(c) ♦Crusty Reek

Oui je suis dingue, et alors ?
Sheila Jill Strugatsky & Felix Moorgate

Bien décidé à faire une petite pause entre deux articles que je devais faire pour le journal pour une date bien précise qui approchait à grands pas, j'avais eu la merveilleuse idée de me rendre à la plage... en plein hiver. Si encore je n'y avais été que pour m'asseoir sur le sable et regarder le paysage, mais non. J'avais en plus voulu me baigner. Alors j'avais embarqué l'attirail du parfait baigneur et m'étais glissé, non sans difficultés, dans l'eau glacée. Oui je suis dingue, et alors ? J'étais finalement ressorti de l'eau après quelques minutes de baignade et m'étais avancé vers ma serviette restée sur le sable. Rien qu'en l'enroulant autour de moi, j'avais l'impression qu'on m'avait passé un frigidaire à un four. M'installant dans le sable, je restais là pendant un moment à me réchauffer. Non vraiment, il doit me manquer une case... Aller piquer une tête en plein hiver, seul sur une plage déserte tellement la température était basse.

Je tournais finalement la tête, alerté par une silhouette qui bougeait dans le coin de mon œil. Au fur et à mesure que cette personne se rapprochait, je réussi à distinguer Sheila. Sheila mon ex petite amie. Pourquoi ex ? Tout simplement car j'ai appris qu'elle était lesbienne alors que nous étions ensemble. Alors forcément, une petite discussion s'était imposée, qui s'était terminée en rupture pure et simple. Heureusement, nous étions restés en très bons termes, comme des amis. Et il nous arrivait parfois de parler de son homosexualité, étant donné que j'étais l'un des seuls, si pas le seul, à savoir qu'elle était amoureuse de sa meilleure amie. Sheila finit par s'arrêter face à moi, m'obligeant à lever la tête pour la regarder.

L'hiver, l'hiver, l'hiver. La saison la plus détestable selon Sheila, elle qui est plutôt pour les shorts et débardeurs plutôt que pour les haut à col roulé, elle détesté tout simplement l'air froid, la pluie, la neige et tout ce qui est désagréable à vivre. Pourtant, Sheila qui détesté aussi se morfondre chez elle et rester à rien faire, décida de sortir pour faire une balade, pour aller je ne sais ou, là où le vent l'emporte... Enfin c'est une métaphore, elle souhaitait qu'il n'y ai pas la moindre petite rafale de vent pour ne pas se faire décoiffer, l'horreur. Elle était habillée chaudement, un haut à manche longue blanc avec des motifs beiges, un jeans skinny avec des bottes à talons, Sheila sans talons n'est plus Sheila. La miss se poudra un peu le visage, se maquilla légèrement de mascara et le gloss pour rosée ses lèvres et le tour était joué. Elle était assez jolie au naturelle mais elle adorait tous les produits de beauté, en même temps la demoiselle est mannequin, il faut se faire belle pour garder toute réputation. Enfin bon, tout ça est dans l'esprit de la rousse. Elle enfila une veste fourrée à l'intérieur et puis sortit prendre le grand air. Aujourd'hui, elle pouvait dire qu'il faisait plutôt bon, mais pas assez pour se dire que c'est bientôt le printemps, elle n'allait pas se plaindre tant qu'il ne pleuvait pas. Elle ne savait pas trop ou aller, elle décida d'aller s'asseoir sur un banc vers la plage pour regarder l'eau tranquille sans que personne vienne la déranger, ni déranger l'eau. Personne n'est assez dingue pour aller se baigner à cette température, du moins elle ne pensait pas lorsqu'elle vit au loin une silhouette plonger dans l'eau, ses yeux gros et bien ouvert, elle laissa un petit rire s'échapper de ses lèvres. Ni une, ni deux elle décida d'aller voir la personne qui sortit de l'eau pour se rouler dans une serviette, le pauvre il devait mourir de froid. Elle marcha le plus rapidement possible, mais en talon dans le sable humide c'est assez compliqué. Du plus en plus elle se rapprochait et elle pouvait deviner qui était la personne, elle en conclut que c'était un homme, son visage et ce corps lui était familier. Puis elle se retrouva en face de lui, c'était Felix, l'ex petit ami de Sheila. Comme les esprits se rencontrent, mais elle était bien contente de tomber sur lui, ils étaient tout de même resté ami, il pouvait lui être d'une grande aide.

