Le soleil tranchait la moitié de la chambre du jeune homme. Son portable s’était mis à vibrer de nombreuses fois sur la table de nuit et son réveil avait sonné le départ de cette toute nouvelle journée. Il détestait être réveillé de la sorte. C’était brusque, irritant, assourdissant. Il en avait mal à la tête, dès les premières heures du levé. En ouvrant les yeux, Siméon soupira. Il désespérait et préférait encore lorsque Sutton venait le réveiller à sa façon. Il balança ses couvertures à l’autre bout du lit et se leva en vacillant. Il se tint au mur. Plaçant sa main droite sur le mur et sa main gauche sur sa tête, il respirait profondément, attendant patiemment que cette sensation étrange disparaisse. Enfin, il avait repris ses esprits. Après quelques secondes de migraine accrue par cette soudaine envie de défaillir, il était parvenu à retrouver un semblant de force. Il s’étendit, s’étira, en se rendant dans la cuisine pour se servir un café noir, corsé. Il en but d’abord une gorgée, qu’il savoura pleinement et finit la tasse en quelques minutes, profitant de ce goût d’amertume. Il sortit également une cigarette, qu’il consuma en voyageant dans l’appartement. Il ne savait pas trop ce qu’il allait faire. Il avait cours durant deux heures et avait son après-midi de libre. Evidemment, Siméon n’était pas le genre d’homme à se poser des questions quant à ses occupations. Il improvisait toujours. Peut-être même un peu trop. De la fumée sortit de sa bouche et se dirigeait vers la fenêtre ouverte. Que c’était bon. Et mauvais en même temps. Il écrasa sa cigarette et fouilla dans le frigo après quelque chose à manger. Mais rien ne le tentait réellement.

Habillé. Préparé. Siméon passa rapidement sa main dans ses cheveux pour leurs donner une certaine consistance. Il prit son sac de cours et partit à l’université. Il n’avait que deux heures de cours, et comme il était rare de l’y voir, il avait décidé d’y mettre un pied. Aujourd’hui. Parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autres. Deux heures passées à être assis sur un banc et à dessiner ou à parler des artistes, qui ont marqué l’histoire. C’était passionnant. Il s’était trouvé un don pour dessiner. Lorsqu’il avait reçu son diplôme, ne sachant pas particulièrement quoi faire, il avait décidé de suivre des études dessinatoires. C’était toujours mieux que rien et parfaitement inutile en même temps. Il avait cependant fait mine de s’intéresser aux techniques, qui l’aideraient potentiellement à dessiner des portraits. Un coup de crayon par-ci. Un coup de crayon par-là. Le tour était joué.

Fini. Il avait enfin fini. Il se mit à errer sur le campus et partit à la rencontre de quelques amis à lui, qui semblaient s’amuser. Ils buvaient des bières, en étant affalés dans l’herbe verte, sous le soleil plombant d’Arrowsic. Rien de particulier. Ils trainassaient. Siméon ne resta pas bien longtemps. Il se dirigea sur le parking et prit sa voiture pour rentrer chez lui. Cependant, il avait roulé inconsciemment jusqu’au parc de la ville. Un petit coin de verdure entretenu, où poussaient les plus beaux spécimens. Quelques coins d’ombre étaient dissipés un peu partout grâce aux multiples arbres éparpillés sur toute la zone. Il y avait même un petit étang où s’amusaient des enfants. Siméon haussa les épaules et tenta de profiter de l’ambiance. Il se gara, sortit de sa voiture et marcha pendant une dizaine de minutes à la recherche d’un endroit parfait, où il pourrait se poser. Un arbre reculé des autres l’attira. Il se décida à traverser le parc et alla s’asseoir au pied de ce dernier. Les oiseaux chantaient. Il faisait relativement chaud. Des enfants jouaient et couraient, surveillés par leurs parents ou leurs nourrices. Une ville paradisiaque comme on en voyait dans les films. C’était presque ça.

Le jeune blond n’avait aucune idée de ce qu’il foutait là. Il était bien du genre à fainéanter, parce qu’il n’avait rien trouvé d’autres à faire. Il aimait bien être au calme comme il l’était à l’instant, bien que ça lui donnait largement envie de dormir. Oui. Mais il ne savait pas pourquoi il s’était finalement arrêté dans ce coin naturel. Il n’y avait rien à faire. Excepté s’il se mettait à jouer au football avec les enfants, qui s’amusaient avec le ballon. Ou s’il se mettait à chasser les grenouilles avec les autres gosses. Mais il ne faisait rien de tout ça. Et pour tout dire, il préférait encore jouer au football que de courir après des grenouilles, qui tentaient de fuir ces petits monstres. La liberté était une valeur, qu’il ne fallait pas prendre le risque de perdre sous peine de devenir prisonnier et dépendant de quelqu’un d’autre. Alors non. Il ne savait décidément pas ce qu’il faisait dans le parc d’Arrowsic, à écouter les oiseaux chanter, à observer ce qu’il se passait autour de lui et à se demander ce qu’il pouvait bien faire de sa journée.

Alors qu’il se redressait brièvement, il reçut le ballon juste dans ses mains. Il l’observa durant quelques secondes et finit par lever la tête. Trois garçons étaient postés devant lui. Le plus petit avait les cheveux châtains clairs, des yeux verdoyants et un fin sourire aux lèvres. Le plus grand avait les cheveux noirs, un regard sombre et lui lançait des éclairs. Tandis que le dernier avait les cheveux bruns, les yeux couleur chocolat et un grand sourire aux lèvres. Siméon se contenta de sourire et leurs renvoya la balle. Il entendit ceux-ci le remercier et les vit se mettre à courir à une allure folle. Lui aussi était comme ça à leur âge. C’était des souvenirs qui remontaient à loin. Bien loin même.

Les coins d’ombre manquaient cruellement dans cet endroit naturel. Le petit parc d’Arrowsic était étendu sur plusieurs hectares. Il était reculé de toute cette machination urbaine, qui aurait éventuellement pu le protéger de ces affreux rayons surchauffant. Les bâtiments auraient certainement pu procurer d’avantage de fraîcheur. Mais ça aurait gâché toute cette vue, ainsi que le côté entièrement animal de l’endroit. Partagé entre ce qui aurait été le mieux à cet instant, Siméon profitait de l’ombre que lui donnait cet arbre reculé. Les enfants se dépensaient devant lui. Ils couraient après un ballon de soccer ou de football français. Les parents discutaient des derniers potins entendus récemment. Et lui ? Il s’en foutait pas mal de toute cette routine, qui lui donnait mal au cœur. Arrowsic avait des tendances à ressembler à toutes ces villes américaines, qui ne vivaient que par cette vision des choses. Il détestait les banalités. Il n’y avait rien de mieux qu’une vie pimentée. C’était pour cela qu’il était inconcevable pour lui qu’une personne soit appréciée de tous. Il suffisait d’un ennemi pour apporter du mouvement dans ces habitudes. Certes, il s’était lui-même enfoncé dans une routine quotidienne. Ca le désenchantait particulièrement. Il était gentil avec tout le monde. Ou essayait. Même avec des personnes, qui le refusaient. Comme Mattia. Comme cette vétérinaire qu’il avait rencontré grâce ou à cause d’un animal blessé qu’il avait trouvé sur le côté de la route. Aédan. C’était son prénom. Leur relation n’avait jamais été simple depuis ce fameux jour-là. Ca pimentait sa vie.

