S'ébouriffant les cheveux histoire de leur donner un peu plus de prestance, le blondinet soupira un coup. Il se sentait épuisé. Lessivé. Fatigué. Exténué. Si il aurait eu vraiment le choix, il se serait vautré sur le banc, s'étalant de tout son long, balançant ses bras dans le vide, et fermant les yeux. Mais malgré que l'idée de dormir lui plaise, l'idée de dormir sur un matelas aussi dur que ce bois le tentait moins. C'était bien la seule raison qui l'empêcha de s'y vautrer. En signant avec son nouvel entraineur, il ne s'était pas attendu à cela. Bien sûr, il savait que le passage au niveau professionnel serait dur. Il s'y attendait. Mais là, c'était le summum. Il passait les trois-quart de son temps sur un terrain de tennis; Et s'il n'était pas sur un terrain, il était en salle de musculation, ou chez un kiné. Il avait beaucoup de mal à voir Ella, et avec tout ce qui s'était passé à côté -notamment la naissance de Lleyton-, c'était encore pire. C'est à peine si il trouvait le temps de la voir. Imaginez alors le temps de dormir... Son entraineur était un tyran. A tel point que même si il se plaignait des décalages horaires, il était bien heureux d'être dans l'avion. Au moins, il s'y reposait.
En tout cas, même si Michael Abigayle était un plus grand tyran que son prédecesseur Ted, ça portait ces fruits. Il avait fait un très bon 'début' -en réalité, c'était plutôt la fin en cette période d'automne- de saison, et engrangeait pas mal de points déjà. Au final, malgré tout ces sacrifices, c'était le principal; réussir son objectif.
Le visage tout rouge, Mattia enfila rapidement un jean, et mit par-dessus son T-shirt, un pull. Puis, il enfila une veste. Le temps était devenu assez moche, et il était hors de question qu'il tombe malade. Il rêvait de ce planning de fous. Il n'avait pas le temps pour qu'un petit virus ou une bactérie profitent de ses faiblesses, et ne viennent l'envahir. Il attrapa rapidement ses différentes affaires, et récupéra son sac de tennis, avant de se faufiler hors des vestiaires. Il jeta un dernier coup d'oeil à son lieu d'entrainement -les terrains qui l'avaient vu grandir-, balança un « A toute coach! » à son coach, présent de l'autre côté du terrain en train de discuter avec un type qu'il ne connaissait même pas, et sortit dehors.

Il se mit aussitôt à grelotter. Bon sang. L'automne, il détestait ça. Il préférait l'été. L'été, avec son soleil, et ses terrains de terre battue. Son jeu. Il frissonna un coup, avant de rentrer son cou dans ses épaules. Pour ne pas perdre de temps -il devait absolument préparer son sac de voyage, vu qu'il partait le lendemain matin-, il baissa la tête, et marcha rapidement, les yeux rivés sur le sol. Il était dans son monde. Complètement perdu dans Mattia's world. Il repensait à pleins de choses, ses pensées divaguaient d'un sujet à un autre. Du tennis à Lleyton. De son futur adversaire à Ella. De la maison dans laquelle ils avaient aménage à Ashton. De sa mère à ce type qui la suivait.
Il pensait arriver rapidement chez Ashton ainsi. Mais il fut tiré de ses pensées par des cris d'enfants. Relevant alors la tête, il vit que les petits étaient déguisés. En diable. En vampire. En sorcier. En princesse. En sorcière. Il fronça les sourcils. Quoi? C'était déjà Halloween? C'est fou ce que le temps passe vite. Maugréant alors contre le Dieu du temps, Mattia changea de trottoir. Il voulait absolument éviter les petits monstres.
Levant cette fois la tête, il observa tout autour de lui. Au moins, de ce côté, les gens étaient plus normaux. Cette femme faisait ses courses. Un type fumait. Un brun était assis sur un banc. Et oh tiens! On dirait.. Siméon.. Posant cette fois son regard plus intensément, Mattia se rendit compte, qu'effectivement, c'était lui. Siméon. Son 'cousin'. Celui qui l'avait effrayé tout ça parce qu'il avait de l'ADN en commun avec quelqu'un. Celui qu'il avait frappé parce qu'il ne supportait pas l'idée que Teddy couche avec. Ce Siméon..
Il avait changé de couleur de cheveux.
Il était devenu brun maintenant...
Le tennisman s'interrompit quelques secondes, ne sachant pas quoi faire. Il était pressé; Il devait rentrer au plus vite. Faire ses valises. Manger. Retourner jouer. Mais en même temps, ça faisait un moment qu'il voulait le voir. Sans pour autant prendre son courage à deux mains et lui téléphoner. Là, il était devant lui, assis sur un banc, un portable entre les mains.

Tant pis. Il allait le prendre le temps. Il allait pour une fois arrêter de vivre intensément. Le tennisman se remit alors en marche, et arriva rapidement devant le jeune homme. Pour lui faire relever la tête, il le salua. « salut! » Il lui fit un petit sourire, histoire de ne pas le mettre directement mal à l'aise. Parce qu'aujourd'hui, il n'avait pas envie de lui faire du mal. De le blesser. De lui en vouloir. Il voulait juste lui parler. De lui parler directement en face.
Pour être sûr de bien pouvoir lui parler, il déposa son sac sur le banc, à côté de son cousin. Il se sentait de suite plus léger ; ce n'est pas que, mais en faisant autant de sport que là, il finissait par aimer les moments où ses muscles ne travaillaient pas. Repos. Ca, c'était le bonheur. Il observa un instant Siméon. Ca lui faisait tout bizarre de le voir avec cette couleur de cheveux. Brun. Il avait tellement l'habitude de le voir blond que de brun l'étonnait. D'ailleurs, pourquoi il avait décidé de changer de coiffure? Pour changer de vie? Il ne s'était toujours pas remis avec Teddy? Ca crevait les yeux qu'ils s'aimaient.. Ca crevait les yeux qu'ils ne devraient pas l'écouter. Il le lui avait déjà dit à Teddy. « Je te dérange? » demanda-t-il enfin, avant d'ajouter quelques mots. « Je voudrais te parler. »

Le tennisman ne savait pas comment son cousin allait le prendre. Mal sûrement. Il ne s'imaginait pas un seul instant que Siméon lui eut pardonné ce qu'il avait fait. Le frapper comme ça. Pour rien. Juste parce qu'il couchait avec Teddy. C'était futile comme motif. Et au fond, Siméon n'avait pas tord. Il était comme lui. Comme son beau-père. Comme l'oncle de Siméon. Il n'était qu'un idiot de plus qui ne savait pas se battre autrement que par des coups de poing. Les paroles de Siméon l'avaient blessé ce jour-là, mais avec le temps, il s'était rendu compte qu'il avait raison. Il était incapable de rester zen quand quelque chose l'énervait. C'était une des raisons pour laquelle il ne voulait pas de Lleyton. Il avait bien trop peur de lui faire du mal, un jour, quand le petit aurait décidé de faire sa tête de mule.
En tout cas, comme il s'y attendait, Siméon n'était pas fin heureux de le voir. Il avait relevé sa tête vers lui, et s'était mis à le détailler. Un peu comme si il espérait passer Mattia aux rayons X et découvrir tout ce qu'il pensait. Sans doute voulait-il voir si l'idée de le frapper émergeait toujours de son cerveau. Et le pire dans tout ça, c'est que Mattia se sentait mal de le voir réagir comme ça. En plus, avec ces cheveux bruns, il semblait plus froid. « Salut. » Tiens. Le vent était glacé aujourd'hui. Apparemment, il avait aussi glacé les cordes vocales de son cousin. Son ton était froid. Et Mattia se demanda si partir n'était pas la meilleure chose à faire. Au moins, Siméon ne se sentirait pas agresser. Lui non plus d'ailleurs.
Mais finalement, il resta là, à l'observer, lui demandant si il ne le dérangeait pas. C'était idiot comme question. Mais c'était juste pour engager la conversation. Ca se voyait que Siméon n'avait rien à faire à ce moment-là. Sinon, il ne serait pas assis sur ce banc, à regarder les gens passer, et à répondre à des sms, ou jouer à un jeu sur son téléphone portable. Il serait plutôt en route pour aller quelque part. Néanmoins, il lui répondit quand même, et ne s'était pas amusé à lui mettre un vent monumental. « Tout dépend. T’es venu ici pour me frapper ? Parce que si c’est le cas, alors oui, tu me déranges. » Mattia soupira doucement tout en le regardant. Il était blasé. Blasé s'entendre cette histoire ressurgir. « Je n’ai pas le temps pour ces conneries. » Ah ouais? Bah tant mieux parce que lui non plus. Il avait envie de le lui balancer, mais il préféra éviter. Ne pas répondre à ces provocations. Il n'allait pas le frapper. Il n'allait pas non plus lui dire des conneries. Il venait juste lui parler. Et c'est ce qu'il lui dit.