« Ça va, t'as pas trop froid ? »

J'avais pour une fois eu la bonne idée de prendre une de mes serviettes les plus épaisses, donc plus chaude. Et je crois que ça m'avait bien servi lorsque j'étais sorti de l'eau, sinon j'aurais probablement été transformé en glaçon... J'enroulais alors cette fameuse serviette autour de moi, qui me réchauffa immédiatement, et m'assit sur une seconde que j'avais prise pour éviter de me mettre du sable partout. Alors que je tournais la tête simplement pour regarder le paysage hivernal, une silhouette se dessina face à moi : celle de Sheila, mon ex petite amie. Elle se posta devant moi et me demanda si je n'avais pas trop froid.

« Bizarrement, j'ai connu pire. Et toi, tu pars à l'aventure dans le sable avec tes talons ? »

Je lui adressais un sourire, bien heureux de ne pas être une femme pour ne pas vivre ce genre de moment où vous luttez pour avancer alors que vos talons s'enfoncent dans le sable. Rien de tel que les bonnes vieilles baskets, d'autant plus qu'elles reviendront pleines de sable ! Enfin bref, je me reculais un peu sur ma serviette et tapotais la partie restée libre, invitant ainsi Sheila à s'asseoir elle aussi. Après tout, nous n'étions que deux à être assez dingues pour venir sur une plage en plein hiver...

« Alors, quoi de neuf ? »

Je resserrais ma serviette autour de moi. Si je n'attrapais pas de rhume ou de maladie du genre, j'avais bien de la chance !

L'eau devait être à une température tellement basse que personne n'avait l'idée de se baigner avec un temps comme ça, surtout qu'en sortant de l'eau, il est possible de prendre froid avec le froid qui recouvre la peau toute mouillée, heureusement pour lui qu'il avait pensé à prendre une bonne serviette bien chaude, mais connaissant Sheila même elle aurait froid : elle est frileuse. Elle sa dure mission n'était pas de se réchauffer comme ferait Felix, mais surtout de marcher, heureusement qu'elle avait l'habitude de marcher avec des talons, sinon elle n'avait pas pu faire un seul pas. Elle avança donc tant bien que mal pour retrouver Felix. Elle lui demanda par la suite s'il n'avait pas trop froid, il répondit qu'il avait connu pire, drôle de réponse, Felix a vraiment fait pire que se piquer une tête dans une eau glacée en plein hiver ? A cette idée, Sheila sourit. Ensuite, il lui demanda si elle partait à l'aventure. Pourquoi ? Parce qu'elle marchait dans le sable avec des talons assez haut et elle avait bien compris que c'était assez compliqué, heureusement, elle avait réussit à rester debout. Elle rigola un instant.

« Eh oui comme tu vois. T'as pas idée comment c'est chaud de rester debout, mais j'ai connu pire. »

Sheila regarda Felix avec un sourire. Ils étaient peut-être des exs, mais ils avaient gardés de bon contact, rien de mieux pour ne pas perdre une amitié. Felix connaissait quelque chose que personne ne savait sur Sheila et elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance, en les voyant personne n'aurait deviné qu'ils étaient sortie d'une relation, pourtant si paisible. Felix tapota sur un bout de sa serviette, disant à Sheila qu'il y avait de la place et donc qu'elle pouvait s'installer auprès de lui. Elle accepta en y posant ses fesses. Une légère brise vint caresser le visage de la rouquine au moment où Felix lui demanda ce qu'il y avait de nouveau dans sa vie.

