Dans les bras de Felix, je vis que le réveil affichait trois heures et quart du matin. Bien sûr, je ne dormais toujours pas. Depuis quelques mois, j'avais toujours un mal fou à trouver le sommeil. C'était sûrement dû au fait que je ne faisais rien de spécial de mes journées, que je ne dépensais pas beaucoup d'énergie et que la nuit venue, je n'avais pas accumulé assez de fatigue pour m'endormir comme un bébé. De plus, le bébé, parlons en, ne cessait de me donner des coups de pied, et si j'avais pu trouver ça amusant les premières fois, aujourd'hui, j'avais bien envie qu'il cesse de jouer au football dans mon ventre. D'ailleurs, ce qui sait ? Ce petit était peut-être un futur footballeur ? Peut-être le signe que c'était bel et bien un petit bonhomme caché là-dessous ! Felix et moi avions finalement décidé de préserver le mystère jusqu'au bout, et avions peint la chambre d'une couleur qui convienne à la fois à une petite fille et à la fois à un petit garçon. Ce soir là, il n'arrêtait pas de donner ces fameux coups de pied, mais j'avais aussi quelques contractions plus ou moins désagréables et plus ou moins fortes aussi, qui contribuaient à mon impossibilité de m'endormir. Dans ma tête, je ne cessais de me dire pas maintenant, pas maintenant, même si je savais pertinemment que le terme était presque arrivé, et que l'accouchement serait pour demain ou après-demain à coup sûr. Toutes les affaires étaient déjà prêtes, il n'y avait qu'à embarquer dans la voiture en direction de l'hôpital. Pourtant, je priais pour qu'il n'arrive pas tout de suite, je n'avais pas vraiment envie de réveiller Felix et Carlie à cette heure, je voulais m'endormir tranquillement et passer une bonne nuit, même si l'urgence était bien là. Je le sentais pousser, et plus il poussait, plus j'avais mal, et plus je me retenais de crier de douleur en pinçant silencieusement les lèvres. C'était certain, le bébé allait arriver maintenant, c'était pour cette nuit, j'en étais de plus en plus convaincue. Cette nuit, je ne dormirais pas, et je savais qu'il ne fallait surtout pas que j'ignore ces contractions plus longtemps au risque de provoquer une catastrophe. Première chose à faire : réveiller mon pauvre Felix, qui avait l'air plongé dans un profond sommeil tout contre moi. Je m'en voulais un peu de le réveiller, mais là, je n'avais pas vraiment le choix. « Felix ... » dis-je tout bas en lui caressant le bras, espérant le réveiller de la manière la plus douce. Malheureusement, la douceur ne fonctionnait pas, mon cher fiancé ne semblait pas m'entendre, et les contractions se faisaient de plus en plus violentes. En me tenant le ventre, je me redressais vivement dans le lit et alluma la lumière. Tant pis si je réveillais Felix, c'était sûrement le cas, mais d'un autre côté, tant mieux, parce que j'avais grand besoin de lui à ce moment précis. Je souffrais tellement, j'avais presque oublié la douleur lancinante que l'on pouvait ressentir après neuf mois de grossesse depuis bientôt onze ans. Alerté par la lumière, je vis Felix se réveiller, d'abord doucement puis, me voyant me tenir le ventre, compris immédiatement ce qui se passait. Moi, je me tordais de douleur, et entre deux grimaces, lui dis : « Je suis vraiment désolée, mais je crois que c'est pour maintenant. » Je crois qu'il l'avait bien compris, car si j'avais pu souffrir de contractions par le passé, jamais Felix ne m'avait vu me mettre dans un tel état, d'autant qu'il savait lui aussi que le moment était enfin venu pour nous d'être parents pour la deuxième fois de nos vies.

Cela faisait déjà onze mois que j'avais retrouvé Neela et que j'avais rencontré Carlie. Parfois, je repensais à tout ce que nous avions vécu durant ces derniers mois, et je me disais que ma vie avait pris un grand tournant, et surtout que je ne reviendrais jamais en arrière. Ou peut-être si, pour ne jamais avoir abandonné Neela il y a dix ans, enfin presque onze maintenant. J'avais une fille adorable, bien que très têtue sur certains points - mais ça, ça doit venir de moi -, un futur bébé, et j'étais fiancé à la femme de ma vie. D'ailleurs, cette nouvelle grossesse de Neela était devenue pour moi l'occasion des premières fois : c'était la première fois que je la voyais enceinte, et même si elle avait eu peur que je la trouve moins belle, c'était en réalité tout le contraire, je la trouvais magnifique ; et puis c'était la première fois que je pouvais sentir vraiment un bébé avant sa naissance, notre bébé. Et puis il ou elle semblait prendre goût aux coups de pieds et avoir besoin de la présence de ses deux parents, de leurs deux mains posées sur le ventre, pour se calmer et laisser un peu de répit à Neela. Alors parfois je repensais à tout ça et je me disais que j'étais probablement l'homme le plus chanceux de la terre. Il m'était déjà arrivé de rêver de notre futur aussi. J'imaginais toute ma petite famille comme une famille parfaite, sans aucun conflit, aucune jalousie, avec juste les rires et les cris des enfants à travers la maison, et bizarrement, surtout que ma mère et Neela s'entendaient à merveilles. Depuis l'annonce de la grossesse, leur relation semblait s'être améliorée. Espérons que ça dure ! En tout cas, en ce moment, je rêvais, mais je n'allais plus me souvenir de quoi, puisque je fus réveillé par une soudaine lumière qui passa à travers mes paupières. Le temps de m'habituer à la luminosité, j'avais gardé les yeux fermés, puis les avait ouverts pour regarder Neela en face de moi, qui était assise dans le lit en se tenant le ventre. Je me relevais alors à mon tour en continuant à la regarder, et je n'eus même pas le temps de lui demander ce qu'elle avait exactement qu'elle me dit : « Je suis vraiment désolée, mais je crois que c'est pour maintenant. » Ah. D'accord. Alors on se calme... On ne panique pas... Enfin un peu quand même, parce que je voyais Neela se tordre de douleur en face de moi.

« Tu peux te lever ? »

Vu son état, ce n'était pas forcément sûr... Me frottant finalement rapidement les yeux pour essayer d'émerger, je me levais finalement du lit et me dirigeai vers les premiers vêtements que je trouvais dans la chambre pour m'habiller en vitesse. J'avais l'apparence de quelqu'un de très calme, qui gère parfaitement la situation... en réalité, j'étais tout le contraire à l'intérieur, mais je me disais qu'il ne valait mieux pas que je le montre à Neela pour ne pas la stresser et l'énerver encore plus. Je me disais aussi qu'il allait falloir aller réveiller Carlie, car je la voyais mal se réveiller demain matin et être toute seule dans la maison. Et vu qu'elle avait encore une certaine jalousie envers le bébé, ça allait peut-être être compliqué...

Après quelques secondes où Felix ne semblait pas trop comprendre où il était et ce qui se passait, il réagit enfin. « Tu peux te lever ? » Me lever me paraissait possible, si les contractions voulaient bien me laisser en paix quelques temps. Après avoir respiré un bon coup comme pour me préparer à me lever, je répondis à mon fiancé : « Oui, ça va aller je pense. » C'était un court instant où les contractions semblaient vouloir enfin me laisser tranquille. Ça va aller, si dans les minutes qui suivent on part pour l'hôpital, sinon je crois que cela risquerait vite de tourner au drame. Je me levais finalement assez facilement du lit pour aller prendre les premiers vêtements qui me tombaient sous la main et m'habillait en quatrième vitesse, enfin … la quatrième vitesse d'une femme enceinte de neuf mois tout de même. A peine habillée, que les contractions revinrent de plus belle, et la douleur en même temps. Tout en grimaçant une nouvelle fois et en me tenant le ventre comme si j'allais accoucher dans les secondes qui venaient, je me tournai vers Felix en disant : « Il faut qu'on se dépêche, je le sens vraiment pousser. Est-ce que tu peux aller réveiller Carlie s'il te plait ? » Je lui faisais comprendre que l'urgence était bien là et qu'il fallait vraiment accélrer le mouvement. Notre pauvre petite puce allait être réveillée en plein sommeil, mais d'un autre côté je l'imaginais très mal rester toute seule toute la nuit et toute la journée de demain, parce qu'autant dire qu'en partant pour l'hôpital maintenant, nous sachions pertinemment que c'était pour y rester pendant plusieurs jours avant et après la naissance du bébé. J'espérais d'ailleurs qu'elle veuille bien se lever, car quand il s'agissait du bébé, mademoiselle avait plutôt tendance à se renfermer dans sa coquille et à faire semblant de ne rien voir ni de rien entendre. Franchement là, nous n'avions pas trop le temps de jouer à cela, et j'espérais qu'elle ne ronchonnerait pas pour venir avec nous.

En attendant que Felix aille réveiller et chercher notre fille, je me dépêchais le plus possible de préparer les affaires, tout du moins de les mettre sur le lit pour nous faciliter le départ. Une fois Carlie arrivée, je la vis déjà habillée en train d'ouvrir péniblement les yeux. Je pris quand même le temps de passer mes mains autour de son visage et de l'embrasser sur la joue, un peu comme pour la remercier de ne pas nous avoir trop fait attendre et d'être là avec nous, tout simplement, car j'avais plus que tout besoin d'elle, et de Felix aussi bien entendu. Il allait me soutenir durant l'épreuve difficile qui m'attendait. D'ailleurs, j'appréhendais beaucoup ce moment, j'avais toujours une peur terrible que les choses se passent mal, mais cela devait être naturel pour une future mère. Alors que Carlie était en train de descendre les escaliers pour rejoindre la voiture, je profitais d'un moment de répit dans mes contractions pour demander à Felix en lui prenant les mains, les miennes tremblant légèrement. « Tu resteras avec moi hein ? » Il me l'avait promis, mais je voulais m'assurer qu'il tiendrait sa promesse, et que rien n'avait pas changé depuis que nous en avions parlé tous les deux. J'avais peur, horriblement peur de ce qui m'attendait, d'autant que maintenant, je me sentais fatiguée, or il ne fallait surtout pas que je tombe de fatigue, de toute façon, ces violentes contractions me l'en empêchait. Bientôt, je serais branchée un peu partout, avec toute une équipe autour de moi pour m'aider à accoucher, et franchement, la seule personne qui pouvait m'aider à tenir le coup dans un moment pareil, c'était bien Felix. J'avais déjà besoin de sentir sa présence en lui prenant la main, et j'espérais qu'il ne la lâcherait pas pendant toute la durée de l'accouchement.

