Sujet: " You could have it so much better " Dim 23 Jan - 16:33
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10h, la sonnerie retentit dans le couloir et mes élèves qui n'attendaient que ça commencent à se lever pour sortir. La plupart ont déjà rangé leurs affaires avant même que le cours ne soit terminé. C'est une chose que je déteste par-dessus tout, mais j'ai beau dire ou faire tout ce que je veux, ils ne respectent rien. Les jeunes d'aujourd'hui! Au début, je pensais que c'était mon cours qui était ennuyeux ou moi qui m'y prenait mal, mais en discutant avec des collègues j'ai compris que non, ils étaient comme cela avec tout le monde. C'était décevant. Alors je jouais parfois les méchants profs. Je le racontais quelque chose d'important sur la matière que nous étions en train de voir pendant les 5 dernières minutes, celles pendant lesquelles ils s'empressaient tous de ranger leurs affaires. Et au cours d'après, ils étaient interrogés. Certains en avaient pris de la graine et prenaient des notes jusqu'à la sonnerie, mais d'autres n'avaient pas l'air de se soucier le moins du monde que ces interrogations surprise fassent partie de leur moyenne déjà pas fameuse. J'étais globalement déçu de mes élèves. Le niveau était fort bas, et pourtant j'étais persuadé qu'ils étaient capable de mieux.
Je commençai à effacer le tableau pendant que les élèves me rendaient les devoirs que je leur avais assignés. Ils les déposaient sur mon bureau sous mon oeil scrutateur. Certains essayèrent de s'esquiver, mais je les repérai, à leur grand dam. Ils écopèrent d'une page supplémentaire à écrire sur les Raisins de la colère, pas leur roman favori de toute évidence. Et puis Jay Walker arriva à hauteur du bureau et y balança plus qu'il ne déposa son devoir. Pas très soigné, vu de loin. Les deux pages imposées étaient chiffonées et mal agrafées. Soit, j'étais plutôt habitué à ce genre de négligence de sa part, mais je commençais à en avoir assez. Jay était doué, j'en étais plus que certain. Ses devoirs, bien que profondément baclés, n'étaient pas totalement dénués de sens. Il avait toujours des idées intéressantes qu'il ne développait pas et partait toujours dans des digressions hors sujet. C'était ce qui lui valait ses mauvaises notes. Des C, généralement. Occassionnellement un B-. Il avait parfois même récolté quelques E et F. Visiblement, il ne semblait pas intéressé par les bonnes notes. Il était un des derniers à sortir. Et pour une fois, il n'avait pas rangé ses affaires dix minutes avant la fin du cours. Il avait rêvassé en regardant par la fenêtre la moitié de l'heure et j'avais eu beau l'interroger pour le rappeler à l'ordre, il avait toujours eu quelque chose à répondre. Pour faire l'intéressant, comme tous les gosses de son âge.
" Walker, je peux te voir un instant ? "
Il n'avait pas l'air enchanté, comme à chaque fois que je demandais à le voir. A ce moment, une petite brune du premier rang arriva à ma hauteur, visiblement vexée que je n'ai pas fait attention à elle. " Lesley, je suis persuadé que ton devoir est parfait. On en parlera à la fin des cours si tu veux, mais pour l'instant je voudrais parler à Jay. Au revoir, Lesley. " J'étais agacé. Lesley Burns passait son temps à venir me parler à la fin des cours pour me dire qu'elle avait des doutes concernant son devoir, une question à éclaircir ou un détail à régler. Elle avait toujours quelque chose à demander. Toujours. C'en était agaçant au plus haut point. Elle finit par s'en aller, à contrecoeur, de toute évidence, et nous laissa seuls, Jay Walker et moi.
" Tu peux m'expliquer pourquoi ton devoir est encore dans un état lamentable ? Ne me dis pas que ton chien a joué avec, s'il te plaît. J'aimerais que tu aies un peu plus de respect et que tu soignes tes devoirs. Est-ce vraiment trop te demander ? "
En disant ces mots, j'avais attrapé son devoir, un véritable torchon. A croire qu'il avait renversé un verre d'eau dessus et qu'il avait vaguement tenté de le nettoyer. Je n'arriverais donc jamais à rien avec lui?