Il était perdu dans ses pensées. Il n’avait pas vu la brune arrivée vers lui. Il n’y avait pas réellement prêté attention compte tenu qu’il y avait bien une cinquantaine de personnes, qui venaient et allaient vers lui. Sans arrêt. Ils ne venaient jamais pour lui parler, discuter, débuter un semblant de conversation. Même s’ils connaissaient leurs prénoms, car Arrowsic était une petite ville, ils restaient de purs inconnus. « Salut ! Tu vas bien ? » Cette voix le sortit du monde dans lequel il s’était enfermé quelques instant plutôt. Il n’était plus temps de réfléchir à quoi que ce soit. Relevant les yeux, il se rendit compte qu’il avait déjà entendu ce timbre. Il le connaissait. Pour sûr. Il savait à qui il appartenait. C’était elle. C’était Aédan, dite la fameuse vétérinaire. Siméon posa son regard sur elle et vit le sourire de la jeune femme. Il n’hésita pas à le lui rendre en esquissant un sourire à son tour. Habituellement, il allait toujours vers elle lorsqu’ils se croisaient. Il ne savait pas pourquoi. Ils avaient une relation assez compliquée. Ils avaient peu à peu appris à se connaître. Néanmoins, il y avait une certaine distance qui persistait entre eux. Le blond tentait de passer outre. Mais à chaque fois qu’il s’y risquait, ça éclatait en mille morceaux. « Hé ! Salut toi. Je vais plutôt bien si on oublie le fait que je suis en train de fondre sous cette chaleur. Et toi ? » Il lui avait tout naturellement retourné la question en usant de sympathie. Comme il le faisait à chaque fois. Aédan aussi semblait accablée par la chaleur. Ou elle avait juste eu l’envie de manger une glace, ce qu’il pouvait comprendre.

La jeune brune s’installa à ses côtés, dans l’ombre de l’arbre. Une fois de plus, elle avait installé une distance décente entre eux. Il y avait quelque chose. Peut-être voulait-elle juste respirer avec cette putain de chaleur. Peut-être ne voulait-elle pas s’approcher de lui parce qu’elle avait entendu des conneries à son sujet. Peut-être. Ça n’était jamais que des suppositions ou des hypothèses qu’il émettait. Mais il voulait simplement des réponses. Leurs corps ne se touchaient pas. Il aurait pu lui faire la bise pour lui dire bonjour ou l’étreindre durant une seconde. Mais non. Il ne comprenait pas. « Tu as passé une bonne journée ? Moi j’suis contente d’être en weekend ! Les animaux m’ont épuisée ! » Une bonne journée ? Oui. Enfin plutôt. Il s’ennuyait pas mal parce qu’il ne savait pas trop quoi faire. À part ça, tout allait bien. Les week-ends étaient toujours les deux meilleurs jours de la semaine. C’était durant ceux-ci qu’il y avait des fêtes, des soirées, des sorties à tout va auxquelles il participait activement. Sa dernière réplique lui fit se rappeler leur rencontre avec ce chien qu’il lui avait apporté en urgence. Elle l’avait tout de suite pris en charge et il avait patienté jusqu’à avoir des nouvelles. Après ça, il avait cherché après le maître de cet animal, qui avait fini dans une nouvelle famille. Un happy end. Siméon savait pertinemment qu’elle s’acharnait dans son travail pour donner le meilleur d’elle-même. C’était ça qui était si fascinant chez elle. Elle prenait son travail à cœur contrairement à certaines personnes. « Assez, oui. » Dit-il dans un premier temps. « Ah. T’as encore sauvé un chien qui traînait sur le bord de la route dans un sale état ? » Lui demanda-t-il en plaisant. C’était en rapport avec leur rencontre qu’il disait ça. Rien d’autre. À voir si elle le prendrait à la rigolade ou sérieusement. Le jeune homme n’était pas du genre à être sérieux, alors si elle avait pris le temps de l’observer, elle saurait facilement ce qui en découlerait. Loin d’être prise de tête, il préférait s’amuser et être optimiste. Il était tellement rarement sérieux, que lorsqu’il l’était, ça voulait réellement dire qu’il y avait un truc grave qui s’était passé. On ne le croyait pas la plupart du temps.

Siméon n’aurait jamais pensé qu’Aédan aurait été capable de venir vers lui de son plein gré. Il n’aurait jamais pensé qu’elle en était capable, après toutes les choses étranges qui s’étaient passés entre eux. Il fallait avouer qu’ils s’étaient déjà engueulés pas mal de fois. Et encore. C’était peu dire. À chaque fois qu’il se tentait à s’approcher d’elle, elle se renfrognait. Dès qu’il tentait de la prendre dans ses bras pour lui faire un câlin ou l’enlacer, elle le repoussait violement, agressivement. Il n’avait jamais compris pourquoi elle agissait de la sorte. Aédan s’éloignait de lui ou tenait à garder une distance affolante entre eux. N’étaient-ils pas amis après tout ? Il ne comprenait définitivement pas ce qui clochait chez elle. Lui, qui d’habitude n’était pas curieux pour un sou, se retrouvait paralysé par l’envie de savoir ce qu’elle cachait derrière ce comportement puéril. Mais ce n’était pas si simple. Il le savait pour le nombre de fois où ils s’étaient pris la tête. La plupart du temps, Siméon revenait vers elle et tout s’arrangeait. Leur relation restait néanmoins compliquée. Ils le savaient aussi bien l’un que l’autre.

Au-dessus de ça, il ne pouvait rien faire pour arranger la situation. Elle avait fait un effort surhumain en venant le voir, alors qu’il aurait habituellement dû l’arrêter pour aller lui parler. Mais là non. Elle était venue de son plein gré et ça lui faisait plaisir. Bien que les mêmes questions rôdaient systématiquement dans sa tête, dès qu’il la croisait quelque part. Un semblant de conversation vînt s’engager entre eux. Un peu comme s’ils étaient de banals amis et qu’aucune complication n’était venue entacher leur relation auparavant. Siméon se contenta de lui sourire. « J’aime cette chaleur personnellement... J’en avais marre de l’hiver et de la pluie... » Et elle disait ça à un fanatique de la pluie ? En effet. Le blond n’aimait pas tant que ça le soleil. Il préférait pouvoir trainasser sous la pluie, en se mettant sous un arbre. Il réfléchissait. Parfois, il était même traversé d’un déclic fou. Il sortait en t-shirt sous la pluie et profitait pleinement de cet instant, en sentant les gouttes d’eau s’abattre sur lui. C’était tellement bon. Mais chacun avait ses propres goûts et il ne l’en blâmerait pas pour en avoir des différents des siens. Après tout, ils étaient presque totalement opposés. Elle était brune, distante, aimant l’été. Il était blond, assez tactile, adulant la pluie. « Je préfère les gouttes d’eau et l’air respirable d’une fine pluie que cette chaleur étouffante. Je ne pourrais pas me tenter à te faire un câlin sous cette chaleur. » Dit-il en plaisantant. Subtile allusion à ce qu’il se passait entre eux.

Une allusion, qui risquait de ne pas être perçue de la même façon par elle. Il l’avait prise sur le ton de l’humour pour la faire passer de façon soft. Mais Aédan était bien différente de lui et il n’aurait su prévoir si elle allait bien ou mal le prendre. Il voyait déjà la dispute arriver. Pourquoi ? Il n’en savait rien. Peut-être parce qu’ils se prenaient la tête pour des conneries, dont il était persuadé d’ignorer le chaînon manquant. Alors quoi ? Il devait passer son temps à la questionner, à tenter de la câliner alors qu’elle allait le gifler. Ce n’était pas le genre de Siméon de faire ça. Il préférait ne pas se disputer. Il détestait ça. Les prises de tête, ça n’était définitivement pas son truc. « Pas un chien ! Mais un petit hérisson ! Une petite fille me l’a amené en pleurant. Elle était tellement mignonne… » Elle poursuivit. « Tu l’aurais vue quand je lui ai rendu le hérisson guéri… Elle pleurait toujours, mais de joie cette fois… » Le blond ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Il la savait passionnée par son travail. Mais pas à ce point-là. Il pouvait comprendre cette passion, car lui aussi en avait une : Le dessin. Il dessinait tout et n’importe quoi. Il tenait même un carnet spécial, qu’il n’avait jamais montré à personne. Alors oui. Il pouvait aisément comprendre le pourquoi du comment de cet enjouement. « C’est ton petit kiffe, hein ? » Lui demanda-t-il en connaissait déjà parfaitement la réponse.

