Face à la mer, elle observait l'horizon. Le mouvement à la fois calme et sauvage de la mer, le Soleil qui se reflétait délicatement sur cette eau salée, ces quelques bancs de poissons qu'on pouvait clairement distingué, même en étant en haut de cette falaise où elle se trouvait. Le regard vide, elle ne bougeait pas, ne sourcillait pas. Elle regardait à l'intérieur d'elle-même. Sa vie, ses souvenirs. Son passé, son présent, son futur. Ses erreurs, ses bonnes actions. Des milliers de visages défilaient devant ses yeux. C'est comme si elle avait un écran géant face à elle, avec la mer en arrière plan.  Elle n'entendait rien. Elle était imperméable à tous sons, rien ne pouvait la faire sortie de cet état de transe. Les pieds dans le vide, elle les balançait. C'était ici qu'Abbey avait sauté. C'était ici qu'elle s'était ôté la vie. Elle sentait cette odeur. L'odeur d'Abbey. Elle sentait l'odeur de ses sentiments. Solitude, peur, délivrance. Elle avait du ressentir tellement de chose à la fois, pendant quelques secondes. Ce après quoi, elle fut libérée à tout jamais. Laissant derrière elle, toute une vie. Teddy voulait ressentir cette délivrance. Non, elle ne voulait pas mourir, elle voulait juste se sentir flotter, sentir l'air s’engouffrer dans ses poumons à une vitesse fulgurante, elle voulait entendre son cœur hors de sa poitrine, elle voulait entendre cette voix qui crierait son nom et qui la retiendrait. Elle était partie. Depuis plusieurs mois, elle avait sillonné le pays entier, allant dans le Sud, à l'Est, à l'Ouest. Elle était même partie au Mexique et au Canada. Et elle s'était rendue en France. Son compte en banque vidé, elle avait emmené toute sa vie avec elle. Sauf son chien. Elle s'était mise dans un pétrin pas possible et aujourd'hui, elle regrettait. Prenant une grande inspiration, Teddy se leva et regarda sous ses pieds. Et dans un dernier effort, elle sauta.


« Dis-moi Amy, qu'est-ce que tu fais au Canada ? » Sirotant son vers de Vodka, la jeune femme posa son regard sur l'homme face à elle. Cela faisait maintenant une semaine qu'elle était ici et deux mois qu'elle avait fugué. Elle vivait dans un hôtel pas très loin de ce bar plutôt sophistiqué. Elle disait s'appeler Amy mais seul le barman connaissait son vrai nom puisqu'il lui avait demandé sa carte d'identité. « Je ne sais pas. Et toi ? » Il haussa les épaules. Il s'appelait Jamie. Beau prénom, tout comme son porteur. Il avait les yeux bleus, les cheveux foncés qui, à coup sûr, formeraient de petites bouclettes s'il les laissaient poussé. Il devait avoir la trentaine et était d'une gentillesse hors norme. Voilà une semaine qu'ils se retrouvaient dans ce bar, et il n'avait cessé d'être tendre avec elle. Comme, si au fond, il pouvait voir la détresse dans le regard de Teddy. « Je ne sais pas non plus. Je me balade, avec mon chien. Je t'ai pas parlé de lui. C'est un chien loup, Kovu. » La jeune femme se mit à sourire, pensant à sa pauvre Kiara qui était à la maison et devait pleurer sa maîtresse. « J'ai une femelle. Kiara. Kiara et Kovu, c'est pas commun. » Il hocha la tête en souriant. « Je te ramène ? » Ce fut à son tour de hocher la tête, laissant un billet au barman. « Et, c'est Teddy. Teddy-Rose. » ; « Je sais. »



Le contact fut violent. L'eau était glacée. Elle eut l'impression de recevoir un choc électrique tant la température était basse. Les vagues la secouait et elle se laissait aller, goûtant au merveilleux sentiment d'être sereine.




E-mail envoyé à Jona Coppola.

« Salut Jo.