« Il faut qu'on se dépêche, je le sens vraiment pousser. Est-ce que tu peux aller réveiller Carlie s'il te plait ? » Je tournai mon regard vers Neela, qui se tenait le ventre, presque courbée en deux, et hochai simplement la tête. Pourtant, je n'avais pas trop envie de la laisser seule dans l'état où elle était, j'avais l'impression qu'elle allait tomber d'une minute à l'autre.

« Fais attention quand même... »

Je sortis de la chambre pour aller vers celle de Carlie et ouvris doucement la porte pour essayer de ne pas la réveiller en sursaut et de ruiner mes chances de la faire venir avec nous sans qu'elle fasse semblant de ne pas m'écouter à cause de sa mauvaise humeur. M'accroupissant à côté du lit, je passais doucement mon doigt sur sa joue pour la réveiller en douceur, à grand renfort de “Carlie... Carlie...”, et elle finit par ouvrir les yeux et me regarder dans l'obscurité de la chambre.

« Désolé ma puce mais maman est en train d'accoucher, il faut que tu viennes avec nous... »

Sans même que j'ai besoin d'insister, elle reposa rapidement sa tête dans son oreiller comme quelqu'un qui essaie de se donner du courage pour la journée et se leva du lit pour se diriger vers son armoire et prendre quelques vêtements. Je sortis alors de la chambre pour rejoindre Neela. Carlie était arrivée juste après moi, encore bien endormie, comme nous tous d'ailleurs. Peut-être qu'elle allait continuer sa nuit dans la chambre en nous attendant, mais ce ne serait pas notre cas. Alors j'espérais vraiment qu'une fois les parents prévenus, ils n'allaient pas venir à la maternité dès l'ouverture des visites, mais au contraire qu'ils allaient nous laisser quelques heures de repos, surtout à Neela. Je donnais les clés de la voiture à Carlie en la voyant passer pour qu'elle puisse ouvrir les portes et s'installer, tandis que je pris une petite valise déjà prête depuis quelques jours. Je l'avais à peine posée dans l'entrée que je sentis les mains de Neela attraper les miennes en tremblant. « Tu resteras avec moi hein ? »  Elle avait vraiment un regard inquiet à ce moment. Alors je l'avais embrassée en souriant légèrement.

« Je t'ai promis que je ne te laisserai plus jamais non ? Alors, viens, on y va. »

Je la laissais passer devant moi pour pouvoir prendre la valise et fermer la porte à clé, puis me dirigeai à mon tour vers la voiture. Carlie y était déjà... Neela semblait quand même avoir besoin d'un peu d'aide pour se tordre en deux et rentrer à l'intérieur. Une fois tout le monde à l'intérieur, nous avions pris la route. À trois heures trente du matin, autant dire qu'il n'y avait personne dans les rues d'Arrowsic, et que mon rituel d'excès de vitesse dans les situations d'urgence était revenu au galop. Plus le temps avançait, et plus je ressentais un mélange d'inquiétude, d'anxiété et d'excitation... Je jetai de petits regards à Neela, qui semblait commencer à ressentir de plus en plus la douleur, et profitai alors d'une grande ligne droite pour prendre sa main dans la mienne. Nous arrivâmes rapidement à la maternité et nous nous étions dirigés vers l'accueil, moi en tenant un peu Neela qui finissait tout de même par avoir de plus en plus de mal à marcher correctement, et Carlie à côté de nous. Intérieurement, j'espérai que nous n'allions pas tomber sur une femme qui finissait sa nuit et qui n'était pas dégourdie...

Je demandais à Felix s'il comptait bien toujours rester à mes côtés pendant l'accouchement, car sa présence m'était plus que nécessaire. J'avais l'impression que sans lui, je ne pourrais jamais y arriver, que sans lui, les choses ne se passeraient pas correctement. A côté de moi en me prenant la main, il ne pourrait pas se sentir utile au milieu de tout ce personnel hospitalier, et pourtant, Felix me donnerait la force de mettre au monde cet enfant. « Je t'ai promis que je ne te laisserai plus jamais non ? Alors, viens, on y va. » J'acquiesçai finalement en souriant, essayant d'oublier l'espace de quelques secondes ces fichues contractions. Le sourire de Felix me donnait du courage, énormément de courage, et surtout, je pouvais être rassurée sur le fait que rien n'avait changé chez lui, qu'il resterait à mes côtés jusqu'à la fin de l'accouchement, peu importe la durée de celui-ci, peu importe s'il fallait qu'il passe deux jours entiers à l'hôpital pour me soutenir. En tout cas, la seule chose dont j'avais envie à présent, c'était de filer droit vers l'hôpital pour que ce petit voit enfin le jour et cesse de me torturer, c'est pourquoi je m'empressai de descendre prudemment en direction de la voiture. J'avais un mal fou à me pencher pour rentrer dans la voiture, on aurait dit une mamie de quatre-vingt dix ans. Je détestais être comme ça, d'autant que je voyais bien que Felix, qui n'avait jamais vécu tout ça, me jetait de temps à autre des regards inquiets. Il prenait soin de moi. Il avait toujours pris soin de moi, mais là, son attention n'était focalisée que sur moi, et quelque part, je n'aimais pas lui causer autant de soucis. J'aurais voulu lui dire que tout allait bien, qu'il pouvait être rassuré, mais non, cela crevait les yeux que cela n'allait pas, je n'arrivais même pas à faire semblant du contraire tellement la douleur était intense. Carlie aussi était inquiète, même si elle ne voulait pas de ce bébé, devait se soucier de mon état, malgré son silence. Finalement, une fois rentrée dans la voiture, Felix démarra assez vite et alors que je fermais les yeux en me tenant le ventre pour essayer de faire abstraction de la douleur, je sentis sa main se serrer légèrement sur la mienne. Encore une fois un signe qu'il était là, qu'il me soutenait, qu'il ne me lâcherait pas et que je pouvais avoir entièrement confiance en lui.

En quelques minutes, nous étions arrivés aux urgences de la maternité. Après être sortis de la voiture, nous nous dirigeâmes lentement mais sûrement vers l'entrée. J'avais un mal fou à marcher correctement tellement la douleur me torturait et m'empêchait d'avoir une démarche naturelle. Je restais alors légèrement recourbée sur mon ventre en le tenant comme s'il allait exploser incessamment sous peu. Une sage femme que je connaissais bien, devenue d'ailleurs maintenant une amie, me pris rapidement en charge. « Neela ! » s'exclama t-elle en me voyant me tordre en grimaçant. Je devais être affreuse à voir, d'autant que je n'avais pas dormi et que j'étais morte de fatigue... un vrai zombie. « Il arrive. » C'était tout ce que j'avais été capable de dire entre deux grimaces. Après tout, dans un instant pareil, il faut aller à l'essentiel, et puis je ne tenais pas du tout à perdre mon bébé, et je crois que Felix non plus, même s'il n'était pas voulu à la base. « Venez, on va tout de suite s'installer en salle de travail. » Oui, excellente idée, parce que moi, je n'en pouvais plus. J'avais la sensation que je retenais le bébé, et que le fait de relâcher les muscles allait automatiquement le faire descendre. Rien que le fait de tenir debout plus d'une minute commençait à m'être très difficile et insupportable. La jeune femme nous installa tous les deux dans une petite salle, salle dans laquelle j'avais moi-même l'habitude de pratiquer des accouchements il y a quelques mois. Avant de commencer à m'examiner, la sage-femme se tourna vers Carlie qui nous avait suivis jusque là. « Ma puce, je suis désolée mais il va falloir que tu sortes. Je te rappelle quand le bébé est là. » Ma pauvre Carlie s'exécuta silencieusement tandis que je lui fis un petit signe de la main qu'elle ne vit même pas. Enfin, la jeune femme pu m'examiner et c'est avec un grand sourire qu'elle nous déclara « Il est à cinq centimètres, on attend les prochaines contractions et on y va. » Immédiatement je tournai mon regard surpris vers Felix. Cinq centimètres ? Déjà ? Je comprenais maintenant mieux pourquoi j'avais si mal ! Mais à peine le temps de réaliser la surprise que de nouvelles contractions encore plus violentes que les autres reprirent. Au moins six personnes vinrent me saluer avec de grands sourires dans la salle, d'autres restèrent pour assister la sage-femme, lorsque cette dernière m'observa avant de demander à Felix : « Monsieur, vous voulez rester ? On va commencer. »

« Neela ! »  Oula. Nous étions à peine arrivés dans le bâtiment, horriblement calme à cette heure avancée de la nuit, que cette sage-femme, qui semblait bien connaître Neela, l'avait déjà prise en charge. Apparemment, Neela était la seule à accoucher à ce moment, et au fond c'était tant mieux : nous serions tranquilles le plus longtemps possible. « Venez, on va tout de suite s'installer en salle de travail. » Je suivais la jeune femme, avec Neela accrochée à moi, et Carlie de l'autre côté. Encore à moitié somnolant et peu voire pas habitué à ce genre d'endroit, j'étais resté silencieux durant toute la traversée des couloirs, qui paraissait soudainement très longue. « Ma puce, je suis désolée mais il va falloir que tu sortes. Je te rappelle quand le bébé est là. » Je jetai un petit regard à Carlie, qui nous avait suivi jusque dans la salle d'accouchement, et tourna les talons après m'avoir aussi regardé. Elle n'avait sûrement pas eu le temps de voir le petit signe de main de Neela. Une sage-femme s'en alla avec elle, sûrement pour lui montrer la future chambre dans laquelle nous allions bientôt tous nous trouver. Pourtant, j'étais persuadé que pouvoir faire un dernier bisous à Carlie ou la prendre dans ses bras aurait donné un peu de courage à Neela. « Il est à cinq centimètres, on attend les prochaines contractions et on y va. » Euh oui oui peut-être bien... Je voyais des sage-femmes qui s'activaient déjà autour de nous, d'autres qui venaient juste pour faire un petit coucou... C'était bien gentil de leur part, mais j'avais presque envie de faire sortir celles qui n'avaient aucun rôle à jouer dans cet accouchement pour qu'elles laissent Neela tranquille. Je regardai autour de moi, pas très à l'aise au milieu de tous ces appareils médicaux. Même Neela avait quand même plus l'habitude, travaillant dans le milieu, mais j'avais vraiment l'impression d'arriver là comme un cheveu sur la soupe. Enfin il allait bien falloir que je me fasse un peu à cette ambiance, parce que même si le bébé semblait être bientôt là, nous ne serions pas sortis dans dix minutes. « Monsieur, vous voulez rester ? On va commencer. » Je fus sorti de mes pensées par la voix de la sage-femme qui nous avait accueillis. Je hochai alors positivement la tête.