Mais étrangement, leur discussion virait en une chose tout à fait banale. Ca en était presque choquant. « Enfin… Je ne vais pas te saouler avec mes animaux malades ! Et toi ? Tu fais quoi déjà comme études ? » Ah. Bonne question. Il ne lui en avait encore jamais parlé. Il suivait des études de dessins. C’était sa passion et il l’étudiait. Rien de bien sérieux. Il avait bon avoir eu d’excellent résultats au lycée, ça ne l’empêchait pas de détester les cours théoriques. Mais il n’allait que rarement à l’université d’Arrowsic. Pour ne pas dire jamais en fait. Ca l’emmerdait. Il ne voulait pas se bouger pour deux heures de cours. Bien qu’à présent, son frère allait rentrer à la faculté dans trois mois. Donner le bon exemple n’était pas toujours chose facile. « Oh. Je vais des études de dessins. Toi, t’aimes les animaux. Et ben, j’aime dessiner disons. » Répondit-il avec une moue amusée. Quelques instants plus tard, Aédan surenchérit avec une question encore plus délicate. « Et, une chérie ? » Outch. Au niveau sentimental ? Nada. Rien. Il ne voulait pas de relation sérieuse de toute façon. Dire je t’aime à quelqu’un, c’était d’une niaiserie totale. Il pouvait coucher avec toutes les filles qu’il voulait, bien que ça ne l’intéressait pas plus que ça également. À ce niveau-là, c’était relativement calme. Mais il se posait une question : Est-ce qu’elle avait une relation amoureuse, elle ? Bonne question. Peut-être était-ce pour ça qu’elle ne voulait pas l’approcher ? Il haussa les épaules. « On fait aller, disons. Et toi ? À ce niveau-là ? Tout roule ou... ? » La fin de sa phrase était facilement devinable.

Il n’était plus vraiment question de débuter une relation saine et sans prise de tête avec Aédan. Pourquoi ? Qu’elles en étaient les raisons ? Tout simplement parce qu’ils avaient déjà dépassé ce stade. Leur relation s’était compliquée dès l’instant où il avait tenté de se rapprocher d’avantage d’elle. Purement de façon amicale. Il s’en était suivi une dispute, qu’il n’oublierait probablement jamais. Depuis ce fameux jour, il avait recommencé un peu plus tard pour voir ce qu’il en était. Il la testait. Il la testait pour savoir exactement ce qu’elle avait contre lui ou ce qu’elle avait comme problème en général. Alors il se permettait des remarques subtiles, qui se mariaient parfaitement à ses phrases. En remarquant ce comportement étrange, Siméon s’était mis à se poser beaucoup de questions quant à elle. Mais il n’arrivait pas à avoir des réponses, alors il se contentait d’observer, d’être attentif. Évidemment que ça causait des disputes entre eux. Même s’il détestait ça, il devait y faire face s’il voulait comprendre ce que cachait Aédan. Pour une fois, elle était venue vers lui. C’était la première fois qu’il la voyait faire ça d’ailleurs. Avait-elle décidé d’aller de l’avant ou était-ce juste pour lui prouver qu’elle pouvait le faire ? Il n’en savait rien. Une fois de plus.

Il lui avait expressément envoyé une remarque, qui s’était formée parfaitement avec le reste de la phrase. Il l’avait donc regardée pour observer ses réactions et la jeune femme avait détourné le regard. Il avait donc cessé de la scruter et s’était mis à s’imprégner de la nature environnante. « C'est vrai que c'est un peu étouffant mais on a eu trop de pluie. J'en ai juste marre de ce temps déprimant. Un peu de soleil ça ne fait pas d'mal. » Elle ignorait sa remarque. Parler du temps et du climat n’était pas forcément intéressant. Surtout si on savait qu’Arrowsic était une ville où il pleuvait la plupart du temps. Il y avait une once de soleil pour une fois. Les orages allaient pointer le bout de leur nez pour forcené tout ça. Il n’y avait rien de bien joyeux dans cette perspective. « J’avoue. Puis ça donne l’occasion de faire des choses qu’on ne peut pas faire quand il pleut. » Lâcha-t-il tout simplement. « C’est vrai que j'préfère de loin les câlins sous la pluie. » Siméon releva son regard vers elle. Menteuse. Il avait envie de le lui dire. Pas de prise de tête. Pas pour le moment en tout cas. Il ne pouvait pas lâcher ça aussi brusquement. Il devait trouver autre chose. Il retînt un sourire malicieux. S’il ne pouvait pas lui cracher la vérité en face sous peine de déclencher la troisième guerre mondiale, alors il allait se contenter de jouer le jeu. « Mais ça peut s’arranger ça. » Dit-il avec un sourire. Il pleuvait tout le temps ici.

Une légère brise de vent souffla et il en profita pour se rafraîchir les idées. Le blond était pratiquement sûr de ne lui avoir jamais rien fait de mal. Il avait toujours été poli, gentil et souriant. Alors il ne voyait pas ce qui n’allait pas si c’était un truc qui avait rapport avec lui. Mais c’était peut-être avec elle que ça clochait. Il n’en savait définitivement rien. Dès qu’il voulait savoir ou s’approchait, ça terminait en bagarre générale. « Désolée... » Pourquoi ? Il n’arrivait pas à la suivre. Une fois de plus. Aédan était tellement secrète et énigmatique qu’il avait beaucoup de mal avec elle. Il lui lança alors un regard interrogateur. Que voulait-elle donc dire encore une fois ? « Pourquoi ? » Finit-il par lui demander. Il voulait une réponse. Il n’accepterait pas qu’elle s’esquive par il ne savait trop quel moyen. La discussion se poursuivit sur leur métier et étude. Il lui savait une pure passion pour son métier. Elle aimait les animaux. Pire que ça. C’était un peu comme s’ils étaient les seuls en qui elle pouvait avoir confiance alors qu’en fait, ils étaient exactement comme les humains. Sauvages et violents. « C'est vraiment plus qu'un kiff... C'est ma vie. » Elle avait rigolé et ça l’avait fait sourire tant il aimait la voir comme ça. Il se contenta de lui lancer son plus beau sourire en guise de réponse.

« Tu me montrerais ? J'suis curieuse de voir ça. Moi j'suis vraiment nulle en dessin. Un gamin de cinq ans dessinerait mieux que moi ! » Il n’était pas bien sûr de faire mieux à vrai dire. Il se mit à rire légèrement, sur le ton de plaisanterie. Il ne l’avait jamais vue aussi ouverte avec lui depuis qu’il la connaissait. Ça lui faisait plaisir. Mais il se demandait pourquoi. Pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd’hui ? Trop de questions pour si peu de réponses. « Je te montrerais un jour. Mais je ne suis pas sûr de mieux dessiner qu’un gosse de cinq ans. » Il sourit de plus belle, alors que tout semblait s’enchaîner. « Et bien tout roule... Puisque je suis seule. » Lâcha-t-elle suite à son retournement de question. Tout allait bien parce qu’elle était seule ? Etrange. La plupart des filles déprimerait à l’idée de ne pas avoir de copain d’ailleurs. Mais il était vrai qu’Aédan n’était pas la plupart des filles. Elle était différente. C’était peut-être pour ça qu’il avait encore plus de mal à la comprendre. Il avait déjà du mal à comprendre les filles en général, alors avec elle, c’était pire que de l’incompréhension. Il se sentait idiot sur le coup. « Tu ne rêves pas au prince charmant comme la plupart de ces filles ? » Il n’attendait pas réellement de réponse. Elle semblait l’avoir déjà donnée. C’était plus une confirmation qu’autre chose. De plus, elle s’était mise à rire. Mais pas comme tout à l’heure. Avec plus de nervosité. Intriguant. « Ma meilleure amie se voyait déjà mariée avec des enfants... Mais son mec l'a larguée. Je passe mes journées à la consoler. C'est... pitoyable. Elle m'croyait pas quand je lui disais qu'il fallait qu'elle garde les pieds sur Terre. » Triste vie. Triste avenir. Il détourna son regard durant quelques secondes pour observer ce qu’il se passait devant eux. « C’est triste. Enfin. Il faut juste qu’elle apprenne à s’amuser et à vivre sa vie sans se poser de questions débiles, sans avoir aucune réticence. Elle en retrouvera un autre. Il sera différent. Complètement différent. » Dit-il en haussant les épaules. Les déprimes ne servaient pas à grand-chose à part à se sentir encore plus mal qu’on ne l’était avant ça. Parfois, ça pouvait tuer. « T'as pas une idée pour qu'elle sorte la tête de l'eau ? J'te la présente ? Elle adore les câlins elle ! » Il ne prit pas même le temps de la regarder et afficha un demi-sourire. « Tu me pousses déjà assez de coups de gueule, que pour en plus tu ne me piques des crises de jalousie. »

