⊹ rappelles-toi, juste une fois, l'avenir des souvenirs.

« Mamaaaan ! » Je m'avançais vers ma mère, qui venait de rentrer à la maison. Par "maison", je veux dire le minuscule studio que nous partagions toutes les deux depuis ma naissance. Elle me prenait dans ses bras en souriant légèrement, et moi je me blottissait contre elle. Je ne l'avais pas vu depuis tôt ce matin, puisqu'elle faisait des études qui lui prenait beaucoup de temps. Généralement, c'est ma tata maternelle qui me gardait quand elle le pouvait, si bien que je la considérait un peu comme une seconde mère. Mais je n'en restait pas moins très roche avec ma vraie maman. Toutes les deux, on s'entendait à merveille, on avait une relation unique. Nous étions très proche, puisque après tout, elle était le seul parent que j'avais. Je ne connaissais pas mon père, dans la mesure où j'étais le fruit d'une histoire d'un soir. Je n'étais donc pas une enfant voulu, et pourtant ma mère avait décidé de me garder, et de faire de son mieux pour m'élever et me rendre heureuse. Et ça, jamais je ne pourrais être assez gratifiante à son égard. « Ma puce. Comment ça va ? Tu as passé une bonne journée ? » Je hochais la tête de bas en haut avec enthousiasme pour lui répondre positivement. Puis j'embrassais sa joue en souriant toujours grandement. J'étais une petite fille joyeuse de nature, toujours en train de sourire et de rigoler. Une fois tata partie, maman se dépêchait de préparer à manger puisqu'il était déjà tard et j'avais école le lendemain. Notre organisation n'était pas vraiment géniale, bien au contraire, mais on s'y était faite elle et moi. Mais il m'arrivait souvent de rêver que tout puisse s'arranger, que nous ayons une vie "normale" elle et moi. Et pour ça, je savais ce que nous avions besoin. J'étais assise à table, mes jambes se balançaient sous ma chaise et je regardait ma mère me servir des pâtes. « C'est quand que mon papa va revenir ? » demandais-je d'une petite voix. Maman eu un moment d'arrêt. Cette question avait le don de la surprendre à chaque fois que je lui posais. Elle prit le temps de se servir et de s'asseoir en face de moi avant de me répondre. « Tu le verras un jour, je te le promets. Mais pas maintenant, chérie. » Le problème c'est qu'elle me donnait toujours la même réponse, et pourtant je ne l'avais pas encore vu pour le moment. Même si j'avais extrêmement hâte de le rencontrer.

⊹ you can dance right through your life.

« Et au sommet de la pyramide.. Carlie ! » les cinq autres danseuses de mon groupe m'applaudirent, et moi je souris grandement. J'étais fière de moi, j'avais hâte d'annoncer ça à maman tout à l'heure. Je pratiquais la danse depuis mes trois ans, et j'étais plutôt douée à vrai dire. J'avais commencé les compétitions à l'âge de six ans, et j'avais gagné pour la première fois la première place à l'âge de sept ans. Et depuis j'enchaînais les concours. Et j'aimais ce style de vie, je ne vivais plus que pour ça. Depuis notre arrivée en ville, un an plus tôt, maman m'avait inscrit dans l'une des meilleures écoles de la région. J'y passais la plus grande partie de mon temps libre, si bien que mes camarades de danse était devenus comme une seconde famille. Malgré un directeur tyrannique et on ne peut plus sévère, je préférais presque être au studio que chez moi ou à l'école. Surtout parce que du coup j'étais avec mes meilleurs amis. Cette histoire de pyramide, c'est assez compliqué à expliquer. Tous les lundi, quand nous avions une compétition le week-end précédent, notre professeur faisait une "pyramide" avec nos portraits qu'il accrochait sur le miroir de la classe. En bas de la pyramide, les danseurs qui avait le moins bien dansé. En haut, au contraire, les meilleurs. Se retrouver en haut était comme un privilège, une récompense. Cela voulait aussi dire qu'en plus de la chorégraphie en groupe, nous étions sûr d'avoir une danse en solo à la prochaine compétition. J'étais heureuse, parce que mon père allait assister pour la première fois à l'une de mes compétitions. En effet, un peu après notre arrivée, j'avais enfin pu le rencontrer. Mon plus grand rêve s'était enfin réalisé. Et le mieux dans tout ça, c'est que je m'entendais merveilleusement bien avec lui. Mais aussi, et surtout, que mes parents allait se remettre ensemble, pour de vrai. « Vous aurez comme à chaque fois une danse en groupe. Mais j'ai une petite surprise.. » On se regardait toutes les six en se demandant quelle pouvait-être la surprise. J'étais très proches des cinq autres filles, on passait au minimum deux heures ensemble par jour, parfois même toute une journée. J'étais la cadette du groupe. La plus âgée avait quatorze ans. « Nous allons avoir un invité surprise.. Nick ! » On se mit à crier de joie en trépignant et en sautant sur place. Nick, c'était selon moi, et selon beaucoup d'autres, l'un des garçons des plus beaux du studio, et des plus talentueux aussi. Je n'étais pas "amoureuse" de lui, mais j'adorais être en sa présence, parce que premièrement il était plus âgé, et donc plus doué en danse et c'était bénéfique de danser avec lui. Et deux c'était tellement cool de passer du temps avec un garçon comme lui. Comme si je n'étais pas assez enthousiaste comme ça, notre professeur continua « Carlie, ton solo s'intitule "Pink balloon". C'est un mélange de contemporain et de jazz. » Je hochais la tête, un sourire dessinait jusqu'aux oreilles. Puis il distribuait les autres danses aux autres filles avant de taper dans les mains. Nous étions déjà échauffées, alors l'apprentissage de nos danses pouvait débuter dès maintenant. J'étais aux anges, et je faisais de mon mieux pour enchaîner les différents mouvements demandés, tout en veillant à être synchro avec les autres. « On contracte les abdos ! Et on pointe les pieds, sinon je viens vous les casser pour être sûr que vous le fassiez. » Et on s'appliquait du mieux qu'on pouvait, sous les cris du directeur/professeur. Mais ils ne m'atteignaient pas, j'étais trop enthousiaste, trop impatiente.