      C'est moi. Encore. J'espère que tu m'en veux pas. Tu me manques tellement.. Je sais que t'aurais aimé que je te prévienne et que je t'explique en détail, mais j'y arrive pas. J'avais besoin de partir, tu sais, c'était vital. Je ne sais pas ce qui se passe à Arrowsic mais j'espère que toi tu vas bien.. Et dis rien à personne hein, je voudrais pas être forcée de couper le contact avec toi aussi. Je vais bientôt revenir. Je suis même plus sur le continent Américain. C'est génial ici. Tu me manques, Mattia me manque, ma chienne me manque, Louis me manque, ma sœur me manque, tout le monde me manque. Je reviens bientôt, je te le promets. Et quand je serai de retour, on rattrapera tout. Je te dirai tout. Promis, ma pétasse.



Soupirant, elle éteignit l'ordinateur portable avant de descendre dans le salon. Sur le canapé, il y avait sa tante. Pauvre femme qui croyait que sa nièce lui rendait une petite visite. Elle pensait que sa sœur était au courant, mais non. « Il y a un homme qui a appelé. James.. Jay.. Jamie je crois. Je lui ai dis que tu étais rentrée à la maison. C'est ce que je devais faire, hein ? » Elle hocha la tête en lui souriant, avant de se jeter dans ses bras, en fermant les yeux. Elle respirait cette bonne odeur. « Merci. Merci pour tout. Je.. pars. Je rentre à la maison. » Mensonge. C'était vers un autre lieu qu'elle se dirigeait cette fois. Le Mexique. 


Bercée par ses souvenirs, elle se laissait aller au grès des vagues, oubliant la froideur mortuaire de l'eau. Elle se sentait libre, légère. Non, elle n'allait pas mourir, car elle ne voulait pas mourir et Dieu en avait décidé autrement. S'Il avait voulu qu'elle le rejoigne, il l'aurait fait bien avant et elle serait déjà probablement morte à cause de l’hypothermie qu'elle faisait actuellement. Hors, elle restait en vie. Elle s'accrochait car elle voulait seulement se sentir plus légère quelques instants et lors de sa chute, elle avait ressenti Abbey. Abbey et tout les sentiments qu'elle avait eu. La peur, la douleur, puis la paix. Certains disaient que le suicide était égoïste. D'une certaine manière, il pouvait l'être. Mais pour la jeune femme, c'était plutôt un exécutoire. Un moyen de ne plus souffrir, de ne plus rien ressentir. Un moyen d’atténué les peines les plus sombres et les plus douloureuses. Alors, elle comprenait ce geste, mais elle ne le reproduirait pas. Elle n'avait encore rien vécu. Et il fallait bien que quelqu'un s'occupe de Lleyton et lui apprenne comment s'y prendre avec les filles. Ou les garçons, qui sait. Les yeux clos, elle remonta lentement à la surface, la mer se calmant et la câlinant.





Siméon parti on ne sait-où, elle n'avait plus vraiment à s'inquiéter de commettre une tromperie. Guérissant lentement de tous ses maux, Teddy reprenait goût à la vie, elle retrouvait cette joie d'antan. Elle souffrait toujours d'hypersexualité mais sa bipolarité semblait avoir disparu. Comme par magie. Comme si ce grand bol d'air frais avec chassé cette poussière de ses yeux. C'était un voile qui se levait. Une nouvelle vie qui commençait. Pourtant, elle avait, une fois de plus, attiré les problèmes. Face à cet homme armé, elle ne savait pas quoi faire. Cet homme armé, c'était son fiancé. Un abruti. Il ne lui avait pas laissé le choix. « J'en ai marre de te voir sortir tout le temps. » ; « On est pas mariés. Baisse ça, s'il te plaît. » ; « Quoi, tu as peur ? » Elle soupira avant de se retourner. Déterminée à sortir de cette embrouille, elle fit volte face avec une arme à la main, un air impassible au visage. « Dis pas de conneries. Je me suis déjà fait tirée dessus. » Il parût choqué de voir que Teddy pouvait se montrer courageuse. Riant légèrement, elle baissa son arme avant de prendre ses affaires et de partir. Partir loin. Rentrer. C'est ce qu'elle allait fait. Tout était finit. Elle rentrait chez elle.