Il ressentait cette crispation de la part de la jeune femme. Il posait des questions. Elle commençait tout doucement par en être agacée. Alors pourquoi n’y mettait-elle pas fin ? Il suffisait pourtant d’y répondre. Mais non. Peut-être était-ce des faits horribles qu’elle n’avait pas envie de relater ? Peut-être était-ce parce qu’elle ne lui faisait pas confiance ? Ou un peu des deux. Qu’en savait-il ? Rien du tout. Aédan ne l’aidait pas. Elle ne lui parlait pas. Si. Elle lui parlait. De choses complètement niaises dont ils n’en avaient rien à faire. En y repensant, il n’avait jamais eu une véritable discussion avec elle. Chose bien étrange. Elle le remballait à chaque fois. Elle s’énervait. Elle piquait une crise de colère. Il détestait ça. Il détestait qu’on lui prenne la tête. Il revenait à chaque fois vers elle. Non pas par seule envie de savoir finalement. Mais bien parce qu’il l’aimait bien. Elle était secrète, énigmatique et il avait envie de percer ce mystère qu’était ce trou béant dans sa tête. Aédan le poussait à être meilleur. Pourquoi ? Pourquoi s’excusait-elle ? Il ne comprenait pas. Il ne la comprenait pas. Mais qui pouvait prétendre la connaître ?

Ils avaient créé des liens laconiques. Incapable de dire ce qu’elle était pour lui et de définir leur relation, Siméon ne s’en pensait plus même la question. Il arriverait à mettre des mots là-dessus lorsqu’elle daignerait se dévoiler à lui. Il ne comptait pas lui faire du mal, la blesser, la trahir. Il voulait la comprendre. C’était déjà quelque chose de trop gros à porter. Il avait essayé. Il n’avait pourtant jamais réussi à trouver la réponse à une seule de ses questions. Il n’était peut-être pas un si bon enquêteur que ça. Sherlock Holmes pouvait reprendre sa place dans ce cas. Mais il n’abandonnerait pas. « Parce que j’ai envie de m’excuser. Mais si tu n’acceptes pas mes excuses, je les reprends. » Aédan s’était retournée vers lui et lui avait souri. Un sourire niais. Le jeune homme se contenta d’arquer un sourcil dans un premier temps et d’afficher un sourire en coin comme il aimait tant le faire. Il n’avait pas dit son dernier mot. Bien entendu. Au risque de s’attirer ses foudres. Tant pis. Il était du genre à aimer les sensations fortes. Même s’il détestait les disputes. « Reprends-les et explique-moi pourquoi tu t’excusais. S’il ne suffit que de ça. » Son regard verdoyant semblait insister pour lui.

Passant à un tout autre sujet de conversation, cette discussion semblait ravir la jeune femme. Elle parlait. Non. Elle faisait bien plus que ça. Elle se livrait à lui quelque part. Elle n’hésitait pas à parler de sa carrière de vétérinaire et de toutes ces petites choses qui rythmaient sa vie au quotidien. C’était bon de la voir comme ça. Pour une fois. Ca changeait de leurs habitudes à eux. « C’est surprenant si tu fais des études là-dedans ! J’suis sûre que tu dis des conneries et que tu dessines super bien. » Elle s’était mise à rire. Ce n’était pas la première fois. Même si ça pouvait sembler totalement débile, ça le faisait sourire tant il la voyait joyeuse. Pour ce qui était du dessin, il avait certainement un talent. Un truc comme ça. Un don. Mais ça ne restait jamais que des esquisses anodines qui n’avaient pas lieu d’être. Ça n’était jamais plus que des dessins. Rien de concret. Abstrait. « T’as vu ? Il fallait bien que je trouve un domaine dans lequel faire mes études. » Il sourit. « Non. Je déconne. J’aime bien dessiner. J’arrive à des trucs plus ou moins bien parfois. Mais sans plus. » Ses dessins ne le satisfaisaient jamais.

Un éclat de rire. Visiblement, le prince Charmant ne devait pas l’avoir séduite autant que ça. Il connaissait maintes filles qui ne vivaient, quant à elles, que pour le rencontrer. Connerie. Le mec parfait n’existait pas. Il ne l’était pas lui-même avec tous ses petits défauts et il en était parfaitement conscient. Il les exploitait d’ailleurs à son avantage. Certaines fois, ça fonctionnait bien. En tout cas, la réponse de la brune semblait plutôt équivoque. Ca changeait de toutes ces nanas qui ne pensaient qu’à ça. « C’est sûr qu’elle doit apprendre à vivre sans lui mais c’est dur étant donné qu’elle faisait tout en fonction de son mec. Ça m’énerve ce genre de chose parce que là, elle a l’impression de ne plus pouvoir vivre. Mais avant de vivre pour un mec faut vivre pour soi. » Sa meilleure amie y croyait dur comme fer. Triste sort pour la petite. Elle devait arriver à s’en relever toute seule et à ne pas se lamenter. Ça ferait fuir tout le monde. Il parlait en connaissance de cause pour le coup. « Mmh. Je suis d’accord. Une fille accroc, c’est ennuyant. Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, il savait qu’elle le suivrait et dirait amen à tout ce qu’il dit. Ennuyant. » Dit-il en toute conclusion.

Jalousie. Pas jalousie. Elle s’était retournée vers lui avec ce sourire. Il avait pu voir à quoi ressemblait un vrai sourire de la jeune femme et là, ça n’était pas le cas. En plein dans le mille. Il l’avait taquinée, dit ça pour détendre l’atmosphère ou rigoler. Mais ça ne semblait pas lui plaire plus que ça. « C’est clair, tu prends cher avec moi mon pauvre Siméon. Puis c’est bien connu, je suis hyper jalouse comme fille. T’es à moi, tu n’parles à personne d’autre… Et encore moins de câlins à quelqu’un d’autre que moi ! » Penchant la tête, elle se mit à battre des cils. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Avec son air surfait, elle avait des airs mignons de gamine. « Non mais tu sais que je ne suis qu’à toi, voyons. » Lâcha-t-il. « Et puis, arrête de faire ça, je vais vouloir te faire un câlin sinon. Et on sait tous les deux à quel point t’aimes ça alors. » Il détourna son regard pour observer ce qu’il se passait devant lui. Il ne voulait pas croiser le regard assassin d’Aédan. Pas maintenant.

