Le réveil affichait six heures du matin. J'avais réussi à me réveiller, grâce aux rayons de soleil qui traversaient le rideau. Aujourd'hui, je devais travailler. Seulement, je commençais à onze heures. Je me demandais bien ce que je pouvais faire en attendant cette heure-là. Je me levais tranquillement, quand je reçus un message sur mon portable. C'était Ezekiel. Il allait sûrement me demander de venir le voir quelque part, comme à son habitude. Il pensait peut-être me déranger en m'envoyant un message aussi tôt, mais non. Pour une fois, il ne me dérangeait pas du tout, au contraire. J'avais enfin quelque chose à faire. Bon, ce n'est pas que j'adorais voir Ezekiel, mais ces jours-ci, j'avais appris à l'apprécier. Il avait un bon fond finalement, même s'il ne le montrait pas. Je partis m'habiller assez chaudement, car on devait aller à la patinoire. Je pris un slim foncé, des bottes, et un pull. Je pris soin de m'attacher les cheveux en un chignon. Je me maquillais assez légèrement, avec un peu de mascara et d'eye-liner. Voilà, j'étais prête. Je pris mon sac, où je rangeais mon portable, de l'eau et une écharpe, si jamais il faisait trop froid. Je pris quelques biscuits à manger en route. En général, le matin, je ne mangeais pas beaucoup.

Il n'y avait pas grand monde à la patinoire. Elle venait seulement d'ouvrir. Tant mieux, la piste serait plus abordable, et je ne risquerais pas d'heurter d'autres personnes, maladroite comme je suis. Je n'étais pas un danger public, mais un peu. Je chaussais les patins qu'on m'avait donné. Ils étaient blancs, et c'était mes préférés. Cela faisait longtemps que je n'étais pas allée à la patinoire. C'était un sport que j'appréciais beaucoup, surtout à regarder. Je n'étais pas mauvaise, mais je n'étais pas non plus une professionnelle. A chaque fois que je regardais les danseurs sur les pistes à la télévision, ça me faisait rêver. Ce blanc, c'est tellement beau. Je pensais que je devais aller à la patinoire plus souvent. Ezekiel n'était pas encore arrivé, mais peu importe. J'entrais sur la piste, et commençait à glisser un peu partout. J'avais appris à faire quelques figures, comme par exemple lever une jambe ou encore tourner sur moi-même. J'avoue que j'en étais assez fière, même si je ne savais faire que ça. Alors que j'étais en train de virevolter joyeusement, j'aperçus Ezekiel au loin. Il avait chaussé ses patins, et je lui demandais, tout en continuant de patiner. « Alors, pourquoi tu m'as appelé ? »

Ezekiel était enfin arrivé, et je ne savais pas si j'étais contente de le voir ou non. Le fait étant, qu'il était là, et je devais faire avec. De toute façon, je préférais qu'il soit là plutôt que d'être toute seule. Ces temps-ci, je m'étais renfermée sur moi-même, encore plus que d'habitude, préférant m'isoler plutôt que d'affronter le monde extérieur. Et j'en avais marre. Si je voulais vraiment changer, il fallait agir. Alors j'ai décidé de m'ouvrir un peu plus, même si ça reste bien difficile. Bon de toute façon, il était là, et j'aurais sa compagnie jusqu'à l'heure de mon service. A ma question, il répondit par une autre question, et je ne dis rien, levant les yeux au ciel. Ce n'était pas vraiment une réponse digne de ce nom, mais je n'allais pas lui demander de se justifier. De toute façon, ça avait toujours été ainsi entre nous. Il m'appelait souvent, ce n'était jamais moi, et chaque fois, je venais. Il m'utilisait sûrement comme un jouet, mais je ne sais pour quelle raison, je me laissais faire.

Il passa sa main sur ma nuque. Ce n'est pas que je ne voulais pas qu'il me touche, mais sa main était assez froide. Je ne pouvais m'empêcher de frissonner à ce moment-là. Ensuite, il s'approcha de moi, beaucoup trop près à mon goût. Je n'eus pas le temps de réagir. Encore un peu inconsciente, je ne bougeais plus. J'avais rêvé, ou quoi ? Pourquoi Ezekiel avait fait ça ? Je ne comprenais pas. Soit, c'était juste pour s'amuser et m'embarrasser par la même occasion. Soit... non. C'était forcément la première solution. J'avais compris qu'il aimait bien jouer avec moi, et à mon avis, c'était encore un de ces petits jeux, que j'avais du mal à comprendre. Le regard intrigué, je dis: « Euh... C'était quoi ça ? » Je posais des questions vraiment idiotes, moi. Mais bon, j'avais parlé sans réfléchir, et je n'osais plus rien dire. Il y avait un grand silence entre nous deux. Il me regardait, et je n'arrivais pas à lire dans ses yeux. Je n'arrivais pas à voir ce qu'il pensait. Moi ? Je me sentais un peu gênée. C'était toujours un peu comme ça avec Ezekiel, je devrais avoir l'habitude à présent, mais non. Il me surprenait de jour en jour. A ce moment-là, je ne voulais qu'une chose: patiner. Pour ne pas ouvrir ma bouche à bêtises.