Siméon le regardait alors intensément. Il s'attendait sans doute à ce qu'il continue, qu'il lui explique tout, mais au contraire, Mattia s'était tu. Lui, il préférait attendre d'être sûr pour pouvoir lui dire. « Tu le fais déjà, donc parle, Mattia. » Mattia laissa échapper un léger rire ironique. Depuis quand il voulait jouer au plus malin? Ouais, il lui parlait déjà. Sans déc', il ne l'avait même pas remarqué.. Il ouvrit alors la bouche et lui dit. « Je suis sûr que tu sais déjà de quoi je veux te parler. » il sentait son regard sur lui. Mattia, lui, préféra mettre les mains dans ses poches, et observer un instant Siméon. Il ne savait pas comment entamer la conversation. Il n'avait pas envie de s'excuser. Il détestait s'excuser. Les trois-quart du temps, quand il le faisait, ce n'était jamais sincère. Et l'autre quart du temps, c'était face à Ella, et son Je m'excuse était apparemment linguistiquement non correct. Alors, il préférait ne pas dire ces mots, et se contenter de faire des excuses à sa manière. Détournée. Mais ça lui prenait toujours plus de temps que ces trois mots. Et, Siméon commençait apparemment à s'impatienter. Le voir attendre impatiemment le fit légèrement sourire. Il avait toujours été comme ça. Incapable d'attendre.

Alors, il ouvrit la bouche. Il fallait bien qu'il lui réponde enfin. Il fallait bien que son impatience soit rassasiée. « Je voulais juste te dire que je n'avais pas à me mêler de tes affaires, et de celles de Teddy. Fais ce que tu veux avec elle, ça me regarde pas. » Tout en disant cela, Mattia le regardait. Il l'observait. Il était vraiment désolé de ce qu'il lui avait fait. D'avoir gâché son histoire avec Teddy. De l'avoir frappé pour des conneries. Siméon n'était pas un jeune homme horrible. Bien au contraire. Il l'avait parfaitement remarqué quand il l'avait cherché. Siméon n'avait pas répondu. Il n'était pas comme lui. Non décidé à partir, Mattia fit un pas sur le côté, et grimpa sur le banc. Il détestait s'asseoir là où tout les gens s'asseyaient. Sur les bancs, il aimait poser ses fesses sur le haut du dossier. « Et d'ailleurs, j'espère que vous vous voyez toujours. » Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il était sûr que Teddy et Siméon se revoyaient. Parce qu'ils étaient fait l'un pour l'autre. Parce qu'il avait vu Teddy se sentir mal lorsque Siméon s'était cassé sans se retourner. Parce qu'il lui avait parlé, à Teddy, et parce que bizarrement, quand ils avaient abordé la conversation, elle n'avait pas semblé si triste. Ceci dit, c'était au téléphone. Il avait pu être leurré.

Se retrouver face à Siméon n'était pas chose facile. Il lui renvoyait, par effet miroir, tout ce qu'il avait espéré oublier. Il n'y pouvait rien, c'était comme ça. Siméon lui rappelait sa famille. Il revoyait tout quand il était face à lui, et il stressait beaucoup plus. Pourquoi? Pour une chose débile. Parce qu'un chat ne fait pas de chien. Parce quand on a des liens de sang, on a forcément des traits de caractère identique. C'était génétique. C'était en partie pour cela qu'il s'était si vite emporté ce jour-là. A l'époque, il n'en était pas vraiment conscient. Mais maintenant, il savait. Il avait peur. Et il cachait sa frayeur derrière des coups de poing. Se battre, c'est tellement plus simple que d'affronter une peur. Enfin, se battre est un bien grand mot. Il s'était battu. Seul. Contre un. Siméon lui s'était contenté de cracher son venin par sa bouche, pendant que Mattia usait de son dard. Physiquement, il était le seul à frapper. Sim le seul à recevoir. Mais recevoir des coups physiques n'étaient peut-être rien face à ce que son cousin lui avait dit. Balancé. Il s'en souvenait encore. Tu lui ressembles comme deux gouttes d'eau. Ses mots avaient résonné dans sa tête pendant un moment. Il était comme lui. Il était aussi nul, aussi con, aussi débile, aussi violent, aussi impulsif, aussi méchant, aussi connard que lui. Il était le même.

Pendant qu'il se trouvait à ses côtés, il sentait le regard de son cousin rivé sur lui. Il le déshabillait presque. Usant de tout ces pouvoirs pour essayer de comprendre la raison de sa venue ici. Et puis, finalement, Mattia le lui expliqua. Il raconta qu'il n'avait qu'à faire ce qu'il voulait de sa vie, qu'il n'avait pas à s'en mêler. C'était des excuses comme des autres. Il préférait ça. C'était moins ennuyant, et surtout, ça lui écorchait moins la bouche. Il n'y avait pas d'épines qui lui piqueraient son palais. Ces mots n'eurent cependant pas l'effet escompté. Siméon fit semblant d'être surpris, exagérant. Il poussa alors une grande inspiration -mais dis le si je t'emmerde, je me casse!-, et sortit de sa poche une cigarette qu'il commença à fumer. « Mêles-toi de celle de Teddy si ça te chante. Mais pas de la mienne. » Vas-y, profite de ta clope. Il le savait ça! Il croyait quoi lui? Qu'il n'était pas capable de savoir ça? Jamais il ne se serait mêler de sa vie en temps normal. Si il y avait mis son grain de sel c'est simplement parce qu'il couchait avec Teddy. Comme si, à son âge, on ne pouvait trouver personne d'autres que Teddy. Si il sortait avec une autre fille, autre que Teddy, Jona, ou Ella évidemment, jamais il n'aurait pris la peine de rentrer dans sa vie comme ça. « Quoi que je ne suis pas sûr que ça lui plaise. » Ouais, merci, mais il l'avait remarqué ça aussi. « Mais tu devrais quand même, parce qu’elle attire pas mal de mecs. Ça se comprend. Elle est sexy. » Siméon avait décidé de le chercher. Et il risquait de le trouver si il s'aventurait de ce côté là.

Faisant un grand effort pour ne pas répondre, ne pas répliquer, Mattia serra doucement ses lèvres et s'installa, fesses sur le haut du banc. Il se focalisait sur ce poing pour ne pas exploser, et ne pas laisser à Siméon une occasion de plus pour 'se moquer'. Il était maso son cousin. Il connaissait assez bien Mattia pour savoir qu'il réagissait au quart de tour, et pourtant, ça ne l'empêchait pas de se laisser glisser sur cette mauvaise pente.. Réussissant néanmoins à se contenir, Mattia se mit à murmurer. « Continue comme ça, je risque de pas apprécier.. ». Après quoi, il lui annonça qu'il espérait qu'ils s'étaient revus. Teddy et lui. Il ne voulait pas être à l'origine d'une séparation -même si il l'était sûrement-. « Je croyais que tu ne te mêlais plus de nos affaires ? » Et bam. Mattia jeta un regard blasé à Siméon. C'est bon? Il allait arrêter quand? Quand Mattia se sera bien énervé? En tout cas, il n'allait pas resté zen très longtemps. Pas tant que Siméon n'aurait pas décidé de se calmer. Après lui avoir jeté ce regard qui voulait clairement dire tu as fini?, Mattia secoua doucement la tête. Il n'en revenait pas. Il venait là, à côté de Siméon, mettant de côté sa fierté pour venir lui présenter des excuses à sa manière, et lui, il continuait à jouer au con. Très bien. Il n'allait pas rester très longtemps si c'était comme ça!

A la façon dont la conversation semblait tourner, et au vue de l'énervement qui commençait à monter en lui, Mattia se releva doucement. Il était à moitié debout sur le banc lorsqu'il fut interrompu par Siméon. « Plus sérieusement, t’es venu ici pour me dire ça ? » Il était sérieux là? Évidemment ! Il suffisait de le regarder. Il transpirait, était rouge écarlate. Il ne rêvait que de prendre une douche, et d'enlever cette sueur qui collait à sa peau. Il avait bien autre chose à faire que de discuter avec lui, juste comme ça. Juste pour l'énerver. Stoppé net dans son élan, Mattia l'observa alors, et répondit. « Tu croyais quoi? Que j'étais venu jusqu'ici juste pour te demander des nouvelles de ta famille? Ou juste pour tes beaux yeux? Ou juste parce que j'avais envie de parler avec mon super -il avait bien insisté sur ce dernier mot- cousin? » Il secoua la tête, et se remit debout, les pieds sur la terre ferme. Incroyable. Il était incroyable ce gars. Malgré le fait qu'il le connaissait depuis des années -depuis près de dix ans-, il avait l'impression de ne pas le connaître vraiment. Encore maintenant, il découvrait sa personnalité.
Attrapant une lanière de son sac de sport, Mattia souffla encore quelques mots. « Tu sais quoi? Laisse tomber. Oublie que je suis venu te voir. » Ca vaudra mieux. Ca lui évitera de s'énerver de nouveau. De l'entendre balancer un truc sur Teddy. Parce que ok, elle était sexy. Belle. Mais elle n'était en rien une salope. Même avec sa maladie. Et à rester près de lui, Mattia avait peur d'une chose; qu'il finisse par devenir aussi impulsif que la dernière fois. Parce qu'il n'était pas sûr de supporter un deuxième toi aussi tu couches avec elle?