Il ne savait pas trop à quoi s’attendre avec Aédan. Autant pouvait-elle avoir des airs angéliques, doux, qu’elle pouvait se mettre à lui prendre la tête d’une seconde à l’autre. Il ne comprenait pas pourquoi, ne comprenait pas ce qu’il faisait de mal en voulant savoir ce qui la tracassait. Elle, elle ne lui disait strictement rien. Il avait bien essayé de deviner. Mais elle ne lui laissait aucun indice, comme si la vérité allait le choquer, le faire déguerpir, le troubler. Ou bien pire. Comment devait-il le prendre ? Il n’en avait aucune idée pour la simple et bonne raison qu’elle était pareille à une façade. Une façade qu’il n’arrivait pas à franchir par sa grandeur et sa profondeur, qui semblait indéfinissable. Triste réalité. Il sentit le regard de la brune sur lui, il lui lança un regard furtif, attendant une réponse. Allait-elle lui expliquer ? Non. Sûrement pas. Il le savait déjà. « Bon, t’as gagné… Je vais t’expliquer… » Il arqua un sourcil, reportant immédiatement son regard verdoyant sur elle. Un sourire apparut sur ses lèvres, et il comprit rapidement qu’elle l’avait dupée. À son plus regret. Il voulait juste comprendre ce qu’il se passait. Un rire finit par le transcender. « Non. Je ne t’expliquerai rien du tout, il n’y a rien à expliquer, c’est comme ça et pas autrement. » Déçu, il prit une profonde inspiration, tentant de se convaincre que ça ne servait à rien. Mais sa curiosité, cette lueur dans son regard le trahissait. Il savait. Il savait qu’il n’abandonnerait jamais avant de trouver ce qui n’allait pas chez elle. « C’est pas contre toi, c’est juste… comme ça. » Finit-elle par dire comme pour se justifier. Siméon savait qu’il n’avait rien avoir là-dedans. Oh oui. Il le savait. Pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient pas assez proches que pour lui causer quoi que ce soit comme peine. S’ils étaient amis, ils n’étaient rien de plus. Et il ne la connaissait pas assez que pour lui planter un couteau dans le cœur, ce qu’il ne ferait jamais par ailleurs. Il se contenta alors d’hausser les épaules. Lui aussi pouvait se la jouer à l’indifférence. « Si tu le dis. » Abandonnait-il ? Non. Pas de sitôt.
L’amour, l’amour. Il ne connaissait que trop bien ce sujet. L’amour parental, l’amour fraternel, l’amour amical et l’amour avec un grand A. Comme lorsqu’on tombait amoureux. Il n’aimait personne. Cette notion était bien trop diffuse dans sa tête que pour qu’il sache mettre une étiquette sur ses propres relations déjà. Il préférait les laisser vagabonder, tout simplement parce que ça les rendait un peu plus spéciales. Et à côté de ça, il y avait les relations comme celle qu’il entretenait avec Aédan. Amis. Il mettait une étiquette parce qu’il n’arrivait pas à percer sa carapace. Et donc, ne pouvait pas avoir un lien beaucoup plus diffus. « J’espère qu’elle va s’en remettre vite parce que se mettre dans des états pareils pour quelqu’un je trouve ça ridicule. » Tout le monde finissait toujours par se remettre de ses peines de cœur. C’était dans l’ordre établi, dans l’ordre des choses. Aédan n’avait pas tort. Il trouva immédiatement sa version des faits troublante. Pour une jeune femme en tout cas. Les jeunes femmes ne vivaient-elles pas d’amour et d’eau fraîche ? Si. Justement. Mais pourquoi pas elle ? Son regard posé sur elle, il la regarda, tentant d’apercevoir le moindre signe. Mais rien. « Pourquoi tu dis ça ? » Finit-il par lui demander, attendant de voir ce qu’elle allait trouver comme excuse pour se défiler. Parce que, dans le fond, c’était ce qu’elle faisait toujours. Toujours un sourire aux lèvres, elle poursuivit. « Enfin bon, j’essaie de la soutenir mais tu as remarqué ma patience légendaire à ce sujet… Parfois, j’ai beaucoup de mal. » Siméon ne put s’empêcher de réprimer un rire naturel lorsqu’elle lui parla de sa patience. Il ne le savait que trop bien, à son plus grand regret. « Elle s’en remettra quand elle comprendra qu’elle pourra trouver quelqu’un de mieux, en qui elle pourra réellement se livrer. » Il regarda devant lui, alors que le soleil tapait toujours autant. Il n’y avait pas de vent, pas même un nuage dans le ciel. Arrowsic et son été. L’été que tout le monde avait si longtemps attendu...

Non. Il ne lâchait pas prise, parce qu’il voulait des réponses, et que plus elle se braquait à lui cacher des choses, plus il tentera de les savoir. Cercle vicieux. La vieille rengaine. Il savait de quoi il parlait en fait. C’est comme lorsqu’on fait une allusion que personne ne comprend, et qu’on lui dit d’oublier. Tout le monde finit par vouloir savoir ce qu’elle voulait dire réellement. Même effet. « Mince… c’est quand même à tes risques et périls ! Si t’essaies tu risques de ne pas t’en sortir vivant ! » Rétorqua-t-elle après avoir légèrement souri. Il était prêt à s’y risquer. Même à foncer tête baissée. Siméon, c’était ça aussi. Il n’avait peur de rien, lorsqu’il savait qu’il se mettait en danger. Grâce à ça, il se sentait véritablement vivant, alors une prise de tête de plus ou de moins… « Ne me tente pas. » Dit-il sur un ton amusé. Alors qu’elle se mit à se décaler pour mettre une distance un peu plus longue entre eux, il se rendit rapidement compte qu’elle avait peur qu’il ne recommence. « Attention, j’prends mes distances ! » Pris sur le ton de la rigolade, ça cachait quelque chose d’évident. Il n’y prêta même pas attention, préférant passer outre pour conserver la bonne ambiance qu’il y avait entre eux. Pour une fois. « Bon ! Et toi ? Ta réponse « on fait aller » ne me suffit pas ! Tu n’as jamais été transi d’amour ? Ou avec une fille toute dégoulinante de sentiment ? Allez parle ! J’veux tout savoir ! » Il lui lança un regard intrigué. Alors comme ça, Aédan avait le droit à ses petits secrets, mais pas Siméon ? Il esquissa un rictus. Il laissa planer un silence entre eux durant quelques secondes, durant lesquelles il l’ignora tout bonnement. Non. Pas de fille de ce genre pour lui. Il n’aimait personne. Pas dans ce sens-là en tout cas. Les relations stables n’étaient pas faites pour lui. Décidément. « Chacun ses secrets. » Répondit-il. Petit mystère. Petite cachoterie sans grande importance.

Il ne comprenait définitivement pas cette jeune femme au regard ténébreux, qui ne supportait pas les marques de tendresse et qui refusait de parler d’elle comme si elle était tenue au secret par le FBI. Il avait pourtant essayé de lui faire cracher le morceau, et ce, plus d’une fois. Leurs nombreuses disputes en étaient des témoins fiables. Fini les prises de tête. Il voulait savoir ou ne plus la voir. C’était aussi simple que ça, car à chaque fois qu’il la croiserait, il sentirait cette curiosité le tirailler. Mais quelque part, il ne pouvait pas se séparer d’Aédan. Elle était devenue son amie. Même s’il n’arrivait pas à la cerner et qu’il ne la comprenait pas toujours. Alors finalement, il était partagé dans son choix. Comment savoir ce qui était un secret aux barrages multiples et auquel il ne pouvait pas accéder ? Il ne savait pas. Un jour, il le comprendrait. Il en était sûr. Mais pas tout de suite. Aédan n’était pas encore en confiance avec lui. Elle semblait réticente, et il fallait avouer que les allusions, qu’il faisait, n’aidait pas forcément au rapprochement. Siméon n’était pas du genre à être très subtile dans ses propos ou dans ses gestes. Parfois, il savait l’être. Uniquement quand ça s’avérait nécessaire.

Le sujet semblait s’être dirigé sur l’amour, les blessures qu’il pouvait engendrer. Siméon n’était jamais réellement tombé amoureux. Il n’avait jamais aimé quelqu’un comme dans ces films qui montraient un amour passion. Il était plutôt le genre de garçon à coucher à gauche ou à droite pour s’amuser, sans s’attacher et sans faire de mal à personne. Mais il s’était pourtant accroché à une petite brune, qui arrivait à le troubler. Il ignorait ce qu’il ressentait pour elle. Ne désirant pas faire face à ce qu’il ressentait potentiellement pour elle, il se renfermait. « J’suis pas d’accord… Elle trouvera quelqu’un de mieux ? Peut-être, pour un temps. Puis plus tard elle se rendra compte que tout ça n’aura encore servi à rien. Et elle sera de nouveau triste parce que cet homme ne sera pas le bon… » Outch. Il commença à froncer les sourcils pour se força à ne pas le faire. Avait-elle vécu une rupture douloureuse, en pensant que ça avait été le bon, alors qu’il l’avait blessée ? Elle parlait comme si elle en avait vécu l’expérience dans tous les cas. Est-ce que ça expliquait le fait qu’elle fasse tant de crises lorsqu’il voulait s’approcher d’elle ? Peut-être. Mais il ne comprenait pas. Même si c’était ça, il ne comprenait pas parce qu’il ne connaissait pas l’histoire. Elle prononça quelque chose qu’il n’entendit pas. « Il y a forcément une personne à qui tu t’accroches plus qu’aux autres, et de la quelle tu ne peux pas te passer. Même si t’as l’impression qu’elle ne l’est pas, qu’elle n’existe pas ou que tu ne la vois pas. » Après ça ne restait que ça vision des choses. Il avait l’impression qu’il y avait une personne. Mais lui, il ne la cherchait pas vraiment. Il préférait coucher et être libre quand il le voulait. C’était moins contraignant et il n’y avait pas de risque de souffrir inutilement.