« Oui bien sûr que je restes. »

Je posai mon regard sur Neela, dont la situation était bien loin de s'améliorer, et je lui pris alors la main comme je l'avais fait dans la voiture. Tout avait bien vite commencé, les contractions étaient de plus en plus rapprochées, les sages-femmes avaient fait une péridurale pour soulager un peu Neela, et je sentais sa main se resserrer sur la mienne à chacune d'elles. Ma culpabilité légendaire avait alors repris le dessus. Je m'étais dit qu'elle avait vécu la même chose pour l'accouchement de Carlie il y a dix ans, et que je n'étais pas là, parce que je l'avais abandonnée comme un crétin. Alors j'avais bien l'intention de me rattraper aujourd'hui. Même si voir votre fiancée se tordre de douleur à ce point pourrait bien vous dégoûter d'avoir des enfants, il fallait que je sois là jusqu'au bout pour elle. Et puis pour le bébé. Et j'espérai vraiment que Carlie l'accepterait une fois qu'elle l'aurait dans les bras. « Courage Neela, ça ne va sûrement pas durer très longtemps !» C'est-à-dire ? Pour un accouchement, “pas très longtemps” c'était sûrement très relatif surtout. Est-ce qu'elle considérait cinq heures comme un accouchement rapide ? Pendant le peu de temps de répit que nous offraient les contractions, je passai un doigt sur la joue de Neela pour l'obliger à ouvrir les yeux quelques instants et à me regarder.

« Ça va ? »

C'est sûr qu'elle n'allait pas sauter de joie en me criant “Oui, super !”, mais j'avais besoin de savoir si elle tenait le coup, surtout avec la courte nuit que nous avions eu. D'ailleurs, peut-être qu'elle n'avait même pas fermé l'œil de son côté.

J'entendis Felix répondre à la sage-femme. « Oui bien sûr que je restes. » Malgré toute ma souffrance, j'étais quand même parvenue à offrir un petit sourire à Felix, un peu comme pour le remercier d'avoir tenu sa promesse, tout en sentant sa main prendre la mienne. Je m'imaginais franchement très mal devoir accoucher sans lui, même si je l'avais fait il y a dix ans. Là, tout était différent maintenant que lui et moi nous connaissions presque par cœur. Felix était ma moitié, sans lui, j'étais certaine que je ne pourrais jamais arriver à mettre au monde ce petit. Mais le pauvre, il devait se sentir affreusement perdu et mal à l'aise au milieu de toutes ces infirmières, de toutes ces sages-femmes et de tout ce matériel médical. J'avais d'ailleurs l'impression que tout le service s'était soudainement mobilisé pour moi, mais franchement, je n'avais pas trop la tête à faire des politesses à tout le monde, et je crois que cela devait se voir sur mon visage pour le moins tendu. « Courage Neela, ça ne va sûrement pas durer très longtemps ! » Je hochais la tête, espérant fortement qu'elle avait raison. J'avais chaud, et tout ce monde ne faisait qu'augmenter cette sensation de chaleur ainsi que ma fatigue. Pourtant, je fermais les yeux en respirant profondément, car je savais que c'était la seule chose bénéfique pour moi à faire dans un instant pareil. « Ça va ? » me demanda tout à coup Felix qui avait l'air de s'inquiéter pour moi. J'ouvris les yeux pour le regarder. Je ne savais même pas si ça allait vraiment, parce que même si j'avais terriblement mal, les contractions qui se faisaient de plus en plus rapprochées étaient le signe que l'accouchement approchait à grands pas. J'avais donc très mal, mais d'un autre côté, je savais que je n'en avais normalement plus pour très longtemps. « Ça ira mieux dans … Ah ! » La voilà la contraction tant attendue, si violente qu'elle m'avait littéralement coupé la parole. « Allez Neela, pousse ! » Je savais que c'était à moi de jouer désormais, mais aussi que je devais rester concentrée. Si je ne poussais pas correctement, si je ne prenais pas ma respiration au bon moment, j'allais mettre la vie de mon enfant en danger.

Je n'avais maintenant plus qu'une seule idée en tête : donner la vie à cet enfant dans mon ventre. Sans relâche, je poussais à en devenir parfois rouge comme une tomate, puis prenait de temps à autre le temps de prendre une profonde respiration avant de recommencer la manœuvre tout en serrant la main de Felix à côté de moi. Je ne le regardais même pas, me contentant du contact de sa peau sur la mienne, et restais concentrée sur la sage-femme qui répétait avec un grand sourire : « C'est très bien Neela continue, je commence à voir la tête ! » Elle n'avait même pas besoin de me le dire, je sentais très bien sa tête qui commençait à sortir, et j'espérais que je n'avais plus trop d'efforts à faire, parce que physiquement, j'étais complètement à plat, à bout de forces et de souffle aussi. Pourtant, je n'abandonnais pas le combat en si bon chemin, car je ne tenais vraiment pas à devoir passer au bloc pour une césarienne, mais apparemment, je n'aurais pas à passer par cette étape, c'était déjà ça. Déterminée à en finir une bonne fois pour toutes, je poussais une dernière fois avec une force inouïe en continuant de serrer -pour ne pas dire d'écrabouiller- la main de mon fiancé, jusqu'à ce que j'entende les tout premiers cris du bébé, de notre bébé retentir dans la salle. « Félicitations Neela et Felix, c'est un petit garçon en pleine santé ! » En souriant, je reposais lourdement ma tête sur le l'oreiller, soulagée de cette nouvelle et en même temps totalement épuisée par l'épreuve que je venais de subir. Je dévorais mon fiancé des yeux, étant sûrement à ce moment là la femme la plus heureuse du monde. Les cris ne cessaient pas, mais c'était bon signe. L'enfant était bien vivant, en bonne santé, c'était l'essentiel et puis, un petit garçon, c'était ce que nous avions toujours voulu, alors que demander de mieux ? En entendant les premiers cris du bébé, des larmes surgirent sous mes yeux. J'avais l'impression de revivre tout ce que j'avais vécu il y a dix ans, et pourtant aujourd'hui, tant de choses étaient différentes. La sage-femme déposa assez vite le petit sur ma poitrine tandis que les larmes coulaient de plus belle le long de mes joues et que mon sourire s'étendait presque jusqu'à mes oreilles. J'avais eu mal, je m'étais battue, mais je savais maintenant pourquoi. La bataille que j'avais mené jusque là, la souffrance que j'avais subi, pour ce bébé, cela en valait largement la peine. Avec émotion, je posais ma main sur le dos tout chaud de mon bébé qui apparemment avait eu besoin de sa maman pour calmer ses pleurs. Mon autre main n'avait pas lâché celle de Felix depuis que j'avais commencé à pousser pour expulser le bébé, et après avoir observé quelques secondes le nouveau-né, je le regardais  avec des yeux brillants de fatigue, mais aussi et surtout de bonheur. « Ça va aller monsieur ? » demanda une infirmière en riant nerveusement comme pour s'assurer qu'il n'allait pas tomber dans les pommes. Je n'avais pas pu m'empêcher de lâcher un petit rire. Oui oui ça va aller, mon Felix avait simplement du mal à réaliser je pense, nous étions juste tous les deux sur un petit nuage à ce moment précis...

« Ça ira mieux dans … Ah ! »  Neela n'avait même pas eu le temps de me répondre complètement pour me fixer sur son état qu'une nouvelle contraction arriva et qu'elle se tordit une nouvelle fois de douleur en face de moi. J'avais vraiment l'impression qu'elle allait finir par tomber dans les pommes d'un moment à l'autre... D'autant plus qu'elle semblait être retournée à deux cent pour-cent à sa tâche de future maman en plein accouchement, comme si elle jouait sa propre vie, et surtout à mon avis pour expédier le plus vite possible ce moment douloureux.  « C'est très bien Neela continue, je commence à voir la tête ! » Cette simple parole lui avait apparemment donné beaucoup de courage, puisque je sentis sa main se resserrer de plus en plus sur la mienne, et elle la desserra soudainement, sans pour autant la lâcher, quand les premiers cris du bébé retentirent dans la salle d'accouchement. « Félicitations Neela et Felix, c'est un petit garçon en pleine santé ! » Je tournai alors la tête vers les sages-femmes qui enveloppaient un petit être minuscule dans une couverture et l'apportaient déjà vers nous. Je crois que la dernière fois que j'avais pu voir et porter un bébé qui venait de naître, je devais avoir une vingtaine d'années, alors autant dire que c'était des sensations qui m'étaient redevenues inconnues. J'avais juste eu le temps d'embrasser Neela, comme pour la féliciter de s'être autant battue pendant plusieurs heures, avant que la sage-femme n'apportent ce petit bonhomme sur elle. Pendant toute la grossesse de Neela, je m'étais fait taquiner par mes amis sous prétexte que j'allais forcément pleurer, et je les contredisais tout le temps. Finalement, pour Neela qui aimait ma part de féminité plus ou moins assumée - je ne sais pas si on peut dire que j'assume ma peur phobique des araignées -, elle était servie, si elle l'avait vu. Sous le coup de l'émotion, je n'avais pu retenir une petite larme, et j'avais remarqué qu'elle pleurait dix fois plus que moi. Je souris légèrement en pensant qu'il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre !

Dire que si j'étais parti encore une fois, ce bébé n'aurait peut-être pas vu le jour, ou en tout cas moi je ne l'aurais jamais vu. Et pourtant, après l'avoir finalement attendu pendant les huit derniers mois, il me paraissait tellement fragile que je n'osai même pas le toucher. Et ça s'était apparemment remarqué, puisque l'une des sages-femmes me demanda : « Ça va aller monsieur ? » Je souris légèrement en me tournant vers elle.