S'il devait y avoir un point sur lequel Mattia avait fait un gros effort à faire; c'était bien essayer de canaliser sa mauvaise énergie. Autant être débordant d'énergie l'avait aidé, et l'aidera toujours dans son métier. Se battre, tenter de se dépasser, aller au bout de ses limites, étaient son quotidien. Mais il n'avait pas toujours la bonne énergie. Il y en avait une autre, beaucoup plus dur à canaliser. La mauvaise. Celle qui le poussait sans cesse à se battre, à montrer les crocs pour parfois des broutilles. Il était capable de s'énerver pour un rien. Si quelqu'un osait dire du mal de sa mère, il pouvait lui foutre un coup de poing. Si un adversaire le critiquait sur le terrain, il pourrait pousser une gueulante et quitter le terrain. Il n'y pouvait rien; il était comme ça. C'était peut-être ça son plus gros défaut; cette façon de ne pouvoir se contrôler.

Mais il faut dire que son cousin exagérait tout. Il avait ce don incroyable de réussir à emmerder Mattia. En deux-trois phrases, il réussissait à le faire sortir de ses gongs. Il n'y avait pas de doute là-dessus; Siméon avait un sacré don. C'est pourquoi Mattia s'était rapidement relevé, mettant son sac sur son épaule, et s'emportant, demandant pourquoi il serait venu jusqu'ici sinon. En tout cas, tout ce qu'il dit n'était en rien vrai. Des nouvelles de la famille, il n'en voulait pas. Les beaux yeux de Siméon n'avaient rien de comparables avec ceux d'Ella. Et il n'avait pas envie non plus de parler à Siméon. Enfin, si, ça il le voulait. Mais ce n'était pas pour se taper la discussion. Il voulait juste lui dire les mots qu'il lui avait dit; lui avouer qu'il n'avait pas à se mêler de la vie de Teddy. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Coucher avec n'importe quel mec. S'en taper cinq dans une soirée, et il en passait. « Je sais que, derrière cette touffe blonde, il y a quand même un cerveau. Je sais aussi que ça aurait été vraiment bizarre que tu viennes pour ces raisons. Pourquoi t’es venu ? J’en sais rien. Si c’était pour t’excuser, t’avais pas vraiment besoin de le faire. On s’en fout que tu m’aies frappé pour les beaux yeux de la s… De Teddy. » De la s...??? Qu'est-ce qu'il aurait aimé dire? De la salope? C'était ça? Les yeux rivés vers lui, lui qui haussait les épaules presque innocemment, Mattia eut du mal à se dire qu'il le cherchait. « Ouesh. Détends-toi, mec. »

Mais comme toujours, Mattia avait du mal à se calmer. A rester zen. Sérieusement, il enviait souvent les gens qui ne répondaient pas, qui ne répliquaient en rien. Les gens qui entendaient tout, et que tout ressortait. Il aurait bien aimé être comme ça. Malheureusement, non. Lui, il faut qu'il réagisse mal. C'est presque vital. Alors, plutôt que de s'énerver encore plus, il s'était levé, avait réajusté la lanière de son sac et était prêt à s'en aller. Lorsqu'il le lui dit, il aperçut Siméon lever les yeux au ciel. Il semblait dépassé par les évènements. Il l'avait bien cherché non? Il pourrait être content, et se féliciter; au moins, Mattia n'allait pas l'emmerder longtemps et en prime il ne risquait pas d'avoir un oeil au beurre noir.
Contre toute attente, il vit Siméon se redresser sur le banc, et l'entendit dire « Fais pas chier, Matty. Ne te la joue pas façon mec susceptible. Ça passe quand c’est une meuf, mais pas quand c’est un mec. » Le regard rivé sur lui, Mattia l'observa un instant, se demandant ce qu'il devait faire. Se calmer? Ou continuer à s'en aller, passablement énervé? Il ne savait pas pourquoi, il ne savait pas si c'était ce petit Matty, ou si c'était simplement son ton plus gai, mais il finit par reposer son sac sur le sol, et à venir recoller ses fesses sur le dossier du banc. Il ne savait pas vraiment quoi lui dire. Enoncer un « je m'excuse » clair et net lui semblait impossible. Ces mots étaient interdits de sortir de sa bouche. Mais en même temps, il avait bien envie qu'il comprenne qu'il n'était pas venu en tant qu''ennemi'. Il souffla alors un petit coup, juste avant de sourire. « Quoi? Un mec susceptible, c'est mignon non? » Il jeta alors son regard sur lui, et se mit à sourire. Légèrement. Histoire de montrer que lui aussi, il voulait bien détendre l'atmosphère. Tenter de se calmer à son tour. Allez.. Siméon n'était pas un monstre. Il l'avait toujours bien apprécié, avant. Pourquoi ça changerait? Pourquoi le fait qu'il ait couché avec Teddy changerait quelque chose?
Il ne sut pas quoi dire d'autre. Il aurait pu s'excuser, mais d'un, ces mots avaient du mal à sortir de sa bouche, et deux, Siméon ne s'y attendait pas. C'était bien ce qu'il lui avait dit. Mais pour ne pas rester non plus sur un silence de sa part, il avoua. « Jétais juste venu pour te parler de Teddy. Je te promets, je m'en mêlerais plus de vos histoires! » La promesse faite, il se mit à sourire à Siméon. Au moins, c'était dit. Jamais plus il ne se mêlera de la vie de Teddy et de Siméon. Ca l'avait fait chier, qu'elle soit avec lui. Simplement parce qu'il faisait parti de sa famille, simplement parce qu'il avait peur qu'il soit comme l'autre. Mais c'était idiot. Siméon n'était pas bagarreur. La preuve. Dès que Mattia l'avait frappé, il n'avait pas répliqué. Du moins physiquement.. Et puis, depuis qu'ils n'étaient plus ensemble, Teddy avait été infecte. Bon, ok, elle était souvent infecte, mais là, ça avait duré très longtemps. Beaucoup trop longtemps..
Se rendant compte qu'il avait grandement faim -il avait quand même bien couru-, Mattia se pencha et fouilla à l'intérieur de son sac. Il en extirpa un Mars, puis un deuxième. Le tendant vers Siméon, il lui demanda alors. « T'en veux? » Puis, il ferma son sac et commença à ouvrir son mars. « J'ai trop faim. »

Mattia n'était pas un type susceptible. Il était quelqu'un d'irritable. Il n'y pouvait rien. Il suffisait d'une toute petite goutte d'eau pour que son vase déborde, et que sa colère inonde les alentours. Il n'arrivait pas à canaliser ce trop plein d'énervement. Il n'était pas quelqu'un qui avait besoin de garder tout ça, au fond de lui, et qui se laissait petit à petit dépérir, sous la masse grandissante de la tumeur de la rage. Lui, il avait ce besoin inexorable de faire éclater la grosseur, de laisser sa colère se déverser pour mieux se sentir, ne serait-ce que quelques secondes plus tard. Il n'y pouvait rien, il était comme ça. C'était invivable pour ses proches, il en avait bien conscience. Mais c'était comme ça. Il préférait répliquer, se lâcher, hurler, crier, se battre, plutôt que de garder au fond de lui ce qui l'emmerdait. Il ne s'autosuicidait pas au moins. C'est vrai qu'on disait souvent ça; que les gens qui disaient ce qu'ils avaient sur le coeur allaient toujours mieux que les autres. Ils ne ruminaient pas. Au moins, pour ça, Mattia irait bien.
Trouvant qu'un mec susceptible était mignon, il le lui dit. Siméon, tout comme Mattia, ne put s'empêcher de sourire. « Ça, j’en sais rien. Faudrait demander à des connaisseurs. » Peut-être.. Il réfléchit un instant, repensant à Ella et à lui. Y avait-il une fois où il avait joué de sa susceptibilité avec elle? Oui. Il se souvenait d'une fois, où la jeune fille avait fait en sorte de partir dix minutes de son entrainement de natation synchronisée juste pour passer un peu plus de temps avec lui. Il avait bataillé pour ça. Il avait fait sa petite moue, et s'était vexé quand au début, elle avait dit ne pas pouvoir. En repensant à ce souvenir, il se mit à sourire encore plus. C'était la belle époque à ce moment-là. Ils n'avaient pas de soucis en tête.

Et puis après, il ouvrit la bouche et lui raconta pourquoi il était venu. Juste pour dire qu'il ne se mêlerait plus de ses histoires. A lui et à Teddy. Se mêler de ce qui ne le regardait pas n'était pas dans ses habitudes. En général, il vivait sa vie, et ne regardait pas autour de lui. Il était en quelque sorte un peu égoiste. Mais là, parce que c'était de Teddy qu'il s'agissait, et parce que c'était aussi de Siméon, il n'avait pu s'empêcher de voir cette histoire d'un mauvais oeil. Parce qu'ils avaient cinq ans d'écart. Parce que Siméon était le neveu de l'autre. Parce que tout ça l'ennuyait.« D’accord. Mais de toute façon, il ne vaut mieux pas pour toi si t’espères garder tes neurones, mec. » Garder ces neurones? En l'entendant dire ces mots, Mattia ne put s'empêcher de sourire, l'imitant. « Tu dis ça pourquoi? Pour éviter que je me prenne une baffe sur la tête, la spéciale Teddy, celle qu'elle met quand elle est contrariée, ou parce que votre histoire est trop compliquée? Nan, parce qu'avec le peu que j'ai su, j'ai cru comprendre que ça n'avait pas l'air simple..» il posait une question, oui. Mais il avait ajouté une phrase exprès. Pour pas qu'on dise qu'il voulait trop en savoir et qu'il s'immisçait dans la relation des deux jeunes gens. Et pour finir, il eut un petit sourire. Quoi? Un coup, ils étaient ensemble. Deux secondes plus tard, parce qu'il avait eu le malheur de dire quelque chose -et de frapper Siméon- ils n'étaient plus ensemble.. C'était à en perdre son latin..