Les feuilles des arbres tombaient. Des oiseaux volaient tranquillement. Dehors, il n'y avait rien. Que des bâtiments. C'était horriblement triste. La vue que m'offrait la fenêtre de la salle de cours n'était pas du tout agréable. Je me sentais enfermé, seul, et torturé. Autour de moi, des élèves travaillent. Le professeur parle, sans que je n'écoute une seule de ses paroles. Je suis au fond de la classe, tout à gauche. C'est là qu'est ma place: exclu et loin de tout. Je déteste aller au lycée. Rien ne me plait là-bas. Je n'ai pas d'amis, et je suis souvent seul. Je suis nul. Ce n'est pas ma place ici. Alors pour m'échapper, je regarde ce qui se passe dehors. Mais malheureusement aujourd'hui, il ne se passe rien. J'ai envie de me tirer une balle dans la tête, ou bien de me faire assassiner par Gozilla. J'aimerais être devant ma télévision, à regarder les Simpsons. Non, j'ai mieux: j'ai envie de boire un coup. C'est ça qu'il me faut. Mais je n'ai rien sur moi. A part une cigarette, qui me nargue à l'intérieur du paquet. Dès que le cours est fini, je me casse dehors et j'en fume une.
Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, ni même en quel cours j'étais. je jetais un coup d'œil au tableau vert rempli de coup de craies. Visiblement, j'étais en cours d'anglais. La grammaire, la conjugaison, tout ça. C'était tellement ennuyant. Il n'y avait rien de plus facile que cette matière. Ils nous apprenaient à parler. Merci, je sais parler. Je ne comprenais pas trop pourquoi on nous apprenait tout ça. Peut-être qu'il y en a qui ne savent pas parler. Je n'en sais rien, et à vrai dire, je m'en fiche complètement. Je croise le regard du professeur, qui n'a pas l'air très content. C'est compréhensible, je ne fais jamais rien. Il me rappelle à l'ordre, mais je ne l'écoute pas. Je n'écoute jamais tous les professeurs. Je suis libre, je fais ce que je veux.
J'entends la sonnerie qui retentit. Qu'est ce que j'aime ce son ! Je n'avais qu'une envie: sortir au plus vite, mais j'étais molasse. Contrairement aux autres, je prenais tout mon temps pour ranger mes affaires, d'un air négligé. Je me levai, pour mettre mon sac sur mes épaules. Il n'était pas très lourd. En même temps, je ne prenais presque rien. Je m'apprêtais à me diriger vers la porte, quand le professeur m'interpella. Oh non, qu'est ce qu'il me voulait celui-là ? Encore ? Je devrais y être habitué. Je le regardais assez mal. Je me fichais de ce qu'il allait me dire. Je savais déjà ses paroles. Il me les répétait tout le temps, comme si j'étais un imbécile. Je pris un ton ironique, car apparemment, ça faisait rager les profs.
- Et bien, j'ai l'impression que vous ne pouvez plus vous passer de moi ! Si ça continue, je vais porter plainte pour harcèlement.
Je souris, d'un air satisfait. Cependant, il ne s'énerva pas, contre toute attente. Il n'avait pas un grand sens de l'humour. J'arrêtais ensuite de sourire. Je restais devant lui, avec ma pose naturelle négligée. Tout était négligé chez moi. Il voulait parler, quand une fille de ma classe l'interrompe. Cette fille faisait pitié. C'était celle qui faisait toujours la lèche aux profs pour avoir des bonnes notes, celle qui posait des milliers des questions. Inutile de dire que ce type d'individu m'énervait au plus haut point. Je la regardais hautainement, et elle fuyait mon regard. Tant mieux, j'aimais qu'on soit soumis à moi. Je préférais peur aux gens, plutôt que d'être aimé.
Tout le monde avait rendu son devoir, même moi. Ouais, je m'étais donné la peine de l'écrire, ce fichu devoir. Je l'avais fait devant la télévision, tout en mangeant des biscuits. Il était tout froissé, mais je n'avais aucun support. Quoi qu'il en soit, le prof n'avait pas l'air très content. Je n'y pouvais rien, moi, s'il n'était pas de bonne humeur. Ce n'était pas tellement mon problème, mais bon. Je me fichais totalement, de ce devoir à la con. Il ne m'apportait rien de bon à ma vie. Et puis, je ne comprenais pas pourquoi il s'acharnait autant sur moi. Il n'avait qu'à mettre une mauvaise note, et ça irait. Je voulais seulement qu'il me laisse tranquille, mais c'était mission impossible pour lui. - J'ai pas que ça à faire moi, des devoirs. Mettez moi un E, et la question est réglée !
