La maladie était ce qui avait changé ma vie. Elle avait plus ou moins brisé mon couple. Ou du moins, mis en lumière le fait qu’il n’était pas aussi beau que ce que je pensais. Elle avait changé ma façon de voir les choses. Le regard de mes enfants sur moi. Et elle m’avait poussé à revenir aux sources. Je ne souhaitais à personne d’avoir un cancer. Pas même à mon pire ennemi. J’avais beau en être guérie aujourd’hui –ou du moins rémission- il fallait que je fasse des contrôles. Des contrôles de routine tous plus flippants les uns que les autres. Des contrôles avant lesquels tu ne dors pas de peur d’entendre des mots atroces qui signifient que le cancer est de retour.

Aujourd’hui, je me rendais à l’hôpital mais ce n’était pas pour un de ces satanés contrôles. Tant mieux ! Mais, la raison pour laquelle je venais n’était pas la plus rose. Les contrôles permettaient aussi de rencontrer d’autres personnes… elles aussi malades. Certaines vous touchent plus que d’autre. Fernando m’avait réellement touché. En très peu de temps, il était devenu un ami à ses yeux. Seulement j’avais appris pour son opération précipité et sa perte de mémoire. Il faut dire que ça n’avait pas changé à Arrowsic, les informations circulaient toujours aussi vite.

Je m’étais qu’une petite visite ne lui ferait pas de mal, même s’il ne se souvenait pas de moi. « Bonjour, j’aimerais savoir où se trouve la chambre de monsieur Gautier-Perez s’il vous plaît… ». La jeune infirmière releva les yeux vers moi avec un sourire. « Au fond du couloir à gauche… par contre s’il dort, vous êtes priez de ne pas le réveiller, il a besoin de repos. ». Je lui rendais son adorable sourire, signe que j’avais compris. En même temps, s’il dormait, je n’allais pas me mettre à sauter comme une bourrine sur son lit.

Je poussais donc la porte de la chambre avec un beau sourire. « Salut Ferny ! ». Il se redressa sans trop comprendre apparemment. « Tu ne te souviens probablement pas de moi… en même temps on se connaît pas depuis longtemps mais… je me suis dit que ça te ferais du bien un peu de compagnie. » Je haussais les épaules avec un petit sourire gêné avant de fermer la porte. « Je t’ai même ramené des chocolats, une tuerie ! En même temps, c’est moi qui les ai fait... ouais je sais c’est pas bien de se vanter comme ça ! ». Je me mettais à rire en lui tendant les chocolats. Il devait se demander quelle folle avait débarquée dans sa chambre. Mais, je n’y pouvais rien, j’étais anxieuse, il fallait que je parle. Même pour dire des âneries. Il fallait que je décompresse et il n’y avait rien de mieux que parler. Enfin je me décidais quand même à m’asseoir en face de Ferny.

J'ouvre les yeux. La lumière filtre à travers les rideaux de ma chambre. Je jette un oeil à l'horloge numérique, juste en dessous de l'écran de télévision : il est quatorze heures seize. Je baille et je m'étire. Dormir, je ne fais que ça. Et de temps en temps je reçois les visites de Kai ou d'autres amis dont je ne me souviens pas vraiment. C'est difficile de lire la déception sur le visage. Oui, la déception. Car à travers la surprise première de me trouver totalement amnésique, il y a une certaine déception. Je me doute bien que les médecins doivent les prévenir avant qu'ils franchissent la porte. Mais c'est certainement bien insuffisant étant donné qu'ils affichent toujours ce même air. Peut-'être se voilent-ils la face ?

La porte s'ouvre et une jolie jeune femme entre, tout sourire. Elle a les cheveux bruns et de jolies fossettes. Je sens ce sourire sincère et je constate qu'elle ne porte pas de blouse bleu ou de blouse blanche. J'en déduis que ce n'est pas une infirmière ou un médecin. « Salut Ferny ! » dit-elle avec entrain. Non, ce n'est définitivement pas une membre du personnel hospitalier. Ferny, je l'ai bien compris, c'est mon surnom. Ça doit être une amie. Oui, très certainement. Automatiquement, je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour. « Salut ! » Je ne peux y joindre un prénom, étant donné que je n'ai aucune idée de la femme à qui j'ai affaire, mais je ne le laisse pas paraître pour autant. Le but étant de ne pas la mettre mal à l'aise dès les premières secondes puisque je me doute que la gêne ne va pas tarder à s'infiltrer entre nous. « Tu ne te souviens probablement pas de moi… en même temps on se connaît pas depuis longtemps mais… je me suis dit que ça te ferais du bien un peu de compagnie. » C'est déjà un élément de réponse. Elle ferme la porte et s'approche un peu. « Je t’ai même ramené des chocolats, une tuerie ! En même temps, c’est moi qui les ai fait... ouais je sais c’est pas bien de se vanter comme ça ! ». La jeune brune me tend les chocolats et m'invite à en prendre un. « Merci, merci beaucoup. » J'en prends un que je déguste immédiatement. « C'est délicieux. Prends en toi aussi. » Je tends la boîte vers mon amie.

« C'est... Oui, c'est vrai que je ne me souviens pas, mais... Si ça fait pas si longtemps qu'on se connait ça va peut-être t'embêter de refaire les présentations ? » J'ai un petit rire nerveux. Je m'essaie à l'humour depuis quelques temps. Je me dis que ça pourrait peut-être marcher et détendre mes visiteurs. « Je me présente donc, je m'appelle - apparemment - Fernando, mais Ferny ça sonne mieux et j'ai l'impression que tu es d'accord avec moi. J'ai - apparemment - bientôt vingt-cinq ans. Je suis - apparemment - un ancien interne de cet hôpital. J'ai deux petites filles et je ne connais pas grand chose de plus que cet hôpital. Enfin, depuis que j'ai échappé au cancer, bien sûr. Oulala... Vu comme ça, j'ai une vie plutôt étrange. » Je ris encore après avoir sorti tout ce charabia, réalisant que mon discours n'avait ni queue ni tête.