« Dans ma vie, pas grand chose. Elle se résume à boulot et dodo. Et toi ? »

Oui, j'avais fait pire que piquer une petite tête dans la mer en plein hiver, seul comme un andouille sur la plage tellement... tellement c'est l'hiver. Avec les paris entre amis, on a pas mal de gages bizarres quand on perd. J'en ai fait l'expérience. Enfin tout ça pour dire que j'avais déjà eu beaucoup plus froid qu'aujourd'hui. La réponse de Sheila me fit sourire. C'était ça l'avantage d'être restés amis et en très bons termes après notre rupture : nous continuions à nous taquiner et à rire ensemble de tout et de rien, vraiment comme deux amis. C'était peut-être plutôt pour ça que nous étions destinés d'ailleurs... Cette fameuse rupture a d'ailleurs été causé par l'aveu de son homosexualité. Enfin l'aveu... La découverte surtout. Mais depuis, j'étais le seul ou presque à le savoir et lui avait promis de ne pas hurler cela sur tous les toits. Alors que j'avais tapoté sur ma serviette pour l'inviter à venir s'asseoir à mes côtés, Sheila s'y installa. Toujours bien enroulé dans ma serviette qui me réchauffait de plus en plus, j'écoutais sa réponse à ma question.

« Pareil. On a franchement pas des vies intéressantes hein ? »

J'émis un petit rire, mélange de l'ânerie que je venais de dire et d'un soudain vent froid qui me provoqua un petit frisson. Non vraiment j'exagérais. Ma vie n'était pas si pourrie après tout. J'avais un boulot qui payait assez pour vivre correctement, des amis, une fille, un toit... Et puis il y avait des moments où je m'éclatais pas mal !

Sheila connaissait bien Felix maintenant, bien parce qu'ils sont restés un petit moment en couple, mais avant ils étaient amis. Elle connait son caractère et sait qu'il n'est pas du genre à reculer devant les choses, surtout devant des paris entre amis, quand il perd, il assume et fait son gage. Ce côté un peu dingue avait beaucoup plu à Sheila quand ils se sont rencontrés, il n'était jamais à cours d'idée et savait s'amuser. Ils auraient pu se compléter, ouais ils auraient pu, mais il y a ce problème que Sheila n'aurait jamais voulu rencontrer. Eh ouais, un peu troublée par ses longues disputes avec sa meilleure amie, elle en a oublié qu'elle avait Felix, qu'ils s'entendaient plutôt bien et qu'ils s'amusaient plutôt bien tous les deux, mais elle a découvert entre temps que Robyn comptait un peu plus qu'une meilleure amie pour elle, une découverte qui a entraîné leur séparation. Pas de pleurs, pas de cris, ils étaient tous les deux d'accords et puis il en reste tout de même son ami. Elle savait que si elle avait besoin de se confier sur son "homosexualité", chose dont elle ne parlera pas souvent surtout qu'elle ne se l'ai pas encore avoué, elle pourrait compter sur lui, même s'il n'a pas envie de connaitre tout ces petits détails. Sheila sourit et s'installa près de lui. Elle rigola en même temps que lui, c'est vrai que vu comme ça leurs vies étaient mais vraiment à chier.

« C'est clair ! Enfin, ça arrive des fois, un petit coup de mou, mais c'est vite repartie généralement. Espérons. Alors, ton boulot ça se passe bien ? »

Oui, Sheila lui parla bien de son boulot. Quand ils étaient ensemble, le soir en rentrant ils se racontaient leur journée, très différentes. Certes, ce n'était pas un sujet top, mais ils passent tout de même la moitié de leur vie à travailler, il y a beaucoup de chose à raconter.

Ça, il était certain que j'étais d'accord pour cette rupture. Bien que j'aimais beaucoup Sheila, je n'allais pas rester avec elle si elle aime sa meilleure amie beaucoup plus que moi. Alors ça m'avait paru la meilleure solution de rompre, d'autant plus que nous étions tous les deux d'accord pour cela, ce qui réduisait les risques de disputes et d'hostilités par la suite. Et c'est en tant qu'amis que nous nous retrouvons à deux sur cette plage, en plein hiver, dans le froid et tous seuls. Sheila s'installa à mes côtés, sur ma serviette, à ma demande. Nous nous demandions quelques nouvelles dans nos vies respectives puisque nous ne nous étions pas vus depuis quelques jours déjà. Voir même beaucoup plus. Alors nous avions sûrement des choses à nous raconter... Eh ben non ! Pour nous deux, c'était métro-boulot-dodo, rien de bien excentrique et déjanté. J'acquiesçais à sa remarque puis répondis à sa question sur mon métier.