Non mais c'est vrai quoi ! Qu'il fasse son boulot de prof, c'est tout. Avoir des bonnes notes ne m'intéressait pas, mais alors pas du tout. Je ne savais même pas ce que je faisais encore au lycée.
Sujet: Re: " You could have it so much better " Dim 23 Jan - 21:47
Jay Walker était un insolent, un je-m'en-foutiste, un bon à rien d'après certains de mes collègues. Il était imbuvable, irrespectueux et par-dessus tout, il pensait que l'ironie et l'insolence le tireraient de tous les mauvais pas. C'était sans compter sur moi. Ce garçon m'agaçait, c'était clair. Ou plutôt non, il ne m'agaçait pas. C'était son comportement en soi qui m'horripilait. J'étais persuadé qu'on pouvait faire de grandes choses de ce garçon. Il avait une orthographe irréprochable, un sens de l'analyse inouï pour un gosse de son âge, une culture générale assez bien développée comparée à celle de ses camarades. Je le savais parce que tout dans ses devoirs transpiraient ses connaissances. Je n'avais même pas l'impression qu'il avait besoin de se fouler beaucoup pour rendre ce qu'il me rendait. Chez lui, tout semblait couler de source, comparé à d'autres élèves avec des notes bien plus élevées mais qui semblaient mettre des heures à écrire leurs devoirs, à passer du temps en bibliothèque pour se donner l'inspiration. Jay, par contre, ne devait jamais avoir franchi la porte de la bibliothèque une seule fois, et pourtant, il arrivait à pondre des devoirs bien plus poussés que les autres. Son seul problème était qu'il ne développait rien. Il lançait une idée et passait à une autre sans aucune logique. C'était parfois difficile de le lire, outre le fait que ses devoirs étaient souvent dans un état déplorable pour je ne sais quelle raison. Je n'avais même pas besoin de lire son devoir pour savoir qu'il serait encore une fois assez bon. Ou du moins assez bon dans sa catégorie.
J'étais conscient d'être souvent sur son dos. Ce n'était pas la première fois que je lui demandais de me rejoindre à la fin du cours pour parler d'une chose ou l'autre. Je me fichais éperdument de la plupart des autres élèves, car certains étaient bons et ne méritaient pas d'attention particulière, et les cancres étaient des causes perdues. Jay, en revanche, je pouvais encore le tirer de la mauvaise pente où il s'était engouffré. C'est pourquoi je l'avais encore appelé aujourd'hui. Et comme d'habitude, il plaisantait, il se donnait un air de petit dur qui ne trompait personne d'autre que lui. Cette attitude m'agaçait. Je n'étais pas le psy de l'école, mais je n'avais guère besoin d'avoir fait des études de psychologie pour comprendre que ce garçon était mal dans sa peau. Il n'était pas du tout intégré. Il ne parlait à personne en classe et se contentait de regarder par la fenêtre ou de griffonner dans les marges de ses cahiers. Il n'était pas turbulent, je n'avais pas à me plaindre de lui, mais sitôt que je m'adressais à lui, j'avais l'impression de troubler sa tranquilité apparente et il se mettait sur la défensive.
" Je sais que je t'ennuie encore, Jay, mais je te harcèlerai jusqu'à ce que tu montres des signes de bonne volonté. Et je n'abandonne pas facilement. "
Walker semblait tout à fait détaché de la notion de note ou de moyenne. J'ignorais pourquoi tant de détachement, mais j'étais bien décidé à en trouver les causes.
" Contrairement à ce que tu penses, je ne te harcèle pas uniquement pour te pourrir la vie. Loin de là. Le problème, c'est que tes devoirs valent plus qu'un simple E. Si seulement tu te donnais un peu la peine de t'y appliquer, tu pourrais avoir de bien meilleures notes. "
J'avais l'impression de parler dans le vide à chaque fois que je le rappelais à l'ordre. C'était comme si mes mots passaient par une oreille et ressortaient par l'autre. Je n'avais même pas l'impression qu'il m'écoutait. C'était décourageant. Et pourtant je voyais tellement de potentiel en lui.