Puis, il fouilla dans son sac pour chercher de la nourriture. Son ventre gargouillait; il se sentait beaucoup plus faible. Il en avait ressortit deux mars, en tendant un à Siméon. « Non, merci. Je te laisse le dévorer. T’en auras sûrement plus besoin que moi. » Il n'en voulait pas? Il ne voulait pas de mars? C'était surprenant ça ! Qui pouvait résister à ces conneries?Pas lui en tout cas. Michael peut-être.. Si il était dans le coin, son entraineur lui piquerait sans doute son gateau, prétextant que c'était trop calorique.. Mais là, il n'était pas là, il pouvait faire tout ce qu'il voulait. C'était ça le côté négatif du sport; il fallait faire attention à tout, garder un poids idéal, ne pas bouger, et etc.. Et par conséquent, ne pas forcément manger tout ce qu'on voulait.. Croquant à pleines dents dans son gâteau, Mattia jeta un coup d'oeil à Siméon. « Tant pis pour toi, tuchaispascequetuloupes. » fit-il en souriant, et en mangeant. Il avala une première bouchée, et puis, n'y tenant plus, il finit par demander à son cousin. « Bon, t'es pas obligé de répondre, mais j'aimerais bien savoir quand même.. tu es de nouveau avec? » Ses yeux bleus restèrent alors rivés sur lui. Il avait de nouveau un petit sourire au coin des lèvres. Avec Teddy, il avait évité la discussion. Enfin, plus ou moins. Il n'y avait pas si longtemps que cela -un mois peut-être-, il avait parlé avec elle par sms, et il avait cru comprendre qu'ils étaient de nouveau ensemble. Peut-être se trompait-il d'ailleurs.. Teddy et Jona racontaient tellement de conneries par moment qu'il ne savait plus les histoires de l'une ou de l'autre. Il les confondait. Il avait l'impression, que lui, le seul homme dans cette bande de filles, avait une vie sentimentale beaucoup plus stable qu'elles. Et il avait quitté sa copine, son ex avait eu un bébé, et il était de nouveau ensemble sans vouloir du bébé.. Autant dire que les relations amoureuses des filles devaient être bien bouleversantes.

Spoiler:

Entre Teddy et Jona, Mattia était gâté. Il trouvait son histoire sentimentale avec Ella très compliquée. Il faut dire que jamais il n'avait imaginé sortir avec une fille aussi intelligente que Ella. Jusqu'à présent, jusqu'à ce jour où ses lèvres avaient rencontrés les douces lèvres d'Ella, il n'était sorti qu'avec des filles, toutes pas aussi intelligentes qu'Ella. Et la seule qui pouvait être aussi douée qu'elle avait passé l'âge du lycée. Oui, Mattia était sorti avec une fille un peu plus âgée que lui.. Ce fut d'ailleurs un drame lorsqu'elle apprit le véritable âge du tennisman à l'époque. Elle l'avait insulté de tout les noms, lui demandant si il se rendait compte de ce qu'il avait fait. Et plus tard, lorsqu'il l'avait revu, à chaque fois, elle se faisait passer pour sa soeur jumelle. Mais Mattia savait que c'était bien celle avec qui il était sorti.. Dire qu'il en avait voulu à Siméon pour avoir couché avec Teddy, de cinq ans sa cadette. Il avait fait la même chose; il avait couché avec une de ses aînées. Bref. Mattia avait toujours eu une vie sentimentale mouvementée. Quand enfin il avait trouvé l'amour -et le grand- avec Ella, jamais il n'aurait cru qu'il allait finir par devenir papa -techniquement parlant bien sûr- quelques mois plus tard. Leur amour s'était alors écroulé sous les dégâts de cette déclaration.
Sa vie sentimentale avait donc été très mouvementée jusqu'à maintenant. Mais franchement, plus il y réfléchissait, plus il se disait que sa vie n'était rien face à celles des filles. Non parce que chez lui tout était simple. Ella était enceinte, il ne voulait pas du bébé, il la quittait. Mais les histoires de Teddy et de Jona étaient mille fois plus compliquées. D'ailleurs, entre elles deux il confondait pas mal. Elles couchaient toutes les deux assez facilement. Et après, elles reparlaient de leurs aventures, riant ou pleurant presque. Voulant retourner avec l'autre dans le lit. Ou voulant à tout prix l'éviter. Pourquoi? Il n'en savait rien. Il écoutait juste, se contentant de répondre des 'oui' quand il sentait que c'était ce qu'elles voulaient entendre. Matty t'es d'accord avec moi, il est con? oui!! Je voudrais le castrer! Matty, tu viendrais avec moi? oui! Entre les deux, il avait de quoi se perdre..
Quand Mattia lui demanda pourquoi il perdrait ses neurones, il aperçut Siméon s'amuser. « Eh bien, je n’avais pas réfléchi à la première solution, mais maintenant que tu le dis… » Ca, Mattia ne l'oubliait pas. Lorsqu'il lui avait dit qu'il avait lâché Ella, elle lui avait mis une baffe sur le crâne. Elle avait ce don de faire ça, sans doute lorsqu'elle paniquait. Ce jour-là, en tout cas, elle était paniquée pour lui. « Non, plus sérieusement, c’est compliqué. Pour ta survie, je pense que, de toute façon, tu n’aurais plus voulu mettre les pieds dans cette relation, mec. » Au fond, ça ne voulait rien dire et tout dire. Il faisait exprès de vouloir lui mettre la tête à l'envers de la sorte?? Relevant les yeux vers lui, quelque peu perplexe, il murmura. « ouais » Il n'était pas convaincu; il se demandait bien tout ce qu'il voulait sous-entendre.

Le tennisman mangea alors son mars, toujours assis près de Siméon, le dégustant, et faisait rire son cousin. Il finit par lui demander si Teddy et lui étaient de nouveau ensemble. Mal lui en a pris! Siméon commença alors à inspirer un grand coup, rendant encore plus perplexe Mattia. Qu'est-ce qu'il avait dit? C'était Jona qui avait un petit ami alors? Et Teddy personne? Nan.. Il était quasiment sûr que c'était Teddy qui lui avait dit qu'elle sortait avec quelqu'un. Il en mettrait sa main à couper -et un joueur de tennis ne mettait jamais sa main à couper pour rien-. Il vit alors Siméon le regarder et sourire. « Tu sais que je n’ai jamais été avec Teddy quand même ? » Jamais? Bah alors quoi? « Disons que… On sort ensemble maintenant. » Maintenant? Maintenant? En entendant ce mot, Mattia qui venait d'enfourner une dernière bouchée de son mars, faillit s'étouffer. Il se mit à tousser, et réussit quand même à survivre. Il reposa son regard sur Siméon, éberlué. Maintenant? Alors avant ils faisaient quoi?? « et avant vous faisiez quoi alors? » C'est alors qu'il comprit, enfin, ce qu'il voulait dire. Bon sang! Pourquoi n'y avait-il pas penser plus tôt? Il s'agissait de Teddy.. Quand il le comprit enfin, il se mit alors à rire. « Ah! Ok! Avant, vous couchiez ensemble régulièrement, mais maintenant, vous sortez ensemble. » A ses yeux, coucher régulièrement ensemble voulait forcément dire être ensemble. Sauf si les deux n'étaient pas fidèles, ce qui, vu l'état de Teddy, était fort probable. Il se mit à sourire, et observa Siméon. Il avait perdu tout sourire. Il avait eu ces derniers mots d'un ton bien plus bas que d'habitude. Fronçant les sourcils, Mattia finit par parler, lui aussi, un ton plus bas. « Si tu veux que je dise rien, je dis rien... De toute façon, je me tairais. Je suis pas du genre à balancer des scoops. » Il voulait absolument le rassurer. Lui dire qu'il se tairait. Maintenant qu'ils s'entendaient de nouveau assez biens, il n'avait pas envie de gâcher ça. Si il ne voulait pas que tout Arrowsic sache qu'il sortait avec Teddy, alors il ne dirait rien. C'était aussi simple que cela.

