Je m'accrochais à un rocher, avec le plus de force que je pouvais. Le vent fouettait sur mon visage, et me poussait vers la mer. Non, je ne voulais pas tomber. Non, je n'avais pas fini ma vie sur Terre, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais me laisser abattre. J'entourais mes frêles bras autour du rocher, et je le tenais comme si ma vie en dépendait. A ce moment-là, je me demandais bien ce qu'il m'avait pris d'être sortie aujourd'hui. Il faisait beau pourtant, ce matin. D'ailleurs, j'avais enfilé un short, une ceinture marron et un débardeur blanc. Grosse erreur de ma part. J'en payais le prix à présent: j'avais la chair de poule, et je me sentais trembler. Ça m'apprendra à vouloir contempler la mer du haut de la falaise. Ça m'apprendra à vouloir contempler la belle nature, qui à présent, se rebellait. J'avoue que je ne m'y attendais pas, ce temps était pourtant si inhabituel à Arrowsic. Et j'avais choisi le parfait endroit pour se protéger d'une tempête: les falaises ! Ironie du sort, cela devait toujours tomber sur moi. A croire que la vie voulait m'abattre. A croire que je méritais tous ces malheurs. Je regardais autour de moi. Je ne sais pas combien de temps j'allais rester dans cette position, mais je ne pourrais pas tenir bien longtemps. Je vis une fille, au loin, qui se protégeait derrière un arbre. Elle avait l'air d'être aussi apeurée que moi. Je distinguais également une silhouette commune, qui frappait tout ce qu'il y avait. Je reconnus Felix, et je me demandais bien pourquoi il était en colère. Il pensait sans doute à sa fille. J'essayais de détacher mon bras pour lui faire signe en criant: « Felix ! » Mais qu'est ce qu'il me prenait ? Sans m'en rendre compte, j'étais partie de l'autre côté du rocher, et en me retournant, j'aperçus que la mer était juste derrière moi. Non, non, pas tout de suite. Avec le bras qui était resté sur le rocher, j'essayais de tenir, pas bien longtemps. Je faisais pitié. Alors que j'allais lâcher, je sentis une main qui vint prendre la mienne. J'étais sauvée. Un grand soulagement m'envahissait. C'était un homme, que je ne connaissais pas. Je me tenais à lui, qui était beaucoup plus robuste que moi. Je lui souris en lui disant: « Merci. »
Je le savais... Je le savais que je n'aurais jamais du bouger de mon lit ce matin, que ça allait être une journée pourrie du début jusqu'à la fin. Qu'est-ce que je disais ! Comme d'habitude lorsque je voulais réfléchir ou essayer de me calmer d'un quelconque soucis, j'étais sorti de chez moi et était parti dans un endroit que je jugeais assez calme pour me faire oublier mes petits soucis. Sauf qu'aujourd'hui, calme n'était pas vraiment le mot approprié. J'avais zappé la météo, sachant très bien que l'on était jamais si bien servi que par soi-même, mais je regrettais maintenant. J'étais sur les falaises, en pleine tempête. Mais bizarrement, je n'en avais rien à faire de ce vent et de cette pluie. Tout ce qui m'importait pour le moment, c'était Carlie. Je ne l'avais pas vu depuis un bon bout de temps et n'avait aucune nouvelle d'elle depuis ce temps. Alors oui, ça a le don de m'énerver ! Je rappelais encore une énième fois, sans me préoccuper du temps qui se faisait de plus en plus violent et sans remarquer les gens autour de moi. Aucune réponse, "nous sommes désolés pour cette interruption des réseaux. Nous faisons notre possible pour les rétablir". Ouais c'est ça ! Une branche se brisa et tomba juste à mes pieds. Wow... Ça me ramena à la réalité et je regardais autour de moi. Il y avait trois autres personnes. Une sous un arbre, une accrochée à un rocher et la dernière au bord de la falaise.
Un "Felix" retentit à travers le vent, je me retournais et vit un homme attrapais la main de cette femme sur le rocher. J'étais trop loin et le temps était trop mauvais pour que je reconnaisse quelqu'un de là où j'étais... Cette femme était en sécurité apparemment. Mais j'avais tout de même l'impression de la connaître... Et elle aussi apparemment. Je vis seulement une autre femme, assisse sous l'arbre à côté duquel j'étais. Elle semblait plutôt mal en point d'ailleurs... Je m'accroupis à ses côtés, m'accrochant à l'arbre comme je le pouvais, et regardais cette femme.