" Je ne sais pas ce que tu as d'autre à faire en dehors de tes devoirs. Tu es au lycée. Ta seule préoccupation devrait être d'en sortir le plus vite possible. Et ce n'est pas en te fichant complètement des cours que tu vas réussir. "
Je ne savais pas comment m'y prendre avec lui et je ferais tout aussi bien d'abandonner, mais malheureusement pour lui, ce mot ne faisait pas partie de mon vocabulaire.
L'école, les cours, les livres, et tout ce qui va avec, tout ça ne m'inspirait pas, mais alors pas du tout. Bien sûr, je n'étais pas un parfait idiot, et je savais pertinemment qu'il fallait que j'aille au lycée, histoire de me remplir le cerveau. Seulement voilà, je n'aimais pas y aller. Je ne suis pas quelqu'un qui aime travailler, et je crois que ça ne changera jamais. Peut-être que ce n'est pas bien, pour mon avenir, mais je suis tellement négligeant, que bon, je m'en fous un peu. Je ne comprenais pas pourquoi il voulait tellement que je réussisse. Il n'était pas mon père, alors mon avenir l'importe peu. C'était étrange, que quelqu'un s'intéresse à vous. D'habitude, personne ne fait attention à moi, et cela ne me dérange pas. Je ne savais pas s'il m'appréciait ou non, mais quelque chose le poussait à vouloir me voir évoluer, quelque chose que j'ignorais. J'avoue que je ne savais pas quoi dire, car j'étais plongé dans la parfaite ignorance, dans l'inconnu de la chose.
- J'imagine que je n'ai pas le choix.
Je le regardais, sans aucune expression qui se dégageait de mon visage. Je ne savais pas tellement quoi penser de tout ça. Il valait mieux pour moi que je compatisse, pour qu'il me laisse enfin tranquille. Je faisais semblant de m'intéresser à ce qu'il disait, en tout cas, je l'écoutais. Si je retiendrais tout ce qu'il me disait ? Ce n'était pas du tout certain. Je suis quelqu'un d'antipathique, qui ne peut recevoir aucune amitié de n'importe qui, alors je ne veux pas qu'on m'aide. Je n'ai pas envie de susciter la pitié.
Quand il me dit que j'avais certaines capacités, je fus très étonné. Était-ce une blague ? Si c'était le cas, ce n'était vraiment pas drôle. Je ne comprenais pas, à nouveau, et je me demandais bien s'il était aveugle, idiot ou peu importe. Moi ? Réussir ? C'est quelque chose dont il ne faut pas croire. Tout ce que j'écrivais, je le faisais comme ça, quand l'idée me venait. Je ne m'appliquais pas du tout, et je ne réfléchissais pas. Mes devoirs étaient des torchons, et je ne voyais pas comment il pouvait dire qu'ils valaient plus qu'un E. Je ne le croyais vraiment pas, et j'avoue que je ne pouvais m'empêcher de rire sarcastiquement.
- Vous êtes sur que vous vous ne trompez pas de personne ? Je suis Jay Walker, moi. Il est impossible que j'ai des bonnes notes !
Le lycée, ma seule préoccupation ? Oh la bonne blague. J'étais tout sauf un amoureux de travailler. Il voulait me faire changer, mais je n'en ai pas envie. Ce n'est pas de ma faute si je n'aime pas travailler, et personne ne me forcera à aimer. Je me disais que de toute façon, j'étais tellement nul, et je n'avais aucune conviction alors je doutais vraiment qu'on puisse croire en moi et me faire redoubler. J'avais entendu que cela coutait extrêmement cher de faire redoubler un élève, et je ne pense pas que le lycée voudrait payer pour Jay Walker, le bon à rien. Je n'avais pas une grande estime de moi-même, même si en apparence, je le faisais croire. Enfin bref. - Vous comprenez pas ou quoi ? Je m'ennuie tellement ici que je dois regarder les feuilles tomber des arbres ! J'ai rien à faire ici.
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