’as raison. En fait tu m’as trop manqué, chérie. » dis-je avec un sourire sadique et pervers. Un sourire qui, je l’espère, lui glace un peu le sang.

Je l’embrasse, elle m’embrasse, on s’embrasse. Je veux voir jusqu’où je peux aller. Je veux voir jusqu’où elle peut aller. Je caresse sa poitrine, doucement. Elle me repousse. Ça, je l’attendais. Dommage. « Que le jeu commence, n'est-ce pas Louis? » Et doucement, elle s’éloigne. Elle s’éloigne sans se retourner. « Je ne te courerai pas après Malo. » J’ai l’impression que c’est ce qu’elle espère. Et pourtant, elle ne se retourne pas. Elle continue de s’éloigner. Elle m’échappe en soit. Et ça m’agace. Ça m’agace parce que pour une fois je n’ai pas su deviner ses intentions ou ses actions. Elle m’a simplement filé entre les doigts, parce qu’elle l’avait décidé ainsi. Ça me plait. Ça m’énerve. Je la déteste. Je la déteste avec amour cette Madeleine.

Peu importe. Je gagnerai ce combat, je m’en fais la promesse. Pour mon année passée en prison, pour les mensonges qu’elle a fait avaler à tout le monde, pour l’image qu’elle m’a donné, pour tout ce qu’elle m’a enlevé. Je veux qu’elle se sente comme moi je me suis sentie au trou. Je veux qu’elle partage ce sentiment qui dévore. Je veux qu’elle devienne comme moi.