Les hommes et les femmes sont au moins d'accord sur un point : ils n'ont aucune confiance dans les femmes.
Cela faisait maintenant un peu plus de deux semaines que je n’étais plus le Leandro d’avant. Le Leandro qui aimait tout le monde et qui croyait qu’il vivait dans le monde des bisounours n’existe plus. Il est à des milliers de kilomètres et il n’a pas l’intention de revenir. Tout ça à cause d’une femme, et pas n’importe quelle femme : Jenna Sharly Middlebrooks. Même à l’extérieur du monde des bisounours, je rester persuadé qu’elle est la femme de ma vie. Cependant, rien ne sera plus jamais comme avant. Elle m’a menti, trahi. Elle ne m’a pas trompé, non, elle m’a dissimulé quelque chose de très important. Ma paternité. Voilà deux semaines que je ressasse cette histoire dans ma tête. Elle tourne en boucle et je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu se passer dans la tête de la Middlebrooks. Elle a accouché il y a presque deux ans d’une petite fille qui est apparemment la mienne, et elle n’a jamais trouvé le moyen de me le dire. J’aurais compris si l’on était d’anciens amants ennemis, mais non ! Nous n’avons eu qu’une très courte aventure et Jenna est ma meilleure amie depuis le collège. Le pire ? J’avais des doutes, puisque la petite me ressemble de plus en plus. Mais Jenna m’a assuré du contraire, alors je l’ai crue. Si Jenna me disait que les éléphants avaient une queue rose en tire-bouchon, je serais prêt à la croire. Enfin, maintenant, ce n’est plus le cas.
Quoiqu’il en soit, j’étais venu me réfugié au bord des falaises pour réfléchir à la situation. Jenna m’assurait qu’elle m’aimait plus que tout au monde et j’avais un mal fou à la croire. Comment faire lorsque dans un couple, il n’y a plus aucune confiance ? Peut-être que l’air frais des falaises allait m’aider à y voir plus clair. Seulement, ce n’était pas vraiment l’idée du siècle. Dehors, il ne faisait pas beau, vraiment pas. La tempête faisait rage, en fait, mais il était trop tard pour ne serait-ce que penser à faire demi-tour et ce, pour plusieurs raisons. La première, je ne pense pas que j’aurais passé la porte de mon appartement vivant. La deuxième, j’apercevais une jeune femme appuyée contre un arbre, elle semblait terrifiée. Je ne suis pas assez lâche pour partir alors qu’elle pourrait avoir besoin d’aide. Et la troisième, non des moindres, je voyais une deuxième jeune femme accrochée à un rocher qui semblait encore plus terrifiée que la première. Elle regardait tout autour d’elle, comme à la recherche d’une cause perdue ou je n’sais quoi. Même si elle était apeurée, je pensais qu’elle arriverait à se relever seule, jusqu’au moment où elle leva le bras pour faire signe à un homme que je n’avais pas remarqué jusque-là. « Félix ! » Je lançais un rapide regard à ce fameux Félix, mais je n’y prêtais pas plus attention, à vrai dire, la jolie blonde là-bas avait vraiment l’air d’avoir besoin d’aide. Elle ne va pas tenir longtemps. C’est peut-être bien l’heure de ta BA du jour, Leandro. Au moment où elle allait lâcher le rocher et se laisser tomber, j’attrapais sa main, ce qui sembla la soulager puisqu’elle s’accrocha à moi comme un singe s’accrocherait à sa banane. « Merci. » J’aurais presque envie de lui dire que c’est normal, qu’elle n’avait pas besoin de me remercier, mais là, ça ferait vraiment le cliché type du beau mec qui sauve la vie de la princesse ou je n’sais quoi encore. Alors au lieu de parler, je préférais nous éloigner du bord. Je suis désespéré, mais pas au point de me laisser tomber et d’aller caresser les rochers en bas.