Teddy était malade. Hypersexuellement malade. Ca, il l'avait toujours su. Enfin, pas toujours, mais elle le lui avait dit un jour. Il s'en souvenait encore. Ce jour-là, Teddy lui avait -gentiment- demandé de venir faire des courses avec elle. Pensant qu'elle désirait lui offrir un cadeau d'anniversaire vu que sa fête approchait à grands pas, il avait accepté, et s'était rendu avec elle dans le centre d'Arrowsic. Elle avait dévalisé le magasin. Mais les mauvais. Elle était rentrée dans X magasins de femmes, et avait trouvé cinquante mille tenues, toutes plus courtes les unes que les autres. A un moment, Mattia avait trouvé la robe qu'elle portait un peu trop aguichante. Riant, il avait osé sortir cette phrase. Tu veux ressembler à une pute Teddy? Parce qu'honnêtement, c'était l'idée qu'il se faisait de Teddy, là, devant lui, habillée avec une robe ras les fesses, et avec un décolleté aussi plongeant sur le devant et sur le derrière. Au début, en l'entendant, elle avait ouvert la bouche Non, j'ai envie de te séduire. Mattia avait flippé. Littéralement. Teddy était sa meilleure amie. Ce n'était pas une petite amie potentielle. Il préférait la voir nonne que marier avec lui. Et au bout de plusieurs secondes qui parurent une éternité pour le lycéen de l'époque, sa meilleure amie se mit à rire, surement amusée de voir sa tête incrédule, et avait eu ces mots ; c'est une maladie, j'y peux rien. Hypersexualité, truc du genre, tu vois. Mais, dis rien, hein. Puis, j'vais pas avoir envie de te sauter dessus. Sa tête n'avait pas bien du changer. Il découvrait ce mot Hypersexualité. Il n'en avait jamais entendu parler, mais n'était pas non plus un idiot. Il avait bien compris. Il fallait du sexe à Teddy. Comme il faut de l'oxygène à un patient qui respire mal. C'était pareil.. Il se souvenait encore d'une chose à propos de ce jour-là. Il avait mis quelques secondes avant de réaliser ce qu'elle voulait dire, mais il avait finit par lâcher un sourire. Il imaginait un docteur annoncer la nouvelle de sa maladie à Teddy. Ils avaient du finir la consultation sur la table d'examen..

Alors, oui, il pouvait comprendre que c'était compliqué. Mais ça semblait si compliqué, que lui, il en était perdu. Et avec Jona comme autre amie, normal qu'il se sente perdu. Cependant, une chose vint faire tinter ses oreilles. Siméon ne put s'empêcher de lui répondre à son tour. « Je peux tenter de t’expliquer en quoi c’est compliqué, mais je ne pense pas que ça va réellement t’éclairer. » Son ton était aussi incrédule que celui du tennisman. Ne comprenait-il pas non plus ce qu'il ressentait, et ce qui se passait avec Teddy? Il fallait croire ça. C'était ce que le ton du jeune homme sous-entendait. Le regard de Mattia, perplexe, se reposa alors sur son cousin. Au bout de deux secondes, il lâcha un « Nan, ça ira, va.. » Ne t'embête pas. Je vois bien que tu as du mal toi aussi..

Sur ce, Mattia comprit, enfin, ce que tout ça voulait dire. Qu'ils ne sortaient pas ensemble. Qu'ils couchaient juste ensemble. Avant. Là, enfin, il le comprit vraiment. C'était logique en même temps. Teddy aimait le sexe, elle n'aimait pas l'homme. Elle, elle voulait juste quelqu'un dans son lit, par moment. C'est tout. Siméon ne put s'empêcher de rire en l'entendant. Il fit même mine de l'applaudir. Voyant comme il se moquait de lui, Mattia se mit à rire doucement. « Bien, Mattia. Je vois que ton cerveau a brillamment fonctionné. » Là, il balancé un doux coup de coude dans les côtes de son cousin. Un coup amical, loin d'être brutus. Si Siméon avait mal avec ça, c'est que c'était une mauviette. Souriant alors, Mattia finit par lâcher un « C'est bon, arrête de te moquer, je connais pas toutes vos histoires moi! » Mais au fond de lui, il riait aussi. Cette histoire l'amusait. Il ne comprenait même pas pourquoi il n'avait pas compris plus tôt. Sans doute que son cerveau était en manque de sucre. Il était tout le temps en manque de sucre après un entrainement. C'était sans doute ça la réponse.
Enfin, Mattia se calma. Il voyait bien que Siméon était embêté, et qu'il ne voulait pas que toute la ville soit au courant de sa relation. Normal. Teddy était plus jeune de cinq ans. Et connaissant les gens d'Arrowsic, nul doute que si une personne était au courant, leur relation serait étalé sur la place publique. Au marché, les mamies parleraient de ça. Chez le coiffeur aussi. Partout. Il lui dit alors qu'il ne dirait rien. « Merci, mec. » Mattia lui rendit un sourire, avant d'entamer son deuxième -oh combien précieux- mars.
Il croqua à pleine dents dedans, tout en jetant de temps en temps des coups d'oeil à son cousin. Toujours à côté de lui, ils semblaient enclin à laisser un peu de temps au silence. Ils entendaient les voitures accélérer ou freiner, et les patients parler. « Tu sais quoi ? J’sais pas comment tu fais pour lui résister. » Relevant aussitôt la tête vers lui, Mattia se mit à rire. Il était sérieux là? Il parlait bien de Teddy? Ok, elle était magnifique, splendide même, mais ils parlaient de Teddy. Sa meilleure amie. Celle qu'il connaissait plus pour faire des conneries non sexuelles. Reprenant alors son sérieux, Mattia croqua dans son mars, et haussa doucement les épaules. « Je sais pas, c'est comme ça. » Que dire d'autres? Qu'elle n'était pas belle? Il mentirait. Alors, il rouvrit la bouche. « C'est pas mon genre.. Elle est très belle !! Mais tu sais, je préfère celles qui sont blondes, ou châtains.. » Là, il eut un sourire. Un sourire qui en disait long. Il pensait à Ella. A son Ella. A cette fille qui, depuis la première fois où ils s'étaient embrassés, un an auparavant, l'avait électrisé et hypnotisé comme jamais. « Et quand j'ai rencontré Teddy, on s'est tout de suite bien entendu. Elle faisait des conneries, moi aussi. On rigolait tout le temps. On se moquait pas mal des autres.. Je sais pas. Je crois qu'on était fait pour être juste copains. »

Ils avaient fait de sacrés progrès. Du moins, Mattia avait fait de sacrés efforts. Il n'y pouvait rien, c'était toujours plus fort que lui; supporter Siméon, c'était comme accepter sa famille, et par la même occasion son enfoiré d'oncle. Il ne savait pas pourquoi, mais un jour, alors qu'il était chez un ami, et que Siméon était là pour customiser leurs raquettes de tennis, celui-ci avait bien voulu discuter. Faire le premier pas. Mal à l'aise au début, se rendant compte que si il faisait tout cet effort c'était parce qu'il savait, qu'il connaissait l'histoire de Mattia, le tennisman avait finit par accepter la discussion. Ils s'entendaient bien. Jusqu'à ce que Teddy arrive dans la discussion, et que tout tourne au drame. Pour une fille. Mais pas n'importe laquelle; c'était pour Teddy. La jeune fille sexuellement malade. Mattia la connaissait depuis qu'elle était arrivée ici, à Arrowsic, dans le Maine. Depuis ce jour-là, ils avaient été inséparables, s'entendant tout le temps à merveille. Ceci dit, ils avaient toujours leur petit jardin secret. Ils ne disaient pas tout, ne se racontaient pas toutes leurs vies. C'est comme ça que Mattia n'avait pas su pour Siméon et elle. Qu'ils couchaient ensemble par moment. Juste comme ça. Juste pour le sexe. Sans amour. Ca, d'ailleurs, il venait de le découvrir. Quand il avait frappé Siméon, il avait cru comprendre que c'était lui, Siméon, son cher cousin, qui couchait comme ça avec elle. Il était loin de se douter que c'était ce qu'elle voulait elle aussi. Comme quoi, leur relation était bien compliquée. Il préférait déclarer forfait, et éviter de se battre, et d'utiliser trop de sucres par son cerveau. Il préférait garder son énergie pour tout à l'heure, l'heure de course qui était prévu dans l'après-midi. « Je comprends. » Siméon riait. Mattia avait l'impression que lui-aussi était tout autant perdu. Comme quoi le coeur et l'esprit font des choses que parfois nous ne comprenons pas.