Siméon n’allait pas se risquer à s’approcher d’elle, alors qu’elle s’était reculée de lui pour être sûr qu’il ne tenterait rien. Il n’avait pas envie de se disputer avec Aédan, alors que, pour une fois, ils s’entendaient bien, malgré les allusions. Elle souriait, riait. Tout paraissait normal, bien qu’il restait un malaise entre eux à cause d’une histoire, d’un secret qu’il ne connaissait pas. « Pas faux. » Il ne lui dirait rien. Logique, quand on pensait qu’elle lui cachait également des choses. Il se contenta de sourire tout naturellement. Mais Aédan semblait avoir une idée, telle une illumination. Il fronça légèrement les sourcils alors qu’elle se lança à se lancer dans la proposition de cet éclair de génie. « Mh… On pourrait jouer à action ou vérité ? » Elle se mit à rire doucement. Action ou vérité ? C’était un jeu risqué mais il était clair qu’il pourrait obtenir des réponses si elle ne se défilait pas. Elle finit par lever un sourcil vers lui, tout sourire aux lèvres. « Ça pourrait être drôle non ? Puis si tu te débrouilles bien... Tu pourras avoir les réponses aux questions que tu te poses sur moi ? » Lui laisserait-elle l’opportunité de le savoir ? Il n’en était pas bien sûr. Mais c’était quelque chose à tenter.
Il esquissa un sourire et hocha la tête. « Bien, alors jouons, belle brune. » Dit-il sur un ton amusé. Il n’hésita pas à se lancer le premier, évitant de perdre du temps sur qui commencera ou non. « Action ou vérité ? » Lui lança-t-il sur un ton malicieux. Il attendit alors la réponse, réfléchissait déjà à ce qu’il pourrait lui demander de faire si elle choisissait action, et quelle question poser pour commencer en douceur, si elle choisissait vérité. Dur choix existentiel qui allait leurs permettre de se redécouvrir plus en profondeur mutuellement.

L’amour, l’amour. Il n’y avait rien de bon là-dedans. Il fallait être fidèle, emprisonné à une personne à qui le statut d’appartenance était évoqué. Il était interdit d’aller voir ailleurs sous peine d’avoir une crise d’hystérie du partenaire. Que de complications finalement. Siméon ne croyait pas en l’amour. Il était clair que c’était un truc bidon et que les filles, qui attendaient le Prince Charmant, se leurraient complètement parce qu’elle voulait un idéal. Lui, il était plutôt en accord avec l’aspect qui se voulait que chaque personne avait chaussure à son pied. Tout le monde était au moins séduit par quelqu’un. Pour de multiples raisons. Et ça, ça pouvait faire naître une relation qui pouvait durer s’il n’y avait pas de limites imposées. Aédan semblait avoir déjà eu une relation amoureuse à l’entente de ses propos. Déçue, blessée. Il y avait des chances qu’elle le soit finalement. Même s’il ne savait absolument pas ce qui avait bien pu se passer. Peut-être était-ce ça le mystère ? Peut-être. Mais il n’en serait jamais certain tant qu’elle ne lui avouerait pas le pourquoi elle était aussi distante avec lui. Siméon savait que ça ne venait pas de lui, de ce qu’il avait pu lui faire ou lui dire. Non. Ça venait d’elle. « Oui je n’ai pas dit le contraire Siméon… Mais ce que je dis, moi, c’est que ça ne dure qu’un temps. Tu t’attaches oui mais au bout d’un moment, tout casse… » S’il y avait des limites instaurées, parce que tout le monde était toujours tenté de voir ce que ça pourrait changer de les franchir ou non. Il arqua un sourcil, l’observa quelques secondes pour se détourna. Il avait envie de laisser le calme revenir entre eux. Pour leurs biens à tous les deux. C’était la première fois qu’il entendait ses propos de la bouche de la gente féminine. Comme quoi… Tout était possible en un sens. « Tout dépend. Si tu installes des limites, il est clair que ça va casser, parce qu’il y aura toujours cette envie permanente de la franchir. L’interdit, c’est toujours plus excitant. » Il fit une pause. « Mais si tu n’en imposais pas ? » Il lui demandait clairement de réfléchir. Ca donnerait lieu à une relation anarchique. Peut-être. Mais c’était à tester.

Aédan eût ensuite une idée lumineuse, qui leurs permettrait de se connaître. Ou plutôt d’apprendre à se connaître. Il était vrai que ça n’était pas du luxe étant donné leurs fréquentes disputes parce qu’il s’approchait un peu trop près d’elle. Un câlin ? Non. Il ne fallait même pas essayer ou demander. La réponse était toute trouvée et c’était pour ça qu’il ne cessait de se poser des questions, que sa curiosité avait commencé à s’agrandir dans son esprit. Action ou vérité ? Ce jeu les aiderait probablement beaucoup. Peut-être à avancer ensemble au lieu d’être en parfaite opposition. L’un avance. L’autre recule. Ca ne pouvait plus durer. Siméon se lança le premier et lui posa la fameuse question. « Vérité, j’suis courageuse ! » Il rigola, amusé par la situation qui semblait se détendre au fur et à mesure qu’ils s’ouvraient l’un à l’autre. Oui. Elle était courageuse parce qu’après tout ce temps, il allait enfin avoir la possibilité de savoir ce qui clochait dans leur relation. « Mmh. J’avoue. » Il se mit alors à réfléchir. Il n’avait pas envie de l’accabler tout de suite et de tout faire partie en vrille. Il fallait une question soft, qui permettrait de faire évoluer leur relation en même temps. Difficile. « Attention à c’que tu vas demander ! » Aédan papillonnait. Elle était sûre d’elle, assurée, ou du moins, elle le paraissait. Il lui fit un clin d’œil, répondant à ce qu’elle venait de lui dire. « J’suis prête, vas-y ! » Elle tapota sa cuisse. « C’est parti ! » Haussant les sourcils, il sourit. « Très bien. Alors… » Il réfléchit. Devait-il poser une question sans intérêt ? Non. Mais que poser, sachant qu’il ne devait pas l’attaquer. Peut-être que cela serait sa seule possibilité… ? « Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal pour que tu sois aussi distante avec moi ? » Il le savait. Mais il n’en était pas sûr. Il voulait avoir la certitude que ça ne venait pas de lui. Quelque part, ça l’apaiserait. Il la regarda attentivement, attendant alors sa réponse.