« Oui oui ça va ! »

Heureusement que je ne tournai pas de l'œil à la vue du sang notamment, parce qu'avec Neela qui jouait la petite gaffeuse, c'était parfois moi qui devait être le médecin. Le bébé s'était arrêté de pleurer dès qu'il était arrivé contre Neela. Il m'avait alors fallu quelques minutes avant d'oser enfin le toucher, et je posai délicatement mon doigt sur sa petite main, comme si c'était la chose la plus fragile au monde. « Comment vous voulez l'appeler ? » La sage-femme agitait un petit bracelet prêt à accueillir le nom de notre bébé. Je regardai alors Neela avec un sourire.

« Tu es toujours d'accord pour Adam ? »

Felix avait quand même eu le temps de m'embrasser pendant que je soufflais, et avant que l'on me dépose le petit sur ma poitrine. « Oui oui ça va ! » J'étais rassurée, mon fiancé n'allait pas tomber dans les vapes dans les prochaines secondes ! Moi, je n'arrêtais pas de regarder mon petit garçon, qui commençait doucement à ouvrir les yeux et à découvrir pour la première fois ses parents. Ce n'était pas parce que c'était mon fils, mais je le trouvais vraiment adorable. « Comment vous voulez l'appeler ? » Je me tournais vers mon fiancé pour chercher son accord sur le prénom que nous avions choisi pour lui depuis plusieurs mois maintenant. « Tu es toujours d'accord pour Adam ? » Je hochai simplement la tête.  « Toujours. » Je lui souris d'un air complice. Nous avions mis beaucoup de temps à choisir ce prénom tous les deux, et puis finalement Adam nous était apparu comme une évidence. « Bienvenue parmi nous Adam Moorgate ! » dit-elle avant de passer le minuscule bracelet autour du poignet de notre bébé. « Je vais chercher votre fille ! » poursuivit-elle avant de se diriger vers la porte, nous laissant un moment seuls tous les deux avec notre fils. J'avais hâte que Carlie découvre notre petit bout de chou qui s'éveillait doucement contre moi, et franchement, j'étais tellement heureuse à ce moment précis que je ne pensais même plus aux problèmes liés à cet enfant concernant Carlie. Je n'avais qu'une envie : qu'elle sourit à sa vue et qu'elle le prenne dans ses bras, comme une grande sœur le ferait naturellement avec son petit frère. Felix profita de ce petit moment pour caresser la main du bébé avec une grande délicatesse, comme si c'était la chose la plus fragile du monde. J'avais encore du mal à y croire, du mal à réaliser que dans mes bras se trouvait notre bébé à tous les deux, celui que j'avais porté durant neuf mois. Et dire qu'au départ, il n'était pas prévu … Aujourd'hui, tout comme pour Carlie, je n'imaginais même pas ma vie sans lui, c'était tout simplement inconcevable, et puis quand je voyais de quelle manière Felix le regardait, je me disais que nous n'avions commis aucune erreur, que finalement, le destin avait bien fait les choses pour nous.

Je profitais de ce moment où tout était calme, où nous contemplions notre petit garçon avec amour pour relever les yeux vers Felix. Je posai alors ma main sur sa joue qui vint en même temps doucement caresser sa nuque et ses cheveux. « Je t'aime. » J'avais encore les yeux humides, et Felix aussi d'ailleurs, apparemment sa part de féminité était revenue au galop, ce qui me fit légèrement sourire. « Tu avais dit que tu ne pleurerais pas ... » dis-je en riant doucement. J'aimais tellement cette sensibilité chez lui, un peu comme sa peur des araignées d'ailleurs. Si cela aurait pu effrayer d'autres femmes, moi, ça m'amusait, et même pire, ça me touchait en plein cœur. Je ne cessais pas de sourire, observant tantôt mon amoureux, tantôt Adam, les deux hommes de ma vie désormais. La porte de la salle s'ouvrit, et Felix et moi furent forcés de descendre de notre nuage en découvrant la sage-femme complètement désemparée devant nous. Elle ne souriait plus, Carlie n'était pas à côté d'elle, bref, quelque chose n'allait pas avec notre fille, il n'y avait même pas besoin d'attendre ce qu'elle avait à nous dire pour le deviner. « Euh … il y a un problème, je ne trouve pas votre fille... » Je fronçai les sourcils en regardant Felix tout en maintenant Adam contre moi. Cela me paraissait bien étrange, et en même temps, je commençais un peu à m'inquiéter. « Comment ça ? Elle n'est pas dans le couloir ? » Mon amie avait l'air de plus en plus embarrassée, elle était même devenue très pâle tout à coup, et franchement, il y avait de quoi. « Non, je l'ai cherchée à peu près partout, elle n'est pas au distributeur ni à la cafétéria. » Alors là, nous avions de quoi nous inquiéter pour de bon. Elle n'avait quand même pas fugué ? Un tas de questions se bousculaient dans ma tête, un tas d'hypothèses aussi, et j'avais de plus en plus peur. Je me tournai vers mon fiancé pour chercher son aide, espérant qu'il allait faire quelque chose pour la retrouver le plus vite possible.

« Bienvenue parmi nous Adam Moorgate ! »  Elle passa le petit bracelet autour de son poignet tandis qu'Adam ne semblait pas trop d'accord pour cela et resserra son bras contre lui dès que le bracelet y fut mis.  « Je vais chercher votre fille ! » La sage-femme s'en alla dans le couloir, nous laissant un peu seuls tout les trois. J'espérais vraiment que Carlie laisserait de côté sa jalousie et participerait avec nous à ce grand moment. J'avais vraiment envie que nous formions une belle famille tous ensemble, sans aucun conflit entre nous ou entre les enfants. « Je t'aime. » Je sentis la main de Neela se poser sur ma joue, ce qui me tira de ma contemplation de notre bébé et je lui souris doucement.

« Je t'aime aussi. » 

« Tu avais dit que tu ne pleurerais pas ... »  Je ris légèrement en essuyant cette larme du revers de la main. Oui ben... Hein... Bon. Voilà. Même si j'avais eu le temps de me faire à cette grossesse et au fait que j'allais être une nouvelle fois papa, il fallait avouer qu'il y a encore un an, toute cette vie ne m'était pas du tout destinée. Je passai la plupart de mes soirées dans des bars ou chez des amis, à draguer la moindre fille aux formes plutôt avantageuses qui passait, alors je n'imaginai certainement pas avoir des enfants. La porte de la salle s'ouvrit finalement assez brutalement derrière nous, nous obligeant à tourner la tête pour voire la sage-femme complètement paniquée devant nous. « Euh … il y a un problème, je ne trouve pas votre fille... » Quoi ? Je jetai un petit regard à Neela, qui semblait aussi ne pas trop comprendre la situation. Il y eut un petit silence dans la salle le temps que tout le monde réalise ce qui se passait, et je finis par poser mon regard sur Neela.

« Je vais voir. »

Je lui lâchai alors la main, réalisant qu'elle l'avait effectivement bien serrée durant toute la durée de l'accouchement, et sortis avec la sage-femme dans les couloirs. Nous nous étions séparés pour essayer de trouver Carlie le plus rapidement possible. Je crois que j'avais du parcourir tous les couloirs de la maternité en long en large et en travers, et toujours aucune trace de Carlie. Elle n'était en effet pas au distributeur ni à la cafétéria, pas dans les couloirs, pas dans le hall d'accueil... Et après environ dix minutes de recherches, je commençai vraiment à paniquer. Je regardai rapidement ma montre. Cinq heures quinze du matin. Il faisait encore noir dehors. Elle n'avait quand même pas pu sortir ! Pas toute seule ! J'avais fini par abandonner l'idée de la chercher dans la maternité et étais alors parti dans le bâtiment d'à côté, qui n'avait plus rien à voir avec la maternité. Je parcourrai de nouveau les couloirs en regardant partout autour de moi pour essayer de trouver Carlie quelque part, mais toujours rien... J'espérai vraiment qu'il ne lui était rien arrivé...

J'avais fini par ne plus regarder depuis combien de minutes je cherchai Carlie dans les couloirs de l'hôpital. Ne la voyant jamais dans aucun couloir, j'avais fini par hausser quand même un peu la voix, en espérant qu'elle m'entende, mais en essayant tout de même de ne pas réveiller tous les patients et donc de me faire virer.  Alors je l'appelai un peu partout dans les couloirs, mêlant son prénom à des “où est-ce que tu es ?”, souvent plus prononcés pour moi-même. Et alors que j'avais passé une nouvelle porte de chambre dans un service qui n'avait plus rien à voir avec la maternité, j'entendis une voix que je connaissais bien. « Papa ? Maman a fini ? » Je me retournai aussitôt pour me diriger vers elle et la prendre dans mes bras. C'est malin ! Elle m'avait fichu une trouille pas possible... Au fur et à mesure que je marchai, j'avais surtout l'impression de tourner en rond, et puis je paniquai, en me demandant où elle pouvait être et où elle avait pu aller à une heure pareille, quand même assez loin de la maison, et toute seule. Après presque un an de retrouvailles, je venais donc d'expérimenter la sensation de parent qui perd son enfant, et franchement je préférai éviter de la revivre.