Et le jeune homme ne tarda pas à se moquer de Mattia. Bon, ok, Mattia méritait un peu ses moqueries. Mais il fallait se mettre à sa place, il connaissait Teddy, il savait qu'elle aimait coucher avec les gars, mais c'était une fille. Pour lui, c'était presque invraisemblable qu'elle ne s'attache pas aux mecs avec qui elle couchait. C'était donc invraisemblable que Siméon et elle n'aient qu'une relation non exclusive, sans amour. Même si au vue de ce que lui avait dit son cousin ce fameux jour-là, il aurait du le comprendre. Au contraire, la haine qu'il avait ressenti envers lui l'avait aveuglé. « T’es juste blond. Quoi que c’est de famille ça. » Là, Siméon esquissa un grand sourire, et Mattia aussi. De famille. La blondeur venait de l'ADN. Techniquement parlant, ils n'avaient rien en commun. Mais parce que quand même, malgré qu'il ait hait son beau-père, malgré qu'il l'ait profondément détesté, c'était sa famille. Siméon aussi. Même si maintenant il avait les cheveux bruns

Puis, Siméon lui demanda alors comment il avait fait pour résister à Teddy. Ca, ça faisait pas mal rire Mattia. Siméon était possédé. Ca se voyait. Il avait Teddy dans sa tête, il l'avait même dans son corps. Le tennisman réfléchit un instant et essaya de lui dire le plus clairement possible pourquoi il n'était jamais tombé sous le charme de Teddy. Malgré sa beauté naturelle. Malgré la bombe qu'elle représentait. Mattia prit alors la parole et lui expliqua qu'il préférait les blondes. « Pourquoi tu souris comme ça ? » Bon sang! Il avait eut un sourire tellement niais que même Siméon l'avait remarqué. Il se mit alors à rire un instant, avant de continuer sur sa lancée. Ca ne semblait pas convaincre du tout son cousin. « Mmh… Je vois ce que tu veux dire. Ca me paraît plutôt compréhensible… Non mais avoue, t’as un truc pour lui résister. Dis-moi ce que c’est, mec. » Le regard de Mattia se posa sur le jeune homme. Bon. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir dire là? Il pouvait lui parler d'Ella. Parce que c'était sans doute pour ça que Teddy ne lui avait pas plu. Sa meilleure amie était là depuis deux ans. Et un an avant que Mattia sorte avec Ella, il en pinçait déjà pour elle. Déjà au moment de sa rencontre avec Teddy. Déjà quand il sortait avec toutes ces autres filles. Enfouissant alors ses mains dans son gilet de sport Mattia eut un petit sourire. « Ok, j'ai un truc.. » Il allait lui dire. Il pouvait lui faire confiance non? Siméon ne serait quand même pas du genre à répéter toute sa vie privée sous tous les toits.. Il ne l'espérait pas évidemment. « J'avais une petite amie, Ella. T'as du en entendre parler.. » Il était à deux doigts de lui dire parce qu'elle est tombée enceinte. Tout Arrowsic en avait entendu parler. Avec un peu de chance, au moins, Siméon n'était au courant de rien. « Je suis sorti avec elle, il y a un an.. Mais pour tout te dire, je crois que ça faisait un moment que j'en pinçais pour elle. Peut-être depuis deux ans.. Je ne sais pas trop.. Je sortais avec d'autres filles, je m'amusais, mais je trouvais Ella sexy. Je crois que c'est pour ça qu'avec Teddy, il n'y a jamais rien eu. J'avais quelqu'un d'autre en tête. » Et ce quelqu'un d'autre était tout aussi magnifique, tout aussi splendide, tout aussi beau. C'était Ella quoi.. « et je peux t'assurer qu'elle est aussi belle que Teddy. »

Parfois, il arrive qu'on perde une occasion de se taire. Souvent, c'est parce qu'on fait une bourde, quand par exemple on dit à un ami 'A demain!' alors que le lendemain, justement, on lui organise une fête surprise, et qu'en théorie on n'était pas censé se voir. Ca peut arriver aussi lorsqu'on essaye de cacher une heure de colle à ses parents, et que malheureusement, on en parle avec un ami au téléphone, alors que la porte entre la chambre et le couloir est ouverte. Ca arrivait souvent à Mattia, à l'époque. Mais là, aujourd'hui, à cet instant précis, il avait manqué une belle occasion de se taire. Ou du moins, il avait manqué une occasion de parler au présent. Il avait fallut qu'il use du passé, qu'il dise j'avais une petite amie. J'avais. J'ai. Il l'avait encore maintenant non? Même si ce n'était plus pareil. Leur relation allait peut-être couper court. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autres? Ella était maman, et il ne voulait pas de ce bébé. Il voyait mal comment prendre la mère et laisser le gamin à côté. Ca ne se faisait pas. Et pourtant, c'était un peu ce qu'il faisait là.

Mattia dit qu'il en avait peut-être entendu parler. Leur relation avait fait le tour du lycée, et même le tour de la ville lorsqu'Ella avait commencé par avoir un bonnet de plus à son soutien-gorge. C'était peu banal ici, une gamine de dix-sept ans qui tombe enceinte. En plus, Ella n'était pas du genre à trainer dans les bars, à se taper tous les mecs qu'elle croisait, et j'en passe. Ca avait fait quelques remues-ménages. Bien que Teddy ait essayé de faire quelque chose, et de balancer à tout le monde qu'elle était enceinte. Juste histoire de les sauver. « Non. En fait, non. » Parfait. Il ne savait rien. Au moins, ça le sauvait. Il n'avait pas grandement envie de lui expliquer à son tour son histoire d'amour rocambolesque qui se finissait à travers couches et biberons. Rots et caca.
De ce fait, Mattia enchaina, expliquant ce qui, peut-être, était la raison pour laquelle jamais il n'avait eu envie de se rapprocher de Teddy. Parce qu'il en pinçait déjà pour la belle blonde qui comprenait tout aux langues, mais rien aux maths. Parce qu'il aimait la voir danser dans l'eau comme elle le faisait, habillée avec des tenues colorées, et ses cheveux pleins de gélatine, la tête sous l'eau, les pieds en l'air. Parce qu'il aimait la voir discuter avec Mia en pouffant de rire devant le prof d'histoire géo. Parce qu'il aimait la voir expliquer à tout le monde ce qu'était une anaphore. « Je vois ce que tu veux dire. C’est juste impossible à faire de toute façon. » Impossible d'aller vers une autre fille alors que tu en pinces pour une autre? Oui. Impossible était le mot. Il était sorti avec quelques autres filles, mais ça avait toujours été sans lendemain. Ou du moins, il y avait eu des lendemains, mais pas beaucoup de sur-lendemains. Au fond, il recherchait sans doute déjà une Ella dans ses autres copines. Et, même si il adorait Teddy, et l'aimait sincèrement, elle n'avait pas grand chose en commun avec Ella. Hormis le fait d'être une autre beauté naturelle. « Et t’es plus avec alors ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Et voilà pourquoi Mattia avait perdu l'occasion de se taire. Le passé qu'il avait utilisé n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Siméon l'observait. Il désirait savoir. Ca se voyait. Et qu'est-ce que Mattia pouvait dire? Lui raconter toute la vérité? Il venait de se réconcilier avec Siméon, ce n'était peut-être pas le moment pour que Siméon sache et ne comprenne pas. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autres alors? Se taire? Le silence était encore pire. Il allait surement aller voir Teddy et lui demander de lui raconter tout entre deux parties de jambes-en-l'air. Elle allait lui dire..

Mattia laissa le silence s'installer quelques secondes, ses yeux regardant droit devant lui. Il ne fallait pas qu'il tarde à lui répondre. Il allait se poser beaucoup trop de questions sinon. Alors, Mattia posa son regard sur lui, et l'observa un instant. « En fait si, on est encore ensemble.. Du moins, on est de nouveau ensemble. Mais si tu pouvais garder ça pour toi ce serait super! Son frère -et aussi mon tuteur – ne le sait pas encore et je n'ai pas envie qu'il le découvre. » Il le tuerait sans doute. Aux yeux d'Ashton, Ella était redevenue un bébé. Un bébé qui venait d'enfanter. Il fit un petit sourire, et raconta alors en quelques secondes. « Je l'ai quitté quand j'ai appris qu'elle était enceinte. » Cette phrase, il l'avait dit tellement vite qu'il ne savait même pas si Siméon avait compris ce qu'il racontait. Mais qu'importe; il n'allait pas la répéter une deuxième fois. « C'est en partie pour ça que je ne vis plus chez.. lui » Bon, même si sa phrase était assez énigmatique, Mattia était quasiment certain que là, Siméon allait comprendre qu'il parlait de son oncle, beau-père accessoirement. Il remua ses doigts congelés dans les poches de son gilet, et observa un instant Siméon. « T'as un petit cousin Siméon. Il s'appelle Lleyton. Mais je.. » Il s'interrompit un instant, cherchant ses mots. « Je ne suis pas encore prêt à être son père. Et avec Ella, on ressort ensemble. Je ne sais pas trop où ça nous menera.»

A ce moment précis, Mattia avait l'impression d'être son cousin. Ou Teddy. Enfin un des deux. Il avait cette impression de raconter aussi une histoire abracadabrante, une histoire tellement compliquée, que même lui, il avait du mal à l'expliquer. Dire pourquoi il ne voulait pas de gamin. Dire pourquoi il ne vivait plus chez ses parents. Dire pourquoi il voulait ressortir encore avec Ella. Mattia se mit alors à sourire. « J'ai l'impression d'être toi là à essayer d'expliquer une histoire compliquée. » Quoiqu'il avait quand même l'impression que la leur, celle de Teddy et Siméon battait tout les records. Même sans gamin entre eux.