Il était évident que son point de vue n’était pas compris par tout le monde. Il était évident que c’était quelque chose d’incongru, d’inadmissible. Oui. Aussi. Même lui ne respectait pas sa propre vision des choses, bien qu’il y adhérait parfaitement. Mais sa possessivité l’empêchait parfois de pouvoir l’exécuter. Alors oui. Il pouvait facilement observer les différentes positions qui s’opposaient à la sienne. Il était pourtant clair qu’un amour sans limite était la clef du bonheur à long terme. Il y avait un perpétuel changement, qui contribuait à entretenir cette relation amoureuse. Par des hauts. Par des bas. Les autres pensaient-il pareils que lui ? La plupart des gens s’y opposait fermement, parlant de polygamie, de tromperies en tout genre et de bien d’autres termes péjoratifs. Mais rien de tout ça ne changerait sa vision. « Quand on est heureux dans une relation, on n’est pas censé ressentir de limites. Respecter l’autre devrait être naturel. » Et pourtant, les limites ont été imposées naturellement. Comment ? Parce que se mettre en couple veut dire ne pas aller voir ailleurs, ne pas embrasser quelqu’un d’autre, coucher avec quelqu’un d’autre. Il faut être fidèle, amoureux et attentif. C’était naturel dans cette société de l’être. Des limites. Elles étaient forcément là. Dans n’importe quelle relation. Il ne fallait pas chercher plus loin après celles-ci. Peut-être que certains ne les voyaient pas comme ça. Aédan ne le voyait pas de la même façon. Encore un stéréotype. Que veut dire « respecter l’autre » ? Lui être fidèle et dévoué comme un bon vieux toutou ? Oui. En somme. Siméon esquissa un fin sourire à sa réponse. « Mais les limites sont naturellement ancrées. » Il fit une pause. « Qu’est-ce que le respect ? Ne pas aller voir ailleurs pour prouver son dévouement ? Être perpétuellement concentré sur une seule et unique personne ? Celle qu’on aime ? Parce que ça, ce sont des limites. » Il haussa les épaules avec désinvolture. Il était clair que leurs opinions étaient contradictoires.
« Le respect. C’est tout c’que je demande. » Mis en alerte, il l’observa durant de longues secondes. Elle disait ça comme si elle avait vécu une déception amoureuse. Comme si ça n’avait pas marché parce qu’il l’avait trompée. Vu le sujet de conversation et ce qu’Aédan en disait, le schéma semblait alors plausible pour Siméon. Mais était-ce le cas ? Parlait-elle pour elle ou en général ? Ou de son amie peut-être ? Une fois de plus, il se retrouvait dans une situation peu confortable et emplie de doutes. Il ne répondit pas. Il ne savait absolument pas quoi répondre. Risquer de lui demander ? Non. Il se prendrait un gros vent. Il le savait, et ça n’engendrerait qu’une dispute de plus parce qu’elle reprendrait ses distances avec lui. Le blond reporta son regard sur le parc, préférant éviter tout contact. Pas envie d’une prise de tête. Pas envie de se faire engueuler encore. Pas envie de faire quelque chose de mal pour une fois.

Enfin. Le moment tant attendu arriva. Mais il ne saisit pas sa chance. Pourquoi ? Il voulait être plutôt tranquille, commencer doucement pour ne pas l’effrayer. Aurait-il une seconde chance ? Il l’espérait. En attendant, il voulait sa réponse. Une réponse honnête et sincère, qui lui ôterait un doute de son esprit pour l’éclaircir un minimum. « J’te demande pardon… J’espère que tu sais que c’est pas de ta faute tout ça… » Il était fixé. Siméon la regarda, affichant un léger sourire sur ses lèvres. « Écoute… J’suis distante avec énormément de gens et j’suis consciente que c’est un problème… pour m’faire des amis… Parce que j’t’avoue ne vouloir me rapprocher de personne… Du moins, j’le voulais… » Ses dernières paroles le transcendèrent. Elle le voulait. Au passé. Ne le voulait-elle donc plus ? Comme ça. D’une seconde à l’autre ? Oui. Il était clair que c’était une femme. Elle changeait d’avis aussi vite que possible. Ou pas. Que faire ? Non. Cette fois-ci, il la croyait. Elle le voulait. C’était passé. Il allait peut-être savoir enfin. « Tu le voulais alors ? T’es passée au-dessus de ça ? » Lui demanda-t-il comme pour confirmer. Retrouvant le sourire, la jeune femme détourna le sujet sur lui. Lui, et encore lui. Siméon la regarda faire. Elle sortit une cigarette de son paquet et le déposa sur elle. Elle l’alluma et la fuma. « Tu en veux une ? » Elle marqua une pause pour tirer un coup. « J’sais même pas si tu fumes ! Ah, ça pourrait être une question ça. » Il hocha la tête et vînt lui en piquer une. Il l’alluma et la posa entre ses lèvres. « T’as d’autres questions à poser voyons. » Il tira un coup dessus pour laisser échapper la fumée de sa bouche. « Merci. » Se contenta-t-il simplement de dire. « Bon… Action ou vérité ? » Bonne question. « Action. » Lança-t-il plein d’entrain.

Une douce atmosphère s’était installée entre eux. Elle avait suivi son cours, attendant qu’Aédan et Siméon ne se décident enfin à se disputer ou à bien s’entendre. La deuxième solution lui avait paru étant la plus plausible et s’était mise en place. Pour une fois. Il n’y avait ni querelle, ni conflit, ni dispute. Les habitudes pouvaient réellement changées parfois. Mais ça n’en était pas plus mal. Les deux jeunes adultes s’entendaient plutôt bien malgré la distance qui les séparait. Aédan semblait beaucoup plus ouverte qu’à son habitude et n’en finissait pas de l’étonner par ses paroles, ses idées ou ses gestes. C’était d’ailleurs elle qui avait proposé de jouer à action ou vérité. Un jeu qui leurs permettrait de se connaître d’avantage, d’en apprendre plus sur la vie de l’un ou de l’autre. Elle avait commencé, et avait même tenté la case vérité. Siméon avait été plutôt calme de ce côté-là et ne lui avait pas directement demandé le pourquoi elle ne supportait pas qu’il la touche. Enfin, il entendait par là de lui faire un câlin, de la prendre dans ses bras et de la serrer contre lui ou encore de déposer un simple baiser sur sa joue pour lui dire bonjour.
Alors qu’il n’hésitait pas à lui reposer une question pour étayer celle à laquelle elle devait répondre, Siméon fût attentif aux détails qu’Aédan laissait entrevoir. Depuis tout ce temps, il pensait maintenant que ça avait rapport avec l’une de ses relations, ou ancienne relation qui avait du mal tourner. Mais il ne la connaissait pas assez pour savoir si c’était normal qu’elle parle de l’amour d’une telle façon ou non. Parce que oui, si ça avait été Sutton ou Teddy, ça aurait pu paraître logique. Mais Aédan, il ne la connaissait pas si bien que ça au final… Alors il hésitait. « J’suis pas passée au-dessus. Pas encore… » Deux mots qui laissaient entrevoir qu’elle le serait très vite. Elle passerait probablement au-dessus de ça plus vite qu’elle ne pourrait le penser. Excepté si elle se freinait encore une fois, comme elle l’avait longtemps fait avec lui. Mais peu importait. Siméon était content d’apprendre qu’elle allait, enfin, pouvoir se libérer de tout ce poids qui la rongeait littéralement. Il était heureux pour elle, et d’autant plus parce que leur relation avançait à grands pas, au lieu de reculer comme elle l’avait si souvent fait. Il n’y répondit pas, mais n’en pensait pas moins vis-à-vis de ça. Esquissant un sourire, il lui fit comprendre qu’il était avec elle, sur ce coup-là.

Tirant un nouveau coup sur la cigarette qu’elle lui avait gentiment donnée, il en extirpa la fumée de sa bouche. C’était si bon. Cette saleté le rongeait de l’intérieur mais il s’en fichait éperdument au vu du bonheur que ça lui procurait. Ce goût âcre et amer le laissait perplexe cependant. Il se surprenait à l’aimer, alors que c’était clairement dégueulasse. « En effet… Des beaucoup, beaucoup plus croustillantes ! » Il réprima un rire devant la remarque d’une Aédan qui se lâchait, avec ses grands sourires. Il était clair qu’elle avait plusieurs idées en tête et il savait sur quoi. Depuis qu’il lui avait répondu que tout le monde avait ses petits secrets, en ce qui concernait une éventuelle fille qui lui plaisait, elle semblait s’armer sur ce sujet. Compréhensible. « Mais c’est qu’elle est déterminée à avoir les réponses à ses questions, en plus ! » Dit-il sur un ton amusé. C’était dingue ce que l’été avait comme effet apaisant sur leur relation finalement. Parce qu’ils s’entendaient à merveille, lorsqu’ils y mettaient un peu du leurs.