« Mais t'étais où ? Tu m'as fait la peur de ma vie ne refais plus jamais ça !... Oui elle a fini, tu viens ? »

J'avais bizarrement changé de ton entre mes deux bouts de phrases et lui avais finalement adressé un sourire en la serrant contre moi. D'extérieur, je crois que nous avions tous les deux des têtes de zombies ; et Neela était probablement dans le même état. Plus tard, je crois que l'on pourra remercier Adam de nous avoir complètement ruiné notre nuit, ça pourra faire un bon sujet de discussion lors des repas de famille. J'étais donc reparti avec Carlie vers la maternité, croisant au passage la sage-femme qui continuai à chercher ma fille dans les moindres recoins. Elle sembla elle aussi soulagée d'un coup ! Nous rentrâmes finalement dans la salle d'accouchement, où Neela était restée avec juste une autre sage-femme et avait toujours Adam dans les bras. Je laissai alors Carlie passer devant moi, essayant de deviner à son expression si elle avait un peu mis sa jalousie de côté et surtout si elle essayerait de faire un effort et d'accepter le bébé. Répondant au regard de Neela qui cherchait sûrement à me voir développer où j'avais retrouvé Carlie, je passai sous silence mon épisode panique pour lui dire simplement avec un sourire qui se voulait rassurant :

« Elle terminait sa nuit. »

Ma fille apparut dans la pièce, l'air extrêmement fatiguée, mais là. C'était l'essentiel. Rassurée, soulagée de la voir saine et sauve, je posai une main sur mon cœur en soupirant. J'avais eu peur. Horriblement peur qui lui soit arrivé quelque chose pendant que j'accouchais. Après tout, dans un hôpital en pleine nuit, une petite fille n'a rien à faire toute seule, il aurait pu lui arriver n'importe quoi. Mais que faisait-elle d'ailleurs aussi loin dans les couloirs de l'hôpital ? A peine avais-je ouvert la bouche pour demander des éclaircissements à Felix qu'il me rassura immédiatement : « Elle terminait sa nuit. » Je hochai brièvement la tête. Elle terminait sa nuit ? Mais où ça ? Et pourquoi était t-elle partie si loin ? Un tas de questions se bousculaient dans ma tête, j'aurais quand même aimé en savoir plus sur la petite escapade nocturne de ma fille au beau milieu d'un hôpital... En temps normal, je me serais mise en colère contre Carlie, parce qu'elle m'avait quand même fait une belle peur, tout comme à son père. Mais là, avec le bébé qui dormait à moitié dans mes bras, et compte tenu de la situation, gronder Carlie n'était pas la meilleure chose à faire. Je ne voulais rien gâcher de ce moment magique pour nous tous. Je fis alors silencieusement signe à ma fille de s'approcher du lit pour qu'elle voit enfin son petit frère. Elle n'en voulait peut-être pas, mais j'étais certaine qu'au fond, mademoiselle était au moins curieuse de voir à quoi il pouvait ressembler. « Viens. » chuchotais-je pour ne pas perturber Adam qui avait l'air d'être le plus heureux des bébés dans mes bras. « Je te présente Adam. » Je souriais de plus belle en observant tantôt Carlie, tantôt le bébé. Sans surprise, ma fille observait l'enfant sous toutes ses coutures, avec une grande curiosité, pendant un long moment. Je me demandais bien ce qu'elle pouvait penser, parce que l'expression de son visage ne m'indiquait pas grand chose pour le moment. Elle était neutre, totalement neutre. Pour briser le silence qui s'était tout à coup installé, je relevais les yeux vers mon fiancé qui contemplait lui aussi son petit, puis me dis finalement qu'il n'avait même pas eu l'occasion de le prendre dans ses bras depuis que je l'avais mis au monde. « Tu veux le prendre dans tes bras Felix ? » Je lui souris tout en avançant mes bras dans sa direction pour qu'il le prenne. J'étais certaine qu'il en mourrait d'envie, cela se lisait dans ses yeux, et puis, il avait certainement besoin de ce contact pour commencer à jouer son rôle de jeune papa. En plus, une fois dans les bras de Felix, je me disais qu'il serait sans doute plus pratique pour Carlie d'observer son petit-frère, pour qu'à son tour elle puisse le prendre dans ses bras, si tenté qu'elle en ai l'envie... En tout cas, moi, je me sentais épuisée. L'accouchement n'avait finalement pas duré trop longtemps, et heureusement, parce que là, j'étais à bout de forces. J'avais besoin de repos, et en même temps, je ne cessais pas de regarder mon amoureux avec notre bébé dans les bras. C'était une image que je ne pouvais pas me lasser de regarder.

« J’étais avec un très vieux monsieur, il s’appelle Bob. Il est très gentil, il a bien voulu que je dorme dans sa chambre. » Je la regardai avec un air interrogateur, puis passai au-dessus de ce petit moment de panique pour retourner vers la chambre. Mon esprit fatigué de cinq heures du matin avait commencé à ce faire des films, mais il valait mieux que j'arrête de me torturer l'esprit. Nous étions donc retournés dans la salle d'accouchement, où tout semblait soudainement beaucoup plus calme et posé. Neela avait du un peu pousser Carlie à s'approcher pour voir son petit frère, et la voyant de dos, je n'avais pas pu voir son expression en le voyant. J'attendais légèrement en retrait avec la sage-femme qui m'avait aidé à chercher Carlie dans les couloirs. Et je me disais intérieurement qu'il allait falloir prévenir les parents, devenus pour la deuxième fois grands-parents. J'imaginais déjà la mère de Neela arriver dans la chambre et nous sauter au cou, déjà gaga de son petit-fils ; nos deux pères tout aussi heureux, mais un peu plus capable de se contenir ; et ma mère, qui aurait probablement un mélange de joie de voir un nouveau Moorgate dans la famille, et d'éternelle rancœur envers Neela. Je fus d'ailleurs interrompu dans mes pensées par la voix de ma princesse. « Tu veux le prendre dans tes bras Felix ? » Revenant à la réalité, je hochai simplement la tête en souriant légèrement et m'approchai de ma petite famille. Enfin j'avais l'air pressé de pouvoir le prendre dans mes bras, mais j'avais vite du faire face à la réalité d'un problème technique : comment le prendre correctement sans lui faire mal ? J'avais déjà porté des bébés, mais le dernier en date remontait au dernier bébé que j'avais vu, il y a une dizaine d'années donc, et aux films que j'avais pu voir à la télévision.

« Euhh comment tu le prends ? »

J'essayai d'observer déjà comment Neela le tenait dans ses bras sur sa table d'accouchement, mais autant qu'elle m'explique elle-même plutôt que j'essaie de deviner, ce serait sûrement plus sûr pour ce nouveau petit bébé. Adam arriva donc bien vite dans mes bras avec l'aide de Neela, qui souriait. Il s'était un peu réveillé en changeant de porteur, mais n'avait pas pleuré et était vite reparti dans son sommeil, ses petits mains recroquevillées contre lui. À tout les coups, il tiendra de ses parents pour son futur goût pour les grasses matinées ! En le regardant comme ça, j'avais bien eu envie de pleurer encore une fois, mais je m'étais retenu, préférant éviter de transformer la salle d'accouchement en piscine, mélange de toutes nos larmes à Neela et moi. Adam était juste adorable, et j'avais déjà hâte de pouvoir passer le plus de temps possible avec lui... sans oublier Carlie bien sûr. D'ailleurs, cette dernière était partie s'asseoir sur le tabouret et demanda : « On peut rentrer à la maison maintenant ? » Je jetai un petit regard à Neela, puis reportai mon regard sur Carlie, prêt à lui répondre ; mais la sage-femme me devança en s'approchant de ma fille.« Tu sais ma puce, ta maman va devoir rester un peu à l'hôpital, on ne peut pas la laisser sortir tout de suite. Alors ton papa veut sûrement rester avec elle non ? » 

« Je vais demander à Ella si je peux la déposer chez elle, elle a besoin de dormir là, hein ma puce ? »

J'avais presque même eu envie de dire “je vais supplier Ella”, parce qu'à cette heure, même en étant très proches, je doutai bien que j'allais me faire recevoir, au moins par Mattia. Je redonnai alors Adam à Neela, tout aussi délicatement qu'elle me l'avait donné, puis suivis Carlie en dehors de la salle d'accouchement, jusqu'à la voiture, puis la maison.

Spoiler:

Redonnant Adam à Neela, j'étais ensuite sorti de la maternité avec Carlie, qui tenait presque à peine debout à cause de la fatigue. Nous étions rapidement monté dans la voiture, parce que j'avais promis à Neela que je revenais dans peu de temps, et puis simplement parce que je sentais bien Carlie n'avait qu'une hâte : retrouver un lit et pouvoir terminer sa nuit. J'avais appelé Ella sur la route, prenant une voix la plus douce possible pour essayer de faire passer la pilule du réveil à cinq heures du matin. Elle avait accepté de récupérer Carlie au beau milieu de la nuit, et rien que pour avoir accepté cela, je pouvais encore une fois dire qu'Ella était adorable. Nous arrivâmes donc bien vite devant chez elle, et elle ouvrit la porte avant même que j'ai eu l'occasion de frapper ou de l'appeler sur son portable pour signaler notre présence et éviter de mettre ce cher Mattia en rogne. Après avoir fait un immense bisous à Carlie, je me tournai vers Ella, la tête à moitié endormie, qui devait finalement être presque dans le même état que la mienne après la nuit que j'avais passée. Pourtant, elle souriait. « Tu as bien fait de la poser même si… c’est le milieu de la nuit... Neela va bien ? Fille ou garçon ?  » Sa curiosité reprenait le dessus ! Je souris alors à mon tour en la regardant.

« Elle va bien, fatiguée, mais elle va bien. Et puis, garçon, Adam. »

Oui j'étais fier, horriblement fier. Et même si là, ma seule envie était de dormir, j'avais déjà hâte d'être à demain matin, quand les parents, enfin maintenant de nouveau grands-parents, viendraient voir leur petit-fils. « En tout cas, tu peux t’occuper pleinement de Neela et du bébé, Carlie restera ici le temps qu’il faut. » Mon sourire s'agrandit et je m'approchai d'elle pour la prendre dans mes bras, essayant d'apporter un peu de douceur à ce réveil assez brutal qu'elle avait du avoir en entendant la sonnerie de son téléphone.

« Merci, t'es géniale Ella. »

J'avais l'impression que tout était silencieux dans les rues. En même temps, vue l'heure, ce n'était pas qu'une impression... En embrassant celle que je considérais presque comme ma petite sœur sur la joue, je finis par retourner à la voiture et repartir vers l'hôpital, laissant Carlie entre de bonnes mains pour le reste de la nuit, et sûrement une bonne partie de la matinée. Quelques minutes plus tard, j'étais de retour à la maternité. Je traversai de nouveau les couloirs, jusqu'à croiser la sage-femme qui m'amena vers une chambre normal. Neela avait été mise un peu plus à l'aise, dans une chambre personnelle, au lieu de rester indéfiniment dans la salle d'accouchement. J'entrais alors dans la chambre avec un petit sourire en voyant Neela qui avait gardé Adam dans ses bras.