⊹ à nous, à ceux qui prennent le plaisir comme il vient.

12h, à la cantine de l'école. Je regardais avec dégoût l'assiette posée sur mon plateau repas. L'espèce de purée pâteuse et les nuggets de poulet trop salés me donnaient envie de vomir. J'avais toujours été très difficile niveau alimentation, mais depuis quelque temps c'était encore pire. Je faisais attention à ce que je mangeais. Beaucoup trop même. Je veillais à ne pas prendre un gramme, à ce que mes cuisses et mon ventre ne gonfle pas. Je tenais à être parfaite, même si je ne devais rien manger pour ça. Je repoussais mon plateau vers le centre de la table en faisant une grimace. Un ami assis en face de moi en profitait pour prendre mon yaourt au chocolat. Ma meilleure amie jouait avec sa purée. « Ils pourraient au moins nous servir des trucs bons. » dis-je en ronchonnant. La plupart des personnes assises à ma table acquiescèrent. Les repas à la cantine n'étaient que trop rarement bons, du coup je sautais mon repas quasiment tous les midis. Mes parents n'étaient pas au courant, heureusement d'ailleurs sinon ils seraient capables de me forcer à manger je ne sais pas comment. « Regardez la veste de Maddie, c'est trooop moche ! » On se tournait tous vers la fille en question. Sa veste était hideuse, c'est vrai. Elle était d'une couleur jaunâtre étrange. Jamais je n'aurais été capable de sortir avec ça sur le dos. « Elle devrait avoir honte de sortir avec ça. » Maddie, c'était une petite peste dans notre classe. Mes amis et moi ne l'apprécions pas du tout, et nous ne manquions jamais de nous moquer d'elle. De mon côté j'avais de la chance, ma mère me cédait presque toujours ce que je voulais, surtout niveau vêtements. Il suffisait que je fasse une tête de chien battu pour que cela fonctionne. Et puis depuis que j'avais rencontré mon père, lui aussi m'achetais tout ce que je voulais, alors j'en profitais le plus possible, car je savais que cela n'allait pas durer éternellement. Le garçon qui était assis à côté de moi fit tomber son yaourt au chocolat sur le sol. Je ne pu m'empêcher de rigoler en regardant le yaourt couler sur le sol blanc de la cantine. « Maddie vient vers nous, alerte ! » Je jetais un coup d'oeil dans sa direction, elle s'approchais de nous, visiblement pas très contente. Je détournais les yeux, en essayant de ne pas rigoler. La confrontation allait être explosive encore une fois. Elle devait sûrement avoir remarquer que nous la regardions et en conclure que nous parlions d'elle. Et une fois arrivée vers nous, elle glissa sur le yaourt tombé au sol et tomba en plein milieu de la cantine. Tout le monde la regardait, et nous, nous éclations de rire. Puis je la regardait avec dédain. « Tu devrais faire attention sur quoi tu marche, ça t'éviterait de te taper la honte ! » Puis j'éclatais de rire une nouvelle fois. Oui j'étais méchante, mais je l'assumais totalement. Elle se relevait, et nous pouvions voir une tâche marron sur le derrière de son pantalon blanc. Tout le onde dans la cantine riait. Et Maddie devînt toute rouge, j'ignorais si s'était de honte ou de rage. Mais j'eus très vite la réponse. Elle me regardait d'un air furibond. « Tout ça c'est de ta faute ! » Non ce n'était pas le cas, mais ça elle n'était pas censé le savoir. Elle attrapa une poignet de nuggets dans l'assiette d'une de mes amies et me les lança à la figure. Je me levais, choquée, la bouche grande ouverte. Elle avait osée me jeter de la nourriture au visage. Tout le monde nous regardait, sachant bien que la guerre venait de commencer. Je prenais mon assiette encore pleine de purée et je lui écrasait dans les cheveux. Et poussa un cri aigu avant de me sauter dessus. Les cris d'encouragement des autres élèves fusèrent dans toute la pièce, ils se rapprochaient pour mieux assister au "spectacle". Cela aurait pu durer longtemps, et dégénérer si le surveillant et le proviseur n'était pas entrer dans la cantine au même moment. C'est le cri grave du proviseur qui nous stoppa net dans notre élan. « Carlie Moorgate-Owens, Maddison Smith. Dans mon bureau, tout de suite ! »Sa voix avait résonnait dans l'immense pièce. Tous les élèves retournaient leurs tables, l'air de rien. De mon côté je me relevais en baissant la tête. J'allai avoir de sérieux problème. Il allait falloir que je l'annonce à mes parents. J'étais mal barrée !