Action. C’était clair et net. Il n’hésiterait pas à poser une vérité ou deux par la suite. Siméon avait toujours été quelqu’un de spontané, qui n’hésitait pas à bouger, à faire les plus grandes conneries que l’humanité ait pu connaître dans le domaine. Il était du genre à monter sur le toit d’un immeuble qui faisait vingt mètres de haut, alors qu’il venait de s’enfiler cinq verres de tequila. Quoi de plus normal pour chercher à se tuer ? C’était Siméon, quoi. « Mh… Action… alors… » Elle joua avec sa cigarette, ancrant son regard dans le sien. Il ne la lâchait pas du regard lui non plus. Qu’allait-elle lui demander ? Allez savoir. C’était Aédan. La jeune femme était pleine de surprises, et quelque part, il s’entendait à quelque chose d’hors du commun. « Fais ce que tu as le plus envie de faire à cet instant. » Elle se mit à rire. « Qu’as-tu donc envie de faire ? » Elle s’aimait à prendre des risques pour elle-même, comme si elle savait qu’il n’oserait pas réellement aller lui faire un câlin. Ou un truc du genre. Alors que son genou se cognait au sien, elle s’amusait à le pousser, s’amusant de la situation.
Alors, ce dont il avait envie là… ? Se jeter dans une piscine d’eau froide. Oh oui. Il en rêvait tant la chaleur de l’été était pesante. Particulièrement aujourd’hui. Mais il n’y avait pas de piscine. Se mettre torse-nu ? Trop de gosses courraient dans tous les sens, et ça pourrait être mal vu. Alors quoi ? Parce que finalement, il ne semblait pas avoir beaucoup le choix. « Me jeter dans une piscine d’eau froide. Ça me plairait bien, mais y en a pas alors… » Et comme il savait que la simple réponse ne la satisferait pas, il entreprit le test. Il rapprocha son visage du sien, prit sa cigarette dans sa main gauche et vint déposer un simple baiser sur sa joue. C’était rapide, vif. « Voilà. » Finit-il par dire avec un air légèrement provocateur et amusé à la fois. Il se mit à rire et se reprit rapidement. « Action ou vérité, belle brune ? » De nouveau, il tira un coup sur sa cigarette, s’appuya contre l’arbre et se contenta de regarder devant lui, désinvolte.

Il avait rencontré de nombreuses personnes à Arrowsic. Il s’y était fait des amis, de formidables amis, de simples connaissances ou encore des ennemis. Il n’aurait su dire dans quelle catégorie Aédan pouvait se ranger. Oui. Ils s’entendaient plutôt bien, lorsqu’ils ne passaient pas leur temps à se disputer, à se prendre la tête, à se quereller idiotement. Mais oui. Elle était certainement l’une de ses amies. Une connaissance aussi. Aédan était spéciale. Mystérieuse. Enigmatique. Siméon savait qu’elle lui cachait quelque chose d’important depuis le jour où ils s’étaient disputés à cause d’une simple accolade amicale. À partir de ce moment-là, ils avaient enchaîné les discussions, les subtilités pour se confronter à de multiples obstacles. À présent, il semblait que cette période était passée. La brune était beaucoup plus ouverte. Ou du moins, elle paraissait l’être. Siméon ne flanchait pas, désirant savoir ce qu’il s’était passé dans sa vie. Il voulait comprendre, l’aider, se rapprocher d’elle et ne pas l’abandonner. Elle le méritait. Qui méritait de se faire abandonner ? Probablement personne. Il ne souhaitait pas ça à ses pires ennemis. Quoi qu’il n’en avait probablement pas… Ou il l’ignorait. Il fallait avouer que Siméon n’était pas le genre d’homme à se prendre la tête. Frivole, il en oubliait parfois la véritable nature des choses.
Pris en plein jeu d’action et vérité, ils s’amusaient tous les deux. C’était la première fois qu’il voyait Aédan sourire autant. Elle semblait véritablement changée. Elle s’amusait, rigolait, s’autorisait des petites folies. Ce n’était pas pour lui déplaire. Avouant qu’il avait voulu se jeter dans une piscine, car la chaleur le pesait sérieusement, il ne put le faire. D’abord parce qu’il n’y en avait pas à proximité. Ensuite parce qu’il n’avait pas envie de bouger, de se déplacer jusqu’à la fontaine qui était déjà assaillie de tous les côtés. « Une piscine ? J’avoue que ça serait très, très tentant. J’pourrais voir ton corps de dieu grec ! » Plaisanta-t-elle. En fait, Aédan adorait rire. Elle se dévoilait d’une toute autre manière à lui. Il ne put s’empêcher de rire à sa bêtise, à son tour. Néanmoins, il dût rapidement se reprendre pour exécuter son action demandée. Faire ce qu’il désirait sur le coup. Alors il se rapprocha d’elle et vînt déposer un baiser sur sa joue. Simple, rapide, discret. Sans arrière-pensée. C’était ce qu’il avait eu envie de faire sur le coup. Un sourire s’empara de ses lèvres. « Je savais que tu n’attendais que ça. » Lâcha-t-il en référence à sa phrase précédente. Il rigola de nouveau, avant de reprendre son sérieux. Néanmoins, il ne put s’empêcher de scruter les réactions d’Aédan. Elle semblait perturbée, gênée, troublée par ce qu’il venait de se passer. Mais le plus incroyable restait le fait qu’elle ne l’avait pas repoussé. Oui, oui. Extraordinaire. Commençait-elle à s’apercevoir qu’il ne lui ferait rien de mal ? Peut-être. Mais ils étaient sur la bonne voie pour se rapprocher d’avantage. « Owh… » Elle rigola de plus bel, tentant de cacher sa gêne. Siméon ne put s’empêcher de sourire et de profiter de la situation. « Qu’elle est mignonne ! » Ajouta-t-il. Aédan rétorqua quelques secondes après lui. « J’aurais dû m’en douter ! » Il haussa les épaules avec un air innocent. « J’aime bien ! » Il acquiesça. « Quel revirement de situation ! Mais qu’est-il dont arrivé à ma Aédan ? » Lâcha-t-il sur un ton étonné, avant de rire.

Ensuite, il lui demanda ce qu’elle souhaitait. Une action ou une vérité. « J’ai bien envie de dire « action », mais attention hein ! » Les actions avaient toujours été tentantes pour Siméon, qui adorait relever les défis. Qu’ils soient plus débiles les uns que les autres… Ca l’arrangeait. Il pouvait se déchaîner et se démener pour réussir. Une chose qu’il arrivait très bien à faire. Que pouvait-il bien lui demander ? D’abord, allait-il seulement faire en sorte de la malmener en demandant quelque chose qu’elle n’aimait pas faire ? Hum… A voir. Il pouvait lui demander de hurler une phrase débile à pleins poumons, d’aller embrasser un inconnu… Mais non. « Alors ? Je suis toute ouïe ! » Il avait déjà son idée en tête, alors qu’Aédan s’impatientait. Siméon lui lança un regard malicieux, affichant un sourire qui en disait long. « Très bien. J’ai toujours voulu te voir danser, tiens… » Il lui fit signe d’aller enflammer le parc.

Sans y prêter attention, Aédan sortit son portable pour il ne savait quelle raison. Il n’eût pas le temps de comprendre ce qu’il se passait… En effet, il tourna la tête et Aédan en profita pour prendre une photo de lui, grimaçant. « Gné ! Aédan ! » Elle admira sa photo prise. « Outch, la tête ! » Lui montrant le cliché, ils se mirent tous deux à rire. Siméon riait. Oui. Il se moquait de sa propre tête et il y avait de quoi. « J’vais mettre ça quand j’recevrai un de tes messages ou tes appels, j’vais avoir peur ! » Essayant de reprendre un minimum son sérieux, il s’approcha d’elle de nouveau. « Non mais non. C’est affreux… » Il enchaîna. « On va en prendre une tous les deux. » Il attrapa son portable, colla son visage contre le sien et attendit quelques secondes. « Prête ? » Il n’attendit pas plus de temps qu’il prit la photo et se détacha d’elle pour la regarder. Ils étaient mignons. Comme de vrais amis. Ouais. Il la lui montra, fier du cliché qu’il venait de prendre d’eux. « Celle-là, tu peux la mettre. » Il fit un grand sourire, amusé par la situation.