« Ça va ? »

Parce qu'après tout, la dernière fois que je lui avais posé cette question, elle était en train de finir d'accoucher, et on ne pouvait pas vraiment dire que ça allait à cent pour-cent. Maintenant, elle était plus calme, les sages-femmes avaient même eu le temps de le laver un peu et lui mettre un petit pyjama que nous avions déjà prévu avant la naissance. Je m'approchai d'eux et tirai alors le fauteuil pour être plus près du lit en en profitant pour embrasser Neela et caresser doucement la joue d'Adam, qui ne dormait pas, mais était bien calme.

On m'avait transférée dans une chambre toute ordinaire d'hôpital, et tout du long je n'avais pas voulu lâcher mon fils qui avait l'air incroyablement bien dans mes bras. Il avait quand même fallu que je le lâche pour que la sage-femme le lave et l'habille d'un petit pyjama bleu qui allait à ravir. Adam commençant doucement à découvrir la vie et surtout sa maman, j'en avais profité pour fermer un peu les yeux histoire de me reposer, parce que cet accouchement m'avait évidemment bien lessivée. Mais au moment où je n'allais pas tarder à m'endormir, j'entendis la porte de la chambre s'ouvrir doucement, ce qui me fit sortir de mon très léger sommeil. Mes parents ? Ceux de Felix ? Non, ils n'avaient quand même pas osé venir à une heure pareille ! Heureusement, c'était Felix, qui venait tout juste d'amener Carlie à Ella. A sa vue, je souris, quand même soulagée que ce ne soit que lui. Je n'avais franchement pas trop la tête à détailler mon accouchement comme ma mère aurait voulu que je le fasse si c'était elle qui avait franchi cette porte. Malheureusement, cette étape m'attendait demain, mais en attendant, une nuit paisible m'attendait auprès de Felix et avec mon fils. J'étais certaine qu'il comprenait que je pouvais être fatiguée et que donc les longs discours n'étaient pas trop les bienvenus. « Ça va ? » me demanda t-il en approchant le fauteuil du lit. Je refermai mes yeux en l'embrassant puis les rouvris pour lui répondre : « Comment te dire … Je crois que je suis la femme la plus heureuse du monde. » Je lui offris un tendre sourire tout en regardant tantôt mon fils qui était bien calme dans mes bras, tantôt l'homme de ma vie. C'était exactement ce que je ressentais à ce moment précis. L'impression que j'avais atteint le summum du bonheur et que rien n'y personne ne pouvait me faire redescendre. Je posais mon regard sur mon amoureux qui continuait de caresser la joue d'Adam. « Merci d'avoir été là Felix... Au fait, ta main a survécu ? Je l'ai pas serrée trop fort ? » demandais-je en riant doucement. Je ne m'étais pas forcément rendue compte, mais j'avais dû la serrer très fort tellement ma douleur était intense. Mais heureusement qu'il avait été là, qu'il m'avait soutenue, même si je suis sûre qu'au fond il n'avait pas eu l'impression d'avoir fait grand chose pour moi, au contraire, Felix m'avait été d'une grande aide pour mettre au monde ce petit. « Dommage que le lit ne soit pas assez grand, je t'aurais bien fait une petite place. » Il ne manquait plus que Felix dans ce lit pour être tous les deux plus proches d'Adam, et j'aurais été comblée. Mais bon, il était clair que ce lit n'était pas assez large pour accueillir deux personnes, et même si Felix était un poids plume, je n'avais pas trop envie de risquer la catastrophe. Il devrait donc passer la nuit sur ce fauteuil, mais à mon avis, vu à quel point il était fatigué, n'importe quel endroit était parfait du moment qu'il pouvait dormir. « Tu as prévenu tes parents ? Il faut que je prévienne les miens, tant pis pour l'heure, ma mère va m'en vouloir si je lui dis rien avant demain. Normalement, j'aurais déjà dû l'avertir tu vois. » Je me mis à rire doucement. Ma mère était tellement excitée à l'idée que j'accouche de mon deuxième enfant qu'il aurait fallu l'avertir au moment fatidique, et elle était capable de débarquer dans la chambre un quart d'heure après qu'on lui ai annoncé. Sur ces mots, je demandais à Felix de me donner mon téléphone portable pour envoyer un message à ma mère qui devait attendre ce message comme le Messie dans le fond de son lit. Ce fut confirmé, puisqu'à peine quelques secondes après, elle me signala qu'ils arriveraient à la maternité dès demain matin. « ...Ils viennent demain matin, prépare-toi à avoir une nuit encore plus courte que prévu ! » Reposant mon portable sur la table de chevet, je reposais ma tête lourdement sur l'oreiller en soupirant. J'hésitais entre rire nerveusement ou pleurer parce que j'aurais sûrement l'air d'un zombie demain matin pour les recevoir et répondre à leurs nombreuses questions. En attendant, il fallait nous reposer, car la journée qui nous attendait promettait d'être riche en émotions et en surprises !

Les parents les plus heureux du monde : voilà ce que nous étions. Et dire qu'il y a encore huit mois ce bébé avait été une grande surprise, et qu'il avait même failli provoquer un beau conflit entre Neela et moi si je n'avais pas réfléchit à deux fois avant de repartir comme un lâche en essayant de fuir mes responsabilités. Et maintenant, il était là, avec nous, et pour tout le reste de nos vies. Je fus rapidement sorti de mes pensées en entendant de nouveau la voix de Neela dans le silence de la chambre, et de l'hôpital complet d'ailleurs. « Merci d'avoir été là Felix... Au fait, ta main a survécu ? Je l'ai pas serrée trop fort ? » Je lui adressai un grand sourire, repensant au moment où je lui avais lâché la main pour aller chercher Carlie dans les couloirs.

« Ça va mieux, mais j'ai eu l'impression que j'allais plus jamais pouvoir m'en servir. »

Je ris légèrement en la dévorant du regard. Je ne lui en voulais absolument pas. J'aurais été incapable de la laisser une deuxième fois dans un tel moment de toute façon, je savais qu'elle avait besoin de moi. Et même si ça avait plutôt déstabilisant pour moi de la voir se tordre de douleur à ce point, dans un environnement hospitalier que je n'appréciait pas non plus énormément, j'avais quand même été heureux d'être avec elle. « Dommage que le lit ne soit pas assez grand, je t'aurais bien fait une petite place. » Je hochai négativement la tête en la regardant, m'enfonçant un peu plus dans le fauteuil.

« T'inquiète pas, il est très bien ce fauteuil. »

Je lui adressai un petit clin d'œil. Après tout, ce n'était pas totalement faux pour une fois qu'un fauteuil d'hôpital était à peu près confortable. Et puis vu mon état de fatigue, je serais même capable de dormir sur du carrelage ! « Tu as prévenu tes parents ? Il faut que je prévienne les miens, tant pis pour l'heure, ma mère va m'en vouloir si je lui dis rien avant demain. Normalement, j'aurais déjà dû l'avertir tu vois. »  D'ailleurs, cette fatigue m'empêchait un peu de me lancer dans des grands discours, et je fermai simplement les yeux en marmonnant un “j'ai oublié” avant de prendre mon téléphone, et de donner le sien à Neela. J'avais opté pour le message simple et clair, me demandant s'ils étaient aussi prêts à apprendre la nouvelle que les parents de Neela, qui lui avaient répondu tout de suite, ou s'ils profitaient de leur nuit, eux. Apparemment, ils étaient aussi dans l'attente, puisque je reçu une réponse de mon père, me disant qu'ils venaient aussi demain matin. Pourquoi personne n'avait pensé à notre sommeil ?

« Les miens aussi. On va bien s'amuser ! Une petite famille de zombies ! Autant qu'on s'y mette maintenant alors, tu veux que je le remette dans son lit ? »

Enfin son lit… Ce qui lui servait de lit, entre Neela et mon fauteuil. Elle me donna Adam, et toujours pas très assuré, je le posai dans le-dit lit, détachant doucement mon doigt auquel il s'était rapidement accroché après la avoir une fois de plus caressé la joue. Nous étions tellement fatigués qu'un simple bonne nuit eut le temps d'être prononcé que nous étions tous tombés dans les bras de Morphée, même si notre sommeil avait parfois été interrompu par les pleurs d'Adam. Le lendemain matin, nous avions tellement peu dormi que même la lumière du jour n'était pas parvenue à nous réveiller. Dans mon rêve, j'entendis un simple “toc toc toc”, comme quelqu'un qui frappait à une porte. J'ouvris doucement les yeux, agressé cette fois par la lumière du jour, pour faire face aux parents de Neela. Je n'avais même pas eu le temps ni la pensée de me lever que sa mère se jeta sur moi en me prenant dans ses bras, réveillant Neela par la même occasion, qui devait sûrement se demander ce qui se passait autour d'elle. Adam lui, semblait ne même pas entendre les bruits nouveaux dans la chambre. « Ohhh il est adorable !! Félicitations ! » Son regard passait de Neela, à moi, à Adam avec un immense sourire. Le père de Neela était tout aussi heureux, mais comme à son habitude, il arrivait à se contenir un peu, et même si je souriais de voir la grand-mère aussi heureuse, je remerciai intérieurement le grand-père de rester au calme et de préserver mon mal de crâne naissant.