L'effet de surprise était toujours le même lorsque Mattia s'entêtait à vouloir dire la vérité. Il avait beau essayer de dire le plus rapidement possible, ou bien le plus bas possible le fait qu'il ait réussi, à dix-sept ans et des brouettes, à mettre une fille enceinte, la réaction des gens était toujours la même. A croire qu'ils pensent qu'à cet âge-là, c'est tout juste si on est bon pour arrêter de vivre dans les jupons de notre mère. Ils n'ont pas tord ceci dit. Comme disait souvent un prof de McDonnel, à seize ans, on a encore du lait derrière les oreilles. C'était un peu vrai quand même. A dix-sept ans, Mattia avait toujours eu besoin de quelqu'un sur qui compter. Ashton en l'occurence. Si il n'avait pas été là, si jamais Mattia avait du filer à Portland dans un foyer pour mineur, nul doute qu'il ne serait jamais devenu celui qu'il était devenu aujourd'hui. Il serait probablement tout seul, dans un coin perdu de la ville, à boire en permanence pour essayer d'oublier, quitte à fumer quelques fois des choses illégales. Volant même pour survivre. Ca aurait été ça, sa vie, si l'ange Ashton ne l'avait pas secouru. Il avait beau le détester quand il s'énervait, le hair quand il lui passait une beuglante, ce n'était pas pour autant qu'il ne l'aimait bien. Bien au contraire. C'était sa bouée de sauvetage. Celui sur qui il comptait sans doute le plus. Malgré qu'il ait mis sa soeur enceinte. Non, parce que sérieusement, les gens ne comprenaient pas ça non plus. Ils ne voyaient pas comment quelqu'un dont la soeur mineure était enceinte d'un type, pouvait accueillir ce type en question chez lui. C'était compliqué. Compliqué. On revenait souvent à ce mot avec les deux cousins.

Mattia ne savait pas pourquoi, mais bizarrement, il sentit Siméon se raidir à côté de lui. Ca le choquait tant que ça qu'un jeune puisse faire un enfant? Nan, parce qu'il pouvait très bien lui expliquer, dans ce cas, que physiologiquement parlant, c'était possible. Il espérait que ce n'était cependant pas le cas. Il se voyait mal expliqué à son ainé de cinq ans comment faire les bébés.. C'était un peu déplacé. « T’as foutu ta meuf enceinte ? Ah ouais. Pauvre de toi. » Ca y est! Il retrouvait enfin, un peu, de son langage. Mattia avait presque faillit croire qu'un chat lui avait piqué sa langue. Futile le chat! Il ne l'avait même pas vu passer. Toujours est-il que du coup, Mattia continua son histoire, expliquant que c'était pour cette raison qu'il ne vivait plus chez sa mère et son beau-père. Là, au moins, Siméon hocha la tête. Il n'avait pas dis les noms, mais n'étant pas né de la dernière pluie, il avait parfaitement compris où son cousin voulait en venir. Et puis, finalement, il lui avoua que le bébé était déjà né, qu'il ressortait avec sa mère, mais qu'il refusait toujours le gosse. Ca c'était ce qu'il disait. En pratique, les sentiments se mélangeaient dans son corps. Et ce depuis qu'il avait vu le gamin, jour après jour, dès qu'il le pouvait. Il grandissait, prenait des forces. C'était idiot. Il avait l'impression de s'attacher au petit truc là. Et en même temps, il n'avait pas envie de s'occuper de lui, de lui changer sa couche, de lui donner à manger. Puis, il commençait à flipper. Il songeait de plus en plus à devenir son père. Mais devenir son père, ça impliquait aussi l'élever, et franchement, son éducation n'avait pas été un modèle de réussite. Aussi bien pour son beau-père que pour lui. Il avait peur. Peur de s'engager dans quelque chose qu'il aurait du mal à faire.
En tout cas, pour une fois, Mattia était heureux. Siméon, celui avec qui jusque-là il avait du mal à communiquer, prit une nouvelle fois la parole. Et cette fois, pas pour rien. « Je comprends que tu ne sois pas prêt. Les gosses, t’as rien de plus emmerdant dans la vie. » Il y avait, enfin, quelqu'un qui le comprenait. Quelqu'un qui si ça lui arrivait aussi pourrait réagir de la même façon que lui. Pauvre Teddy. Si ça lui arrivait, elle se retrouverait toute seule avec un gamin sur les bras, et un père qui aurait émigré vers Jerusalem. Murmurant alors, Mattia lâcha un « ouais » Ouais, mais je suis complètement perdu. Ouais, c'est chiant, ça crie, ça pleure, ça mixte entre manger et dormir, mais c'est en même temps mignon. Ouais, ça te fait vieillir d'un coup, mais c'est pour la bonne cause. Ouais, ça arrivait sans prévenir, mais c'était peut-être pas une raison pour l'abandonner. Bon sang! Sa tête allait exploser parmi toutes ces questions!!

Enfin, Mattia lui dit qu'il avait l'impression d'être Siméon, en train de raconter son histoire compliquée. Son cousin se mit à rire. « T’inquiètes pas, un jour, je t’annoncerais que j’ai foutu Teddy enceinte. Ce jour-là, tu peux être sûr que… Non en fait, ça n’arrivera jamais. » là, Siméon se mit à sourire. Mattia, lui, l'observa avec de grands yeux. Il avait intérêt à plaisanter. Qu'il mette Teddy enceinte ne le gênait pas; qui était-il après tout pour critiquer un géniteur? Mais l'idée même qu'il mette Teddy enceinte l'effrayait. Pourquoi? Parce que sans que ça paraisse, il ne tenait pas avoir un cousin mort. Et c'était sûrement ce qui risquait d'arriver si il avait par malheur le bonheur d'avoir des cellules trop fortes, capables de survivre à Hunter Games. Ceci dit, il se mit à rire. « Si j'étais toi, je prendrais double précaution. Je m'arrangerai pour que Teddy prenne la pilule, je m'arrangerai aussi pour avoir tout le temps des préservatifs sur moi, et en plus, j'utiliserai des spermicides! » Ouais, il souriait. Imaginer Teddy enceinte le faisait rire -peut-être bien plus rire de nervosité qu'autre chose-, mais ça le faisait sourire quand même finalement. « C'est pour ta vie que je dis ça! » Il sourit, et lâcha alors d'autres mots. « Ella était assez susceptible, et avait un sacré caractère enceinte.. Et je t'assure qu'en temps normal, elle est beaucoup plus douce, et beaucoup plus calme que Teddy.. » Conclusion; fais gaffe à toi!

Si sa vie était à refaire, peut-être bien que Mattia ferait le choix de tout dire cette fois. De balancer un jour ce que son taré de beau-père lui faisait. Parce que là, si on regardait tout ce qu'il avait perdu, et tout ce qu'il avait gagné, en devant quitter sa famille, il se rendait compte que si il l'avait dit un jour, tout ça ne serait peut-être pas arrivé. Qui sait. Il avait eu une adolescence difficile, ça, ça n'aurait sans doute pas changé. Il aurait faillit se retrouver à portland dans un foyer pour mineurs. Peut-être bien qu'Ashton l'aurait encore accueillit. Au final, il se serait retrouvé au même point que maintenant, à faire de son sport favori un métier, et peut-être bien que si il avait mis enceinte Ella, il aurait accepté plus facilement le bébé. Sans que ce dernier ne devienne la cause de son malheur. Parce que ça, c'était clairement ce qu'il avait pensé. Sa vie était partie en live à partir du moment où Ella lui avait annoncé que neuf mois plus tard elle allait pondre un petit oeuf. Si la vie était un cadeau merveilleux à vingt ans, à dix-huit ans, ça ressemblait plutôt à un cadeau empoissonné. Alors oui, il en avait un peu honte, mais il l'avait détesté ce bébé. Hait. Il n'avait pas non plus souhaité sa mort -même si une fois peut-être qu'il en était à deux doigts-, mais savoir que ce bébé avait foutu sa vie en l'air l'énervait.

Mais ça, c'était avant. Depuis, il l'avait vu. Lui et ses petits yeux bleus. Lui et son regard émerveillé. Lui et ses mains mignonnes. Lui et ses petits serrements de poing. Lui et ses biscottos tout maigres. Lui et ses petites cuisses de grenouille. Et surtout, lui et sa petite bouche. Il souriait. Il semblait découvrir le monde et en être émerveillé. Il semblait vouloir déjà dire quelque chose. Il semblait vouloir communiquer avec eux. Alors, oui, Mattia ne savait plus où il en était. S'occuper de lui, ou le laisser? Fernando avait raison. Jamais il n'aurait du rester près de lui, à l'observer, juste pour espérer qu'il aille bien et qu'il s'en sorte. Jamais il n'aurait du faire ça. Fernando le lui avait dit tu vas te faire du mal. Non, il n'avait pas voulu le croire. Et maintenant, il était là, à se demander si il avait fait le bon choix. Si le renier était la bonne solution. La vie est dur n'empêche. Elle nous fait prendre des choix qu'on n'a pas envie de prendre, ou vice versa.
En riant, ils évoquèrent le fait que Teddy tombe enceinte. Sérieusement? Le jour où elle tomberait enceinte, ce serait pire que la guerre. Mattia avait beau dire que mettre une fille enceinte, c'était le plus gros drame de sa vie, il se rendait bien compte qu'il y avait pire; mettre Teddy enceinte. Déjà, si elle n'était pas prête, il ne donnerait pas cher de la peau de celui qui aurait eu le malheur de planter cette trop bonne graine dans ce terrain qui, selon elle, serait naturellement non fertile. Celui qui aurait fait ça ne pourrait sans doute le faire qu'une fois; son Willy n'y survivrait pas. « Déconne pas avec ça. J’ai pas envie d’avoir de gosse, moi. » Mattia ne put s'empêcher de sourire. Un faible sourire, mais il souriait quand même. « Moi non plus je te rappelle.. Mais il suffit d'une fois. » Si il disait ça, ce n'était pas non plus pour l'effrayer. Il était bien conscient que s'imaginer papa alors qu'on n'a pas une vie stable, c'était quelque peu déroutant. Et puis, il avait beau dire tout ce qu'il voulait sur Teddy, l'imaginer pester, râler, crier, faire sa furie si elle tombait enceinte, il savait aussi, que passé ce moment de stupeur la jeune femme serait une maman formidable. Malgré son caractère bien trempé, elle avait bon fond Teddy. Elle pleurait pour le mal qu'avait fait Liam autour de lui ce jour-là. Pour ce qu'elle avait vécu, elle. Pour ce que Jona avait vécu. Pour ce que tout les autres avaient vécu. Mais surtout, elle pleurait aussi pour tout ces gamins qui n'avaient plus de parents. Alors, oui, Teddy ne ferait pas du tout une mère horrible. Bien au contraire.