« Ça va plutôt bien oui. Disons que ça tourne normalement et que j'ai pratiquement jamais de moments sans en avoir. Et toi ? »

Détournant mon regard de l'horizon que je fixais depuis quelques secondes déjà, je tournais donc la tête vers Sheila en attendant sa réponse. En tout cas, je n'avais jamais eu connaissance d'un quelconque problème dans son boulot de mannequin lorsque nous étions ensemble, et je ne vois pas pourquoi il y en aurait maintenant. D'autant plus que, si j'étais sorti avec Sheila, c'était aussi parce qu'elle avait un physique plutôt avantageux en plus de sa personnalité que j'adorais. Et aujourd'hui encore, je la trouve très belle, même si je n'ai plus de sentiments pour elle. Alors pourquoi aurait-elle des soucis dans son métier ?

A les écouter, la vie était longue, chiante et répétitive. En gros ils n'avaient rien à se raconter, même s'ils ne s'étaient pas retrouver comme ça, entre amis depuis quelque temps. Connaissant Sheila qui avait habituellement toujours quelque chose à raconter, une petite anecdote ou une connerie dans le genre, elle passait souvent pour une grande bavarde, parfois même chiante à force. Felix aussi parlait beaucoup, enfin lui ça dépendait, des fois on ne pouvait pas en placer une avec lui, et des fois il est à l'écoute. Au moins ils se complétaient bien quand l'une parlait, l'autre écoutait et quand l'autre parlait l'autre écoutait. Enfin pendant le temps qu'ils étaient ensemble, Sheila ne pourrait pas dire qu'elle s'est ennuyée avec lui.

Ensuite, elle lui posa une question sur son métier, elle ne savait pas trop de quoi parler vu qu'il n'y avait rien de nouveau dans la vie de Felix, pas de nouvelle petite amie, donc elle se rabattit sur le métier du garçon, au moins elle était sure qu'il pourrait dire que ça se passait bien. Elle avait vu bien puisqu'il répondit que ça se passait plutôt bien même s'il en avait beaucoup. Elle savait qu'il aimait beaucoup son travail, et c'était plutôt pas mal ce qu'il faisait.

« D'accord. Oh tu sais moi, c'est relativement facile le mannequinat, même si je dois faire toujours attention à se que je mange. Je travaille beaucoup en ce moment, ça m'aide à oublier quelques petits soucis personnels. »

Sheila était mannequin, ce n'était pas non plus le métier le plus chiant du monde, elle ne passait pas sa vie assise dans un bureau, mais plutôt à marcher, faire des photos et essayer encore et encore plusieurs vêtements. Elle n'avait aucun soucis dans son boulot, au contraire elle progressait de jour en jour, toujours à l'aide des petites nouvelles.

C'est vrai que j'ai toujours été un moulin à paroles. Déjà bébé, j'avais parlé assez tôt. Et encore aujourd'hui, dès qu'on me lance sur un sujet qui m'intéresse, il est pratiquement impossible de m'arrêter. C'était un peu le genre de Sheila également, peut-être en moins pire... Quoique. Mais au fond, c'est peut-être pour ça aussi que le courant est très bien passé entre nous à notre rencontre. Elle lança finalement le sujet du travail. Dans le mien, il n'y avait rien de spécial à signaler. La routine s'installait, mais une routine loin d'être ennuyante. J'avais la chance d'avoir un métier qui me permettait de bouger pas mal et justement de ne pas rester cloîtré derrière un bureau toute la journée. De toutes manières, je n'en aurais pas été capable. Quant à Sheila, pour elle aussi tout allait bien dans le mannequinat. Elle n'était pas du genre mannequin beaucoup trop maigre. Je pense que si ça avait été le cas, je ne l'aurais pas laissé continuer dans cette lancée. Elle m'annonça finalement la présence de "soucis personnels". Tiens ? Je n'étais pas au courant de ceux-là. Tant pis, je tente, quitte à ce qu'elle ne veuille pas m'en parler plus.

« Des soucis ? »

Deux simples petits mots qui l'invitaient à m'en dire plus. Si elle ne voulait pas, je n'insisterai pas. J'avais une tendance commère sur les bords parfois, mais je savais tout de même me maîtriser avec certaines personnes. Sheila en faisait partie d'ailleurs. Attendant sa réponse, je baissais la tête vers le sable et sortit mon bras de ma serviette afin d'aller dessiner un peu n'importe quoi dans le sable.