« Ohhh il est adorable !! Félicitations ! » La voix de ma mère me réveilla un peu en sursaut. Alors que je commençais tout juste à émerger et que j'avais légèrement du mal à réaliser ce qui se passait autour de moi, je regardais Felix, qui visiblement était dans le même état que moi, puis Adam, qui ne bougeait pas dans son lit. Depuis hier, nous avions eu beaucoup de chance, il n'avait presque pas pleuré ! Un vrai petit ange, mise à part que j'avais forcément été obligée de le nourrir en pleine nuit, mais c'était naturel pour un bébé de réveiller ses parents la nuit. « Bonjour maman ! » lançais-je à ma mère avec un petit sourire amusé, tandis que mon regard se posa discrètement sur l'écran de mon portable qui affichait même pas neuf heures du matin. Elle n'avait même pas pris le soin de ne pas nous réveiller et d'observer le bébé tranquillement, non, il avait fallu qu'elle crie sa joie dans la chambre, c'était décidément plus fort qu'elle. Sur ces mots, elle s'empressa de venir m'embrasser en posant ses deux mains sur mes joues, comme si j'avais quatre ans. Je devais avoir une de ces têtes, j'avais probablement dû dormir en tout trois petites heures, coupées par les pleurs d'Adam, et il en était de même pour mon fiancé. D'ailleurs, après m'avoir embrassé, ma mère se dirigea sans plus tarder vers Felix pour l'embrasser de la même façon qu'elle l'avait fait avec moi. Je souris à Felix qui me regardait d'un air de celui qui ne comprenait pas trop ce qui lui arrivait. Ma mère était clairement ridicule, mais au moins, elle savait comment nous réveiller et elle s'y prenait très bien ! Mon père, lui, se fit un peu plus discret, il se contenta de lui serrer la main en lui adressant toutes ses félicitations. Enfin, même elle nous réveillait en plein sommeil, le comportement de ma mère m'amusait encore une fois. Après avoir bâillé presque à m'en décrocher la mâchoire, je regardais ma mère qui s'approchait déjà du berceau avec un sourire angélique aux lèvres. « Au fait, tu n'avais pas dit neuf heures maman ? Il est huit heures et demie là... » Elle savait pourtant que j'avais accouché en pleine nuit, et que donc Felix et moi avions besoin de dormir ce matin, justement pour nous préparer à son arrivée fracassante, mais non, elle avait été obligée de venir aux aurores pour voir son petit-fils. « Oui c'est vrai, mais ton père et moi on était tellement pressés de voir Adam ! On en a pas dormi de la nuit ! » Ah oui ? A ce point ? Ouais enfin, à mon avis, la vraie version c'était plutôt que ma mère était fortement pressée de le voir, et que mon père avait dû tenter de la retenir, en vain apparemment. D'ailleurs, je vis mon père bâiller lui aussi discrètement dans son coin et me regarder en haussant les épaules. Ouais, ELLE n'avait pas dormi de la nuit, à mon avis, mon père lui aurait bien voulu rester un peu plus dans son lit et aller voir son petit-fils à une heure plus convenable.

Évidemment, ma mère était bien trop obnubilée par Adam pour s'excuser de nous avoir réveillés. Elle commença par lui caresser la joue, puis se retourna vers Felix et moi d'un air suppliant. « Je peux le prendre hein ? » Je voyais bien qu'elle n'attendait que ça, si Felix et moi avions refusé, elle nous en aurait voulu toute notre vie. « Mais oui maman vas-y. » Intérieurement, je priais pour qu'Adam n'éclate pas en sanglots, parce qu'après tout, c'était la première personne étrangère pour lui qui le prenait dans ses bras. Tandis qu'elle le prenait dans ses bras, ma mère se mit à rire. « Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas tenu un bébé dans mes bras, je ne sais même plus comment faire ! » Je grimaçai tout à coup, m'avançant un peu pour observer sa manière de faire avec mon fils. Mon Dieu, avec sa maladresse légendaire, je priais pour qu'elle ne l'échappe pas en le soulevant, et qu'elle ne lui fasse pas de mal ! Je pris soudainement peur, et vu la tête que faisait Felix, lui aussi n'était visiblement pas très à l'aise. Mais heureusement, tout se passa bien, je vis ma mère porter l'enfant correctement dans ses bras, et afficher un sourire jusqu'aux oreilles. Mon père s'approcha doucement en souriant pour lui caresser la joue, comme l'avait fait Felix la toute première fois. « Bonjour Adam, moi c'est mamie ! » J'avais tout à coup envie de rire en voyant ma mère aussi gaga avec son petit-fils, mais en même temps, j'étais fière et ravie de la voir aussi heureuse. Après tout, elle avait attendu cet instant depuis si longtemps, que c'était naturel pour elle de réagir de cette façon. Enfin, apparemment, Adam ne se plaisait pas trop dans les bras de cette femme qui était encore pour lui qu'une inconnue. Il se mit à pleurer, à crier même, si bien qu'il devint tout rouge. Ma mère grimaça en me regardant, ne sachant pas quoi faire, puis finalement elle se tourna vers son mari et lui donna l'enfant comme si c'était une bombe prête à exploser. Bizarrement, dans ses bras de son papy, Adam se calma, ressentant sûrement moins de stress chez cette personne là. Mon père était tout content. « Ah, je vois qu'il préfère son papy ! » dit-elle en faisant mine d'être vexée. Finalement, elle vint s'asseoir sur le bord de mon lit en continuant de contempler Adam qui lui était occupé à observer le visage de son grand-père. « Et donc Felix, vous avez coupé le cordon ? »

Spoiler:

La mère de Neela était à peine rentrée dans la chambre que je sentis rapidement ses mains entourer mes joues, comme on peut le faire avec un enfant, toutes ses félicitations de jeune grand-mère sortant de sa bouche. J'avais été tellement surpris par son arrivée surprise, tellement fatigué de notre nuit, que je n'avais pas vraiment compris ce qui se passait autour de moi. Je revenais peu à peu à la réalité, ce qui signifiait donc que les parents de Neela étaient bien là pour voir leur petit fils. Je réalisais que dans la panique du moment de l'accouchement, en partant de la maison, je n'avais pas pris ma montre. Mon portable était physiquement trop loin pour mon corps affaibli par le manque de sommeil. Mais Neela répondit à ma question sans le savoir : « Au fait, tu n'avais pas dit neuf heures maman ? Il est huit heures et demie là... » Ah oui, d'où mon état qui devait être lamentable. Je n'avais toujours pas dit un mot depuis qu'ils étaient arrivés, je m'étais contenté de sourire. En fait, je crois qu'il allait me falloir quelques minutes pour reprendre un peu mes esprits et émerger. « Oui c'est vrai, mais ton père et moi on était tellement pressés de voir Adam ! On en a pas dormi de la nuit ! » Je croisai le regard du père de Neela et mon sourire s'agrandit en voyant son air qui contredisait totalement ce que venait de dire sa femme. Elle l'avait sûrement empêché de dormir oui, excitée à l'idée de voir Adam. La mère de Neela n'avait pas résisté plus longtemps : elle demande à prendre le bébé dans ses bras, demande à laquelle ni Neela ni moi n'avions pu dire non, évidemment. J'avoue que j'avais un peu eu peur quand elle avait confié ne plus avoir porté de bébé depuis longtemps... Moi non plus après tout... Mais bon... Quand même... Finalement, tout se passait bien, jusqu'à ce qu'Adam, réveillé, se mette à pleurer et se retrouve alors dans les bras de son grand-père, à quelques mètres de moi. Elle prit un faux air vexé en voyant qu'Adam s'était directement calmé en changeant de porteur. Moi, toujours en train de me réveiller doucement, je les regardait tous d'un air attendri. Je fus sortis de mes pensées par la mère de Neela, qui s'adressa à moi, attendant cette fois-ci une réponse de ma part : « Et donc Felix, vous avez coupé le cordon ? » Ah oui, donc en fait je m'attendais à tout sauf à cette question dès le matin comme ça. Je hochai pourtant doucement la tête.

« Oui oui ! Et je vous devance sûrement, je n'ai pas fait de malaise. Avec Neela et sa maladresse, il vaut mieux ne pas avoir peur du sang... »

J'adressai un clin d'œil complice à la concernée : même avec des heures de sommeil en moins, je gardais toujours ma nature taquine avec elle. Parce que c'est vrai qu'avec tout ce qu'elle pouvait faire comme gaffe, et le nombre de fois où elle se blessait, mieux valait être résistant niveau blessures. J'avais à peine répondu à cette question que j'entendis de légers coups sur la porte de la chambre, laissant ensuite apparaître mes parents, qui entraient avec des grands sourires et se dirigeaient déjà vers les parents de Neela pour les saluer. D'accord, tout le monde s'était donné le mot pour venir à huit heures trente si j'ai bien compris. Je souris cependant en voyant ma mère s'approcher de moi et me claquer un énorme bisous sur la joue, et mon père avec un grand sourire, à moitié fier, à moitié taquin comme à son habitude. Mon père s'approcha du père de Neela, qui tenait toujours Adam dans ses bras, et garda son grand sourire.

« Salut toi ! ... Je... Je peux vous le prendre ? »

J'imaginais bien dans sa tête que, malgré son assurance habituelle, il avait peur que le père de Neela accapare Adam. Et pourtant, il lui donna avec un sourire. Adam lui, ne disait rien, il se laissait porter par ses grands-parents sans jamais rien dire. S'il était toujours aussi calme, ce serait un vrai plaisir ! J'entendis finalement ma mère demander :

« Carlie n'est pas là au fait ? »

« Oui oui ! Et je vous devance sûrement, je n'ai pas fait de malaise. Avec Neela et sa maladresse, il vaut mieux ne pas avoir peur du sang... » Mes yeux s'étaient portés sur mon fils avec tendresse puis s'étaient brusquement tournés vers Felix lorsqu'il prononça mon prénom. Quoi ? Neela et sa maladresse ? J'avais bien entendu ? « Ah ! qui aime bien châtie bien comme on dit hein ! » s'exclama ma mère en riant. Ouais, elle avait raison d'un côté. Avec Felix, on aimait bien se taquiner, tout simplement parce qu'on s'aimait comme des fous. Bref, ma mère m'avait devancée, mais ce n'est pas pour autant que je me laissais faire. « ...En attendant tu es bien content d'avoir une femme médecin à côté de toi tous les jours pour réparer tes petits bobos ! » Je lui adressais un sourire à la fois complice, fier et satisfait. Sur ce coup là, c'est vrai que j'avais raison, Felix était pas mal loti avec moi. S'il se blessait, ou si malheureusement il lui arrivait le moindre problème de santé, j'étais là pour lui administrer les soins, il le savait. Alors oui, j'avais beau avoir mes petits défauts dont celui d'être affreusement maladroite dans la vie de tous les jours, mais il devait reconnaître quand même qu'il avait une certaine chance de m'avoir auprès de lui. « Femme ? » Ma mère avait détecté le mot qui m'avait échappé. Par femme, j'entendais copine, fiancée, et non pas femme au sens de mariage. « Non maman s'il y avait eu un mariage tu aurais été invitée quand même. » Je me mis à rire en regardant Felix, un peu exaspérée par le comportement de ma mère. Des petits coups résonnèrent ensuite contre la porte, et quelques secondes plus tard, apparurent les parents de Felix, deux grands sourires sur les lèvres. Ils étaient radieux, si bien que j'avais un peu honte devant eux d'être encore en tenue d'hôpital et les yeux cernés à cause d'une nuit mouvementée. Ils vinrent saluer mes parents, puis Felix et moi, n'oubliant bien sûr pas de nous féliciter. Sa mère m'offrit un magnifique bouquet de roses qu'elle déposa dans un vase sur la table de nuit, juste à côté de celui de ma mère. Adam passa alors des bras de son grand-père Owens à ceux de son grand-père Moorgate, et restait calme comme tout. Nous avions d'ailleurs beaucoup de chance, il fallait juste espérer qu'il reste comme ça une fois de retour à la maison !