Quelque chose vint agripper l'encolure de son t-shirt. Pratiquement inconsciente, elle ne réagit pas, se laissa emporter. Elle aurait pu se faire mordre par un requin qu'elle ne l'aurait pas noté. En cinq minutes chrono, elle senti le sable fin sous son corps, trempé et frigorifié. « Mais qu'est-ce que t'as fais Teddy bordel.. » Une voix familière. Elle peina à ouvrir les yeux, son pouls ralentit et son cœur cessa de battre. Elle avait beau lutté, rejeter cette lumière, elle se sentait aspirée. Vidée. Son corps n'avait pas subit le choc, le cerveau était sûrement glacé. Pourtant, elle se sentit revivre. « Putain, respire. » Une sensation presque imperceptible au niveau des lèvres, des picotements dans les membres. Puis elle toussa, recrachant l'eau qu'elle avait ingurgité. « Idiote ! » Elle sentie un corps s'affaisser sur sa poitrine, tandis qu'elle ouvrit les yeux. La lumière lui brûla les rétines, mais elle garda ses yeux ouverts. « T'as plus intérêt à me faire ça. T'aurais pu trouver mieux comme endroit pour mourir. » ; « J'ai pas voulu mourir. » Le corps se releva et elle vit son visage. Oh. La joie l'envahit, un sentiment divin s'empara d'elle. Elle sentit sa main caresser son visage, tandis qu'il avait un sourire à la fois tendre et inquiet. « Alors explique moi pourquoi tu as sauté. » ; « Je voulais me sentir libre, plus légère. » Il leva les yeux au ciel. « Pour ça, t'avais qu'à faire du parachute gamine. » Elle fronça les sourcils et tenta de se relever mais il la plaqua contre le sol. « Bouge pas. Tu m'as fais peur. J'ai cru que je t'avais perdu.. Heureusement que Kovu t'as vu. J'ai pas compris sur le moment, il a commencé à aboyé, à sauté devant moi et il est partie en courant dans l'eau glacée. » A ce moment-là, elle sentit une langue rugueuse sur son visage, ce qui la fit rire. « Pourquoi t'es à Arrowsic ? » Il détourna le regard un instant avant de le reposer sur son visage. Elle fut électrifiée sur place. Bon sang, ce qu'il était beau. « Je sais pas si c'est légal ici mais fallait que je fasse quelque chose. Évidemment, je vais sûrement me faire tuer par ta mère si tu lui dis mais tant pis.. » Et avant qu'elle ne puisse protester, il abattit ses lèvres sur les siennes, lui donnant une sensation exquise. Baiser auquel elle répondit avec toute la force qui lui restait. Elle ne savait pas quoi faire, ni quoi dire. Siméon était parti et elle avait le cœur brisé. Fernando était avec une autre femme, que pouvait-elle faire ? Rester dans son coin et souffrir ? Non. De plus, il y avait ce taré de Joey qui n'hésiterait pas à faire le tour du monde pour la retrouver. Après tout, elle l'avait dépouillé de plus d'un millions de dollars. « On a douze ans d'écart et pourtant, j'ai l'impression d'avoir ton âge.. » Il lui fit un sourire. « T'es amoureux ? » Il secoua la tête négativement. « Pas encore. Peut-être bientôt. T'es qu'une gamine après tout. » ; « J'ai dix-huit ans je te signale. » ; « Oui, ce qui signifie que je te prends au berceau. » ; « Si tu savais à quel âge on m'a pris au berceau.. » Elle lui sourit. Elle se rendit compte qu'il était collé à elle, sûrement pour la réchauffer, ils étaient mutuellement trempé et pourtant, elle ne s'en plaignait pas.


Elle allait revoir tout le monde. Sa famille, sa meilleure amie, son meilleur ami, ses amies et tout son entourage. Et elle allait revoir sa chienne. Son bébé.