”Break The Ice”

Il était si facile de la surprendre. Il m'avait rarement été donné d'avoir affaire à une demoiselle aussi candide ( en apparence du moins) et surtout aussi naïve et crédule qu'Abbey. Baby-Bee, pour les intimes. Ou juste pour moi, moi et ma fantaisie. Je m'amusais de sa réaction, de la raideur de sa nuque quand j'avais posé ma main dessus et que je m'étais approché de son visage. Si facile... Un sourire amusé se dessina sur mes lèvres tandis que je m'éloignais. Je savais qu'elle me suivait, et sa question renforça mon amusement face à la situation. Je m'étais levé en ne sachant pas quoi faire de ma personne de toute la sainte journée. J'avais vraiment bien fait de l'appeler. C'était toujours pareil, entre nous. Enfin plutôt, avec moi. Dès que je m'ennuyais, dès qu'un moment de creux se manifestait dans ma journée, je l'appelais. J'aimais bien me jouer d'elle, la manipuler un brin juste de quoi lui retourner un peu la cervelle de temps en temps. C'était mal, on ne profitait pas des gens de cette façon lorsqu'on était quelqu'un de bien et de respectable. Mais je l'ai déjà dit, je ne suis pas un mec bien, et je n'ai jamais eu l'ambition de l'être. Enfin sauf peut-être pour une seule personne, mais cet être ne fait plus partie de ma vie au jour d'aujourd'hui. A croire que sa disparition dans mon existence me rendait pire encore que ce que j'étais avant de l'avoir rencontrée. Enfin, n'en parlons plus. Pourquoi fallait-il sans cesse que mes pensées se ramènent à elle au moindre événement un tantinet marquant de ma vie ?

« Euh... C'était quoi ça ? » Elle me regardait, ne sachant trop que penser de moi. Que faire ? La laisser languir un peu ou rire comme j'en avais si envie ? Il était si bon de rire, que je pris la seconde option. Il s'éleva dans l'air un bref moment alors que je passais ma main d'un geste affectueux sur sa joue à la peau douce. « Allons, Baby-Bee. Ne sois pas si naïve, cesse de te faire des idées. Que pourrais-tu bien attendre de moi pour douter ainsi d'un simple baiser amical ? » Fourberie, manipulation. Les maîtres mots de cette conversation. Ce n'était qu'un jeu. « Ton amoureux ne va-t-il pas s'énerver si jamais il l'apprend ? » Sourire en coin. Je n'avais strictement aucune idée de si elle avait un copain ou quoi que ce soit, et honnêtement je me fichais pas mal de sa vie sentimentale. Mais si c'était le cas, je voulais qu'elle culpabilise un peu. Pour égayer un peu ma journée, la rendre moins fade. Il était horrible de se nourrir du malheur des autres mais que voulez-vous, quand le votre prend tellement de place qu'il vous empêche de respirer, on voit rarement d'autre solution que les sales moyens qui sont à votre disposition. Je ris, m'éloignais de nouveau un peu en patinant. « Ne fais pas cette tête, enfin ! »

Il m'avait trouvé un bien drôle de surnom. Je ne pouvais m'empêcher de froncer les sourcils. Il ne m'avait jamais appelé de cette façon, bien que je trouvais que c'était une marque d'affection assez plaisante. Je n'en pris pas compte. Après tout, il pouvait m'appeler comme il le voulait, cela ne me gênait pas. Au contraire, ses paroles d'ensuite m'intriguèrent. Un baiser amical ? Et bien, j'avoue que je n'ai jamais eu de baiser amical de cette manière, enfin bon. Il jouait encore avec moi, c'était assez évident. Et de toute façon, je m'étais laissée faire, alors il n'y avait plus rien à dire. Ezekiel m'impressionnait toujours autant, dans le fait que je ne le comprenais. Non, je ne comprenais pas pourquoi il faisait tout ça, pourquoi il jouait avec moi, comme une vulgaire poupée, alors que nous pouvions très bien parler tranquillement. Mais non, avec lui, tout était question de jeu. Je pensais que je devais être habituée maintenant, de jouer, et de toujours être la poupée. Ça n'était pas la première fois que ça arrivait, et je m'en rendais compte. Je suis trop vulnérable, là est le problème. Mais je ne sais pas comment m'en débarrasser, alors je crois que le rôle de poupée va me coller à la poupée jusqu'à la fin de ma vie.

Mon amoureux ? Il me taquinait, et en plus, il me prenait pour une gamine de cinq ans. Sympathique. Mais bon, bizarrement, cela ne m'étonnait de sa part. J'avais l'impression que plus rien ne m'étonnait, mais peu importe. Je pensais tout de suite à Zachary. Bien sûr qu'il s'énerverait, s'il savait que quelqu'un d'autre que lui me touchait, ne serait-ce d'un pouce. Il aurait sûrement donné un coup de poing à Ezekiel pour ce baiser, mais je ne comptais pas lui dire. Après tout, cela ne signifiait rien, et Zachary devait très probablement dormir. Il n'y avait que nous deux, et c'était pour cette raison que Ezekiel pouvait tout se permettre, car il savait que personne nous regarderait. « Oui, c'est très probable. C'est pour cette raison que je te conseille de ne plus recommencer. » Je souris, avant de m'éloigner avec mes patins. J'aimais bien me balader sur la glace, je me sentais tellement libre et légère, tel un oiseau. Je m'arrêtais quand j'entendis les paroles d'Ezekiel résonner dans la salle. Je me demandais bien s'il savait patiner. Je pense que ça m'aurait bien faire rire s'il était tombé, je ne savais pas pourquoi je pensais cela d'ailleurs, mais qu'importe, je lui dis doucement: « D'accord, j'arrête de faire la tête si tu me fais une belle figure de patinage. » Je détournais le regard, avant de retourner patiner.