Lorsque nous nous étions alors assez éloigné du bord, je la lâchais en lui lançant un petit « C’est normal. » pour la forme. Le temps s’aggravait et je préférais m’abriter, c’est pour ça que j’allais me poser sous le même arbre que la première jeune femme de tout à l’heure, accompagné de la blonde qui devait sûrement avoir très froid vu le peu de vêtements qu’elle portait. Nous étions maintenant tous les quatre sous l’arbre et « Félix » semblait s’inquiéter pour la brunette, puis qu’en arrivant près d’eux, j’entendis un « Ça va ? ». Je m’inquiétais sûrement autant que lui, mais je ne dis rien. Qu’aurais-je pu dire de toute manière ? Je me contentais donc de tous les observer.
Personne n’osait rien dire. Seuls le vent et le bruit des vagues frappant sur les rochers se faisaient entendre. La nature avait repris sa place, elle nous dominait tous à présent. Et nous, dans tout ça, nous étions insignifiants. Des petites personnes qui ne représentaient rien. Des personnes apeurées. Surtout moi, en fait, mais je pouvais deviner sur les visages de mes camarades qu’ils étaient aussi effrayés que moi. Cette ambiance de désastre, de désespoir me faisait peur. Je me sentais incroyablement vulnérable, et ça me faisait encore plus peur. A chaque seconde qui passait, nous étions susceptibles de nous faire emporter par ce terrible ouragan menaçant. Chaque seconde était un supplice. Chaque seconde signifiait que le temps passait, et qu’il allait sans doute tout emporter. A chaque seconde, j’avais l’impression de m’enfoncer dans un néant. Oui, je ne savais plus où j’en étais. Je ne savais pas quoi faire. J’étais incapable de décrocher un mot, ni de bouger d’un cheveu. A cet instant précis, j’aurais aimé être devant ma télévision à écouter le flash info. Mais cette fois-ci, c’était moi qui vivais ce qui allait passer à la télévision le lendemain. C’était moi qui vivais le désastre, et je n’étais pas seule. C’est alors que je réalisais ce qui était en train de se passer. Nous étions vulnérables à la mort. C’était réel. Je ne rêvais pas non, bien que je l’aurais souhaité. De plus, nous n’avions aucun abri, si ce n’est qu’un arbre dont les feuilles se décrochaient rapidement avec un bruit effrayant. Il n’y avait que nos petits corps humains. Juste ça, pour pouvoir nous défendre. Inutile de dire que la bataille était peine perdue.
Je me tenais à côté de l’homme qui venait de m’empêcher de tomber de la falaise. Il y avait en face de moi Felix et une autre jeune femme dont je ne connaissais pas le nom. Aucun d’entre nous n’osait prendre la parole, certainement étions nous plongés dans nos pensées. Je les observai. Ils pensaient sûrement à leurs proches. Et moi ? A qui je pensais ? Je me rendis compte que moi, j’étais seule. Je me rendis compte que personne n’allait s’apercevoir de mon absence, et personne n’allait s’inquiéter pour moi. Non, personne. Je faillis verser une larme à cette pensée. Se sentir seule, c’est un sentiment horrible, et je l’avais compris depuis quelques temps à présent. Et puis finalement, et si l’ouragan m’emportait ? Cela ne signifierait rien pour personne. Cela sera une personne de moins dans ce monde, c’est tout. Mais non, je ne voulais pas mourir, pas maintenant. Le vent soufflait de plus en plus fort. J’ignorais où l’ouragan se dirigeait, mais il avait l’air de vouloir rester ici, à notre plus grand désespoir. Il y avait des cailloux qui volaient dans tous les sens, des branches qui tombaient violemment sur le sol, et des arbres dont les racines cherchaient à s’extirper de la terre. Tout cela m’effrayait. C’était un horrible vacarme, un horrible capharnaüm. Il ne fallait pas rester ici. Alors, d’une toute petite voix, je dis : « Il faudrait peut-être aller ailleurs, non ? » Ils avaient l’air d’être tous d’accord avec cette proposition, et ils allaient tous se lever, quand je me sentis tomber par terre violemment. J’étais avide de force. Je ne sentais plus mes membres, seul le vent pouvait me secouer encore. Ma tête me faisait mal, et mon ventre également. Pourquoi ce soudain malaise ? Je me souviens : je n’avais rien mangé depuis le début de la journée. Et cette force du vent me rendait de plus en plus faible. Je voyais flou, de plus en plus flou, jusqu’à l’obscurité totale. Je n’entendais plus rien, juste des brouhahas incompréhensibles. J’étais plongée dans un autre monde, dans un monde sans sensations.
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