« T’extrapoles. Puis de toute façon, arrête de comparer Ella et Teddy. Je ne pense pas qu’elles soient comparables. » Pas comparables? Un peu quand même. Elles avaient le même âge. Souriant, Mattia ne dit rien. Il venait de se rendre compte d'une chose. Siméon était amoureux. Pas qu'un peu. Il ne l'avait pas qu'un peu dans sa peau. Elle le possédait totalement. Il vivait clairement pour elle maintenant. Il suffisait d'entendre ce qu'il venait de dire. T'extrapoles. Non, Mattia n'extrapolait pas. Et si il n'était pas capable de le voir, c'était clairement qu'il l'avait dans la peau. A se dire, Mattia ne put s'empêcher de sourire. Il était loin le temps où justement, il ne voulait que coucher avec elle. « Putain, t'es vraiment amoureux! »
Un silence s'installa, bientôt couper par Siméon. « Alors ? Tu crois que tu vas finir par t’en occuper ou pas ? » De qui? De Lleyton? Bah figure-toi que j'en sais rien !! Son sourire s'effaça et son visage se fit plus sérieux. Si Siméon demandait ça, c'est qu'il s'en doutait qu'il était pris entre deux feux. La raison et son envie. Son envie et ce début d'amour. Parce que ouais, peut-être bien qu'il commençait à l'aimer ce petit truc. Putain Fernando, tu avais vraiment raison! Secouant la tête, Mattia grimaça alors. « J'en sais rien. » lâcha-t-il dans un soupir.

Il vaut mieux écouter ce que nos amis nous disent. Le tennisman ferait bien de se rappeler ça. Il devait maintenant se souvenir que, chaque fois qu'un de ses proches ouvrait la bouche, il ferait bon, pour lui, de l'écouter, et de lui faire confiance. Car là, Fernando l'avait mis en garde. Il le lui avait bien dit. Rester auprès de Lleyton n'était pas bon. Au début, il avait cru que c'était pour le bébé que le jeune interne lui disait cela. Il se souvenait avoir sourit, et lui avoir dit, comme si c'était une évidence que ce n'était qu'un gamin. Qu'il ne se rendait compte de rien. Fernando avait du le prendre pour un fou; évidemment qu'il savait cela. En réalité, l'interne parlait pour lui, Mattia Jarvis, un jeune de tout juste dix-huit ans qui ne voulait rien à voir avec ce petit être humain. Et ce jeune en question ne l'avait pas écouté. Il avait continué à aller le voir, à observer Lleyton serrer son petit poing. A le voir sourire. A le voir découvrir le monde par ses petits yeux bleus. Il était là, le bonhomme, bien vivant, et bien attachant. Sans le vouloir, Mattia commençait à ressentir quelque chose. Il n'était pas capable de dire ce que c'était, mais il ressentait bien quelque chose. La tristesse l'envahissait quelque peu lorsqu'il le quittait. Le remord l'envahissait à son tour. Et un autre sentiment venait frapper son corps. Peut-être bien de l'amour..

Alors, même si être papa ne faisait pas parti de ses plans, il se demandait si il ne ferait pas mieux d'accepter ce rôle que la nature lui avait offert. Toujours est-il, que quand Siméon lui dit qu'il n'avait pas envie d'avoir de gosse, Mattia lui répliqua que lui non plus, il ne voulait pas -ou ne veut pas-, et qu'il suffisait que d'une fois pour en avoir un. Apparemment, ces mots effrayèrent son cousin. L'expression de son visage ne laissait aucun doute là-dessus. Il avait un peu peur. Ca se comprenait. Si on avait dit ça à Mattia, nulle doute que lui aussi se serait posé beaucoup de questions. Peut-être même qu'il aurait été capable de ne pas coucher avec Ella. Quoique non.. Il n'aurait pas renié ce plaisir à cause de ce malheur.. Mais dans ce cas, il aurait usé de toutes les possibilités pour limiter ce risque; préservatifs, spermicides, et j'en passe. Quitte à s'arrêter à tant avant d'éjecter ces petits lui hors de Willy -si c'était possible, parce qu'avouons que ce n'était pas toujours possible de s'arrêter quand on le voulait-. Heureusement, Siméon finit par sourire, oubliant la petite peur qu'il avait pu ressentir un peu avant. Tant mieux.

En tout cas, plus il parlait, plus Mattia avait l'impression qu'il était totalement amoureux de Teddy. Il l'avait dans sa peau. Son coeur ne devait battre que pour elle. Et Mattia en était surprit. Un peu. Il ne s'attendait pas à ce que les deux-là se soient autant attachés l'un à l'autre. Juste parce qu'ils avaient couché de nombreuses fois ensemble. Evidemment, Mattia ne put garder ça pour lui. Il s'était exclamé, prétextant qu'il était vraiment amoureux. Siméon s'amusa alors à faire une petite moue. Le genre de moue qu'on fait quand on vient de se faire chopper en flagrant délit. Flagrant délit d'amour. Et aussitôt, Mattia se prit une petite tape derrière la tête. Merde! Il ne l'avait pas vu venir celle-là! Décidément, il trainait de trop avec Teddy, lui! Il se mit alors à rire, amusé de le voir vexé comme ça, et passa une main dans ses cheveux, histoire de remettre de l'ordre dedans.« Arrête de raconter des conneries, vieux. » Son cousin avait repris un air amusé. « Non mais je la kiffe Teddy, mais c’est pas pour ça que je vais me mettre à dire qu’elle est plus belle que les autres filles et toute ces conneries. » Ouais, c'est ça. Peu convaincu, Mattia lui lança un petit regard du genre N'importe quoi en secouant doucement la tête de gauche à droite, et en essayant de réprimer un petit rire. Comme si, il allait gober ça. Siméon était amoureux. C'était aussi simple que ça.

Le silence s'était installé. Ce fut Siméon qui le brisa en premier. Une question trottait apparemment dans sa tête. Qu'est-ce que tu vas faire? Mattia n'en savait rien. Avait-il le droit d'abandonner Lleyton? Avait-il le droit de nier cette petite boule au ventre qu'il avait quand il voyait le bébé, et quand il le quittait? Il n'en savait rien. Strictement rien. En plus, ce n'était pas le genre de décisions à prendre à la légère. SA vie, celle de Lleyton, était entre leurs mains. Peut-être qu'il serait un père horrible. Mais peut-être aussi qu'il serait un père génial. Alors, c'est ce qu'il lui dit. Qu'il n'en savait rien. Laissant Siméon tout aussi perdu que lui-même.
Un silence s'installa de nouveau. Chacun pensant sans doute à ce choix. Mattia ne s'imaginait pas avec un bébé dans ses bras. Mais il ne se voyait pas non plus vivre sa petite vie sans s'occuper de lui. Bordel! Ce que le choix était dur. Il était plongé dans ses pensées quand il aperçut Siméon regarder son téléphone portable. Mince, quelle heure était-il? Il devait retourner s'entrainer, et manger juste avant. Il n'aurait peut-être pas le temps de tout faire. Son cousin se releva du banc, et prit la parole. « Bon, c’est pas tout ça mais j’ai un cours qui commence dans dix minutes et je vais devoir courir. Je suis content qu’on ait pu parler et se réconcilier. Puis, réfléchis à ce que tu comptes faire avec ta meuf et ton… fils. » Lui rendant son sourire, Mattia entendit ces mots Ton fils avec difficulté. Mais il était bien content qu'il ait le courage de lui dire. De lui rappeler que oui, Lleyton était son fils. Son fils à lui. Sa chair de sa chair. « Merci. Je suis aussi content qu'on ait réussit à se parler. » Il le salua à son tour, et l'observa un instant partir à son cours. Siméon. Il était ravi d'avoir brisé la glace, de pouvoir lui reparler comme avant. Il eut un petit sourire, et sortit à son tour son téléphone portable pour regarder l'heure. OH MY GOD! Il n'avait plus qu'une demie-heure devant lui avant de retourner jouer. Il n'avait plus qu'à se dépêcher là. Il attrapa ses affaires, mit son sac sur son épaule, et prit la direction de la nouvelle maison d'Ashton.

FIN