« Carlie n'est pas là au fait ? » Excellente question de la part de maman Moorgate. Après avoir jeté un œil à mon amoureux, je finis par lui répondre. « Non, elle a … elle a préféré rentrer finir sa nuit, Felix l'a déposée chez une amie juste après l'accouchement. » Je lui souris, et elle aussi, en hochant la tête. Bien, apparemment, elle et moi étions définitivement sur la même longueur d'ondes, peut-être pas copines il ne fallait pas trop exagérer, mais au moins, nous nous entendions, et l'essentiel était qu'elle avait cessé de me dévaloriser devant son fils. « En tout cas merci, on ne pouvait pas rêver mieux ! Il est adorable ce petit Adam ! » Tout le monde souriait, tout le monde avait l'air absolument ravi et observait Adam qui dormait paisiblement dans les bras de son grand-père. Ça se lisait dans les yeux de tous que cette naissance était tout ce qu'ils attendaient. Je ne pouvais que confirmer avec Felix en hochant la tête avec un grand sourire. J'avais beau être très fatiguée, j'étais maintenant heureuse comme tout que toute la famille (ou presque) soit réunie autour de notre petit ange. « On attend plus que le mariage maintenant, il paraît que c'est pour bientôt ! » dit-il en désignant ma bague de fiançailles du regard, avant de sourire à son fils. Ah non, papa Moorgate n'allait pas se la jouer maman Owens maintenant ! Malheureusement, il semblait bien que si. Je baissai les yeux en souriant, ne sachant pas trop quoi répondre...

« Ah ! qui aime bien châtie bien comme on dit hein ! » Je hochai la tête avec un grand sourire. Neela qui marche sur un bout de verre, Neela qui tombe, Neela qui escalade les escaliers à quatre pattes avec moi... Nos soirées était plutôt animées et mieux valait être résistant au sang ! « ...En attendant tu es bien content d'avoir une femme médecin à côté de toi tous les jours pour réparer tes petits bobos ! » J'allais répliquer qu'effectivement, c'était une très bonne situation. J'avais mon médecin à domicile, et c'était bien pratique pour les petits bobos. J'en profitais parfois, il fallait aussi l'avouer... Pourtant, je n'eus même pas le temps de répondre que la mère de Neela prit déjà les devants : « Femme ? » Alors là, je ne m'y étais réellement pas attendu. Comme l'a dit ensuite dit Neela, les parents auraient quand même été invités. Et puis nous avions envie d'un mariage avec tous nos amis et nos familles, un jour unique dont nous voulions profiter le plus possible avec tous ceux que nous aimions. Mes parents étaient ensuite arrivés dans la chambre, tout aussi gagas de leur petit-fils que les parents de Neela pouvaient l'être. Ils se l'arrachaient tous, voulant le prendre dans leurs bras. Et Adam ne disait rien, passait de bras en bras en regardant les nouvelles personnes qui le tenaient. « En tout cas merci, on ne pouvait pas rêver mieux ! Il est adorable ce petit Adam ! » Je souris en regardant Neela.

« Là tu peux remercier Neela ! Enfin ma main la remercie moins mais pour Adam si. »

Je ris doucement en lui adressant un nouveau regard complice. Ah ça, ma main allait se souvenir de cet accouchement pendant encore quelques heures à mon avis ! Et pourtant, Adam n'était encore une fois pas le seul sujet. Maintenant qu'ils avaient tous leur petit-fils, la conversation était reportée sur leur autre sujet favori nous concernant : le mariage. « On attend plus que le mariage maintenant, il paraît que c'est pour bientôt ! » Je souris doucement. Parce qu'après tout, même si la situation et nos heures de sommeil ne se prêtait pas trop à cette question, je me disais qu'ils voulaient notre bonheur.

« C'est prévu c'est prévu, mais on va attendre un peu que Monsieur grandisse. »

Je désignai Adam du regard, qui était dans les bras de mon père, avec un sourire. Mais c'était sans compter ma mère, qui avait pris le relais du sujet mariage, alors qu'elle avait eu beaucoup de difficultés à accepter Neela quand je lui avait présenté, quand nous étions venus parfois à deux à la maison... Apparemment, leur relation s'était arrangée... Ou du moins elle s'était calmée. Mais de là à accepter Adam - alors que ça n'était pas gagné d'avance - et à vouloir elle aussi ce mariage, il y avait eu un grand pas.

« C'est-à-dire attendre un peu ? J'ai tellement envie de vous voir mariés tous les deux, vous allez être magnifiques ! »

Notre petit Adam est au cœur de toute l'attention dans la pièce. Tous les regards étaient rivés sur ce petit être qui se trouvait emmitouflé dans son pyjama dans les bras de son nouveau grand-père. Ah, Felix et moi avions fait des heureux aujourd'hui, et cela faisait vraiment plaisir à voir. Le premier papa Moorgate regardait son petit-fils avec des yeux brillants de bonheur. Il était aux anges, cela se lisait sur son visage, et d'ailleurs il ne se retint pas de nous féliciter et de nous remercier du cadeau que nous venions de lui faire. « Là tu peux remercier Neela ! Enfin ma main la remercie moins mais pour Adam si. » Lui et moi nous échangions de nouveau un petit regard complice que personne ne remarqua tant tous les regards étaient posés sur la nouvelle star du jour : Adam. C'est vrai que j'avais un peu écrabouillé la main de mon fiancé, mais la douleur qu'il avait pu ressentir sur sa main n'était rien comparé à celle que j'avais pu ressentir dans le bas de mon ventre au moment précis où mon fils était en train d'être expulsé de mon corps. Enfin, ce moment pénible et en même temps tellement beau était terminé, et il était grand temps pour Felix et moi de profiter de notre nouveau statut de jeunes parents. Alors que j'observais mon amoureux d'un air attendri, le père de Felix fit dévier la conversation sur un autre sujet. Un sujet qui n'avait pas vraiment de lien avec son petit-fils, mais qui était tout aussi important. Le mariage. Il y avait déjà trois mois que Felix et moi étions fiancés, et maintenant que c'était chose faite, nos parents respectifs attendaient impatiemment l'officialisation de cet union. Décidément, ils semblaient ne jamais être satisfaits ! Ils avaient un merveilleux petit-fils, une adorable petite-fille, un enfant fiancé et heureux comme jamais il ne l'a été, et maintenant, ils avaient l'air de nous supplier de nous marier le plus vite possible. Personnellement, j'attendais aussi ce moment avec impatience. J'étais excitée à l'idée de devenir la femme de celui que je considérais comme l'homme de ma vie, faire partie de sa vie pour toujours, vieillir avec lui, et peut-être même avoir encore d'autres enfants avec lui. En attendant, l'heure n'était pas au mariage. Pas du tout même. Bien que j'étais pressée d'être mariée, et surtout à un homme comme Felix, je m'inquiétais pour l'instant de savoir si j'allais être une bonne mère avec Adam. Je voulais qu'il aie tout, qu'il ne manque de rien, et notamment d'amour. Felix et moi allions le couvrir d'amour, de tendresse et de cadeaux, c'était certain. « C'est prévu c'est prévu, mais on va attendre un peu que Monsieur grandisse. » J'approuvais en hochant la tête, regardant tantôt les parents de Felix, tantôt les miens, espérant que le message soit bien passé. J'avais d'abord besoin de me reposer, puis de préparer Felix à son rôle de jeune père et ensuite d'avoir le temps de voir mon fils grandir, avant de penser à un tel événement. Nos parents eurent tout à coup l'air un peu déçus de savoir qu'ils allaient encore devoir attendre. « C'est-à-dire attendre un peu ? J'ai tellement envie de vous voir mariés tous les deux, vous allez être magnifiques ! » J'étais en train de rêver ou maman Moorgate m'avait officiellement acceptée dans la famille ? En tout cas, cela me faisait chaud au cœur de voir qu'elle avait tant hâte de voir son fils marié, et avec moi en prime, celle qu'elle redoutait tant pour son fils chéri par le passé. C'était peut-être du au fait qu'Adam était né, elle était enthousiaste, et peut-être que par la même occasion elle avait enfin compris que je ne souhaitais pas jouer avec les sentiments de son fils. Je n'avais d'ailleurs pas pu m'empêcher de sourire, touchée de sa remarque, avant de lui répondre d'un ton bienveillant. « C'est adorable, mais il faut d'abord qu'on s'occupe du petit, il y a tellement de choses à faire … et puis vous savez, je dois coacher Felix pour son rôle de jeune papa, c'est beaucoup de travail ! Quand il saura correctement changer une couche et moucher Adam, on pourra réfléchir à la question. » Quelques sourires taquins apparurent, et le père de Felix se mit à rire en observant son fils. Moi, j'affichai un petit sourire amusé en regardant l'intéressé. Oui, pas mal de travail m'attendait une fois de retour à la maison, je le savais. Étant donné que je ne comptais pas me débrouiller toute seule une seconde fois en tant que maman, j'avais plutôt intérêt à guider Felix dans ses premiers pas de jeune papa !

Nos parents repartirent finalement tous en même temps sur les coups de onze heures, après avoir chacun passé un petit moment avec Adam dans les bras. Cette journée avait été aussi magnifique qu'épuisante pour moi, mais j'étais heureuse d'avoir mis au monde mon fils. Je crois même que je devais être la femme la plus heureuse de toute la terre. Ce soir là, Felix était resté à mes côtés pour entamer une deuxième nuit à l'hôpital. Il était tellement devenu gaga de son fils qu'il n'avait pas pu résister à la tentation, si bien que lui et moi avions pu avoir notre petit Adam rien que pour nous, enfin. Demain, l'heure serait venue pour moi de quitter l'hôpital et de dire bonjour à une toute nouvelle vie, une nouvelle vie à quatre à la maison.

FIN